Livres: Et ils investirent le camp des saints et la ville bien-aimée (Is current reality fast catching up with Jean Raspail’s 40-year-old grim vision?)

The Camp of the saints (Jean Raspail, 1973)Quand les mille ans seront accomplis, Satan (…) sortira pour séduire les nations qui sont aux quatre coins de la terre, Gog et Magog, afin de les rassembler pour la guerre; leur nombre est comme le sable de la mer. Et ils montèrent sur la surface de la terre, et ils investirent le camp des saints et la ville bien-aimée. Jean (Apocalypse 20: 7-9)
La prophétie de malheur est faite pour éviter qu’elle ne se réalise; et se gausser ultérieurement d’éventuels sonneurs d’alarme en leur rappelant que le pire ne s’est pas réalisé serait le comble de l’injustice: il se peut que leur impair soit leur mérite. Hans Jonas
It’s the end of the world and I feel fine. REM
If they want peace and security, they should surrender to the will of Islamic Shariah. Muslims have to protect Copts. Sobhi Saleh (ex-député égyptien des Frères musulmans et seul représentant des groupes anti-Moubarak choisi par l’Armée pour la récente révision constitutionnelle)
Israel treats us as enemies If they are enemies for all its neighbors, why is it there? Sobhi Saleh
Nous pourrions chercher ensemble un nouveau style de vie qui rendrait possible la subsistance de 8 000 millions d’être humains que l’on estime devoir peupler la planète en l’an 2 000. Sinon, aucun nombre de bombes atomiques ne pourra endiguer le raz de marée constitué par les millions d’êtres humains qui partiront un jour de la partie méridionale et pauvre du monde, pour faire irruption dans les espaces relativement ouverts du riche hémisphère septentrional, en quête de survie. Boumediene (cité par Alfred Sauvy, mars 1974)
Un jour, des millions d’hommes quitteront le sud pour aller dans le nord. Et ils n’iront pas là-bas en tant qu’amis. Parce qu’ils iront là-bas pour le conquérir. Et ils le conquerront avec leurs fils. Le ventre de nos femmes nous donnera la victoire. Houari Boumediene (citation apocryphe ou faux, à partir d’un discours à l’ONU, 10.04.74 ?)
Nous avons 50 millions de musulmans en Europe. Il y a des signes qui attestent qu’Allah nous accordera une grande victoire en Europe, sans épée, sans conquête. Les 50 millions de musulmans d’Europe feront de cette dernière un continent musulman. Allah mobilise la Turquie, nation musulmane, et va permettre son entrée dans l’Union Européenne. Il y aura alors 100 millions de musulmans en Europe. L’Albanie est dans l’Union européenne, c’est un pays musulman. La Bosnie est dans l’Union européenne, c’est un pays musulman. 50% de ses citoyens sont musulmans. L’Europe est dans une fâcheuse posture. Et il en est de même de l’Amérique. Elles [les nations occidentales] devraient accepter de devenir musulmanes avec le temps ou bien de déclarer la guerre aux musulmans. Kadhafi (10.04.06) 
The discovery in Dover of the bodies of 58 Chinese who suffocated to death in the container in which they were being smuggled into this country is unlikely to deter anyone from making a similar effort in the future. The urge to migrate in search of a better life has always been a strong one, but it has never been stronger than it is today. Thanks to television, the poor are in daily imaginative contact with the rich, and the unprecedented movement of goods and people across frontiers has given the poor more opportunities to migrate than ever before. Moreover, oppressive political regimes are by no means consigned to history, and probably never will be. Both push and pull, therefore, favour mass migration. The rich countries of the world are far from delighted by such a prospect, however, and all try to erect barriers to limit the influx of political refugees and economic migrants. The author of this short book, which is part reportage and part analytical essay, believes that « fortress Europe » is neither desirable nor practicable. His sympathies are all with the migrants, and not with the mean-spirited authorities who try to keep them out. No one loves an immigration officer. (…) The essential dilemma of the situation is this: should everyone who wishes it be permitted entry into western Europe or not? After all, the pool of potential immigrants is vast. (…) Most people would agree that there has to be some limit to immigration: that a world without frontiers is not really a possibility in the foreseeable future. Upon what basis, then, are immigrants to be allowed or refused entry and residence? Is the determining factor to be our need of their labour or their need of our succour? Is the fact that some immigrant groups are more easily assimilated into our culture than others to be taken into account? Is it really true that one immigrant is as good as another? And how many immigrants should be accepted annually into a country like Britain? 700? 7,000? 70,000? 700,000? 7m? These are hard questions, and can’t really be avoided. Moreover, Harding’s desire to dissolve boundaries, not only between countries and continents but between different kinds of human suffering, so that anyone who has suffered anything in his or her life can plausibly claim to be a refugee, hardly helps: for if everyone is a refugee, no one is. And if there are no undeserving cases, there can be no specially deserving ones either. The book reads as if its author wants the glory of appearing generous, broadminded and warm-hearted, without the trouble of descending to tedious administrative detail that might so easily give one the opposite impression. Anthony Daniels
Et si Raspail, avec « Le Camp des Saints », n’était ni un prophète ni un romancier visionnaire, mais simplement un implacable historien de notre futur? Jean Cau
L’analyse néo-malthusienne de la divergence d’évolution des populations de l’Occident et du tiers monde a pu susciter diverses craintes, d’autant plus fortes et répandues qu’elles s’alimentent de rumeurs et de projections apocalyptiques. Dans les années soixante-dix, au moment de la première édition du roman, les thèses du Club de Rome (The Limits to Growth, notamment) menaient à la conclusion que la population et la production de biens matériels dépasseraient bientôt toute limite acceptable si le monde développé n’acceptait pas de freiner sa croissance et de revenir à un « état d’équilibre ». Parallèlement, certains prophètes du néo-malthusianisme stigmatisaient l’évolution démographique du tiers monde tandis que d’autres, à l’instar de Pierre Chaunu, comparaient dénatalité occidentale et implosion démographique du tiers monde. Outre leur néo-malthusianisme, ces diverses thèses ont en commun la présentation chiffrée — donc apparemment objective et scientifique — d’une évolution menaçante pour l’Occident. Celui-ci, tantôt gaspilleur universel (Club de Rome), tantôt dominé dans le domaine de la population, tantôt « ridé » (P. Chaunu), est présenté comme un monde en danger. Cet ensemble d’essais et d’ouvrages de vulgarisation, trahissant une sensibilité exacerbée à l’évolution démographique mondiale plus qu’un authentique effort de théorisation scientifique, forme un complexe idéologique néo-malthusien, dont le pôle littéraire est constitué par Le camp des Saints. Le roman offre ainsi la conclusion fictionnelle des craintes néo-malthusiennes en peignant le déferlement des foules du tiers monde sur l’Occident. Que l’auteur soit ou non conscient de cette démarche, son récit porte ces frayeurs à un paroxysme où est représentée la fin qu’elles appellent (idéo) logiquement : l’apocalypse occidentale. (…) Le camp des Saints, variante moderne de la peur ancienne de l’étranger violent et puissant, du « barbare » en somme, demeure isolé dans la production romanesque de ces quinze dernières années. Pour les romans, le thème du bonheur sauvage, retrouvé dans le tiers monde, domine nettement celui de la « barbarie », et bien plus nombreux sont les ouvrages qui mettent l’accent sur l’euphorie primitive des pays pauvres. Nous ne citerons pour mémoire qu’un seul de ces romans ayant connu un succès assez important, Désert de Jean-Marie Le Clézio, qui assigne au Maroc désertique le statut d’espace du bonheur. Cette situation de la thématique romanesque n’incite qu’à un optimisme relatif, car, de Raspail à Le Clézio, on passe finalement d’un mythe à l’autre : du barbare agressif au bon sauvage, comme si l’Occident ne parvenait pas à expulser de ses récits les vieux démons de l’exotisme. Jean-Marc Moura (1988)
Comme jadis avec le communisme, l’Occident se retrouve sous surveillance idéologique. L’islam se présente, à l’image du défunt communisme, comme une alternative au monde occidental. À l’instar du communisme d’autrefois, l’islam, pour conquérir les esprits, joue sur une corde sensible. Il se targue d’une légitimité qui trouble la conscience occidentale, attentive à autrui : être la voix des pauvres de la planète. Hier, la voix des pauvres prétendait venir de Moscou, aujourd’hui elle viendrait de La Mecque ! Aujourd’hui à nouveau, des intellectuels incarnent cet oeil du Coran, comme ils incarnaient l’oeil de Moscou hier. Ils excommunient pour islamophobie, comme hier pour anticommunisme. (…) Comme aux temps de la guerre froide, violence et intimidation sont les voies utilisées par une idéologie à vocation hégémonique, l’islam, pour poser sa chape de plomb sur le monde. Benoît XVI en souffre la cruelle expérience. Comme en ces temps-là, il faut appeler l’Occident « le monde libre » par rapport au monde musulman, et comme en ces temps-là les adversaires de ce « monde libre », fonctionnaires zélés de l’oeil du Coran, pullulent en son sein. Robert Redeker
La pitié ! La déplorable, l’exécrable pitié, la haïssable pitié ! Vous l’appelez : charité, solidarité, conscience universelle, mais lorsque je vous regarde, je ne distingue en chacun de vous que le mépris de vous-mêmes et de ce que vous représentez. […] En pariant sur la sensibilité, que vous avez dévoyée, des braves gens de chez nous, en leur inculquant je ne sais quel remords pour plier la charité chrétienne à vos étranges volontés, en accablant nos classes moyennes prospères de complexes dégradants […], vous avez créé de toutes pièces au coeur de notre monde blanc un problème racial qui le détruira, et c’est là votre but. Consul belge (personnage du roman)
Me voilà avec un million de frères, de sœurs, de pères, de mères et de fiancées. Je ferai un enfant à la première qui s’offrira, un enfant sombre, après quoi je ne me reconnaîtrai plus dans personne…(…) Je vous hais. Et c’est chez vous que je conduirai les plus misérables, demain. Ils ne savent rien de ce que vous êtes, de ce que vous représentez. Votre univers n’a aucune signification pour eux. Ils ne chercheront pas à comprendre. […] Chacun de vos objets perdra le sens que vous lui attachiez, le beau ne sera plus le beau, l’utile deviendra dérisoire et l’inutile, absurde. Plus rien n’aura de valeur profonde. Cela va être formidable ! Foutez le camp ! Jeune pillard européen à un vieux professeur de français à la retraite)
Le titre m’est venu de la lecture de l’Apocalypse, du chapitre 20, qui annonce qu’au terme de mille ans, des nations innombrables venues des quatre coins de la Terre envahiront « le camp des saints et la Ville bien-aimée ». Jean Raspail
Le 17 février 2001, un cargo vétuste s’échouait volontairement sur les rochers côtiers, non loin de Saint-Raphaël. À son bord, un millier d’immigrants kurdes, dont près de la moitié étaient des enfants. Cette pointe rocheuse faisait partie de mon paysage. Certes, ils n’étaient pas un million, ainsi que je les avais imaginés, à bord d’une armada hors d’âge, mais ils n’en avaient pas moins débarqué chez moi, en plein décor du Camp des saints, pour y jouer l’acte I. Le rapport radio de l’hélicoptère de la gendarmerie diffusé par l’AFP semble extrait, mot pour mot, des trois premiers paragraphes du livre. La presse souligna la coïncidence, laquelle apparut, à certains, et à moi, comme ne relevant pas du seul hasard. Jean Raspail
Qu’est-ce que Big Other ? C’est le produit de la mauvaise conscience occidentale soigneusement entretenue, avec piqûres de rappel à la repentance pour nos fautes et nos crimes supposés –  et de l’humanisme de l’altérité, cette sacralisation de l’Autre, particulièrement quand il s’oppose à notre culture et à nos traditions. Perversion de la charité chrétienne, Big Other a le monopole du Vrai et du Bien et ne tolère pas de voix discordante. Jean Raspail
Ce qui m’a frappé, c’est le contraste entre les opinions exprimées à titre privé et celles tenues publiquement. Double langage et double conscience… À mes yeux, il n’y a pire lâcheté que celle devant la faiblesse, que la peur d’opposer la légitimité de la force à l’illégitimité de la violence. Jean Raspail
En 1973, en publiant Le Camp des saints, j’ai déjà à peu près tout dit là-dessus. Je n’ai pas grand-chose à ajouter, sinon que je crois que les carottes sont cuites. Car je suis persuadé que notre destin de Français est scellé, parce qu’« ils sont chez eux chez moi » (Mitterrand), au sein d’une « Europe dont les racines sont autant musulmanes que chrétiennes » (Chirac), parce que la situation est irréversible jusqu’au basculement définitif des années 2050 qui verra les « Français de souche » se compter seulement la moitié la plus âgée de la population du pays, le reste étant composé d’Africains, Maghrébins ou Noirs et d’Asiatiques de toutes provenances issus du réservoir inépuisable du tiers monde, avec forte dominante de l’islam, djihadistes et fondamentalistes compris, cette danse-là ne faisant que commencer. La France n’est pas seule concernée. Toute l’Europe marche à la mort. Les avertissements ne manquent pas rapport de l’ONU (qui s’en réjouit), travaux incontournables de Jean-Claude Chesnais et Jacques Dupâquier, notamment, mais ils sont systématiquement occultés et l’Ined pousse à la désinformation. Le silence quasi sépulcral des médias, des gouvernements et des institutions communautaires sur le krach démographique de l’Europe des Quinze est l’un des phénomènes les plus sidérants de notre époque. Quand il y a une naissance dans ma famille ou chez mes amis, je ne puis regarder ce bébé de chez nous sans songer à ce qui se prépare pour lui dans l’incurie des « gouvernances » et qu’il lui faudra affronter dans son âge d’homme…Sans compter que les « Français de souche », matraqués par le tam-tam lancinant des droits de l’homme, de « l’accueil à l’autre », du « partage » cher à nos évêques, etc., encadrés par tout un arsenal répressif de lois dites « antiracistes », conditionnés dès la petite enfance au « métissage » culturel et comportemental, aux impératifs de la « France plurielle » et à toutes les dérives de l’antique charité chrétienne, n’auront plus d’autre ressource que de baisser les frais et de se fondre sans moufter dans le nouveau moule « citoyen » du Français de 2050. Ne désespérons tout de même pas. Assurément, il subsistera ce qu’on appelle en ethnologie des isolats, de puissantes minorités, peut-être une quinzaine de millions de Français et pas nécessairement tous de race blanche qui parleront encore notre langue dans son intégrité à peu près sauvée et s’obstineront à rester imprégnés de notre culture et de notre histoire telles qu’elles nous ont été transmises de génération en génération. Cela ne leur sera pas facile. Face aux différentes « communautés » qu’on voit se former dès aujourd’hui sur les ruines de l’intégration (ou plutôt sur son inversion progressive : c’est nous qu’on intègre à « l’autre », à présent, et plus le contraire) et qui en 2050 seront définitivement et sans doute institutionnellement installées, il s’agira en quelque sorte je cherche un terme approprié d’une communauté de la pérennité française. Celle-ci s’appuiera sur ses familles, sa natalité, son endogamie de survie, ses écoles, ses réseaux parallèles de solidarité, peut-être même ses zones géographiques, ses portions de territoire, ses quartiers, voire ses places de sûreté et, pourquoi pas, sa foi chrétienne, et catholique avec un peu de chance si ce ciment-là tient encore. (…) Il existe une seconde hypothèse que je ne saurais formuler autrement qu’en privé et qui nécessiterait auparavant que je consultasse mon avocat, c’est que les derniers isolats résistent jusqu’à s’engager dans une sorte de reconquista sans doute différente de l’espagnole mais s’inspirant des mêmes motifs. Il y aurait un roman périlleux à écrire là-dessus. Ce n’est pas moi qui m’en chargerai, j’ai déjà donné. Son auteur n’est probablement pas encore né, mais ce livre verra le jour à point nommé, j’en suis sûr…Ce que je ne parviens pas à comprendre et qui me plonge dans un abîme de perplexité navrée, c’est pourquoi et comment tant de Français avertis et tant d’hommes politiques français concourent sciemment, méthodiquement, je n’ose dire cyniquement, à l’immolation d’une certaine France (évitons le qualificatif d’éternelle qui révulse les belles consciences) sur l’autel de l’humanisme utopique exacerbé. Je me pose la même question à propos de toutes ces associations omniprésentes de droits à ceci, de droits à cela, et toutes ces ligues, ces sociétés de pensée, ces officines subventionnées, ces réseaux de manipulateurs infiltrés dans tous les rouages de l’Etat (éducation, magistrature, partis politiques, syndicats, etc.), ces pétitionnaires innombrables, ces médias correctement consensuels et tous ces « intelligents » qui jour après jour et impunément inoculent leur substance anesthésiante dans l’organisme encore sain de la nation française. Même si je peux, à la limite, les créditer d’une part de sincérité, il m’arrive d’avoir de la peine à admettre que ce sont mes compatriotes. Je sens poindre le mot renégat, mais il y a une autre explication : ils confondent la France avec la République. Les « valeurs républicaines » se déclinent à l’infini, on le sait jusqu’à la satiété, mais sans jamais de référence à la France. Or la France est d’abord une patrie charnelle. En revanche, la République, qui n’est qu’une forme de gouvernement, est synonyme pour eux d’idéologie, idéologie avec un grand « I », l’idéologie majeure. Il me semble, en quelque sorte, qu’ils trahissent la première pour la seconde. Jean Raspail (2004)
Il est exceptionnel qu’un éditeur se mêle d’écrire dans le livre d’un de ses auteurs. Qu’il s’agisse d’une note, d’un avertissement ou d’une préface, la pratique est si rare qu’elle a échappé à l’œil pourtant exercé de Gérard Genette : le chapitre qu’il consacre à « L’instance préfacielle », dans son fameux inventaires des coquetteries paratextuelles (Seuils, Seuil, 1987), est muet à ce sujet. Or, si l’on a déjà lu des avant-propos visant à justifier la publication d’un livre sulfureux (Pierre Nora pour le Journal 1939-1945 de Pierre Drieu La Rochelle) ou à soutenir celle d’un livre émondé de ses pages les plus contestées (Claude Durand pour La campagne de France de Renaud Camus), on ne souvient pas avoir jamais vu d’éditeur prenant ses distances avec le livre qu’il publie. Faut-il que l’affaire soit délicate pour en arriver à un tel état d’exception. Pierre Assouline
La véritable cible du roman, ce ne sont pas les hordes d’immigrants sauvages du tiers-monde, mais les élites, politiques, religieuses, médiatiques, intellectuelles, du pays qui, par lâcheté devant la faiblesse, trahissent leurs racines, leurs traditions et les valeurs de leur civilisation. En fourriers d’une apocalypse dont ils seront les premières victimes. Chantre des causes désespérées et des peuples en voie de disparition, comme son œuvre ultérieure en témoigne, Jean Raspail a, dans ce grand livre d’anticipation, incité non pas à la haine et à la discrimination, mais à la lucidité et au courage. Dans deux générations, on saura si la réalité avait imité la fiction. Bruno de Cessole
La zemmourisation des esprits est en marche, et à grande échelle (…) C’est la réédition que s’arrachent les tenants d’une France menacée dans son identité par un « raz de marée » de migrants. Pour une partie de la droite et de l’extrême droite, « Le camp des saints », de Jean Raspail, publié en 1973, est un livre prophétique, qui s’avère terriblement d’actualité. Le livre décrit en effet l’arrivée de 1 million d’immigrants, venant d’Inde, sur les côtes françaises. Ce qui annonce, selon l’auteur,« la fin du monde blanc ». Le Point

« Raciste »? « Toxique »? « Zemmour des années 70 »?

A l’heure où à chaque nouvelle dépêche la réalité semble vouloir rattraper la fiction la plus échevelée …

Où, avec leurs « démocratie islamique » et « partis de la Liberté et de la Justice » de l’autre côté de la Méditerranée, les « Frères » se préparent à « protéger les Coptes » …

Où la vague de déshérités qu’est en train de jeter sur nos plages l’actuel « printemps arabe » menace de prendre des proportions proprement apocalyptiques…

Et où la bienpensance socialisante des probables successeurs de notre brouillon Sarkozy national à l’Elysée l’an prochain a rarement été aussi haute …

Peut-on imaginer, de la part de notre belle âme de service de Libération, meilleure incitation…

A lire ou relire …

Condensé littéraire des projections néo-malthusiennes et proprement apocalyptiques à la Club de Rome du début des années 70  …

Ou envers pessimiste de l’idéologie, alors florissante, du néo-rousseauisme du bon sauvage à la Le Clézio …

La toute récente réédition de l’allégorie prophétique de Jean Raspail (« Le Camp des saints« )?

Appeler racistes les racistes 

Daniel Schneidermann  

Libération  

07/03/2011  

Ces dignitaires UMP acclamant Zemmour comme une pop star, ce Copé, ce Novelli, avec leurs calculs électoraux qui crèvent l’écran, leur panique camouflée en matoiserie, leur course aux canots de sauvetage déguisée en ricanantes provocations, leurs trépignements («on a quand même bien le droit de dire ce qu’on veut chez nous, na») : quelle image pour la jeunesse de Tunis ou du Caire ! Si toutefois cette jeunesse nous regarde, ce qui semble de moins en moins probable. Le légalisme de la jeune révolution tunisienne, sa décision d’élire une constituante ! Et pendant ce temps, nos benalistes rassis à nous, acclamant un raciste condamné ! 

Tiens, puisqu’on parle de la belle France, de la France éternelle, ouverte sur l’horizon. Pendant qu’il n’est bruit que de Zemmour, les éditions Robert Laffont viennent de rééditer le Camp des saints, de l’écrivain d’extrême droite Jean Raspail. Le livre a été publié en 1973. Son thème ? Un million d’Indiens miséreux, à bord d’une flottille hors d’âge, s’échouent sur la Côte d’Azur. Qu’en faire ? Les accueillir ? Les empêcher de débarquer, arme à la main ? Le véritable sujet du livre n’est pas l’invasion elle-même. C’est la capitulation des élites politiques et médiatiques françaises devant cette invasion. Ils rêveraient de tirer dans le tas, mais n’osent pas. Leur lâcheté, leur déballonnement, devant ce qu’on n’appelait pas encore, en 1973, la bien-pensance tiers-mondiste (mais le concept était déjà là) les paralysent. La médiatisation du livre a été limitée : quelques articles et interviews dans le Figaro Magazine et Valeurs actuelles. Même Copé n’a pas osé inviter Raspail (mais ça viendra peut-être). Le livre est pourtant un grand succès : 5 000 exemplaires ont été vendus en février. Jean Raspail, en outre, a participé à une grande émission de télévision, Ce soir ou jamais, animée sur France 3 par Frédéric Taddeï. Très bien. Il est tout à fait légitime que la télévision publique reçoive tout le monde, même les écrivains racistes, tant qu’ils n’ont pas été condamnés. Sauf que l’animateur, Taddeï, a soigneusement omis de prononcer un mot : «racisme», justement. «Sulfureux», «controversé» : pour présenter le livre, Taddeï s’est soigneusement limité à ces adjectifs, qui évitent de prendre parti et de s’engager.

Le Camp des saints est pourtant un livre raciste. Odieusement raciste. Si Frédéric Taddeï l’a vraiment lu, il ne peut le qualifier autrement. Exemples ? Ils fourmillent. Les naufragés de Jean Raspail puent, et l’écrivain insiste longuement sur cette puanteur. Pas un seul, dans ce million d’Indiens, n’est doté par le romancier d’un visage humain, ou de réactions humaines. C’est une masse grouillante, informe et menaçante. Noirs et Arabes, jetés sur les routes par la débâcle française devant cette invasion pacifique, ne sont que des délinquants et des violeurs. Il a beau être édité par l’honorable maison Robert Laffont, c’est un livre raciste – ce qui ne lui retire pas ses qualités littéraires, et notamment sa perverse puissance d’évocation. En considérant cet accueil critique intimidé, aujourd’hui, du Camp des saints, comment ne pas repenser à l’accueil critique de Bagatelles pour un massacre, l’immonde pamphlet antisémite de Céline, tel que le relatait récemment André Derval, dans un recueil passionnant (1) ? Céline le publie en 1937. Au comble de l’embarras, la «grande presse» fait silence. La presse d’extrême droite exulte. Rien que de très normal. Et il se trouve, dans les revues littéraires, des critiques pour exalter le style de l’œuvre, en faisant mine de ne pas voir son contenu. Jean Raspail était une sorte de Zemmour des années 70. Comme Zemmour, d’ailleurs, il faut le voir faire patte de velours, sur les plateaux.

 Entretien. L’écrivain retrace le destin hors norme du « Camp des saints ».

Jean Raspail : “Ouvrir les yeux sur les mensonges”  

Bruno de Cessole 

Valeurs actuelles

10/02/2011 

Revenant sur l’étonnante aventure de son livre, Jean Raspail raconte sa genèse comme les raisons de son audience, et confie ses ultimes convictions. 

Votre livre le Camp des saints, qui est réédité ce mois-ci avec une importante préface inédite, a été publié la première fois en 1973. Comment s’est imposé à vous ce que l’on peut considérer com­me votre premier grand ro­man ? 

Effectivement, j’avais publié auparavant deux romans de jeunesse qui n’avaient pas eu beaucoup d’écho, et des récits de voyage qui avaient touché un assez large public. L’image qu’ils donnaient de moi était celle d’un écrivain voyageur, qui se penchait avec intérêt et sympathie sur des peuples étrangers ou des minorités oubliées. Le Camp des saints tranchait de façon radicale à la fois avec cette image et avec la nature de mes précédents ouvrages, et même tranche avec mes romans ultérieurs. Si un livre m’a été “donné” ou “inspiré”, ce fut bien celui-là, encore que je n’accorde pas une considération particulière à la notion romantique de l’écrivain “mage et prophète”… On m’avait prêté une villa au bord de mer, dans le Midi. De la pièce que j’avais choisie pour écrire j’avais une vision à 180° sur l’horizon. Un jour que je contemplais cette vue idyllique, je me suis dit : « Et s’Ils arrivaient de la mer ? » Je me suis vu à la place du vieux professeur qui, du haut de sa terrasse, aperçoit dans sa longue-vue une armada de rafiots en ruines avec leur cargaison d’émigrants misérables rêvant à la Terre promise de l’Occi­dent. Je n’avais aucune idée de ces “Ils”, et pas davantage des personnages du roman, de l’intrigue et moins encore de sa fin. J’ai commencé à écrire, sans aucun effort, ce qui ne m’était pas naturel, et deux ans plus tard le livre était achevé. Le titre m’est venu de la lecture de l’Apocalypse, du chapitre 20, qui annonce qu’au terme de mille ans, des nations innombrables venues des quatre coins de la Terre envahiront « le camp des saints et la Ville bien-aimée ». En aucune façon vous n’avez été sensible à la pression de l’actualité ? Nullement, car on parlait peu à cette époque des flux migratoires. C’est sous la présidence de Giscard qu’a été inaugurée la politique de regroupement familial, qui a généré ces flux. Le Camp des saints ne fait pas référence à une communauté précise d’émigrants. Il n’est question ni des populations du Maghreb ni de l’Afrique, et aucunement d’une communauté religieuse particulière. Les migrants que j’évoque représentent le tiers-monde dans son ensemble. Si je les appelle les « gens du Gange », c’est que l’idée de multitude innombrable était liée dans mon esprit au continent indien. Quant à l’armada de bateaux hors d’âge sur lesquels ils embarquent, il s’agit d’une réminiscence de l’Exodus et aussi du phénomène plus récent des boat people, à cette exception près que les raisons de l’exode de ces derniers étaient politiques. Quelles ont été les réactions de l’éditeur à la réception de votre manuscrit, puis de la presse et du public à la sortie du livre ? Robert Laffont, mon éditeur, et toute son équipe lui ont réservé un accueil très chaleureux. Du côté de la presse, qui, au début, n’a pas été très abondante, les journaux de gauche sont restés silencieux et, dans la presse de droite, le livre, s’il a été loué par Valeurs actuelles, sous la plume de Pol Vandromme, a été éreinté par le Figaro… En fait, la critique s’est surtout manifestée lors de la réédition de 1985, pour laquelle j’avais donné une préface, sous le premier septennat de François Mitterrand. C’est alors que j’ai fait l’objet d’un tir de barrage et qu’on m’a décrété infréquentable. Il y a eu de vio­lentes attaques, notamment celle de Max Gallo, qui, depuis, a quelque peu changé d’avis… À l’étranger, le Camp des saints a été traduit dès 1975 aux États-Unis chez Charles Scribner’s Sons à New York et a suscité quantité d’articles. Le livre a été bien accueilli du public, et même des universitaires, qui l’ont inscrit au programme de plusieurs établissements. Dans la foulée, de nombreuses traductions étrangères ont suivi… En France, le livre s’est écoulé à 15 000 exemplaires, moins que ce qu’espérait Laffont, puis, vers la fin de 1974, alors qu’il aurait dû achever sa carrière, les commerciaux, à leur surprise, ont observé qu’il poursuivait sa progression. Jusqu’à la réédition de 1985, quelque 8 000 exemplaires par an, en moyenne, se sont vendus grâce au bouche à oreille. Je n’ai jamais rencontré un seul de ses lecteurs qui n’en en ait acheté qu’un exemplaire. Ils le prê­taient, on ne le leur rendait pas, ils en acquéraient un autre. Ainsi le Camp des saints a-t-il élargi son audience pour atteindre, toutes éditions et traductions confondues, près de 500 000 exemplaires jusqu’à aujourd’hui. 

Attachez-vous un prix particulier à cette réédition de 2011 et à la préface “musclée” que vous avez rédigée, sous le titre : « Big Other » ?

Cette réédition revêt pour moi une importance plus haute que les précédentes car il me semble que le moment où elle s’inscrit est crucial. La vi­sion développée dans le roman sera sans doute une réalité au­tour de 2050. La plupart des démographes sont d’accord sur le caractère inéluctable du phénomène, qui touche d’autres pays d’Europe. Les minorités dites visibles seront alors des majorités et ce sont les Français dits de souche qui seront minoritaires. Des pans entiers de ce pays seront peuplés de Français d’origine extra-européenne. On me dira que la France a été constituée par des vagues d’immigration successives. Certes, mais l’immigration des siècles précédents était composée d’immigrés d’origine européenne, qui, en deux ou trois générations, se sont intégrés dans le modèle français. Or, le modèle d’intégration républicain se révèle inopérant depuis au moins une décennie. On assiste à la prolifération du communautarisme, à la juxtaposition de groupes revendiquant leurs différences ethniques, religieuses, culturelles, qui ne se reconnaissent pas dans le “vouloir vivre ensemble” qui fait le ciment d’une nation, comme le soulignait Renan. Je défie nos gouvernants de prétendre qu’il s’agit là d’un progrès. Nous sommes ou serons confrontés à un retour à la tribalisation, qui m’apparaît comme le contraire de la civilisation. On a beaucoup parlé, récemment, de la nature de l’identité française, des limites de notre capacité assimilatrice, et puis on a enterré le débat dès que Big Other a froncé le sourcil.

Qu’est-ce que Big Other ?

C’est le produit de la mauvaise conscience occidentale soi­gneusement entretenue, avec piqûres de rappel à la repentance pour nos fautes et nos crimes supposés –  et de l’humanisme de l’altérité, cette sacra-lisation de l’Autre, particulièrement quand il s’oppose à notre culture et à nos traditions. Perversion de la charité chrétienne, Big Other a le monopole du Vrai et du Bien et ne tolère pas de voix discordante. Je n’ai jamais été un écrivain engagé, mais je n’ai jamais, non plus, dissimulé mes convictions, et j’aimerais que le Camp des saints ouvre les yeux des lecteurs sur les mensonges et les illusions qui pervertissent notre vie publique. Depuis sa parution, j’ai reçu énormément de courrier, et j’ai discuté avec nombre d’hommes po­litiques, de droite et de gau­che. Ce qui m’a frappé, c’est le contraste entre les opinions exprimées à titre privé et celles tenues publiquement. Double langage et dou­ble conscience… À mes yeux, il n’y a pire lâcheté que celle devant la faibles­se, que la peur d’opposer la légi-timité de la force à l’illégitimité de la violen­ce. Je crains, hélas ! que l’épilogue de la pièce ne soit déjà écrit, mais j’aurai au moins joué mon rôle d’estafette et essayé de libérer le pouvoir de la parole. À l’âge que j’ai, du reste, je n’ai plus rien à perdre : cette réédition est ma dernière “sortie”. L’occasion de rappeler, sans mépris et sans haine, que l’Autre, contrairement à ce qu’assurait François Mitterrand, n’est pas totalement chez lui chez moi !

Propos recueillis par Bruno de Cessole  

Voir aussi:

Evènement. Le roman-culte de Jean Raspail à nouveau en librairie. 

« Le Camp des saints », une réalité en 2050 ? 

Bruno de Cessole

Valeurs actuelles

10/02/2011

Assortie d’une préface inédite, la seconde réédition du roman prophétique de Jean Raspail s’inscrit au coeur des débats récents sur l’identité et le devenir de la France. 

Le 17 février 2001, un cargo vétuste s’échouait volontairement sur les rochers côtiers, non loin de Saint- Raphaël. À son bord, un millier d’immigrants kurdes, dont près de la moitié étaient des enfants. « Cette pointe rocheuse, écrit Jean Raspail au début de sa préface, faisait partie de mon paysage. Certes, ils n’étaient pas un million, ainsi que je les avais imaginés, à bord d’une armada hors d’âge, mais ils n’en avaient pas moins débarqué chez moi, en plein décor du Camp des saints, pour y jouer l’acte I. Le rapport radio de l’hélicoptère de la gendarmerie diffusé par l’AFP semble extrait, mot pour mot, des trois premiers paragraphes du livre. La presse souligna la coïncidence, laquelle apparut, à certains, et à moi, comme ne relevant pas du seul hasard. » 

Dans le Critique en tant qu’artiste, Oscar Wilde avait soutenu et démontré, longtemps avant, que ce n’est pas la fiction qui imite la réalité, mais la réalité qui imite l’art. À preuve. 

Depuis sa parution, en 1973, le Camp des saints n’a cessé de susciter la controverse et de conquérir de nouveaux lecteurs, de tous milieux, de toutes opinions, de tous âges, les un ano nymes, les autres connus ou haut placés, de François Mitterrand à Raymond Barre, d’André Malraux à Maurice Schumann, de Robert Badinter à Jean Anouilh, de Jean-Pierre Chevènement à Lionel Jospin, d’Alfred Sauvy à Denis Olivennes et même de Samuel Huntington au président Ronald Reagan… Cette troisième édition élargira-t-elle encore son audience ? Tel est le souhait de l’auteur (lire notre entretien avec Jean Raspail), pour qui le livre n’a pas terminé sa mission : ouvrir les yeux des Français sur la désinformation qui gangrène la vie publique, désabuser les esprits crédules qui se sont laissé contaminer par un humanisme dévoyé. Et témoigner, bien sûr, pour la liberté de pensée et d’expression, qui, depuis trente-deux ans (loi Pleven), s’est singulièrement rétrécie. 

À telle enseigne que ce roman, susceptible de poursuites judiciaires pour un minimum de 87 motifs, serait aujourd’hui impubliable en son état. Les lois n’étant pas encore rétroactives, Jean Raspail n’y a pas changé un iota. En revanche, il l’a fait précéder d’une longue préface (lire les extraits dans « Valeurs actuelles ») qui, loin de tempérer le propos du livre, “aggrave son cas” en développant les conséquences probables de la situation exposée dans le roman. 

L’intrigue est simple. Sur les côtes du midi de la France viennent s’échouer délibérément des centaines de navires en provenance du sous-continent indien. À leur bord, un million de déshérités fuyant la misère de leur pays d’origine, en quête de la Terre promise occidentale, de ses richesses gaspillées, de ses espaces sous-peuplés et de sa tra – dition d’hospitalité… Cette invasion pacifique, forte de sa faiblesse et de son nombre, a été encouragée et préparée par une poignée d’agitateurs : religieux idéalistes, philosophes athées, écrivains catholiques renégats, médecins missionnaires, moins animés par un humanisme per verti que par la mauvaise conscience occidentale, ce « sanglot de l’homme blanc » dénoncé naguère par Pascal Bruckner, le désir de repentance et, sur tout, le ressentiment, le nihilisme honteux du « dernier homme » jadis explicité par Nietzsche. Deux scènes primordiales du livre illustrent cette confrontation entre les ultimes et rares mainteneurs des va leurs occidentales et la troupe plus nombreuse des renégats. 

En Inde, le consul de Belgique, qui a refusé d’augmenter les procédures d’adoption et qui, fidèle à ses convictions, mourra pour l’exemple en s’opposant symboliquement à la prise d’assaut des navires par la marée humaine, déclare à la poignée de manipulateurs occidentaux qui a mis en oeuvre cette immigration sauvage : « La pitié ! La déplorable, l’exécrable pitié, la haïssable pitié ! Vous l’appelez : charité, solidarité, conscience universelle, mais lorsque je vous regarde, je ne distingue en chacun de vous que le mépris de vous-mêmes et de ce que vous représentez. […] En pariant sur la sen – sibilité, que vous avez dé – voyée, des braves gens de chez nous, en leur inculquant je ne sais quel remords pour plier la charité chrétienne à vos étranges volontés, en accablant nos classes moyennes prospères de complexes dégradants […], vous avez créé de toutes pièces au coeur de notre monde blanc un problème racial qui le détruira, et c’est là votre but. » 

La seconde scène oppose un vieux professeur de français à la retraite, habitant un village de la côte, dans une maison appartenant à sa famille depuis trois siècles, et un jeune pillard européen venu accueillir sa famille d’élection : « Me voilà avec un million de frères, de sœurs, de pères, de mères et de fiancées. Je ferai un enfant à la première qui s’offrira, un enfant sombre, après quoi je ne me reconnaîtrai plus dans personne… » Au professeur qui s’efforce de comprendre ses motivations, il réplique : « Je vous hais. Et c’est chez vous que je conduirai les plus misérables, demain. Ils ne savent rien de ce que vous êtes, de ce que vous représentez. Votre univers n’a aucune signification pour eux. Ils ne chercheront pas à comprendre. […] Chacun de vos objets perdra le sens que vous lui attachiez, le beau ne sera plus le beau, l’utile deviendra dérisoire et l’inutile, absurde. Plus rien n’aura de valeur profonde. Cela va être formidable ! Foutez le camp ! » 

Le vieil homme rentre chez lui, en ressort avec un fusil et, avant de tirer sur l’intrus, justifie son acte : « Le monde qui est le mien ne vivra peutêtre pas au-delà de demain matin et j’ai l’intention de profiter intensément de ses derniers instants. […] Vous, vous n’êtes pas mon semblable. Vous êtes mon contraire. Je ne veux pas gâcher cette nuit essentielle en compagnie de mon contraire. Je vais donc vous tuer. » Un peu plus tard, le professeur rejoindra la dizaine de combattants qui auront choisi de renouveler Camerone et se feront tous enterrer sous les bombes d’une escadrille française, les plus hautes autorités du pays ayant capitulé devant l’invasion. 

La véritable cible du livre : les “belles âmes” occidentales 

Récit allégorique, « impétueux, furieux, tonique, presque joyeux dans sa détresse, mais sauvage, parfois brutal et révulsif » où il se tient des propos « consensuellement inadmissibles », de l’aveu de son auteur, le Camp des saints concentre en un jour un phénomène réparti sur des années. En aucune façon, cependant, il ne s’agit, comme de belles âmes l’ont clamé avec indignation, d’un livre raciste. 

La véritable cible du roman, ce ne sont pas les hordes d’immigrants sau vages du tiers-monde, mais les élites, politiques, religieuses, médiatiques, intellectuelles, du pays qui, par lâcheté devant la faiblesse, trahissent leurs racines, leurs traditions et les valeurs de leur civilisation. En fourriers d’une apocalypse dont ils seront les premières victimes. Chantre des causes dé sespérées et des peuples en voie de disparition, comme son œuvre ultérieure en témoigne, Jean Raspail a, dans ce grand livre d’anticipation, incité non pas à la haine et à la discrimination, mais à la lucidité et au courage. Dans deux générations, on saura si la réalité avait imité la fiction. Bruno de Cessole 

Le Camp des saints, précédé de Big Other, de Jean Raspail, Robert Laffont, 392 pages, 22 €.

Voir par ailleurs:

IDÉES « Qu’est-ce qu’être français aujourd’hui ? » Une série du « Figaro »

LA PATRIE TRAHIE PAR LA RÉPUBLIQUE

Jean Raspail

Le Figaro

17 juin 2004

J’ai tourné autour de ce thème comme un maître-chien mis en présence d’un colis piégé. Difficile de l’aborder de front sans qu’il vous explose à la figure. Il y a péril de mort civile. C’est pourtant l’interrogation capitale. J’ai hésité. D’autant plus qu’en 1973, en publiant Le Camp des saints, j’ai déjà à peu près tout dit là-dessus. Je n’ai pas grand-chose à ajouter, sinon que je crois que les carottes sont cuites. Car je suis persuadé que notre destin de Français est scellé, parce qu’« ils sont chez eux chez moi » (Mitterrand), au sein d’une « Europe dont les racines sont autant musulmanes que chrétiennes » (Chirac), parce que la situation est irréversible jusqu’au basculement définitif des années 2050 qui verra les « Français de souche » se compter seulement la moitié la plus âgée de la population du pays, le reste étant composé d’Africains, Maghrébins ou Noirs et d’Asiatiques de toutes provenances issus du réservoir inépuisable du tiers monde, avec forte dominante de l’islam, djihadistes et fondamentalistes compris, cette danse-là ne faisant que commencer.

La France n’est pas seule concernée. Toute l’Europe marche à la mort. Les avertissements ne manquent pas rapport de l’ONU (qui s’en réjouit), travaux incontournables de Jean-Claude Chesnais et Jacques Dupâquier, notamment, mais ils sont systématiquement occultés et l’Ined pousse à la désinformation. Le silence quasi sépulcral des médias, des gouvernements et des institutions communautaires sur le krach démographique de l’Europe des Quinze est l’un des phénomènes les plus sidérants de notre époque. Quand il y a une naissance dans ma famille ou chez mes amis, je ne puis regarder ce bébé de chez nous sans songer à ce qui se prépare pour lui dans l’incurie des « gouvernances » et qu’il lui faudra affronter dans son âge d’homme…Sans compter que les « Français de souche », matraqués par le tam-tam lancinant des droits de l’homme, de « l’accueil à l’autre », du « partage » cher à nos évêques, etc., encadrés par tout un arsenal répressif de lois dites « antiracistes », conditionnés dès la petite enfance au « métissage » culturel et comportemental, aux impératifs de la « France plurielle » et à toutes les dérives de l’antique charité chrétienne, n’auront plus d’autre ressource que de baisser les frais et de se fondre sans moufter dans le nouveau moule « citoyen » du Français de 2050.

Ne désespérons tout de même pas. Assurément, il subsistera ce qu’on appelle en ethnologie des isolats, de puissantes minorités, peut-être une quinzaine de millions de Français et pas nécessairement tous de race blanche qui parleront encore notre langue dans son intégrité à peu près sauvée et s’obstineront à rester imprégnés de notre culture et de notre histoire telles qu’elles nous ont été transmises de génération en génération. Cela ne leur sera pas facile.Face aux différentes « communautés » qu’on voit se former dès aujourd’hui sur les ruines de l’intégration (ou plutôt sur son inversion progressive : c’est nous qu’on intègre à « l’autre », à présent, et plus le contraire) et qui en 2050 seront définitivement et sans doute institutionnellement installées, il s’agira en quelque sorte je cherche un terme approprié d’une communauté de la pérennité française. Celle-ci s’appuiera sur ses familles, sa natalité, son endogamie de survie, ses écoles, ses réseaux parallèles de solidarité, peut-être même ses zones géographiques, ses portions de territoire, ses quartiers, voire ses places de sûreté et, pourquoi pas, sa foi chrétienne, et catholique avec un peu de chance si ce ciment-là tient encore.

Cela ne plaira pas. Le clash surviendra un moment ou l’autre. Quelque chose comme l’élimination des koulaks par des moyens légaux appropriés. Et ensuite ?Ensuite la France ne sera plus peuplée, toutes origines confondues, que par des bernard-l’ermite qui vivront dans des coquilles abandonnées par les représentants d’une espèce à jamais disparue qui s’appelait l’espèce française et n’annonçait en rien, par on ne sait quelle métamorphose génétique, celle qui dans la seconde moitié de ce siècle se sera affublée de ce nom. Ce processus est déjà amorcé.

Il existe une seconde hypothèse que je ne saurais formuler autrement qu’en privé et qui nécessiterait auparavant que je consultasse mon avocat, c’est que les derniers isolats résistent jusqu’à s’engager dans une sorte de reconquista sans doute différente de l’espagnole mais s’inspirant des mêmes motifs. Il y aurait un roman périlleux à écrire là-dessus. Ce n’est pas moi qui m’en chargerai, j’ai déjà donné. Son auteur n’est probablement pas encore né, mais ce livre verra le jour à point nommé, j’en suis sûr…Ce que je ne parviens pas à comprendre et qui me plonge dans un abîme de perplexité navrée, c’est pourquoi et comment tant de Français avertis et tant d’hommes politiques français concourent sciemment, méthodiquement, je n’ose dire cyniquement, à l’immolation d’une certaine France (évitons le qualificatif d’éternelle qui révulse les belles consciences) sur l’autel de l’humanisme utopique exacerbé. Je me pose la même question à propos de toutes ces associations omniprésentes de droits à ceci, de droits à cela, et toutes ces ligues, ces sociétés de pensée, ces officines subventionnées, ces réseaux de manipulateurs infiltrés dans tous les rouages de l’Etat (éducation, magistrature, partis politiques, syndicats, etc.), ces pétitionnaires innombrables, ces médias correctement consensuels et tous ces « intelligents » qui jour après jour et impunément inoculent leur substance anesthésiante dans l’organisme encore sain de la nation française.Même si je peux, à la limite, les créditer d’une part de sincérité, il m’arrive d’avoir de la peine à admettre que ce sont mes compatriotes. Je sens poindre le mot renégat, mais il y a une autre explication : ils confondent la France avec la République. Les « valeurs républicaines » se déclinent à l’infini, on le sait jusqu’à la satiété, mais sans jamais de référence à la France. Or la France est d’abord une patrie charnelle. En revanche, la République, qui n’est qu’une forme de gouvernement, est synonyme pour eux d’idéologie, idéologie avec un grand « I », l’idéologie majeure. Il me semble, en quelque sorte, qu’ils trahissent la première pour la seconde.

Parmi le flot de références que j’accumule en épais dossiers à l’appui de ce bilan, en voici une qui sous des dehors bon enfant éclaire bien l’étendue des dégâts. Elle est extraite d’un discours de Laurent Fabius au congrès socialiste de Dijon, le 17 mai 2003 : « Quand la Marianne de nos mairies prendra le beau visage d’une jeune Française issue de l’immigration, ce jour-là la France aura franchi un pas en faisant vivre pleinement les valeurs de la République… »Puisque nous en sommes aux citations, en voici deux, pour conclure : « Aucun nombre de bombes atomiques ne pourra endiguer le raz de marée constitué par les millions d’êtres humains qui partiront un jour de la partie méridionale et pauvre du monde, pour faire irruption dans les espaces relativement ouverts du riche hémisphère septentrional, en quête de survie. » (Président Boumediene, mars 1974.) Et celle-là, tirée du XXe chant de l’Apocalypse : « Le temps des mille ans s’achève. Voilà que sortent les nations qui sont aux quatre coins de la terre et qui égalent en nombre le sable de la mer. Elles partiront en expédition sur la surface de la terre, elles investiront le camp des saints et la ville bien-aimée. »

Voir aussi:

Anthony Daniels is unconvinced by Jeremy Harding’s polemic on asylum seekers, The Uninvited

The Uninvited: Refugees at the Rich Man’s Gate
Jeremy Harding
Profile, £5.99, 128pp

The discovery in Dover of the bodies of 58 Chinese who suffocated to death in the container in which they were being smuggled into this country is unlikely to deter anyone from making a similar effort in the future. The urge to migrate in search of a better life has always been a strong one, but it has never been stronger than it is today.

Thanks to television, the poor are in daily imaginative contact with the rich, and the unprecedented movement of goods and people across frontiers has given the poor more opportunities to migrate than ever before. Moreover, oppressive political regimes are by no means consigned to history, and probably never will be. Both push and pull, therefore, favour mass migration.

The rich countries of the world are far from delighted by such a prospect, however, and all try to erect barriers to limit the influx of political refugees and economic migrants. The author of this short book, which is part reportage and part analytical essay, believes that « fortress Europe » is neither desirable nor practicable. His sympathies are all with the migrants, and not with the mean-spirited authorities who try to keep them out. No one loves an immigration officer.

Jeremy Harding is at his best when describing individual cases. Only someone who was invincibly hard-hearted would not be moved by the dignified plight of individuals who have often risked hardship and even death in the hope of bettering themselves and their families. And migrants who succeed in evading the many obstacles put in their path are more than likely to prove resourceful and productive citizens of their new lands of residence.

When Harding moves from the particular to the general, however, he becomes convoluted, vague and evasive. One is never quite sure what he is proposing, if indeed he is proposing anything definite at all. His desire to appear more compassionate than thou always prevents him from getting down to brass tacks: and there is nothing quite like a brass tack to deflate a moral balloon full of hot air.

The essential dilemma of the situation is this: should everyone who wishes it be permitted entry into western Europe or not? After all, the pool of potential immigrants is vast. Harding’s answer – neither yes nor no – reminds me rather of what Father Divine, a charlatan evangelist, used to tell his followers on the vexed question of his own divinity. « I’m not saying I’m God, » he would declare. « But I’m not saying I’m not. »

Most people would agree that there has to be some limit to immigration: that a world without frontiers is not really a possibility in the foreseeable future. Upon what basis, then, are immigrants to be allowed or refused entry and residence? Is the determining factor to be our need of their labour or their need of our succour? Is the fact that some immigrant groups are more easily assimilated into our culture than others to be taken into account? Is it really true that one immigrant is as good as another? And how many immigrants should be accepted annually into a country like Britain? 700? 7,000? 70,000? 700,000? 7m?

These are hard questions, and can’t really be avoided. Moreover, Harding’s desire to dissolve boundaries, not only between countries and continents but between different kinds of human suffering, so that anyone who has suffered anything in his or her life can plausibly claim to be a refugee, hardly helps: for if everyone is a refugee, no one is. And if there are no undeserving cases, there can be no specially deserving ones either. The book reads as if its author wants the glory of appearing generous, broadminded and warm-hearted, without the trouble of descending to tedious administrative detail that might so easily give one the opposite impression.

Harding’s writing does not so much convey a meaning as a mood: one of intense self-satisfaction. The warm glow of self-righteousness radiates from almost every page, as from an electric heater. Here he is on the Macedonian treatment of Kosovar refugees during Nato’s bombing campaign: « There was much to extenuate the reaction of this little country to the overwhelming influx of refugees – it was no worse than the worst reactions in wealthier countries to the arrival of the Kosovars – but in the end, it looked very much like a version of the same hostility that had driven them from their homes in the first place. »

This sentence succeeds in being confused, repulsive and erroneous at the same time, which is a considerable achievement in so short a passage of prose. It conveys no overall moral or empirical point; it is mealy-mouthed about the problems faced by the Macedonians, which were roughly equivalent in scale, pro rata, to those that would have been posed by the arrival within a few weeks of 25m Mexicans in the United States; and it implies that the treatment of the Kosovars in Macedonia was morally equivalent to that they had received in Kosovo. This latter is a disgusting slur, the only possible function of which is to stimulate admiration in the reader for the intensity of the author’s compassion.

The refusal to face in any concrete way the real moral and practical dilemmas posed by mass migration is this book’s greatest weakness. It also has an exhibitionist, self-important quality. There is a great difference between being open-hearted and wearing one’s heart on one’s sleeve, though this is a distinction that we seem ever less able to make.

• Anthony Daniels is the author of Monrovia Mon Amour, a book about Liberia.

Voir de même:

Attacking « Fortress Europe »
The Uninvited:
Refugees at the Rich Man’s Gate

Jeremy Harding
Profile Books
ISBN 1861972113

Oliver Craske

In the spring of 1999, British Home Office Minister Barbara Roche described the « aggressive » begging-with-baby techniques of asylum-seeking Eastern European Romani women in London as « vile. » This was just one outburst in a prolonged and unsettling outbreak of near-xenophobic hysteria which flooded British tabloid newspapers and the mainstream of the political debate, with both Labour and Conservatives competing to out-tough each other with measures including locking up asylum applicants.

In September of this year, the same minister surprised many pundits with a speech in which she extolled the social, economic and cultural benefits of inward migration and called for an increased intake of new foreign workers. « Aspiring economic migrants to Britain must be scratching their heads, » commented The Economist (9 September 2000, p 43).

Recently, there has been a great deal of short-sighted or just plain intolerant thinking on the issue of migration and a crying need for sane and humane policy-making. Jeremy Harding’s highly-recommended contribution to the debate is this extended essay (a revised version of one he published in February 2000 in the London Review of Books, the literary newspaper where he is a senior editor), which is now available in a slim and very readable 120-page paperback. The Uninvited: Refugees at the Rich Man’s Gate combines excellent reportage and incisive analysis, drawing always on the historical perspective and exhibiting a confident feel for current and future trends.

Post-Cold War migration

Since the end of the Cold War, there has been a sharp rise in the number of migrants arriving in the European Union (EU). Asylum applications in Western Europe rose from 104,000 in 1984 to 692,000 in 1992, and they were still running at 400,000 in 1999. This period has constituted the twentieth century’s second period of great migration, after the one which peaked between the 1920s and 1940s, when most European countries opened their borders to refugees with commendable generosity. Harding’s historical and global perspective is convincing, though he could be criticised for giving insufficient weight to the mass deportations of Germans in 1945.

Despite important primary migration at the end of the European empires, there was actually a relatively low level of movement in the Cold War era. But this gave way to new uprootings, provoked by the unfreezing of numerous conflicts worldwide, coinciding with the rapid growth in cheap global travel and the worldwide projection of images of rich Western society. By now, he notes, « the idea of sanctuary had withered » (p 33), and migrants were received with much less warmth in West European countries. Indeed, humanitarianism has become a commodity the UK exports, using it to justify its actions in Kosovo while it remains in short supply at home in Britain.

Though the conflicts in former Yugoslavia have created the continent’s biggest movements of people since the late 1940s, these new migrations have not affected Europe alone. Half of the world’s refugees are in Africa, while Iran and Pakistan, for example, each hold around two million in temporary camps.

Fortress Europe

But Fortress Europe, as Harding terms it, is the main focus of The Uninvited. The western end of the continent has all but pulled up the drawbridge around itself to create « Europe’s dreary pastoral fantasy, in which the EU resembles an Alpine valley, surrounded by impregnable, snow-capped mountains » (p 24).

Restrictions on primary immigration have been in force across the EU for years (which is a big reason why asylum applications have soared: other routes are closed). Boris Johnson, editor of The Spectator, has described this vision of homogeneity as a « racist stockade. »[1] In a shrinking world in which we increasingly like to think of ourselves as global citizens, rich Europeans seem bewilderingly afraid of new blood.

The roots of this attitude go back a long way. Harding cites a Daily Mail article from October 1999, entitled « The Good Life on Asylum Alley, » which has echoes of a Daily Mail piece from 1900, when a shipload of Jewish refugees from South Africa met with a vitriolic reception upon arrival in Britain (pp 48-49). Harding notes that in their attitudes and language, receiving countries often take their lead from the persecuting governments who have driven out the migrants: in 1998, the Dover Express described the Kosovan and Kurdish refugees in its midst as « human sewage » (p 37) or « the scum of the earth » (p 56). And, as in the 1930s with the Jews, today there is a particular vitriol reserved for Romani immigrants who are all too often stateless, unwanted everywhere.

Harding’s analysis is structured around some fascinating reportage. He visits the Puglia coast of Italy, where he follows the efforts of Italian authorities to prevent illegal immigrants from streaming across the Otranto Channel on inflatable boats from Albania, and talks to the new arrivals and the authorities who look after them.

He also spends time in Spain’s North African enclave of Ceuta, the target of increasing numbers of extremely determined people fleeing conflicts, poverty and lack of opportunity in West Africa. The EU has responded by providing GBP 25 million in funding to surround the enclave with an eight-kilometre-long double-security fence complete with razor wire, watchtowers, infrared cameras and 24-hour patrols with dogs and guns. Evidence of a slight siege mentality?

Debunking myths

One of the strengths of Harding’s narrative is that it shows how many popular attitudes are rooted in myth. For example, he confronts the popular division between « genuine » asylum applicants and « bogus » economic migrants. It is absurd that the catch-all term « economic migrant » is becoming one of abuse. As he puts it, « the banker from Seattle who signs a five-year contract for a post in Berlin is a migrant, » and we have no problem with him (p 7).

Britons should know better: in their time they have been the world’s champion migrants. In fact, the suffering of an economic migrant from, for example, sub-Saharan Africa may be just as unbearable as that of a political refugee from Algeria. In a bitter irony, the perilous desert trek that has to be made to reach Ceuta from south of the Sahara serves to sieve out the applicants: those job-seekers who make it « are among the most highly motivated in Europe » (p 118).

A Europe that is rapidly ageing and facing a worsening dependency ratio needs new workers who tend to be motivated and self-reliant, net contributors to societies. The American economy continues to thrive on migrant labour. Yet, to date Britain has chosen to restrict economically motivated immigration and makes asylum applicants live off paltry handouts in the humiliating form of vouchers.

Hardliners who argue for dispersing asylum applicants evenly between EU countries, and inside the UK between different regions, often reason that « genuine » refugees will be grateful wherever they are sent: those who wish to choose exactly where to live are guilty of « asylum shopping. » This is counterproductive. It makes sense for new arrivals to settle where they already have friends or family who can help them find work; and this must be better for the country as a whole, which otherwise may grudgingly have to support another benefit claimant.

Human traffickers

Harding even tackles the popular image of human traffickers as, without exception, evil. This is lucrative work, and the cost in human misery can be appalling: consider the 80 or 90 migrants drowned in a collision between coastguard and trafficker off the Italian coast in 1997; or the 58 Chinese migrants discovered suffocated in a lorry at Dover this summer; or the estimated 3000 who have perished crossing the Straits of Gibraltar in the past five years.

Though Harding admits there are « few Schindlers » among this breed (p 20), he is struck by one report of the care taken by Albanian traffickers to deliver their charges safely onto the Italian shore, despite the close attention of a chasing coastguard boat. A conversation with a drug trafficker in Tangier revealed that for him, drugs paid far better than human trafficking (contrary to many public pronouncements in the West) and are less risky: « If things go wrong for a migrants’ agent, he can’t heave his passengers overboard as you would a consignment of drugs. If they go badly wrong, he has other deaths to consider, along with his own, in the final prayer » (pp 104-105).

Yet in the terminology of global capitalism, these human traffickers are providing a service that is in demand. « All the while, governments strenuously resist the conclusion about the free movement of people that they reached with equanimity about the free movement of capital: that it may be an expensive waste of time to try to fend it off » (p 86).

As Europe contemplates with varying levels of enthusiasm its planned enlargement to the east, this contradiction lies at the heart of some current tensions on the issue. Poland, for example, is concerned that joining the EU’s free market will allow wealthy Germans to buy up Polish property at knock-down prices, and yet at the same time Germans and other West Europeans are pressing for transitional restrictions on the migration of Poles into existing EU states.

No measures, however draconian, will stop the demand for migration. We would do better to get used to that now and allow all to enjoy the many benefits there are to be had. Perhaps that is the British government’s belated realisation.

Voir enfin: 

Among the Muslim Brothers

The contradictory faces of political Islam in post-Mubarak Egypt.The WSJMatthew KaminskiApril 9, 2011CairoTwo months after Hosni Mubarak’s ouster, Egyptian politics are a dervish of confused agitation. Each day, it seems, a new party forms to fill liberal, Nasserist, Marxist, Islamist and other niches. A joke has it that 10% of Egyptians plan to run for president. »All Egyptians now think they are Che Guevara, Castro or something, » says Essam el-Erian, a senior leader of the Muslim Brotherhood, bursting into laughter. « This is democracy. »Amid this political ferment, the Brotherhood is an exception: a well-funded, organized and established force. Founded in 1928, it’s also the grandaddy of the Mideast’s political Islamist movements. The Brotherhood was banned from politics 57 years ago and focused on business, charity and social ventures. But the secretive fraternity always aspired to power.Now free elections due later this year offer the Brotherhood their best opportunity. The group says it believes in « Islamic democracy, » but what does that really mean? I spent a week with members of the Muslim Brotherhood, and it turns out the answers are far from monolithic, though often far from reassuring.***Shortly before midnight on Monday, Mohamed Baltagi walks into his office in a middle-class Cairo apartment block and apologizes for the late hour. Brotherhood leaders are all over the place these days—on popular evening chat shows, at public conferences, setting up their new Freedom and Justice Party, or advising the military regime on the interim constitution. The revolution made Dr. Baltagi, an ear-nose-and-throat specialist, a prominent face of what might be called the Brotherhood’s progressive wing.Dr. Baltagi, who is 47, led the group’s informal 88-strong caucus in Egypt’s parliament during a limited democratic experiment from 2005-10. He wears a moustache and gray business suit and expresses regret that U.S. diplomats shunned him and other Brothers during their time in parliament. The Brotherhood’s green flag—with the group’s motto « Islam is the solution »—sits on his desk next to the Egyptian tricolor. While the most senior Brotherhood leadership sat out the first few days of anti-Mubarak protests, Dr. Baltagi was in Tahrir Square from the start of the 18-day uprising. He was the only Brother on the 10-member revolutionary steering committee. « It’s not a revolution of the Muslim Brotherhood, or of the Islamists, » he says. « It’s the revolution of all Egyptians. »Egyptians in Alexandria celebrate after Hosni Mubarak was forced out of office..Unprompted, Dr. Baltagi brings up the charge that Islamists prefer « one man, one vote, one time. » « As far as I know, » he says, Islamists in Algeria, Egypt and elsewhere were victims, not perpetrators, of repression. Iran’s theocracy, to him and every other Brother I spoke to, is a Shiite apostasy irrelevant to Sunni Muslim countries. The Muslim Brothers recently lost elections for student union posts at state-run Cairo University, which the group dominated in the past. « We accepted that, » he says. « We accept democracy. »He says the revolution will change the Brotherhood. For the first time, his organization considers its goal in Egypt the establishment of a civic not a religious state, as close to « secular » as an Islamist group might come in words. After some internal wrangling, the Brothers said they could live with an elected Christian woman as president of Egypt—a merely symbolic concession since the odds of that happening are less than zero.***The new environment has already exposed internal tensions. Any push for transparency runs against six decades of cloak-and-dagger Brotherhood habits. « We will be working openly in front of everyone, » says Dr. Baltagi, « talking openly about our members, programs, fund raising. »So how many Brotherhood members are there? He gives a nervous, almost apologetic smile and says, « for now that is a secret. » He offers little more on funding beyond that members tithe and include generous businessmen.Its conservative culture jars the younger, tech-savvy Brothers. The leadership announced that all members must support the new Freedom and Justice Party, angering especially the youth wing of the group.A week ago Friday, the Brotherhood didn’t call out its supporters to join other anti-Mubarak groups in Cairo’s Tahrir Square, the epicenter of the « January 25th Revolution. » Islam Lotfi, a 33-year-old lawyer, was one of numerous « young Brothers » who went anyway. The tensions inside the Brotherhood, he says, « are very normal. It is a gap between generations. »Mr. Lotfi has a smoothly shaved, round face and works closely with youth activists across the spectrum. « We want wider opportunities to work inside » the hierarchical Brotherhood, he adds. « It’s not accepted by a culture that doesn’t believe in young people. » Two-thirds of Egypt’s 80 million people are under the age of 30.Abdel Moneim Aboul Fatouh, a leader of the Brotherhood’s middle generation, last week refused to fall in line behind Freedom and Justice, instead backing another religious-leaning party. He wants to bring the discontented younger Brothers with him. Dr. El-Erian, a physician who sits on the group’s 15-member ruling Guidance Bureau, waves off the defection. « In Israel you have many religious parties, » he says. « You can have many Islamist parties [that] can cohere together and make alliances » in a future parliament.The Brotherhood has seen splits before, with no serious consequences. Fifteen years ago, Abou Elela Mady, then the youngest member of its Shura Council, left to found the Wasat (or Center) Party. He says the Brotherhood’s new, tolerant positions are nothing more than « tactical » moves to reassure anxious Egyptians, the military and the West.Mr. Mady, whose party will compete with the Brothers for the large conservative and poor chunk of the electorate, says he wouldn’t form a coalition with them. The Mubarak regime called Wasat a Trojan Horse for Islamists. He likens his group to Turkey’s ruling Justice and Development Party.Mr. Mady, who is 53, fits the profile of many current and former Brothers. Born into a lower-class family, he did well in school and got an engineering degree. He joined the Brotherhood in the late 1970s through the university unions. The Brotherhood seeks out ambitious outcasts—a sort of geeky fraternity for those who study hard and feel awkward around girls.He left the party, he says, because « I wanted to be more open-minded. . . . I now can watch TV, listen to music and shake a woman’s hand without feeling you were doing something wrong. Most members frown on it, » he says. « The challenge of freedom for the Muslim Brotherhood is much more difficult than the challenge of an authoritarian regime. . . . They have to give concrete answers to difficult questions » about Egypt’s future political and economic course.***Then there are Egypt’s adherents of Salafist Islam, which in its most extreme version is practiced by Osama bin Laden. After last Friday’s demonstrations, Salim Ghazor takes me to a large gathering in a lower-class Cairo neighborhood. A line of buses has brought the faithful from across Egypt to the Amr Ibn El-Aas mosque. Lit by a faint moon, bearded men in billowing gellabiyas walk past women in black niqabs into Egypt’s oldest mosque. « Islam is the religion and the country, » reads a sign.The Muslim Brothers, who favor Western clothes and neatly trimmed facial hair, have clashed with the traditional Salafists, who looked down on political activity until the revolution. Mr. Ghazor, a teacher, once backed the Brotherhood but went over to the Salafists. « The Brothers care about politics more than the application of Islam, » he says. Yet Brothers tend to practice the Salafist brand of Islam—raising the possibility that their movement could become Salaficized.Here’s a sampling. At the prayer meeting, the Salafist cleric Ahmed Farid calls out: « Those who refuse to abide by Islamic law will suffer and be damned. » Another, Said Abdul Razim, gives advice for the Coptic Christian minority, about 10% of Egypt’s population: « If they want peace and security, they should surrender to the will of Islamic Shariah. »***On Sunday, I drive to Alexandria, the famed Mediterranean port, to meet the Brotherhood’s rising star. Sobhi Saleh, 58, is a former parliamentarian and lawyer whom the military picked for the committee that drafted a raft of amendments to the interim constitution. No other anti-Mubarak political group was represented on the body. In the next parliament, Mr. Saleh would likely help draft a permanent new constitution. « People will be surprised how open-minded we will be, » he promises.Mr. Saleh rehearses the Brotherhood’s plans to « purify laws » and « implement Shariah » in Egypt. It wouldn’t, he says, be of the Taliban variety. Alcohol would be banned in public spaces. Women would be required to wear the hijab headscarf, but not the full-bodied niqab. These laws are intended to « protect our feelings as an Islamic society, » he says.As for the rights of Coptic Christians, he says that « Muslims have to protect Copts »—a patronizing view held by many Islamists. (Dr. Baltagi, by contrast, had offered that Copts are « fellow citizens. »)Having been a left-wing nationalist in his youth, Mr. Saleh waves away complaints about the Brotherhood’s possible dominance over political life. « I do not care about the opinions of secularists who are against their own religion, » he says. « If they were real liberals they should accept others and their right to express themselves. »But aren’t the Brothers proposing to limit their right to self-expression? « We would ban activities in the public square, not in private space. Islam is against spreading unethical behavior and this is the difference between Islamic democracy and Western democracy. In Islam, everything that is against religion is banned in public. You »—meaning the West— »selectively ban behavior. We are only against those who are against religion and try to diminish it. » This view seems to allow limited tolerance of dissenting opinions or minority rights.The Brotherhood abandoned violence against Egypt’s government in the 1970s, but it endorses Hamas and other armed Islamic movements. Every Brotherhood member I spoke to calls the 1979 Egyptian-Israeli Camp David accords existing international law that a future government might reopen. Egypt’s liberals say the same. »Israel treats us as enemies, » says Mr. Saleh. « If they are enemies for all its neighbors, why is it there? » Should Israel exist? « When they admit our peoples’ rights, » he says, referring to Palestinians, « we can study this. »The appeal of the Brotherhood remains hard to gauge, with no proper polls, few parties or elections in living memory. The group’s candidates took 20% in a partially contested parliamentary poll in 2005, and it aims to win a third of seats this year.The Brothers won’t field a presidential candidate, a savvy move to soothe nerves and avoid governing responsibility. They can wait. Anyway, the military seems to prefer an establishment figure like Amr Moussa, the recent chief of the Arab League. The secular parties are immature, numerous and elitist—not the best recipe for electoral success. »No one needs to be afraid of us, » says Dr. El-Erian. « We need now five years of national consensus of reform, to boost the new democratic system, and then have open political competition. » How seriously one chooses to take such reassurances depends on whether the Brotherhood ends up as just another political party in a freer Egypt or stays a religiously-driven cause. »Skeptical optimism » is a phrase often heard in Egypt these days. Religion wasn’t the galvanizing force in Egypt’s revolution, and the Brotherhood’s 83-year-old brand of political Islam looks its age compared to ideas of modernity and freedom that excited the crowds in Tahrir Square. You don’t find the fervency of religious extremism here as in, say, Pakistan. If the generals today or a future regime allow space for pluralism to flourish, Egypt could build on its weak foundations and accommodate a changed Muslim Brotherhood. That assumes, not altogether safely, that the worst instincts of would-be authoritarians in military, clerical or Brother garb are kept in check, and the Arab world’s most important democratic transition stays on track.Mr. Kaminski is a member of the Journal’s editorial board.

Voir par ailleurs:

Littérature et idéologie de la migration : « Le camp des Saints » de Jean Raspail
Jean-Marc Moura
Revue Européenne des Migrations Internationales
Volume 4 – N° 3
1988

Le voyage, phénomène individuel, est un thème littéraire bien plus sollicité que la migration, par définition collective. Toutefois, l’exemple majeur de la Bible suffit à montrer que celle-ci est loin d’être exclue du domaine livresque. Désormais objet d’études précises dans le champ des sciences humaines, la migration n’en demeure pas moins un phénomène auquel s’attachent les rêveries voire les passions collectives. Nous voudrions montrer ici que la littérature moderne constitue un lieu privilégié pour le déchiffrement de ces fantasmes et/ ou de ces idéologies. Le camp des Saints de Jean Raspail (R. Laffont, 1973) nous servira de fil conducteur. Ce roman bien connu met en scène la migration d’une façon hyperbolique et assez cohérente pour permettre de repérer un certain nombre de thèmes fantasmatiques liés à celle-ci.

Dans les trente dernières années, les craintes liées à l’évolution du tiers monde se sont multipliées dans le champ intellectuel français. L’une d’elles prend sa source dans une comparaison simpliste des évolutions démographiques des pays en développement et de l’Occident. Des chiffres ainsi rapprochés sans discernement conduisent rapidement à des mises en garde angoissées et à un millénarisme d’apparence mathématique. Qu’on se souvienne, par exemple, des appels anxieux du Club de Rome à l’opinion mondiale dans un rapport du Massachussetts Institute of Technology, The Limits to Growth (l). Dans un tel cadre de pensée, les migrations du tiers monde vers l’Occident ont des chances de devenir un cataclysme anéantissant la civilisation occidentale, selon un confusionnisme assimilant immigration et exode dû à des conditions de vie trop rigoureuses. La phrase attribuée au président Boumedienne et qui figure en épigraphe du Camp des Saints en est un excellent exemple : « …aucun nombre de bombes atomiques ne pourra endiguer le raz de marée constitué par les milliers d’êtres humains qui partiront un jour de la partie méridionale et pauvre du monde, pour faire irruption dans les espaces relativement ouverts du riche hémisphère septentrional, en quête de survie. » (Raspail, 1973 : 7). Avec le roman de Jean Raspail, cette peur millénariste trouve une représentation littéraire unique ces quinze dernières années, dont le sociologue de la littérature se doit de rendre compte.

Un roman à succès

Le camp des Saints relève a priori de la veine du « livre-catastrophe » dont l’un des grands succès des années quatre-vingt, en France, a été Le cinquième cavalier de Dominique Lapierre et Larry Collins (Lapierre-Collins-R. Laffont S.A., 1980). Toutefois, le roman de J. Raspail se distingue de cette paralittérature « à l’estomac » par l’accueil qu’il a reçu dans le milieu de la critique littéraire, accueil suivi de nombreuses traductions, bref, par une notoriété de bon aloi. En témoigne d’abord le répertoire des éditions proposé par Robert Laffont :

1973, R. Laffont, Paris,

1974, Club français du livre,

1975, C. Scribner’s son, New York ; Plaza y Janès, Barcelone,

1977, Publiçoes Europa-America, Lisbonne ; Sphere Books, Londres ; Ace Books, New York,

1978, R. Laffont, Paris,

1979, Plaza y Janès, Barcelone,

1981, le Livre de Poche, Paris,

1982, Institute for Western Values, Alexandria, Va, USA, 1985, R. Laffont, Paris, (Raspail, édition de 1985 : 4).

Outre le succès du roman en France, on constate que les traductions intéressent au premier chef les Etats-Unis (3 éditions, dont l’une — de 1982 — est orientée, comme l’indique son nom, vers la sauvegarde d’une « pureté » occidentale), ensuite les pays du Sud européen (Espagne : 2 éditions, Portugal : 1 édition), proches de cette partie méridionale et pauvre du monde dont Boumedienne fait le réservoir potentiel d’une invasion. L’édition de Londres s ‘expliquant sans doute par l’effet de « voisinage » avec la France, on observe donc que ni les pays de l’Est ni ceux du tiers monde n’ont eu de traduction du roman. Cette géographie des éditions suggère par conséquent que les enjeux éditoriaux ne sont pas uniquement d’ordre littéraire ou commercial, mais plutôt idéologique, et que Le camp des Saints n’est pas « reçu » comme la simple fantaisie d’un lettré.

L’examen de la réception critique du roman (Raspail, 1985 : troisième page de couverture) montre que 8 appréciations sur 10 (celles de J. Benoist-Méchin, J. Cau, B. Clavel, M. Déon, J. Dutourd, J. Fourastié, T. Maulnier et L. Pauwels) concernent le caractère prophétique du récit. Le qualificatif est du reste utilisé par deux de ces critiques : « Plus j’observe l’évolution du monde et plus je crains que Le camp des Saints ait une valeur prophétique. » (Benoist-Méchin) ; « ce livre redoutable dont nous pouvons craindre qu’il ne soit prophétique… » (Clavel) (souligné par nous). Jean Cau, quant à lui, transforme l’écrivain Raspail en historien : « l’implacable historien de notre futur », expression paradoxale destinée à souligner la vérité d’un récit considéré comme beaucoup plus qu’une simple fiction. Mais de quelles épreuves au juste nous entretient la prophétie ? Il s’agit, bien entendu, de la chute de l’Occident : sa « mort » (Pauwels), sa « tragédie finale »(Dutourd) auront la forme d’une « grande marée » (Maulnier), et le roman nous livre par là « moins un divertissement qu’un avertissement » (Maulnier), et « peut- être, l’expression la plus juste de ce que sera le Jugement dernier » (Déon).

On le voit, le ton de la critique est austère : il donne volontiers dans le registre théologique et cultive l’un des ressorts essentiels du prophétisme, l’évocation de la décadence. Le « vieil Occident » (Maulnier) est « devenu un clown » (Dutourd), un « paysage (…) frappé par la foudre » (Cau) s’engageant dans une « impasse tragique » (Fourastié). Il est ainsi explicitement comparé par L. Pauwels à l’empire romain du IIe siècle, moment de « la première mort de l’Occident », pour l’écri- vain-journaliste. La cause de ce déclin planétaire est donnée par J. Fourastié : le monde s’engage dans une impasse tragique « depuis que les nations occidentales n’en ont plus le contrôle ». Dans une version extrême, il s’agit de rien moins que la perte d’influence des civilisés sur les barbares, thème implicite de la comparaison de L. Pauwels, qu’il se charge de compléter en évoquant « l’éternelle injustice commise par la bêtise vitale à rencontre de l’intelligence ». Le camp des Saints annonce le triomphe de la barbarie issue du tiers monde sur les lumières occidentales.

Sentiment d’une décadence du monde moderne, souci de la tutelle éclairée de l’Occident sur les relations internationales et crainte d’une immigration corruptrice venue des pays pauvres, les thèmes sont à l’évidence propres à l’intelligentsia française de droite. Au reste, les noms de certains critiques ici évoqués, tels J. Fourastié, T. Maulnier ou L. Pauwels, suffiraient à montrer que la réception intellectuelle du Camp des Saints est idéologiquement très située. Le récit a su retrouver une peur partagée par la frange « droitière » de l’intelligentsia française. Dès lors, il convient de l’analyser non pour vérifier son éventuelle véracité — les probabilités d’une invasion de l’Occident par les hordes du tiers monde — mais afin de déterminer quelle idéologie fonde cette angoisse et selon quelle stratégie intellectuelle, « de droite », elle se développe.

De la migration comme catastrophe

L’intrigue du roman, qui concerne un grand nombre de personnages et s’accomplit en de multiples pays, est pourtant d’une simplicité linéaire : « Dans la nuit, sur les côtes du midi de la France, cent navires à bout de souffle se sont échoués, chargés d’un million d’immigrants. Ils sont l’avant-garde du tiers monde qui envahit pacifiquement l’Occident pour y trouver l’espérance. A tous les niveaux, conscience universelle, gouvernements, équilibre des civilisations, et surtout chacun en soi-même, on se pose la question, mais trop tard : que faire ? C’est ce choc inéluctable que raconte Le camp des Saints. » (Raspail, 1985 : quatrième page de couverture).

L’opposition entre espace civilisé (Occident et surtout France) et forces barbares (venues de l’Inde) est absolue. La civilisation occidentale reçoit toutes les caractéristiques positives : univers du village, lieu de beauté et d’harmonie méditerranéens contrastant avec l’anarchie naturelle comme avec la complexité de la mégalopole (telle New York), c’est un espace de culture où l’amour de l’artisanat, de la bonne cuisine et du vin s’allie à la passion des livres (2). La religion catholique, garante d’un ordre moral, est à la racine de cet art de vivre (3). Ultime valorisation de cette civilisation, le récit lui attribue une dimension mythique, en la transformant en une Jérusalem encerclée, une Jéricho, une Byzance voire, conformément au titre, en ce Camp des Saints évoqué dans L’apocalypse (Raspail, 1985 : 19, 352, 28).

Pourtant, le ver est dans le fruit : à l’approche de la flotte du Gange, nombre de Français manifestent leur « faiblesse ». Ils se réjouissent de l’arrivée des immigrants, tantôt au nom d’une contestation puérile de leur société (4) tantôt en raison d’une « dégénérescence de la pitié » (Raspail, 1985 : 23). Le narrateur assimile sans équivoque cette attitude à la perte de l’énergie qui a fait la grandeur occidentale. L’opinion en Occident est ainsi caractérisée par « son ignorance insondable, la veulerie de ses réactions, la vanité crasse et le mauvais goût de ses élans toujours plus rares » (ibid. : 74). Le constat d’une décadence est ici patent.

En face, les « effrayants étrangers » apparaissent comme un déferlement aveugle et inhumain, qui précipitera l’humanité dans la nuit de l’esprit et des valeurs. Ils arrivent sur les rives d’Occident en foule compacte et constituent « un énorme animal à un million de pattes et cent têtes alignées » (ibid. : 69), d’une saleté et d’une insensibilité terribles. A leur tête, un géant porte son fils, « monstre d’enfant » (ibid : 41) qui ne peut ni parler ni bouger. L’allégorie est transparente : la masse se meut sans ordre ni volonté, à l’image de ce chef abruti. Elle est la proie d’instincts non réfrénés qui l’amènent à ruiner la civilisation occidentale sans même en prendre conscience. Anthologie de tous les vices, elle est la parfaite antithèse de l’euphorie occidentale, dans l’économie du récit.

Trois traits fondamentaux composent l’intrigue : les figures du bonheur et de l’ordre occidentaux, les figures de la barbarie venue du tiers monde, la destruction de l’ordre occidental consécutive à la migration. Tous trois sont ambivalents : l’ordre occidental est admirable mais fragile (car décadent), les barbares sont impressionnants mais inoffensifs en réalité (il suffirait que les Occidentaux décident de saborder la flotte pour que la menace disparaisse), la destruction est donc la conséquence de la migration extraordinaire, mais aussi — et peut-être surtout — de la démission de l’Occident. Ainsi analysé, le récit livre certaines de ses clefs ; la prétendue prophétie est déterminée par deux sentiments complémentaires, le mépris et la peur de l’homme du tiers monde, et le constat de la décadence occidentale. Cette migration, catastrophe mouvante entre deux mondes, n’est pas seulement une hyperbole littéraire ou prophétique, elle répond à deux significations imaginaires précises. L’examen de la réception critique du roman nous a mis sur la voie d’une détermination idéologique identifiable dans le champ intellectuel français. Reste à préciser celle-ci dans ses relations aux structures du récit.

Idéologie n’est pas prophétie

La migration du récit est présentée comme un phénomène inévitable, irrésistible et irrémédiablement destructeur. Triple détermination qui signale l’angoisse née de l’évolution démographique du tiers monde. La préface de l’auteur est sans équivoque à cet égard : « Pour ne citer qu’un exemple parmi cent, la population du Nigeria, en Afrique, compte près de soixante-dix millions d’habitants que ce pays est incapable de nourrir puisqu’il consacre plus de cinquante pour cent de ses revenus pétroliers à l’achat d’aliments. A l’aube du troisième millénaire, il y aura cent millions de Nigérians et le pétrole sera tari. Mais le tout petit bourgeois [occidental] sourd et aveugle reste bouffon sans le savoir (ibid. 13). Le camp des Saints se rattache par là à un courant intellectuel identifiable.

On sait que l’étude du sous-développement a souvent été le territoire de « démographes obsessionnels » (5). L’analyse néo-malthusienne de la divergence d’évolution des populations de l’Occident et du tiers monde a pu susciter diverses craintes, d’autant plus fortes et répandues qu’elles s’alimentent de rumeurs et de projections apocalyptiques. Dans les années soixante-dix, au moment de la première édition du roman, les thèses du Club de Rome (The Limits to Growth, notamment) menaient à la conclusion que la population et la production de biens matériels dépasseraient bientôt toute limite acceptable si le monde développé n’acceptait pas de freiner sa croissance et de revenir à un « état d’équilibre » (6). Parallèlement, certains prophètes du néo-malthusianisme stigmatisaient l’évolution démographique du tiers monde (7) tandis que d’autres, à l’instar de Pierre Chaunu, comparaient dénatalité occidentale et implosion démographique du tiers monde (8). Outre leur néo-malthusianisme, ces diverses thèses ont en commun la présentation chiffrée — donc apparemment objective et scientifique — d’une évolution menaçante pour l’Occident. Celui-ci, tantôt gaspilleur universel (Club de Rome), tantôt dominé dans le domaine de la population, tantôt « ridé » (P. Chaunu), est présenté comme un monde en danger. Cet ensemble d’essais et d’ouvrages de vulgarisation, trahissant une sensibilité exacerbée à l’évolution démographique mondiale plus qu’un authentique effort de théorisation scientifique, forme un complexe idéologique néo-malthusien, dont le pôle littéraire est constitué par Le camp des Saints.

Le roman offre ainsi la conclusion fictionnelle des craintes néo-malthusiennes en peignant le déferlement des foules du tiers monde sur l’Occident. Que l’auteur soit ou non conscient de cette démarche (9), son récit porte ces frayeurs à un paroxysme où est représentée la fin qu’elles appellent (idéo) logiquement : l’apocalypse occidentale.

La nouvelle droite

Que détruisent exactement les « barbares » du tiers monde ? Le roman nous présente une civilisation occidentale heureuse quoique décadente. Ici encore, les images ne doivent pas être analysées comme les expressions d’un simple mythe personnel, propre à l’auteur. Elles doivent être comprises comme des indices socioculturels et peuvent à ce titre être reliées à l’ensemble de discours, d’organisations, de pratiques politiques et de réseaux culturels qu’on a baptisé « Nouvelle Droite ». Sans revenir sur l’histoire ni les objectifs idéologiques de ce mouvement, dont l’élément central est le Groupement de Recherches et d’Etudes pour la Civilisation Européenne (G.R.E.C.E.) (10), l’homologie entre les idéaux sociaux et les craintes de la Nouvelle Droite et les représentations propres au roman de J. Raspail est très nette.

Le roman développe en effet une version hyperbolique de ce que Alain de Benoist, figure intellectuelle la plus connue du G.R.E.C.E., nomme l’égalitarisme, c’est-à-dire « Le nivellement des personnes, la réduction de toutes les cultures à une « civilisation mondiale » bâtie sur ce qu’il y a de plus commun » (H). Le déferlement des hommes du tiers monde sur l’Occident est d’abord destruction de la diversité humaine et culturelle, dont la Nouvelle Droite s’est faite la championne, et surtout de l’aristocratie indo-européenne représentée, dans le roman, par des personnages énergiques et éclairés tels Calguès et Dragasès. Ces derniers correspondent à l’« élite formée par une idée, une tradition, une discipline sévère, un même style de vie » que voudrait rétablir la Nouvelle Droite (Taguieff, 1984 : 30). Leur disparition n’est rien moins que la perte de l’excellence, et donc de l’identité, européenne, menacée par les influences extérieures (12).

Certes, la Nouvelle Droite est tiers-mondiste (A. de Benoist, 1986) ; mais d’une manière si particulière qu’elle ne contredit nullement la leçon du roman de J. Raspail. Si, pour A. de Benoist, « l’Europe et le tiers monde doivent s’aider mutuellement (ibid. : 221-222), c’est afin de retrouver, contre les idéologies marxiste mais aussi libérale (13), leurs racines culturelles. Leur solidarité est celle de deux ensembles sociaux désireux de s’affranchir de tutelles « étrangères » croissantes. Au-delà de ce faible degré d’entraide, rien ne les unit, et chaque bloc doit évoluer selon sa spécificité culturelle, au nom de « l’éloge sans réserve du propre ethnique, des racines culturelles ou de l’héritage mental différentiel » (Taguieff, 1984 : 43). Bref, l’affirmation la plus profonde de la Nouvelle Droite est celle d’une intégrité de la culture indo-européenne, menacée par tout étranger, que celui-ci soit perçu comme colonisateur, voleur d’âme ou immigrant corrupteur du patrimoine.

On voit en quoi le roman de J. Raspail correspond à ce complexe idéologique. Le déclin occidental évoqué dans le récit constitue une version mineure de l’égalitarisme : privés de toute élite traditionnelle, oublieux des valeurs ancestrales et corrompus par le libéralisme à l’américaine, les Français ont perdu leur âme, comme le signale l’auteur : « je ne distingue plus guère d’âme chez nous (…) bien des Français « de souche », aujourd’hui, ne sont plus que des bernard l’ermite qui vivent dans des coquilles abandonnées par les représentants d’une espèce à présent disparue, qui s’appelait l’espèce française et n’annonçait en rien, par on ne sait quel mystère génétique, celle qui s’est en cette fin de siècle affublée de ce nom. Ils se contentent de durer. Ils assurent machinalement leur survie à la petite semaine et de plus en plus mollement. « (Raspail, 1985 : 13). Dès lors, il n’est pas surprenant que ces rejetons indignes cèdent sans coup férir à l’égalitarisme hyperbolique qui les ‘ravale’ au rang des hommes du tiers monde. L’univers égalitaire qui suit la grande migration a même ses cadres institutionnels : après la capitulation de l’Occident, une O.N.U. d’un nouveau genre s’est installée à Hanoï et régit le monde.

Dans un tel contexte, les déviations racistes sont inévitables. Le récit justifie implicitement la politique d’apartheid sud-africaine. Il présente le président de ce pays comme le seul gouvernant (avec son homologue australien) à avoir « l’énergie » de se défendre en menaçant la flotte des Indiens de destruction si elle aborde au Cap (ibid. : 153). Intrigue biaisée que celle-là, où les cartes sont distribuées de telle manière que le racisme et l’ostracisme deviennent des conduites de survie. A peindre le tiers monde sous des couleurs aussi agressives, elle ne donne plus guère le choix aux personnages occidentaux : il faut détruire ou mourir. L’intégrité culturelle, bien suprême, est à ce prix. La valeur qui lui est accordée et les traits qui lui sont donnés sont conformes à l’idée que s’en fait la Nouvelle Droite, même si le roman pousse à l’extrême la menace qui pèse sur elle et, corrélativement, les moyens de la défendre.

Aux craintes néo-malthusiennes sur lesquelles se fonde son récit, Le camp des Saints ajoute donc le souci de l’intégrité culturelle occidentale — et, plus précisément, française — intégrité précieuse mais en voie de disparition, dont les traits sont homologues à l’idéal indo-européen développé par la Nouvelle Droite dans le champ intellectuel, dès le début des années soixante-dix. Le roman-prophétie se mue ainsi en un ouvrage idéologique et se meut dans un champ de l’intelligentsia française bien précis.

La migration dans le roman de J. Raspail est donc le principe d’une eschatologie où se dévoilent deux complexes idéologiques français de ces quinze dernières années. Les hyperboles du récit visent à lui assurer l’apparence d’une prophétie pour mieux masquer les options intellectuelles qui le fondent. Indépendamment de toute évaluation esthétique, l’intérêt de l’ouvrage tient au fait que l’apocalypse ici narrée est moins la révélation des fins ultimes de l’Occident et du tiers monde que celle d’un pan de notre imaginaire social. A l’heure où les phénomènes migratoires sont analysés avec une précision croissante, il n’est pas inutile de démonter les représentations fantasmatiques qui s’y attachent. L’étude de la littérature moderne peut sembler bien éloignée de ce champ des sciences humaines, elle constitue en fait l’un des révélateurs les plus précieux — en raison notamment de sa cohérence et de la latitude que s’y donne l’imagination — de l’imaginaire d’une société. Une analyse littéraire ainsi orientée vers la sociologie serait donc susceptible de devenir une approche théorique originale et fructueuse de ces problèmes.

Nous voudrions terminer par une note relativement optimiste. Le camp des Saints, variante moderne de la peur ancienne de l’étranger violent et puissant, du « barbare » en somme, demeure isolé dans la production romanesque de ces quinze dernières années. Pour les romans, le thème du bonheur sauvage, retrouvé dans le tiers monde, domine nettement celui de la « barbarie », et bien plus nombreux sont les ouvrages qui mettent l’accent sur l’euphorie primitive des pays pauvres. Nous ne citerons pour mémoire qu’un seul de ces romans ayant connu un succès assez important, Désert de Jean-Marie Le Clézio, qui assigne au Maroc désertique le statut d’espace du bonheur (14). Cette situation de la thématique romanesque n’incite qu’à un optimisme relatif, car, de Raspail à Le Clézio, on passe finalement d’un mythe à l’autre : du barbare agressif au bon sauvage, comme si l’Occident ne parvenait pas à expulser de ses récits les vieux démons de l’exotisme.

Notes et références bibliographiques

(1) Meadows et alii, New York : Universe Books, 1971. Traduction française . Halte à la croissance ? Fayard.

(2) Le professeur Calguès, personnage-clef du roman, a développé un art de vivre où s’inscrivent tous ces éléments : pp. 16, 27, et 34 (éd. de 1985).

(3) Calguès est croyant (p. 18), mais d’un catholicisme bien compris, opposé au tiers-mondisme dont fait piteusement preuve le Pape (p. 32). Il s’agit d’un christianisme culturel et moral plus que spirituel ou mystique.

(4) « Parce que la conscience globale du monde exige que l’on haïsse tout cela (la société française) », dit ainsi un jeune contestataire (p. 27).

(5) Claude Liauzu : L’enjeu tiers-mondiste, L’Harmattan, 1987, p. 17, citant F. Partant.

(6) Club de Rome : Le rapport de Tokyo, Seuil 1974, p. 85. Rappelons que l’une des idées fondamentales du premier rapport au Club de Rome est que la croissance exponentielle est une caractéristique intrinsèque de la population et du capital industriel, mais point de la technologie, d’où les risques d’une prochaine catastrophe. Cf. Quelles limites ?, Seuil, 1974, p. 37 et suivantes.

(7) Ouvrage typique de ce courant : Sauver l’humain de E. Bonnefous (Flammarion, 1976) pose le constat suivant : « Du point de vue international, la disproportion croissante entre pays riches à faible accroissement démographique et pays à fort développement constitue, à terme, une menace pour la paix ». (pp. 25-26).

(8) De cet auteur, cf. notamment, en coll. avec P. Legrand : Un futur sans avenir, Calmann-Lévy, 1979.

(9) Etant donné la notoriété des thèses du Club de Rome vers 1973, il semble douteux que J. Raspail ait tout ignoré d’elles.

(10) Sur la Nouvelle Droite, cf. P.-A. Taguieff : « La stratégie culturelle de la Nouvelle Droite en France (1968-1983) », in Union des Ecrivains : Vous avez dit FASCISMES ?, Arthaud-Montalba, 1984.

(11) Vu de droite, Copernic, 1977, (p. 25).

(12) Au premier rang de ces influences pernicieuses, le marxisme et le libéralisme (cf. A. de Benoist : Europe, Tiers monde même combat, R. Laffont, 1986, p. 223).

(13) Rappelons que le G.R.E.C.E. et A. de Benoist se séparent ici d’une fraction de la Nouvelle Droite, dont le noyau dur est le Club de l’Horloge, qui, elle, est favorable au libéralisme et considère que le « grand danger » provient de l’idéologie marxiste (cf. Taguieff, 1984).

(14) Gallimard, 1980.

11 Responses to Livres: Et ils investirent le camp des saints et la ville bien-aimée (Is current reality fast catching up with Jean Raspail’s 40-year-old grim vision?)

  1. […] La véritable cible du roman, ce ne sont pas les hordes d’immigrants sauvages du tiers-monde, mais les élites, politiques, religieuses, médiatiques, intellectuelles, du pays qui, par lâcheté devant la faiblesse, trahissent leurs racines, leurs traditions et les valeurs de leur civilisation. En fourriers d’une apocalypse dont ils seront les premières victimes. Chantre des causes dé sespérées et des peuples en voie de disparition, comme son œuvre ultérieure en témoigne, Jean Raspail a, dans ce grand livre d’anticipation, incité non pas à la haine et à la discrimination, mais à la lucidité et au courage. Dans deux générations, on saura si la réalité avait imité la fiction. Bruno de Cessole […]

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  2. […] frontière sud, l’Europe peine de plus en plus à retenir les vagues de plus en massives de nouveaux damnés de la terre contre ses murs (pardon: ses "barrières" […]

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  3. […] donneuse de leçons peine de plus en plus à retenir les vagues de plus en massives de nouveaux damnés de la terre contre ses murs à elle (pardon: ses "barrières") […]

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  4. […] une Europe si volontiers donneuse de leçons peine à retenir les vagues de plus en massives de nouveaux damnés de la terre contre ses murs à elle (pardon: ses "barrières") […]

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  5. […] par les pires conflits de la planète, les vagues d’immigration sauvages prophétisées par Jean Raspail ont déjà commencé à atteindre nos rivages […]

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  6. […] pires conflits de la planète, les vagues d’immigration sauvages et massives prophétisées par Jean Raspail ont déjà commencé à atteindre nos rivages […]

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  7. jcdurbant dit :

    UNE ETRANGE INSPIRATION

    « C’est un livre surprenant. Il a été long à écrire, mais il est venu tout seul. J’arrêtais le soir, je reprenais le lendemain matin sans savoir où j’allais. Il y a une inspiration dans ce livre qui est étrangère à moi-même. Je ne dis pas qu’elle est divine, mais étrange. »

    Jean Raspail

    Jean Raspail était hospitalisé depuis la fin décembre et, en raison de l’épidémie de coronavirus, sa famille n’a pas pu le voir jusqu’à ces derniers jours. « Cette situation a touché beaucoup de familles et c’est vraiment horrible », a confié le fils de l’écrivain. Admiré par les uns, décrié par les autres, l’écrivain, qui s’était autoproclamé consul général de Patagonie, se défendait d’être d’extrême droite, se définissant comme « royaliste », « homme libre, jamais inféodé à un parti ». Il reconnaissait cependant être « ultraréactionnaire », « attaché à l’identité et au terroir » et farouchement opposé au « métissage ».

    Auteur d’une quarantaine de livres, lauréat du Grand Prix du roman de l’Académie française (en 1981) pour Moi, Antoine de Tounens, roi de Patagonie et du prix du Livre Inter (en 1987) pour Qui se souvient des hommes, il restera comme l’auteur du roman Le Camp des saints, un livre sans cesse réédité depuis sa parution en 1973.

    Salué comme un « roman culte » par la mouvance nationaliste, qualifié de « raciste » par les autres, Le Camp des saints imagine l’arrivée, une nuit, sur les côtes du sud de la France, de cent navires à bout de souffle chargés d’un million d’immigrants. Ils sont l’avant-garde d’un tiers-monde qui se réfugie en Occident pour y trouver l’espérance. Face à cela, que faire ? C’est ce choc que raconte le livre, tandis que l’auteur s’interroge : « Y a-t-il un avenir pour l’Occident ? »

    A propos de cet ouvrage, l’écrivain confiait au magazine Le Point en 2015 : « C’est un livre surprenant. Il a été long à écrire, mais il est venu tout seul. J’arrêtais le soir, je reprenais le lendemain matin sans savoir où j’allais. Il y a une inspiration dans ce livre qui est étrangère à moi-même. Je ne dis pas qu’elle est divine, mais étrange. »

    En 2015, en pleine crise migratoire en Europe, la présidente du RN, Marine Le Pen, avait invité « les Français à lire ou relire Le Camp des Saints ». Samedi, sur Twitter, elle a qualifié le décès de Jean Raspail d' »immense perte pour la famille nationale ».

    Né le 5 juillet 1925 à Chemillé-sur-Dême (Indre-et-Loire), Jean Raspail a d’abord connu une vie de bourlingueur, prenant le large après deux ans d’études de droit avant de se consacrer à l’écriture. Il se considérait comme « un marin manqué, qui a longtemps exploré le monde avant de découvrir que l’écriture est aussi un long voyage ». Mais avant cette révélation, il a vu du pays : « Mes universités, ce sont mes voyages. » En 1948, il part de Québec à bord d’un canoë avec trois camarades et, sur les traces du père Marquette, un missionnaire jésuite du XVIIe siècle, rejoint La Nouvelle-Orléans, via les Grands Lacs et le Mississippi.

    En 1951, il traverse en automobile les deux Amériques dans leur totalité. Ce raid, considéré comme la dernière grande expédition automobile, lui inspire son premier récit de voyage, Terre de feu-Alaska (1952). D’autres suivent : Le Vent des pins (Japon), Terres et peuples incas (Pérou), Terres saintes et profanes (Congo)… Il y aura aussi Le Jeu du roi (1976) ou Pêcheur de lunes (1990). Jean Raspail s’était pris de passion pour la Patagonie, royaume imaginaire dans les terres australes d’Amérique du Sud dont il s’était proclamé « consul général ».

    En 1981, il écrit ce qui restera son plus grand succès, Moi, Antoine de Tounens, roi de Patagonie, ou le destin d’un aventurier français qui débarqua en Argentine en 1860 et se fit proclamer roi d’Araucanie et de Patagonie par les populations locales. Ce livre obtient le prix du roman de l’Académie française. En 1989, puis en 1998, il « occupe » brièvement l’archipel des Minquiers, éparpillement de granit peuplé de lapins, au sud de Jersey, « en représailles à l’occupation des Malouines, territoire purement patagon, par les Britanniques ».

    Lauréat du prix Chateaubriand et du livre Inter pour Qui se souvient des hommes… (1986), du prix Maison de la presse pour L’Anneau du pêcheur (1995), du grand prix du roman de la ville de Paris pour Sire (1991), il préside, pour le bicentenaire de 1793, le Comité national pour la commémoration solennelle de la mort de Louis XVI.

    Jean Raspail, qui se situait politiquement, selon ses mots, à « droite-droite », revient dans l’actualité en 2004 avec une tribune parue dans Le Figaro, intitulée La patrie trahie par la République, qui suscite de vives réactions. Il y prédit « le basculement définitif des années 2050 qui verra les ‘Français de souche’ se compter seulement la moitié – la plus âgée – de la population du pays, le reste étant composé d’Africains, de Maghrébins ou Noirs et Asiatiques (…), avec forte dominante de l’islam, djihadistes compris ». Attaqué en justice par la Licra pour « provocation à la haine raciale », il est finalement relaxé.

    En 2008, Le Camp des saints est réédité avec un grand succès. Le roman – un des livres de chevet de Steve Bannon, ancien stratège de Donald Trump – est chroniqué favorablement sur des sites comme celui de l’Action française ou du Rassemblement pour la France. Admiré par les déclinistes et les identitaires, Jean Raspail fait en 2015 la une de Valeurs Actuelles qui le qualifie de « prophète ». Au magazine Le Point, cette année-là, il dit à propos des commentaires sur son livre : « Je ne vais pas sur internet, je ne suis pas entré dans le XXIe siècle, je ne sais donc pas ce qu’on y dit. »

    https://www.francetvinfo.fr/culture/livres/jean-raspail-l-ecrivain-royaliste-auteur-notamment-du-roman-sulfureux-le-camp-des-saints-est-mort-a-94-ans_4007061.html

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  8. jcdurbant dit :

    MORT D’UN PROPHETE (Quel meilleur jour pour mourir que le jour même d’une manifestation antiraciste où l’on crie ‘sales juifs !’ pour celui qui avait prophétisé dès 1973 l’effet destructeur de la culpabilisation et de l’antiracisme sur notre civilisation ?)

    Place de la République, une banderole se déploie sur le parcours de la manifestation parisienne contre le racisme et les violences policières, samedi 13 juin. « Justice pour les victimes du racisme anti-blanc ». Le groupuscule d’extrême droite Génération identitaire est à la manœuvre, alors que le slogan « Black Lives Matter » (« les vies noires comptent ») résonne désormais jusqu’en France. « Les seules vraies victimes, ce sont celles du racisme anti-blanc », poste sur Twitter l’une des activistes, Thaïs d’Escufon, qui affirme militer, à 20 ans à peine, « pour le droit des peuples à être maîtres chez eux ».

    Sur les réseaux sociaux de la droite extrême, les hashtags #whitelivesmatter se mêlent soudain aux hommages. Jean Raspail est mort. En 2019, la même Thaïs d’Escufon écoutait l’un de ses camarades lui parler avec ferveur de l’écrivain, lors d’une soirée passée entre identitaires toulousains. L’extrême droite perd son prophète un jour de manifestations antiracistes et ose le parallèle. « Il ne pouvait pas mourir dans un moment plus affreux », juge l’écrivain d’extrême droite Renaud Camus, qui a popularisé la théorie du « grand remplacement ».

    Des anciens de l’Œuvre française à ceux de la Nouvelle Droite, en passant par l’Action française et le Rassemblement national (RN, ex-Front national), au fil de l’après-midi, c’est l’ensemble la famille nationaliste qui finit par se retrouver en ligne pour saluer celui qui « avait prophétisé dès 1973 l’effet destructeur de la culpabilisation et de l’antiracisme sur notre civilisation », selon l’ancien député européen frontiste et fondateur de la très identitaire Fondation Polemia, Jean-Yves Gallou.

    Car l’écrivain royaliste « à droite droite », selon ses propres termes, a signé en 1973 le livre de chevet que tous ont en commun : Le Camp des saints. Sur Twitter, samedi, l’eurodéputé RN Jean-Lin Lacapelle affichait fièrement son exemplaire dédicacé, quand Marine Le Pen invitait à « relire » un livre qui, selon elle, « au-delà d’évoquer avec une plume talentueuse les périls migratoires, avait, bien avant Soumission [le roman de Michel Houellebecq paru en 2015], décrit impitoyablement la soumission de nos élites ».

    Résistants « de souche »

    Le Camp des saints raconte l’histoire du débarquement d’un million de migrants venus du sous-continent indien sur les plages du sud de la France et de leur déferlement sur l’Occident avec la bénédiction des élites. Extrait : « Ils couvriront de caca votre terrasse et s’essuieront les mains aux livres de votre bibliothèque. Ils cracheront votre vin. Ils mangeront avec leurs doigts. (…) Nous mourrons lentement rongés de l’intérieur par des millions de microbes introduits dans notre corps. »

    Les derniers résistants « de souche » finissent par ouvrir le feu et meurent trahis et bombardés par un gouvernement français rebaptisé « commune multiraciale de Paris ». Un récit qui serait « la simple constatation de l’incompatibilité des races lorsqu’elles se partagent un même milieu ambiant », peut-on encore lire dans l’ouvrage conseillé par la patronne du RN et candidate à la présidentielle de 2022.

    « Il ne s’agit pas de dire que nous vivons Le Camp des saints, nous n’en sommes pas là en termes de volume, déclarait Marine Le Pen à Libération en 2015. Mais nous commençons à nous en approcher. » La même année, Jean Raspail se défendait de tout racisme dans un entretien au Point. Avant d’ajouter que son livre était, finalement, « peut-être un peu » politique. Et que « le dernier carré de fidèles et de combattants composé de patriotes, attachés à l’identité et au terroir » s’y soulevait « contre la fraternité générale et le métissage ». Par les armes.

    https://www.lemonde.fr/culture/article/2020/06/13/la-famille-nationaliste-pleure-la-mort-de-jean-raspail-prophete-du-grand-remplacement_6042772_3246.html

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