FN: Attention, une stigmatisation peut en cacher une autre (When in doubt, stigmatize!)

Le Pen (Libération cover)Pendant huit ans, cinq infirmières bulgares et un médecin palestinien ont été retenus prisonniers en Libye. Qui a confirmé la peine de mort des infirmières? Moustapha Abdeljalil, aujourd’hui chef des insurgés. L’Express
L’invasion d’un million, 1,5 million de réfugiés en Italie, comme l’a estimé Frontex, mettrait à genoux n’importe quel Etat. C’est pour cela que nous demandons la solidarité de tous les pays européens, à la fois pour les contrôles et pour l’hébergement. Roberto Maroni (ministre italien de l’Intérieur)
Notre problème, ce n’est pas les étrangers, c’est qu’il y a overdose. C’est peut-être vrai qu’il n’y a pas plus d’étrangers qu’avant la guerre, mais ce n’est pas les mêmes et ça fait une différence. Il est certain que d’avoir des Espagnols, des Polonais et des Portugais travaillant chez nous, ça pose moins de problèmes que d’avoir des musulmans et des Noirs […] Comment voulez-vous que le travailleur français qui habite à la Goutte-d’or où je me promenais avec Alain Juppé il y a trois ou quatre jours, qui travaille avec sa femme et qui, ensemble, gagnent environ 15 000 francs, et qui voit sur le palier à côté de son HLM, entassée, une famille avec un père de famille, trois ou quatre épouses, et une vingtaine de gosses, et qui gagne 50 000 francs de prestations sociales, sans naturellement travailler ! [applaudissements nourris] Si vous ajoutez à cela le bruit et l’odeur [rires nourris], eh bien le travailleur français sur le palier devient fou. Et il faut le comprendre, si vous y étiez, vous auriez la même réaction. Et ce n’est pas être raciste que de dire cela. Nous n’avons plus les moyens d’honorer le regroupement familial, et il faut enfin ouvrir le grand débat qui s’impose dans notre pays, qui est un vrai débat moral, pour savoir s’il est naturel que les étrangers puissent bénéficier, au même titre que les Français, d’une solidarité nationale à laquelle ils ne participent pas puisqu’ils ne paient pas d’impôt ! […] Il faut que ceux qui nous gouvernent prennent conscience qu’il y a un problème de l’immigration, et que si l’on ne le traite pas et, les socialistes étant ce qu’ils sont, ils ne le traiteront que sous la pression de l’opinion publique, les choses empireront au profit de ceux qui sont les plus extrémistes. […] [Au sujet des épiciers de proximité] La plupart de ces gens-là sont des gens qui travaillent, des braves gens ; on est bien content de les avoir. Si on n’avait pas l’épicier kabyle au coin de la rue, ouvert de 7 heures du matin à minuit, combien de fois on n’aurait rien à bouffer le soir ? Chirac (dîner-débat RPR, 19 juin 1991)
La France ne peut plus être un pays d’immigration, elle n’est pas en mesure d’accueillir de nouveaux immigrants (…) Le regroupement familial pose par son ampleur des problèmes très réels de logement, de scolarisation et d’encadrement so­cial. (…) On ne peut tolérer que des clandestins puissent rester en France. (…) Il faut tout mettre en œuvre pour que les décisions de reconduite à la frontière soient effectives (…) La très grande majorité des dossiers déposés à l’Ofpra s’avère injustifiée (de l’ordre de 90 %), ces demandes n’étant qu’un prétexte pour bénéficier des avantages sociaux français (…) Les élus peuvent intervenir efficacement et les collectivités locales […] doivent avoir leur mot à dire quant au nombre d’immigrés qu’elles accueillent sur leur territoire », afin de « tenir compte du seuil de tolérance qui existe dans chaque immeuble (…) Les cours de “langues et cultures des pays d’origine” doivent être facultatifs et déplacés en dehors des horaires scolaires. (….) l’islam n’apparaît pas conforme à nos fondements sociaux et semble incompatible avec le droit français (…) Il y a bien incompatibilité entre l’islam et nos lois. C’est à l’islam et à lui seul de [s’adapter] afin d’être compatible avec nos règles. (…) ce n’est pas aux pouvoirs publics d’organiser l’islam. On n’intègre pas des communautés mais des individus (…) Il convient de s’opposer (…) à toute tentative communautaire qui viserait à instaurer sur le sol français des statuts personnels propres à certaines communautés. (…) Les activités cultuelles doivent être exclues de la compétence des associations relevant de la loi de 1901. (…) la mainmise de l’étranger sur certaines de ces associations est tout à fait inacceptable. (…) la création de lieux de culte doit se faire dans le respect (…) du patrimoine architectural de la France. Etats généraux RPR-UDF (1er avril 1990)
Si je n’étais pas féministe et partisan de la parité au Parlement, je me serais dit que c’est exactement le genre de fille qu’on a envie de sauter entre deux portes en espérant qu’elle vous demande de lui donner des baffes avant de jouir pour pouvoir se mettre un instant dans la peau d’un sans-papiers macho et irascible. Libération
On ne va pas s’allier avec le FN, c’est un parti de primates. Il est hors de question de discuter avec des primates. Claude Goasguen (UMP, Paris)
Car la consigne (« Qu’ils s’en aillent tous ») ne visera pas seulement ce président, roi des accointances, et ses ministres, ce conseil d’administration gouvernemental de la clique du Fouquet’s ! Elle concernera toute l’oligarchie bénéficiaire du gâchis actuel. « Qu’ils s’en aillent tous ! » : les patrons hors de prix, les sorciers du fric qui transforment tout ce qui est humain en marchandise, les émigrés fiscaux, les financiers dont les exigences cancérisent les entreprises. Qu’ils s’en aillent aussi, les griots du prétendu « déclin de la France » avec leurs salles refrains qui injectent le poison de la résignation. Et pendant que j’y suis, « Qu’ils s’en aillent tous » aussi ces antihéros du sport, gorgés d’argent, planqués du fisc, blindés d’ingratitude. Du balai ! Ouste ! De l’air ! Jean-Luc Mélenchon
Si nous n’étions pas là, qui lutterait contre les délocalisations, contre la désindustrialisation, la paupérisation généralisée de notre société, la prolétarisation de notre classe moyenne et la disparition programmée de notre agriculture, de notre pêche, et de nos petits commerçants sous les coups de la grande distribution? Jean-Marie Le Pen (1er mai 2010)
Je pense qu’on n’aborde pas les vraies questions et qu’on donne le sentiment qu’on esquive un certain nombre de questions importantes. Je pense que la question de la maîtrise des flux migratoires est une question qui reste importante, qui taraude la société française et que le sentiment qu’il y ait une sorte d’invasion rampante ; et donc, tant qu’on n’abordera pas frontalement cette question-là en montrant qu’on est capable de maîtriser, de réguler, d’organiser ces flux migratoires, la question de la ghettoïsation ou plus exactement la ghettoïsation ethnique de la société française n’ait pas abordé…(…) Mais je pense que beaucoup de dirigeants ont peur d’ouvrir ces débats-là avec le fait que ça fasse le lit du Front National ; et moi je pense qu’une société qui cache, qui refuse les débats, c’est une société qui me donne le sentiment qu’elle a peur. Et donc à partir de là, ceux qui exploitent ces peurs sont en situation favorable. (…) Il y a deux solutions. – Soit on dit : ça n’existe pas tout ça ; et à ce moment-là, on se rassure et on pense que l’anti-Sarkozysme va nous faire gagner les élections présidentielles. – Soit on dit : ça existe mais à partir de là, on apporte nos réponses. Moi je n’apporte pas les réponses de Marine Le Pen. Vous ne m’avez pas entendu dire qu’il fallait rejeter les Immigrés. Je dis, au contraire, que la question qui est posée :- c’est comment on redonne un sens à ces phénomènes migratoires qui sont de toute manière des phénomènes inscrits dans l’avenir de l’Humanité.- Donc, comment on évite qu’ils soient parqués dans des ghettos et qu’ils aient le sentiment qu’ils sont toujours rejetés. Comment on évite, par exemple, qu’ils soient systématiquement stigmatisés. (…) le vrai débat n’est pas sur l’islam. Le vrai débat, il est sur la laïcité ; et là, tous les partis politiques doivent en discuter. Et donc, le problème, ce n’est pas d’aller discuter d’une religion et donc de donner le sentiment qu’on la stigmatise. Le problème c’est de redéfinir des règles communes, y compris sur les pratiques religieuses qui interpellent aujourd’hui dans notre pays. Julien Dray
Leur côté internationaliste m’a gonflée. J’ai pas aimé non plus les prières en arabe dans la rue pendant les manifestations propalestiniennes, ça a été la goutte d’eau… Je me suis tirée. (…) Je croyais que des fachos allaient me casser la gueule, j’ai été bien accueillie. Vénussia Myrtil (ex-militante NPA et candidate FN aux cantonales)
Je ne vois pas pourquoi ils me retirent mes mandats. On a le droit d’avoir une vie syndicale et politique (…) Je fais partie de la vague Marine. Mon engagement n’aurait peut-être pas été le même avec Jean-Marie Le Pen. Annie Lemahieu (ancienne électrice PS et syndicaliste FO exclue pour adhésion au FN)
J’ai connu Riposte Laïque lors de ma démission du NPA. J’ai quitté ce parti peu de temps après les élections régionales, avec le 3/4 du comité de Thionville. Nous étions tous littéralement sidérés de voir que le parti acceptait une candidate voilée, sans même prendre l’avis des ses adhérents lors d’un congrès national. Nous considérons que le voile est un symbole de soumission de la femme, totalement à l’opposé du principe de l’égalité des hommes et des femmes, contraire à notre modèle civilisationnel et à nos valeurs progressistes. (…) Nous nous sommes aussi rendu compte que toute critique de l’islam était immédiatement taxée de racisme ou d’islamophobie, alors même que les critiques à l’encontre du catholicisme ou d’autres religions étaient les bienvenues. Quelle drôle de conception de la laïcité ! (…) Cela tient tout d’abord à l’arrivée de Marine Le Pen. Elle a su dédiaboliser le FN, qui, je pense, a souvent été victime de caricatures par les bien-pensants. Actuellement, elle est la seule à défendre véritablement la loi de 1905, à dénoncer la banalisation du halal et les prières illégales sur la voie publique. Elle apporte des solutions contre la mondialisation, et donc contre les délocalisations, elle propose aussi de lutter contre la concurrence imposée de la main d’œuvre étrangère avec la main d’œuvre « locale » dans le but avoué de faire baisser les salaires quitte à jeter au chômage des Français. Marine Le Pen lutte aussi contre l’Europe de Bruxelles qui nous appauvrit de jour en jour et, bien sûr, elle songe aussi à un éventuel retour au franc, car si un risque d’effondrement de l’euro existe, nous avons tout intérêt à nous doter d’un plan de sortie anticipée. De plus, je pense qu’elle a raison de défendre la préférence nationale et de rappeler que nous ne devons avoir honte ni de notre culture, ni de nos couleurs. Chaque pays a sa propre histoire et certains acquis qui lui sont propres. Je suis donc plutôt favorable à une Europe des nations. (…) Le problème avec Jean Luc Mélenchon (…) c’est l’immigration. J’avoue qu’avec le bénéfice des ans, j’ai un peu évolué sur ce sujet : avec 5 millions de chômeurs en France, nous ne pouvons plus accepter autant d’immigrés. Bien sûr on est toujours touché par le parcours de certains clandestins issus de pays pauvres ; pour empêcher ces déracinements, les peuples de ces pays devraient s’inspirer de la révolution Tunisienne (l’Egypte est en pleine effervescence), afin d’instaurer chez eux une véritable démocratie laïque et non islamique, et veiller à ce que les richesses de leur pays, qui sont souvent immenses, ne soient pas détournées par les élites. Aussi lorsque Jean-Luc Mélenchon dit vouloir régulariser tous les sans-papiers, je ne suis pas d’accord : nous n’avons ni l’obligation morale ni la possibilité d’accueillir toute la misère du monde, comme le disaient le socialiste Michel Rocard ou le communiste Georges Marchais, lequel, dans les années 80, réclamait l’arrêt de l’immigration. Prenons donc exemple sur la Suisse et ses votations citoyennes et demandons aux Français, lors d’un référendum, leur avis sur l’immigration. Nos chères élites seraient bien surprises du résultat. Quant aux zones de non-droit de nos quartiers et aux agressions aux personnes, elles constituent désormais un autre problème majeur et pourrissent la vie de bon nombre de nos concitoyens, surtout, mais pas seulement, dans les milieux modestes. Je ne pense pas que les solutions angéliques de Jean-Luc Mélenchon soient capables de régler le problème que pose cette violence, qui est d’abord une violence gratuite. Fabien Engelmann
Pour son 37e et dernier discours du 1er Mai en tant que président du FN, Jean-Marie Le Pen a mis très fortement l’accent sur le social, à l’image de sa fille, Marine Le Pen, à Hénin-Beaumont. Le Front national qui a adapté ses thématiques à la crise économique s’est présenté de manière inédite ce 1er Mai comme l’unique rempart contre l’“exploitation“. (…) Etat-Nation, Ecole, Service public : que d’empêcheurs d’exploiter en rond !”, s’est exclamé le vieux leader frontiste, tournant le dos, à la faveur de la crise, aux options reaganiennes que le FN avait adopté un temps, notamment à la fin des années 1980. Il a même parlé d’un “terrible besoin de fraternité“. Du jamais entendu -ni vu- au Front national. (…) Jean-Marie Le Pen est même allé braconner chez ses ennemis historiques, les communistes. “Marine me disait l’autre jour, à propos de ce discours du 1er mai “Jaurès et pas Thorez !”. Et pourquoi pas ?! Avant que le Parti communiste français et les syndicats n’eussent trahi les ouvriers en acceptant la mondialisation et l’Europe et en devenant immigrationnistes, Georges Marchais ne réclamait-il pas son arrêt immédiat et ne défendait-il pas le “produisons français” ? Il avait raison, comme nous avions raison.” Là où Marine Le Pen croit que l’électorat populaire de gauche peut être capté par le FN, son père, lui, n’hésite pas. “Cette gauche là, qui vit encore, celle de la défense des opprimés, des exploités, des petits patrons, des petits fonctionnaires, des petits paysans, est certainement plus éloignée de la gauche américaine des Strauss Kahn et des Aubry que de nous !” Et d’ajouter: “Elle est plus proche de nous que cette droite de l’argent roi, des Rolex et des chanteuses, celle qui finance les banques qui verse des milliards de bonus à ses traders pendant qu’un de nos paysans se suicide chaque jour!” Du coup Jean-Marie Le Pen est devenu subitement keynesien :“Il faut restaurer le pouvoir d’achat pour relancer la consommation et donc retrouver le chemin de la croissance”. Il a aussi viré altermondialiste en dénonçant “la marchandisation de tout et de tous”, et assurant qu’“un autre avenir est possible”. Avant de terminer sur des accents anti-impérialistes en condamnant “les multinationales américaines qui imposent leur loi”. Albert Mestre et Corinne Monnot
Tout en étant favorable à la peine de mort, la vice-présidente du FN est pour le Pacs et la loi Veil, et prend ses distances avec les dérapages de son père ! Mieux : la fille de l’héritier des ciments Lambert «plaide, des trémolos dans la voix, contre la mondialisation « qui consiste à faire fabriquer par des esclaves pour vendre à des chômeurs» et même contre la grande distribution, « qui ne cesse d’augmenter ses marges» !  Marianne
Ce n’est (…) pas parce que « Claude Guéant parle comme Marine Le Pen » (dixit Jean-Louis Borloo) que cette dernière progresse dans l’opinion et perce dans les urnes d’une élection qui jusqu’alors fermait à son parti les portes du second tour. C’est parce que ceux qui, en 2007, avaient quitté Jean-Marie Le Pen pour Nicolas Sarkozy en espérant voir réaliser certains de leurs vœux estiment qu’ils n’ont pas été entendus. (…) Peut-on, après cela, parler sans rire, comme dimanche soir, sur la plupart des plateaux télé, de « réaction des électeurs contre la droitisation de l’UMP » ? La vérité est que, depuis les années 1990, la droite n’a cessé de se dédroitiser et, par voie de conséquence, de libérer un espace croissant au Front national dont les propositions d’aujourd’hui sont parfois en deçà de celles du RPR et de l’UDF d’alors (lire les propositions des états généraux de l’opposition, animés, voici vingt ans, par Nicolas Sarkozy et Alain Madelin)… Valeurs actuelles
Toutes les enquêtes, notamment celle publiée chaque année (le 21 mars) dans le rapport de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, montrent qu’il y a un double mouvement : d’une part l’ouverture de la société française à la différence et, d’autre part, la stigmatisation, pour une partie de l’opinion publique, de l’immigration en provenance des pays musulmans et de l’Islam en général. Lorsqu’on pose aux Français la question de savoir quelle est l’image qu’ils ont des différents groupes vivant sur le territoire national et des différentes religions, une frange de la population exprime désormais ouvertement le fait que l’Islam est intrinsèquement un problème car possédant des bases et un contenu supposé incompatible avec le projet civilisationnel français et européen. L’attitude des Français face à l’intégration change également. Il y a encore une dizaine d’années, on considérait que les problèmes d’intégration des étrangers étaient dus davantage à la société d’accueil. Désormais, un grand nombre de Français pensent que la responsabilité de la non-intégration provient des étrangers eux-mêmes. Ce phénomène existe aussi au niveau européen : en Europe du Nord (Scandinavie, Pays-Bas), en Italie avec le succès de la Ligue du Nord, en Autriche dans une moindre mesure. L’un des changements fondamentaux est que l’extrême-droite a muté idéologiquement. Elle est devenue aujourd’hui différente du néofascisme traditionnel. Les références à la Seconde guerre mondiale et aux régimes autoritaires qui les ont précédés s’estompent mais il apparaît une nouvelle forme d’extrémisme qui s’appuie sur le retournement d’un certain nombre de valeurs considérées jusqu’à aujourd’hui comme faisant partie du logiciel idéologique progressiste. Pourquoi l’Islam est aujourd’hui critiqué ? En raison de son attitude vis-à-vis des femmes, voire au nom du féminisme ; en raison de son attitude envers les minorités donc au nom du principe d’égalité et de liberté religieuse. On voit également comment Pim Fortuyn dans un premier temps et d’autres par la suite ont expliqué qu’en tant qu’homosexuels, ils se sentaient agressés par un Islam qui ne tolère pas les différences sexuelles. In fine, l’Islam est attaqué non pas en tant que religion mais culture. (…) à l’intérieur de la droite de gouvernement, un certain nombre de responsables, y compris le président de la République, se sont eux-mêmes emparés de la question. Ils l’ont fait en nous expliquant que ce qui se passait de l’autre côté de la Méditerranée était positif mais en agitant le spectre de l’invasion des immigrants illégaux et en liant les évènements à la question de l’Islam. Ce n’est pas un hasard si, au moment précis où la France modifiait son attitude vis-à-vis du monde arabe pour prendre le parti des peuples qui se révoltent, le président de la République relançait dans le même temps le débat sur l’identité nationale. (…) La présentation des Musulmans comme étant potentiellement susceptibles de déferler sur nos côtes et étant par ailleurs adeptes d’une religion qui poserait problème dans son implantation sur le sol national concourent effectivement à attiser les peurs. Jean-Yves Camus
Le FN apparaît, plus que jamais, comme un vecteur de manifestation des préoccupations populaires. Le « vote utile » des électeurs frontistes exprime un message de mécontentement profond où se mêlent questions sociétales (insécurité, immigration) et socio-économiques (rejet du libre-échange et de la mondialisation). Le nouveau discours de Marine Le Pen parvient à conjuguer ces deux thématiques et à rentrer ainsi en résonance avec l’opinion d’une large fraction de la population. (…) L’argument moral jeté à la face de ces divers électeurs, ou encore les démonstrations idéologiques, ont peu de chance d’être efficaces. Seules des réponses apportées à leurs préoccupations concrètes par les partis républicains pourront convaincre cette France en crise qu’elle a mieux à faire que de crier sa colère en votant à l’extrême droite. Eric Dupin
Par-delà la diversité des ancrages historiques et des programmes, on peut déterminer des bases communes au champ d’extrême droite et national-populiste. La première dimension commune est le réductionnisme. Celui-ci postule la nécessité d’une relation directe et de type fusionnel entre le peuple et l’acteur populiste (le parti), incarné dans la plupart des cas par un chef charismatique (Le Pen, Haider, Bossi, Blocher). D’autre part, les populismes d´extrême droite rejettent plusieurs dimensions centrales des sociétés démocratiques modernes: les mécaniques complexes de représentation, en particulier la démocratie représentative à laquelle ils préfèrent le lien direct du peuple au chef ; le principe de la discussion et de la recherche du consensus et, plus largement, le socle commun des principes issus des Lumières, dont les droits de l’homme. A l’extrême-droite, les problèmes sociaux et économiques ne sont pas compris comme des processus complexes, mais se voient réduits à une explication mono-causale qui est parfois de l’ordre de la théorie du complot, utilisée entre autres afin d’expliquer des phénomènes jugés destructeurs comme l’immigration et la construction européenne, voire la constitution en cours d’un « gouvernement mondial ». Les explications mono-causales sont une constante du discours populiste, le recours à la théorie du complot ne l’est pas : les formations les plus modérées, comme l’UDC et le Parti du Progrès norvégien, s’en abstiennent, et les formations essentiellement islamophobes s’en tiennent à une seule, celle du « plan » islamiste de (re)conquête de l’Europe par la force. Autre tronc commun, et non des moindres : les extrême-droites proposent aux électeurs des solutions qui se caractérisent par leur simplicité : le renvoi des immigrés chez eux, le repli sur la nation ou l’ethnie, la répression des » déviances » sociales et comportementales. Cette famille politique utilise à plein la stratégie du bouc-émissaire, catégorie beaucoup plus diverse d’ailleurs que les « immigrés » : les homosexuels ; les minorités ethniques et religieuses, en particulier les juifs, mais aussi les « technocrates », les media et les « intellectuels », sont des cibles fréquentes. Si on peut énoncer le principe général que le nombre des cibles et la violence des attaques sont proportionnels au degré de radicalité anti-système de celui qui les énonce ; que le racisme est généralisé ; si on peut aussi assurer que l’utilisation de la théorie du complot et de l’antisémitisme sont eux-aussi le fait des partis les plus radicaux, les autres catégories ciblées ne le sont pas par toutes les formations. Il existe ainsi des partis non hostiles aux homosexuels (la Liste Fortuyn) ; carrément philosémites et pro-israéliens (Partij voor de Vrijheid) ; ou faisant un réel effort intellectuel de théorisation politique (FP ; Vlaams Belang). Jean-Yves Camus
Le populisme est scientifiquement le fait d’utiliser un sentiment de défiance qu’ont certains citoyens vis-à-vis des élites politiques, pour distiller l’idée qu’il existe un bon sens populaire naturel affirmant que les élus sont éloignés de la réalité, voire corrompus et en touts cas incapables de se présenter comme les défenseurs du bien commun. (…) Le populisme est un système politique dans lequel la démocratie représentative est remplacée par la démocratie directe. L’exemple suisse en est le symbole par excellence, toutes les questions de société (peine de mort, retraite, immigration etc…) étant soumises à une votation populaire. Le corollaire inéluctable de ce système est l’affaiblissement du pouvoir du Parlement. Et le risque est que la loi suive les fluctuations de l’opinion et ses passions. Jean-Yves Camus (17/07/10)
Le mépris dans lequel les tient la classe dirigeante a quelque chose de sidérant. Nos élites sont mues par une invraisemblable prolophobie dont elles n’ont parfois même pas conscience. (…) Les impensés de la gauche sur la sécurité et l’immigration témoignent d’un déni persévérant de celle-ci face à l’expression de certaines souffrances sociales. (…) Avant d’être une posture politique, le front républicain est d’abord un réflexe de classe et de caste. Patrick Buisson

Attention: une stigmatisation peut en cacher une autre!

A l’heure où, emporté par son obsession des « coups » électoralistes, notre Sarko national nous embarque dans la défense voire l’armement de crieurs d’allah akbar ou de jihadistes ou tortionnaires plus ou moins reconvertis

Et où, face à la perspective d’une arrivée massive de réfugiés déclenchée par le prétendu « printemps arabe« , une France à l’économie et à l’intégration en panne fête en grande pompe l’acquisition d’un nouveau département et potentiel Lampedusa en plein Océan indien …

Comment ne pas voir l’affligeante vacuité et l’atterrant simplisme des réponses d’un Front national qui, derrière l’indéniable mérite de poser les questions qui fâchent, tente de nous refourguer du Laguiller  réchauffé?

Mais aussi, comme le rappelle le cerveau des « coups » sarkozyens Patrick Buisson, l’incroyable déni des réalités et l’immense mépris que cache, tant à gauche qu’à droite, le prétendu « front républicain » ?

Rencontre avec l’éminence grise de Sarkozy

Patrick Buisson est le stratège du chef de l’Etat. Il dénonce la « prolophobie des élites », qui explique, selon lui, la montée du FN.

Elisabeth Chavelet

Paris Match

L’Elysée le dit clairement : Nicolas Sarkozy ne peut ignorer un Front national à 11,70 %, et plus s’il avait présenté des candidats sur tout le territoire. Ce score élevé est une confirmation. Une validation de tout ce que ­Patrick Buisson, le conseiller de l’ombre du chef de l’Etat, observe dans les sondages, les urnes et la géographie française depuis 2005. Cette année-là, ce discret colosse sexagénaire, passionné de chant grégorien, avait pronostiqué le non au référendum sur la Constitution européenne à 55 %. Puis, en 2007, il avait largement contribué à l’élection de Nicolas Sarkozy en « siphonnant » les voix du FN. Depuis, il a tous les jours le président au téléphone et il est l’un des seuls à le voir en tête-à-tête. Mais Buisson est en colère. Enervé qu’on lui impute des « contrevérités » de toutes parts. Fait rarissime : il a ­accepté de s’expliquer dans Match.

A commencer, bien sûr, par son décryptage de la montée du Front national. Etudes d’opinion à l’appui, il observe que l’électorat du FN – ouvriers, chômeurs, précaires, smicards – « se compose d’une droite radicalisée et, pour l’essentiel, d’un électorat populaire qui n’a rien à voir avec l’extrême droite. » Et tous ces petits, ces sans-grade se sentent de plus en plus abandonnés. Il accuse : « Le mépris dans lequel les tient la classe dirigeante a quelque chose de sidérant. Nos élites sont mues par une invraisemblable prolophobie dont elles n’ont parfois même pas conscience. »

Patrick Buisson : « Le front républicain est d’abord un réflexe de classe et de caste »

Prolos contre bobos, ce serait là la grande fracture. Le politologue met tous les partis classiques dans le même sac. Il stigmatise notamment l’aveuglement du PS. « Les impensés de la gauche sur la sécurité et l’immigration témoignent d’un déni persévérant de celle-ci face à l’expression de certaines souffrances sociales. » Ce tout sauf le PS explique la stratégie présidentielle du refus de l’alliance droite-gauche contre le FN. « Ce serait, dit-il, une machine à laminer l’UMP en l’assimilant au PS au sein d’une sorte de syndicat des sortants. » En clair, l’alliance élitiste PS-UMP contre les petits frontistes est une machine à perdre. Et en pointillé, ceux qui prônent ce front républicain, de Fillon à NKM et à Valérie ­Pécresse, sont des super-bobos coupés de la France qui souffre. Patrick Buisson résume : « Avant d’être une posture politique, le front républicain est d’abord un réflexe de classe et de caste. » Mais alors que faire pour reconquérir cet électorat populaire qui s’est laissé bercer par les promesses non tenues de 2007 ? Le conseiller a déjà un plan de bataille. En trois points.

Sur l’immigration, beaucoup plus de fermeté (c’est la nouvelle politique Guéant). Sur l’identité nationale, un débat qui débouche enfin sur des actes politiques lourds comme un nouveau code de la laïcité. Enfin, sur le pouvoir d’achat, il plaide pour une grande loi de réhabilitation du travail. Elle lutterait contre l’assistanat en réservant par exemple le RSA et le RMI aux bénéficiaires qui ont un travail.

Contrairement à certaines allégations, Patrick Buisson ne souhaite pas un second tour 2012 Sarkozy-Le Pen. « Ce serait une catastrophe, car il priverait le second mandat de Nicolas Sarkozy de tout contenu politique et empêcherait le président de mener à bien les réformes dont la France a besoin. » Il estime que 2012 se jouera sur des enjeux de civilisation. « Mme Aubry vient de signer la préface d’un ouvrage collectif intitulé “Pour changer de civilisation” . C’est ce que les Français ne veulent pas : ils sont attachés à leurs traditions, à leur clocher, à leurs usines. » Il ne croit pas non plus à DSK. « Son long séjour à Washington a fait de lui un Américain. Il veut bien faire la guerre, mais la guerre zéro mort et zéro risque. Il veut bien être candidat, mais sans primaires au PS, pour ne pas abîmer son image et si possible, être élu président par acclamations. Pour Nicolas Sarkozy, c’est l’adversaire idéal. » En 2012, Patrick ­Buisson ne voit qu’un obstacle à la réélection de son mentor. « Si la France des petites gens ne va pas voter. » Il lui reste treize mois pour relever bien des défis.

Bio express

1949 Naissance à Paris

1986-1987 Dirige « Minute »

1987 Dirige « Valeurs actuelles »

1994 Dirige la campagne des européennes de Philippe de Villiers

1995 A la tête de sa société de conseil Publifact

2005 Il devient le conseiller de Nicolas Sarkozy

Depuis oct. 2007 Il dirige la chaîne Histoire

Voir aussi:

Patrick Buisson, l’homme qui droitise Nicolas Sarkozy

Arnaud Leparmentier

Le Monde

24.03.11

« Si vous voulez combattre le Front national, utilisez des arguments de fond, plutôt que d’adopter des postures morales » : Nicolas Sarkozy a rappelé à l’ordre, mercredi 23 mars, ses ministres qui manifestaient des états d’âme sur la consigne donnée pour les élections cantonales : ni FN ni front républicain.

Le président agit par pragmatisme ou cynisme électoral : les sympathisants UMP ne veulent pas de consigne de vote, comme en atteste le sondage Harris Interactive publié jeudi 24 mars par Le Parisien. Surtout, le chef de l’Etat refuse de diaboliser l’électorat du Front national, dont il a besoin pour être réélu.

Il s’appuie sur deux conseillers curieusement réunis : le gaulliste social Henri Guaino, 54 ans, et l’ancien directeur de la rédaction de Minute puis Valeurs actuelles Patrick Buisson, 61 ans, qui baigne depuis l’enfance dans l’univers de Charles Maurras. Le premier incarna avec son mentor Philippe Séguin la fracture sociale de Jacques Chirac en 1995, le second prédit le non au référendum européen de 2005 et bluffa ainsi M. Sarkozy.

Au début de son quinquennat, M. Sarkozy déclarait « pour ma gauche, j’ai Guaino, pour ma droite, j’ai Buisson ». Aujourd’hui, tous deux sont opposés au front républicain et défendent la France du non, une France populaire qui souffre dans la mondialisation. Ils avaient aidé en 2007 le candidat UMP à siphonner les voix du FN et à attirer les classes populaires. M. Sarkozy croit pouvoir rejouer cette partition.

EXPLOITER LA PEUR DE L’IMMIGRATION

Lundi, à l’Elysée, avec ses conseillers, le président a examiné les résultats des cantonales. Le scrutin conforte les analyses de M. Buisson, qui arrive toujours bardé de notes et d’analyse de sondages : la société française connaît comme toute l’Europe un glissement à droite et une poussée populiste. La gauche ne progresse pas. Le vote du nord de la France montre que l’aile sociale de l’UMP, incarnée par Jean-Louis Borloo, ne fait pas de meilleurs scores que la droite dure. Il n’y a pas de demande centriste en France, comme le serine depuis des mois M. Buisson, qui n’a pas retourné notre appel.

Il faut donc pousser toujours plus à droite, toujours plus populiste. « Patrick Buisson recommande depuis plusieurs semaines de mettre la priorité sur l’immigration », explique un responsable de l’UMP. Certes, les classes moyennes et populaires sont insatisfaites, frappées par le chômage et la stagnation du pouvoir d’achat provoqué par la hausse des prix de l’essence et de l’immobilier. Mais M.B uisson estime qu’on ne gagne pas une élection sur un bilan ou des projets économiques et sociaux. Les électeurs ne feraient plus confiance aux politiques en ce domaine.

L’Elysée veut donc exploiter, diront les détracteurs, contrer, diront ses défenseurs, la peur de l’immigration que susciteraient, selon la droite, les révolutions arabes. M.Sarkozy a assisté impuissant à la visite de Marine Le Pen à Lampedusa. Il s’inquiète d’une opinion qui peut se retourner très vite sur la guerre en Libye. Il faut donc agir. Le nouveau ministre de l’intérieur, Claude Guéant, se campe en ministre de l’immigration.

INTOUCHABLE

Patrick Buisson est intouchable depuis la campagne présidentielle de 2007. En mars de cette année-là, le centriste François Bayrou monte dangereusement dans les sondages, Nicolas Sarkozy décide alors avec Patrick Buisson de donner un coup de barre à droite, en proposant la création du ministère de l’identité nationale. La manœuvre réussit.

Lorsqu’il lui remet la Légion d’honneur en septembre 2007, M. Sarkozy explique que c’est grâce à ce conseiller venu de l’extrême droite qu’il a été élu. Le chef de l’Etat lui propose un poste de conseiller spécial à l’Elysée. M. Buisson refuse, préfère rester dans l’ombre et facturer moult prestations et sondages, avant que la Cour des comptes n’y mette le holà. M. Buisson fait partie de ceux qui peuvent avoir au téléphone le président chaque jour. Il était l’un des rares à pouvoir faire passer des notes sans passer le filtre du secrétaire général de l’Elysée, Claude Guéant.

Quand tout va bien, M. Buisson est moins présent. Ainsi connut-il une éclipse, à partir de la présidence française de l’Union européenne, fin 2008, avant de revenir un an plus tard, en pleine polémique sur le fils du président, Jean Sarkozy, pressenti pour présider le quartier d’affaires de la Défense. « Lorsque le président se sent fragilisé, il appelle Buisson au secours », estime un ancien conseiller de l’Elysée.

ACCUSÉ DE DÉRIVES DROITIÈRES

Devant les responsables de l’UMP, M. Sarkozy s’est voulu rassurant : en 2002, Jean-Marie Le Pen avait créé la surprise deux semaines avant l’élection. Là, le choc se produit un an avant l’élection. L’Elysée juge difficile de contrer Marine Le Pen. Naguère, il suffisait de rappeler les déclarations de son père sur la Shoah pour clore le débat. Marine Le Pen, elle, évite soigneusement ces erreurs. En mettant en avant la divergence UMP-FN sur l’euro, Jean-François Copé a fait sauter un verrou : « On rentre dans le débat politique, alors que 50 % des Français ont voté contre à Maastricht », estime ce conseiller.

Patrick Buisson, qui plaida pour envoyer des signaux à l’électorat catholique, n’est pas à l’origine de tout. Bruxelles voyait la main d’Henri Guaino à chaque fois que M. Sarkozy prenait une décision jugée anti-européenne. De même, beaucoup accusent M. Buisson d’être à l’origine de toutes les dérives droitières. A l’Elysée, nul n’en doute : les décisions, c’est le président qui les prend.

Voir également:

 Patrick Buisson

L’hémisphère droit de Sarkozy

Raphaëlle Bacqué

Le Moonde

02.10.08

Conseiller en stratégie de Nicolas Sarkozy, le journaliste venu de l’extrême droite a bâti une partie de la campagne présidentielle. Il est aujourd’hui l’un des hommes les plus écoutés à l’Elysée

l est secret sur bien des points, sauf sur son origine politique. « Quand j’ai vraiment commencé à travailler pour Nicolas Sarkozy, remarque-t-il goguenard, il était ministre de l’intérieur. Autant dire qu’il n’ignorait rien de mon passé. » Patrick Buisson, 59 ans, assume donc parfaitement de venir de l’extrême droite, ce qui est rare dans les milieux du pouvoir, de la presse et des historiens qu’il fréquente. Il y a trois ans, lorsqu’on lui a présenté Michel Field, afin qu’ils animent ensemble une émission politique sur LCI, il lui a serré la main en se présentant d’un sonore : « Bonjour, génération Occident ! » Field, qui fut dans sa jeunesse un leader lycéen de la Ligue communiste révolutionnaire, a rétorqué d’un « Bonjour, génération Ligue ». Et les deux hommes se sont entendus comme de vieux complices.

Patrick Buisson n’aime pas la tiédeur de ceux qui ne s’engagent pas. A partir de là, il peut bien se définir comme un « papiste ultramondain », ses réseaux sont éclectiques. Le 24 septembre 2007, lorsque Nicolas Sarkozy l’a fait chevalier de la Légion d’honneur, les salons de l’Elysée étaient bondés : tout l’état-major de TF1 – Martin Bouygues compris -, les sondeurs les plus réputés, des éditorialistes en vue, et deux élus socialistes venus de l’extrême gauche, Jean-Christophe Cambadélis et Jean-Luc Mélenchon.

Le président, lui, ne peut plus s’en passer. « Pour ma gauche, j’ai Guaino, pour ma droite, j’ai Buisson », rit-il souvent. Le rôle de Buisson ? Analyser l’opinion, proposer une réflexion stratégique et assurer la cohérence entre le Sarkozy de la campagne présidentielle qu’il a contribué à construire et le président qu’il continue de conseiller sans même avoir un bureau à l’Elysée. « Au fond, Buisson empêche le président de se chiraquiser, note le sondeur Pierre Giacometti, qui travaille lui aussi pour le président. Il l’empêche d’être trop convenable, trop modéré, trop fade. »

Ces derniers mois, lorsque la popularité présidentielle a dégringolé, Buisson a dit clairement les choses au chef de l’Etat : « Ce n’est pas le pouvoir d’achat qui te fait chuter, mais le décalage entre la perception qu’ont encore les Français de la fonction et la façon dont tu l’incarnes. » Depuis, la cérémonie des Invalides en l’honneur des morts d’Afghanistan, l’allocution à Benoît XVI lui doivent beaucoup. « Le président me permet une intervention sans limite », assure-t-il sans fard.

C’est en 2004, en zappant sur sa télévision, où il regardait ses émissions politiques sur LCI, que Nicolas Sarkozy s’est décidé à appeler Buisson. Le journaliste marque vite un point déterminant en expliquant : « Chirac va perdre son référendum sur la Constitution européenne. » Il a compulsé les enquêtes qualitatives : « Lorsque l’Europe était un rêve non incarné, les Français étaient européens, explique-t-il. Maintenant, ils ont l’euro au fond de la poche. Et ils le rendent responsable de l’augmentation des prix. » Pour finir, il assène à un Sarkozy qui ne l’oubliera pas : « Le non l’emportera à 55 %. Si je me trompe, tu ne m’invites plus jamais dans ton bureau. »

Après le référendum, il a porte ouverte. Le futur candidat à la présidentielle veut « désenclaver idéologiquement l’UMP » afin d’élargir la base des 20 % de voix que Jacques Chirac n’est jamais parvenu à dépasser au premier tour. Le véritable réservoir de voix est dans l’électorat lepéniste. Cela tombe bien, Buisson le connaît par coeur. Il a aussi vite noté que Sarkozy ne lui parlait jamais de son passé : « C’est un fils d’immigrés, ses ancêtres n’ont pas eu à choisir entre Jaurès et Barrès… »

Pour sa part, même s’il connaît tout le répertoire des chansons de la Commune, Buisson baigne depuis l’enfance dans Charles Maurras. Son père, ancien camelot de l’Action française, s’est vu refuser par le prêtre, en 1935, la célébration de son mariage religieux, après l’excommunication par l’Eglise du mouvement royaliste. L’anticommunisme est pourtant le véritable ressort familial. Patrick, étudiant à Nanterre, devient vice-président de la Fédération nationale des étudiants de France (FNEF). En première ligne contre le Mouvement du 22 mars qui déclenchera Mai-1968. Il y rencontre Alain Renault, le fondateur du groupuscule d’extrême droite Ordre nouveau. En 1984, Buisson et Renault écriront ensemble L’Album Le Pen (éd. Intervalles).

Comme étudiant en histoire, le jeune Buisson ne jure que par Philippe Ariès et Raoul Girardet, l’histoire des mentalités et les poussées sociologiques annonciatrices de changements politiques. Il choisit cependant de poursuivre dans l’activisme radical et minoritaire. Alors que la gauche arrive au pouvoir en mai 1981, il entre comme journaliste au sein de l’hebdomadaire d’extrême droite Minute. Dès 1986, il en devient le directeur de la rédaction. C’est la période de la victoire du Front national à la mairie de Dreux. La droite RPR-UDF multiplie les alliances avec le parti de Jean-Marie Le Pen. Buisson met en oeuvre une nouvelle formule rédactionnelle, mêlant volontairement « toutes les droites ».

En mars 1986, Charles Pasqua, devenu ministre de l’intérieur de Jacques Chirac, le reçoit aussitôt. De son coffre-fort, le ministre a sorti un épais dossier rose sur lequel est inscrit en grosses lettres « Turpitudes socialistes »… Parfait pour Buisson qui croit à une formule axée sur les affaires et l’information. Les procès pleuvent, les lecteurs ne suivent pas. « Lorsqu’il a été remercié, toute la rédaction s’est mise en grève », assure Bruno Larebière, qui vient alors de rentrer à Minute, qu’il dirige aujourd’hui.

Patrick Buisson part pour Valeurs actuelles. Philippe de Villiers lui a présenté l’homme d’affaires franco-britannique Jimmy Goldsmith. C’est pour eux qu’il va élaborer une efficace stratégie pour les européennes de 1994 : prendre l’aile droite du RPR. Arrivé en troisième position, le souverainisme renaît. A travers sa société, Publifact, il vend désormais ses analyses à « Villiers, Alain Madelin et François Bayrou », dit-il. Il choisira par conviction Madelin. C’est un échec : moins de 4 % à la présidentielle de 2002.

Le patron de LCI, Jean-Claude Dassier, le recrute, le replaçant dans le système médiatique classique. Qu’importe que des conseillers de De Villiers l’accusent « de vendre son influence sur LCI autant que ses analyses de sondages ». Le voilà désormais sollicité par Nicolas Sarkozy. La campagne de 2007 sera sa plus grande fierté. « Il fallait aller chercher l’électorat populaire, c’est-à-dire le plus culturellement conservateur, le plus réticent sur l’immigration et les moeurs. »

Alors que Simone Veil doit prendre la présidence du comité de soutien de Nicolas Sarkozy, Patrick Buisson s’inquiète devant le candidat : « Le danger qui te guette, c’est la notabilisation. » Ils lanceront volontairement cette transgression majeure : le ministère de l’identité nationale. Depuis, il est le gardien de la ligne. Catholique et populaire. Méfiant envers les musulmans et critique pour les élites. L’hémisphère droit du président.

Voir enfin:

Fabien Engelmann : Pourquoi, syndicaliste CGT, militant de LO, puis de NPA, j’ai rejoint Marine Le Pen

Pierre Cassen

Riposte Laïque

31 janvier 2011

Riposte Laïque : Fabien, peux-tu te présenter à nos lecteurs. Il t’arrive de contribuer à Riposte Laïque. Comment as-tu connu notre journal ?

Fabien Engelmann : J’ai 31 ans, je suis ouvrier territorial dans le service public et également syndicaliste à la CGT. Je milite, depuis que je suis tout jeune, dans des associations de protection animale, car j’accorde beaucoup d’importance au respect de la vie, et j’avoue mon admiration pour Brigitte Bardot, qui a tout donné à cette juste cause. J’ai connu Riposte Laïque lors de ma démission du NPA.. J’ai quitté ce parti peu de temps après les élections régionales, avec le 3/4 du comité de Thionville. Nous étions tous littéralement sidérés de voir que le parti acceptait une candidate voilée, sans même prendre l’avis des ses adhérents lors d’un congrès national. Nous considérons que le voile est un symbole de soumission de la femme, totalement à l’opposé du principe de l’égalité des hommes et des femmes, contraire à notre modèle civilisationnel et à nos valeurs progressistes.

Riposte Laïque : Parlons de ton parcours politique. Tu as commencé à militer politiquement à Lutte ouvrière, puis tu as d’abord rejoint NPA, avant de quitter cette organisation, à cause de la candidate voilée. Tu es d’autre part militant à la CGT. Peux-tu nous expliquer ces différents engagements, et les raisons de ton engagement à gauche ?

Fabien Engelmann : J’ai commencé à m’intéresser très jeune à la politique, en prenant conscience des inégalités sociales, en voyant tous ces ouvriers et salariés licenciés comme des malpropres – alors que ce sont eux qui font tourner l’économie – par certaines entreprises, lorsque les patrons-voyous du CAC 40 délocalisent pour accroître leurs profits, grâce à une main d’œuvre bon marché. Je trouvais cela immoral et choquant. J’ai donc pris contact avec Lutte Ouvrière, car j’appréciais Arlette Laguiller pour son franc-parler et sa sincérité. J’ai milité avec eux, de 2001 à juin 2008, en étant candidat à diverses élections sous leur bannière, mais malheureusement le côté assez fermé de LO et sa tendance à refuser l’association avec d’autres forces de gauche, lors de certaines élections, m’ont amené à reconsidérer mon choix politique. En mai 2009 un peu avant les élections européennes, j’ai rejoint le NPA, car je trouvais intéressante l’idée de réunir la gauche de la gauche autour d’un programme commun. Grande a été notre déception quand, avec mes amis du comité NPA de Thionville, nous avons appris que notre parti présentait une candidate voilée aux régionales, dans le Vaucluse. Nous nous sommes aussi rendu compte que toute critique de l’islam était immédiatement taxée de racisme ou d’islamophobie, alors même que les critiques à l’encontre du catholicisme ou d’autres religions étaient les bienvenues. Quelle drôle de conception de la laïcité ! … Nous sommes tous partis.

Riposte Laïque : Le Figaro Magazine a publié une brève sur toi, et Vénussia Myrtil (que Roger Heurtebise avait interviewée) expliquant que comme elle, tu étais passé de NPA au Front national. Confirmes-tu cette information, et quelles en sont les raisons ?

Fabien Engelmann : Oui, je confirme. Cela tient tout d’abord à l’arrivée de Marine Le Pen. Elle a su dédiaboliser le FN, qui, je pense, a souvent été victime de caricatures par les bien-pensants. Actuellement, elle est la seule à défendre véritablement la loi de 1905, à dénoncer la banalisation du halal et les prières illégales sur la voie publique. Elle apporte des solutions contre la mondialisation, et donc contre les délocalisations, elle propose aussi de lutter contre la concurrence imposée de la main d’œuvre étrangère avec la main d’œuvre « locale » dans le but avoué de faire baisser les salaires quitte à jeter au chômage des Français. Marine Le Pen lutte aussi contre l’Europe de Bruxelles qui nous appauvrit de jour en jour et, bien sûr, elle songe aussi à un éventuel retour au franc, car si un risque d’effondrement de l’euro existe, nous avons tout intérêt à nous doter d’un plan de sortie anticipée. De plus, je pense qu’elle a raison de défendre la préférence nationale et de rappeler que nous ne devons avoir honte ni de notre culture, ni de nos couleurs. Chaque pays a sa propre histoire et certains acquis qui lui sont propres. Je suis donc plutôt favorable à une Europe des nations.

Riposte Laïque : Ne crains-tu pas de côtoyer, au Front national, des personnes qui sont aux antipodes de toi, sur la question sociale, voire sur le droit des femmes et la laïcité ? Pourquoi ne pas avoir essayé de rejoindre Front de gauche, de Jean-Luc Mélenchon, et ne pas avoir essayé de défendre tes idées ?

Fabien Engelmann : Non, le comité central du FN a été renouvelé. 60% sont dans la mouvance de Marine le Pen, qui, rappelons le, défend les valeurs républicaines et laïques, souvent mieux que les postulants actuels aux présidentielles de l’UMPS ou de l’extrême gauche. En tant qu’esprit libre, je considère que dans un groupe, on n’est pas forcément d’accord sur tout, ce qui n’empêche pas le débat et un vote à la majorité.

Le problème avec Jean Luc Mélenchon, qui soit dit en passant n’a pas encore l’investiture du PC pour se présenter en tant que candidat Front de Gauche à la présidentielle, c’est l’immigration. J’avoue qu’avec le bénéfice des ans, j’ai un peu évolué sur ce sujet : avec 5 millions de chômeurs en France, nous ne pouvons plus accepter autant d’immigrés. Bien sûr on est toujours touché par le parcours de certains clandestins issus de pays pauvres ; pour empêcher ces déracinements, les peuples de ces pays devraient s’inspirer de la révolution Tunisienne (l’Egypte est en pleine effervescence), afin d’instaurer chez eux une véritable démocratie laïque et non islamique, et veiller à ce que les richesses de leur pays, qui sont souvent immenses, ne soient pas détournées par les élites.

Aussi lorsque Jean-Luc Mélenchon dit vouloir régulariser tous les sans-papiers, je ne suis pas d’accord : nous n’avons ni l’obligation morale ni la possibilité d’accueillir toute la misère du monde, comme le disaient le socialiste Michel Rocard ou le communiste Georges Marchais, lequel, dans les années 80, réclamait l’arrêt de l’immigration. Prenons donc exemple sur la Suisse et ses votations citoyennes et demandons aux Français, lors d’un référendum, leur avis sur l’immigration. Nos chères élites seraient bien surprises du résultat. Quant aux zones de non-droit de nos quartiers et aux agressions aux personnes, elles constituent désormais un autre problème majeur et pourrissent la vie de bon nombre de nos concitoyens, surtout, mais pas seulement, dans les milieux modestes. Je ne pense pas que les solutions angéliques de Jean-Luc Mélenchon soient capables de régler le problème que pose cette violence, qui est d’abord une violence gratuite.

Riposte Laïque : Tu habites à Thionville. Crains-tu les retrouvailles avec tes anciens camarades de NPA, et as-tu peur de représailles physiques ?

Fabien Engelmann : Non, je suis serein. Nous sommes encore dans le pays de Voltaire et la liberté d’expression est toujours d’actualité. Jusqu’à présent, j’ai certes reçu quelques menaces et insultes, mais il s’agissait de quelques individus particulièrement sectaires et englués dans la pensée unique.

Riposte Laïque : Comment as-tu vécu les Assises de Charenton, le 18 décembre ?

Fabien Engelmann : Comme une formidable journée fraternelle et républicaine. J’ai vraiment senti, lors de cette journée, le cœur du peuple de France, un peuple qui souffre d’être abandonné, sali et méprisé par ses élites. Je tiens à garantir que ce colloque n’était, en aucun cas, un rassemblement de gens d’extrême droite. S’y mélangeaient des gens de tous horizons, gauche, droite, apolitiques, syndicalistes, féministes, nationalistes et un certain nombre de musulmans laïques qui se sont dits inquiets des abandons de la République dans le domaine de la laïcité. D’ailleurs pour moi, le Front National n’est pas un parti d’extrême droite : c’est un parti populaire et national.

Riposte Laïque : Te considères-tu toujours de gauche, après un tel engagement ?

Fabien Engelmann : Que veut dire être de gauche aujourd’hui, puisque que la gauche pratique quasiment la même politique que la droite ? Je me considère donc comme un citoyen républicain et laïque, au service du peuple et des Français. Voyez autour de vous le nombre de gens de gauche, comme de droite, qui déclarent ouvertement vouloir voter pour Marine le Pen. Il n’y a plus de tabou; le FN est désormais un parti politique qui fait partie du paysage, au même titre que les autres. Mon parcours peut vous paraître étonnant, mais en réalité il ne fait qu’illustrer un mouvement majeur de tectonique des plaques politiques, qui me dépasse largement.

Propos recueillis par Pierre Cassen

Voir enfin:

Document. En 1990, un programme de la droite qui n’avait pas grand-chose à envier à celui du FN.

Immigration : quand la droite était (très) à droite

Arnaud Folch

Valeurs actuelles

31/03/2011

« Valeurs actuelles » a retrouvé les propositions chocs des états généraux de l’opposition RPR-UDF sur l’immigration. Pour la plupart « oubliées ».

« La France ne peut plus être un pays d’immigration », elle « n’est pas en mesure d’accueillir de nouveaux immigrants »… Voilà, entre autres, ce à quoi s’engageaient la droite et le centre, en cas de retour au pouvoir, à l’occasion de ses « états généraux de l’opposition » (RPR et UDF, transformés en UMP) consacrés à l’immigration, des 31 mars et 1er avril 1990 à Villepinte.

Parmi les participants : Valéry Giscard d’Estaing, Jacques Chirac, Michèle Alliot-Marie, Roselyne Bachelot, Alain Juppé, Gérard Longuet, mais aussi… François Bayrou. Coresponsable, au nom du RPR, de cette convention, c’est Nicolas Sarkozy lui-même qui a cosigné (avec Alain Madelin) la préface du compte rendu de 39 pages publié à cette occasion.

Affirmant que « la France ne doit pas être considérée comme un simple espace géographique sur lequel plusieurs civilisations pourraient coexister » et dénonçant le « faux antiracisme militant », ce qui est depuis devenu l’UMP en appelait alors clairement à « la fermeture des frontières » et à la « suspension de l’immigration ». Loin, très loin, du « contrôle régulé » et de « l’immigration choisie » aujourd’hui défendus…

Pas question non plus de « régularisation au cas par cas » pour les « clandestins » (on ne parlait pas alors de « sans-papiers »). Seule solution envisagée : une politique assumée d’expulsions : « On ne peut tolérer que des clandestins puissent rester en France. […] Il faut tout mettre en œuvre pour que les décisions de reconduite à la frontière soient effectives. » Vingt ans après, en 2010, Éric Besson, alors ministre de l’Immigration, reconnaissait pourtant que près de 80 % d’entre elles n’étaient pas exécutés…

Expulsables, aussi, pour la droite des années 1990, les « faux réfugiés » : « La très grande majorité des dossiers déposés à l’Ofpra [Office français de protection des réfugiés et apatrides, NDLR] s’avère injustifiée (de l’ordre de 90 %), ces demandes n’étant qu’un prétexte pour bénéficier des avantages sociaux français. » Même les étudiants étrangers ne sont pas épargnés : « Il faut conditionner le séjour des étudiants étrangers en France à un déroulement normal du cursus universitaire : le titre de séjour doit être renouvelé annuellement en tenant compte des résultats obtenus » – une proposition jamais mise en pratique.

Également dans le collimateur : « Le regroupement familial, [qui] pose par son ampleur des problèmes très réels de logement, de scolarisation et d’encadrement social. » Proposition alors « largement approuvée » par l’ensemble de la droite et du centre : « Corriger l’automaticité du regroupement familial et la réserver aux immigrés titulaires d’une carte de long séjour (10 ans) » – ce qui, là encore, n’est toujours pas le cas.

Afin de ne plus attirer de nouveaux immigrés, la droite n’hésitait pas non plus à briser le « tabou » de « notre système de protection sociale », dont il faut « éliminer les points faibles qui créent une incitation artificielle à l’immigration ». C’est ainsi, notamment, que doivent être « vigoureusement combattus […] l’accès aux soins médicaux et hospitaliers par des étrangers en situation irrégulière » – qui envisage aujourd’hui la suppression de la CMU ? Quant à « l’immigré chômeur, [il] percevrait alors non des allocations chômage mais une allocation pour le retour sous forme de capital ou de rente ».

Flirtant avec la « préférence nationale » prônée par le FN, la droite allait jusqu’à s’interroger « s’il ne convient pas de réserver certaines prestations sociales aux nationaux » : « Dans ce domaine, rappelle-t-elle, le législateur a admis dans le passé le bénéfice des prestations aux seuls nationaux […] : être étranger en France, ce n’est pas avoir automatiquement et intégralement tous les droits liés à la citoyenneté française. »

« Ce n’est pas aux pouvoirs publics d’organiser l’islam »

N’hésitant pas à pointer « la fécondité des étrangères très supérieure à celle des Françaises (3,2 enfants contre 1,84) et spécialement celle des Maghrébines (entre 4 et 5 enfants) », la droite d’il y a vingt et un ans estimait que « l’automatisme actuel d’acquisition de la natio-nalité pour les jeunes nés en France de parents étrangers n’est pas bon » : « la nationalité doit être demandée par le jeune étranger : elle n’est plus accordée automatiquement » – en 2011, la nationalité française (et l’impossibilité d’être expulsé) est pourtant toujours attribuée d’office entre 16 et 18 ans à tout enfant d’étrangers né sur le sol français.

Particulièrement sévère dans le tableau qu’il dresse des banlieues, où « la lutte des races [sic] remplacerait maintenant bien souvent la lutte des classes », le document de ces états généraux propose de lutter contre la « concentration des populations immigrées » par la mise en place de quotas – mais sans utiliser le mot : « Les élus peuvent intervenir efficacement [et] les collectivités locales […] doivent avoir leur mot à dire quant au nombre d’immigrés qu’elles accueillent sur leur territoire », afin de « tenir compte du seuil de tolérance qui existe dans chaque immeuble ». On imagine les réactions, y compris en son sein, si la droite évoquait aujourd’hui ces mêmes « seuils de tolérance »…

Tout aussi décomplexée promettait d’être la droite concernant l’école, où « l’importance numérique des enfants d’immigrés est trop forte dans certains secteurs géographiques » : « L’école, avançait-elle, n’est pas un lieu d’expression multiculturelle. » Alors que Jean-François Copé proposait, à la fin 2010, des « cours d’arabe », et Fabienne Keller l’introduction de « cours sur l’histoire de l’Afrique », la droite d’alors était sur une ligne 100 % inverse : « Les cours de « langues et cultures des pays d’origine » doivent être facultatifs et déplacés en dehors des horaires scolaires. »

Concernant l’islam, nul besoin à l’époque de « débat », comme l’UMP va en organiser le 5 avril (contre l’avis des centristes), pour assumer que « l’islam n’apparaît pas conforme à nos fondements sociaux et semble incompatible avec le droit français » : « Il y a bien incompatibilité entre l’islam et nos lois. » Les choses, il y a vingt ans, étaient on ne peut plus claires : « C’est à l’islam et à lui seul de [s’adapter] afin d’être compatible avec nos règles. »

Aux antipodes de la voie suivie en 2007 avec la création du Conseil français du culte musulman (CFCM), la droite affirmait en 1990 que « ce n’est pas aux pouvoirs publics d’organiser l’islam ». « On n’intègre pas des communautés mais des individus », estimait-elle : « Il convient de s’opposer […] à toute tentative communautaire qui viserait à instaurer sur le sol français des statuts personnels propres à certaines communautés. »

Pas question, non plus, d’associations musulmanes – permettant aujourd’hui de financer les mosquées : « Les activités cultuelles doivent être exclues de la compétence des associations relevant de la loi de 1901. » Et d’ajouter que « la mainmise de l’étranger sur certaines de ces associations est tout à fait inacceptable », au point de proposer d’« abroger les dispositions socialistes de 1982 supprimant l’autorisation préalable pour les associations étrangères » – qui ne l’ont jamais été. Enfin, « la création de lieux de culte doit se faire dans le respect […] du patrimoine architectural de la France » – ce qui exclut les minarets !

Nicolas Sarkozy l’écrivait dans sa préface : cette « véritable politique alternative de l’immigration […] répond aux préoccupations des Français et pourra soustraire enfin ce dossier aux extrêmes qui se le sont accaparé ». Vingt et un ans plus tard, après seize ans de présidence de droite, le discours n’a pas changé. Mais les problèmes – et le FN – demeurent.

4 Responses to FN: Attention, une stigmatisation peut en cacher une autre (When in doubt, stigmatize!)

  1. […] Je pense qu’on n’aborde pas les vraies questions et qu’on donne le sentiment qu’on esquive un certain nombre de questions importantes. Je pense que la question de la maîtrise des flux migratoires est une question qui reste importante, qui taraude la société française et que le sentiment qu’il y ait une sorte d’invasion rampante ; et donc, tant qu’on n’abordera pas frontalement cette question-là en montrant qu’on est capable de maîtriser, de réguler, d’organiser ces flux migratoires, la question de la ghettoïsation ou plus exactement la ghettoïsation ethnique de la société française n’ait pas abordé…(…) Mais je pense que beaucoup de dirigeants ont peur d’ouvrir ces débats-là avec le fait que ça fasse le lit du Front National ; et moi je pense qu’une société qui cache, qui refuse les débats, c’est une société qui me donne le sentiment qu’elle a peur. Et donc à partir de là, ceux qui exploitent ces peurs sont en situation favorable. (…) Il y a deux solutions. – Soit on dit : ça n’existe pas tout ça ; et à ce moment-là, on se rassure et on pense que l’anti-Sarkozysme va nous faire gagner les élections présidentielles. – Soit on dit : ça existe mais à partir de là, on apporte nos réponses. Moi je n’apporte pas les réponses de Marine Le Pen. Vous ne m’avez pas entendu dire qu’il fallait rejeter les Immigrés. Je dis, au contraire, que la question qui est posée :- c’est comment on redonne un sens à ces phénomènes migratoires qui sont de toute manière des phénomènes inscrits dans l’avenir de l’Humanité.- Donc, comment on évite qu’ils soient parqués dans des ghettos et qu’ils aient le sentiment qu’ils sont toujours rejetés. Comment on évite, par exemple, qu’ils soient systématiquement stigmatisés. (…) le vrai débat n’est pas sur l’islam. Le vrai débat, il est sur la laïcité ; et là, tous les partis politiques doivent en discuter. Et donc, le problème, ce n’est pas d’aller discuter d’une religion et donc de donner le sentiment qu’on la stigmatise. Le problème c’est de redéfinir des règles communes, y compris sur les pratiques religieuses qui interpellent aujourd’hui dans notre pays. Julien Dray […]

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  2. […] Le mépris dans lequel les tient la classe dirigeante a quelque chose de sidérant. Nos élites sont mues par une invraisemblable prolophobie dont elles n’ont parfois même pas conscience. (…) Les impensés de la gauche sur la sécurité et l’immigration témoignent d’un déni persévérant de celle-ci face à l’expression de certaines souffrances sociales. (…) Avant d’être une posture politique, le front républicain est d’abord un réflexe de classe et de caste. Patrick Buisson […]

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  3. Miya dit :

    va te coucher ! Les Lepen ont raison depuis le début.
    De plus, grandit et écoute autre chose que les merdias ou les ont dit de ton entourage.
    Les Lepen n’ont jamais été racistes, ils aiment juste pas les merdes !
    Combien tu crois qu’il y a de rebeux et des black qui votent pour Lepen ? Tu serais bien étonné ! Et tu serais bien étonné également de voir les ami(e)s de Marine, Marion et Jean-Marie… XD
    bref préjugés quand tu nous tiens…..

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  4. jcdurbant dit :

    Pendant toutes les années du mitterrandisme, nous n’avons jamais été face à une menace fasciste, donc tout antifascisme n’était que du théâtre. Nous avons été face à un parti, le Front National, qui était un parti d’extrême droite, un parti populiste aussi, à sa façon, mais nous n’avons jamais été dans une situation de menace fasciste, et même pas face à un parti fasciste. D’abord le procès en fascisme à l’égard de Nicolas Sarkozy est à la fois absurde et scandaleux. Je suis profondément attaché à l’identité nationale et je crois même ressentir et savoir ce qu’elle est, en tout cas pour moi. L’identité nationale, c’est notre bien commun, c’est une langue, c’est une histoire, c’est une mémoire, ce qui n’est pas exactement la même chose, c’est une culture, c’est-à-dire une littérature, des arts, la philo, les philosophies. Et puis, c’est une organisation politique avec ses principes et ses lois. Quand on vit en France, j’ajouterai : l’identité nationale, c’est aussi un art de vivre, peut-être, que cette identité nationale. Je crois profondément que les nations existent, existent encore, et en France, ce qui est frappant, c’est que nous sommes à la fois attachés à la multiplicité des expressions qui font notre nation, et à la singularité de notre propre nation. Et donc ce que je me dis, c’est que s’il y a aujourd’hui une crise de l’identité, crise de l’identité à travers notamment des institutions qui l’exprimaient, la représentaient, c’est peut-être parce qu’il y a une crise de la tradition, une crise de la transmission. Il faut que nous rappelions les éléments essentiels de notre identité nationale parce que si nous doutons de notre identité nationale, nous aurons évidemment beaucoup plus de mal à intégrer.

    Lionel Jospin (France Culture, 29.09.07)

    France: On a trop souvent joué avec le Front national (Déjà vu: French socialists gearing up for reverse vote for the Crook-not the Fascist election strategy)

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