Irak/19e: Vous avez dit guerre de sept ans? (Who remembers that the road to 9/11 did go through Bagdad?)

Saddam's 9/11 shrineDe même que les progressistes européens et américains doutaient des menaces de Hitler et de Staline, les Occidentaux éclairés sont aujourd’hui en danger de manquer l’urgence des idéologies violentes issues du monde musulman. (…) Un des scandales est que nous avons eu des millions de personnes dans la rue protestant contre la guerre en Irak, mais pas pour réclamer la liberté en Irak. Personne n’a marché dans les rues au nom des libertés kurdes. Les intérêts des dissidents libéraux de l’Irak et les démocrates kurdes sont en fait également nos intérêts. Plus ces personnes prospèrent, plus grande sera notre sécurité. C’est un moment où ce qui devrait être nos idéaux — les idéaux de la démocratie libérale et de la solidarité sociale — sont également objectivement notre intérêt. Bush n’a pas réussi à l’expliquer clairement, et une grande partie de la gauche ne l’a même pas perçu. Paul Berman
Those who still oppose war in Iraq think containment is an alternative — a middle way between all-out war and letting Saddam Hussein out of his box. They are wrong. Sanctions are inevitably the cornerstone of containment, and in Iraq, sanctions kill. In this case, containment is not an alternative to war. Containment is war: a slow, grinding war in which the only certainty is that hundreds of thousands of civilians will die. The Gulf War killed somewhere between 21,000 and 35,000 Iraqis, of whom between 1,000 and 5,000 were civilians. Based on Iraqi government figures, UNICEF estimates that containment kills roughly 5,000 Iraqi babies (children under 5 years of age) every month, or 60,000 per year. Other estimates are lower, but by any reasonable estimate containment kills about as many people every year as the Gulf War — and almost all the victims of containment are civilian, and two-thirds are children under 5. Each year of containment is a new Gulf War. (…) The sanctions exist only because Saddam Hussein has refused for 12 years to honor the terms of a cease-fire he himself signed. In any case, the United Nations and the United States allow Iraq to sell enough oil each month to meet the basic needs of Iraqi civilians. Hussein diverts these resources. Hussein murders the babies. (…) But … it is not the only cost of containment. Containment allows Saddam Hussein to control the political climate of the Middle East. If it serves his interest to provoke a crisis, he can shoot at U.S. planes. He can mobilize his troops near Kuwait. He can support terrorists and destabilize his neighbors. The United States must respond to these provocations. Worse, containment forces the United States to keep large conventional forces in Saudi Arabia and the rest of the region. That costs much more than money. The existence of al Qaeda, and the attacks of Sept. 11, 2001, are part of the price the United States has paid to contain Saddam Hussein. Walter Russell Mead
27 août 1992 : les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France mettent en place une autre zone d’exclusion aérienne, au sud du 32eme parallèle, avec l’objectif d’observer les violations de droits de l’homme à l’encontre de la population chiite.
3 septembre 1996 : en représailles à un déploiement de troupes irakiennes dans la zone nord, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ripostent militairement dans le sud et étendent la zone d’exclusion aérienne sud, qui passe du 32eme au 33eme parallèle. La France refuse cette extension, mais continue à effectuer des missions de surveillance aérienne au sud du 32ème parallèle..
27 décembre 1996 : Jacques Chirac décide de retirer la France du contrôle de la zone d’exclusion aérienne nord. Il justifie cette décision par le fait que le dispositif a changé de nature avec les bombardements de septembre, et que le volet humanitaire initialement prévu n’y est plus inclus. La France proteste par ailleurs contre la décision unilatérale des Etats-Unis et de la Turquie (avec l’acceptation de la Grande-Bretagne) d’augmenter la zone d’exclusion aérienne sud.
Michel Wéry
En 1991, la première Administration Bush ne comprit pas que sa guerre n’était pas contre ce que Saddam avait fait au Koweit. Elle était contre Saddam lui-même, son régime et les forces du radicalisme arabe qu’il représentait et soutenait. Tempête du désert s’est finalement avéré un nom convenable pour une opération militaire qui avait été aveuglée par ses propres objectifs réels. Ainsi le Koweit a été libéré mais Saddam y est resté en contrôle pendant encore 12 ans, soi-disant- comme l’avait notoirement prétendu Madeleine Albright – » dans une boite ». Boite à l’intérieur de laquelle, il a tué des dizaines de milliers des Chiites d’Irak, provoqué une crise humanitaire parmi les Kurdes, tenté d’assassiner George Bush père, exploité un régime de sanctions qui affamait par ailleurs sa propre population, nécessité le maintien d’une zone de non-survol qui revenait à 1 milliard de dollars par an aux États-Unis, défié plus d’une douzaine de sanctions de l’ONU, corrompu le secrétariat onusien, expulsé des inspecteurs de l’ONU pour les ADM et offert des primes aux familles des terroristes-suicide palestiniens. Tout cela n’était que la continuation de la guerre par d’autres moyens, ce qui signifie que lorsque la question de l’invasion de l’Irak s’est posée après le 11/9, le choix n’était pas entre la guerre et la paix. (…) Une chose est claire : la guerre de 20 ans a duré autant qu’elle l’a fait parce que la première Administration Bush ne l’a pas finie quand elle en avait le pouvoir et parce que le gouvernement Clinton a fait comme si elle n’existait pas. Bret Stephens

Attention: une guerre peut en cacher bien d’autres!

Tempête du désert, Guerre du Golfe, Surveillance Nord, Surveillance Sud, Liberté pour l’Irak, Guerre d’Irak …

Alors que les dernières troupes américaines dites « de combat » quittent l’Irak …

Et qu’avec la complicité des médias, l’Illusionniste en chef tente de faire passer comme accomplissement de ses propres promesses de campagne l’application en réalité d’un calendrier négocié – mais avec bien plus de troupes restant sur place – bien avant son accession au pouvoir par son prédécesseur en novembre 2008 …

Pendant que, faisant fi des sentiments d’une population libérée de l’un des pires tyrans de l’histoire récente, lesdits médias nous assomment de rappels aussi faux que malhonnêtes des coûts disproportionnés et de la prétendue inutilité de cette guerre …

Et qu’aux Etats-Unis la tyrannie du politiquement correct via son incarnation vivante  à la Maison Blanche tentent d’imposer à une ville de New York traumatisée un véritable monument aux auteurs même de l’odieux forfait

Qui se souvient avec Bret Stephens …

De la longue série ininterrompue d’opérations dont l’Irak a été le théâtre ces 20 dernières années …

Qui ont fait de cette prétendue guerre inutile de sept ans la fin logique du travail laissé en plan en 1991 ?

Qui rappelle avec Fouad Ajami (ou Walter Russell Mead dès mars 2003) …

Contre des années de désinformation médiatique …

Que  la  route du 11/9 en en fournissant à Ben Laden le prétexte (via les troupes américaines stationnées en Arabie saoudite pour l’endiguement de Saddam) …

Passait bel et bien par Bagdad?

The Twenty Years’ War

Defeating Saddam took 19 years too long.

Bret Stephens

The WSJ

August 23, 2010

Saddam Hussein invaded Kuwait on Aug. 2, 1990. Two decades later, on Aug. 18, 2010, the U.S. withdrew its last combat brigade from Iraq. Throughout those years U.S. military operations went under a variety of names—including Desert Storm, the Gulf War, Operations Northern and Southern Watch, Operation Iraqi Freedom, the War in Iraq—but over time they will be seen as part of an unbroken thread.

It ought to be called the Twenty Years’ War. That was probably 19 years too long.

It matters what we call our wars, lest we fail to understand them—and lest we repeat them, because we failed to understand. When the Great War came to be spoken of as « the war to end all wars » (a line variously attributed to David Lloyd George, H.G. Wells and Woodrow Wilson) it underscored how ill-prepared that generation was to prevent the next great conflict.

Similarly in Iraq. In 1991, the first Bush administration failed to understand that its war was not against what Saddam had done in Kuwait. It was against Saddam himself, his regime, and the forces of Arab radicalism he typified and championed. Desert Storm, it turned out, proved an apt name for a military operation that had been blinded to its own real purposes.

Thus Kuwait was liberated but Saddam stayed on for another 12 years, supposedly—as Madeleine Albright notoriously put it— »in a box. » In that box, he killed tens of thousands of Iraq’s Shiites, caused a humanitarian crisis among the Kurds, attempted to assassinate George H.W. Bush, profited from a sanctions regime that otherwise starved his own people, compelled a « no-fly zone » that cost the U.S. $1 billion a year to police, defied more than a dozen U.N. sanctions, corrupted the U.N. Secretariat, evicted U.N. weapons inspectors and gave cash prizes to the families of Palestinian suicide bombers.

All this was war by another name, which meant that when the question of invading Iraq arose after 9/11, the choice was not between war and peace. Rather, as former Democratic Sen. Bob Kerrey wrote in these pages at the time, it was « between sustaining a military effort designed to contain Saddam Hussein and a military effort designed to replace him. » For Mr. Kerrey, « the case for the second choice [was] overwhelming. »

It says something that the invasion was called Operation Iraqi Freedom—a better approximation of its aims than the ill-founded claims about WMD that nearly proved the war’s political undoing. Still, war aims are not only what a nation fights for, which, as Lincoln discovered, could change with the course of war. War aims are also about what a nation fights against.

In that sense, Iraq was invaded so that Saddam and his henchmen, Iraq’s ultimate weapons of mass destruction, would hang. To hang them meant serving the interests of justice, and satisfying a justified impulse for revenge. It also meant making an example of a uniquely aggressive Arab tyrant who thought he could defy and manipulate the West with impunity.

One of the more popular raps against the war is that it discredited the United States and the exercise of American power. That’s unlikely, since the world has a way of constantly re-discovering the benefits of that power: Think of the Balkans in the 1990s, or East Asia today in the face of China’s assertiveness.

What the war did accomplish was to discredit a cult-of-personality style of Arab politics pioneered in the 1950s by Egypt’s Gamal Abdel Nasser. (His pharaonic successor, Hosni Mubarak, is on the way out.) More, the war led to what has been called « the eclipse of the Arab world. » Today the world’s leading Muslim states—Indonesia, Iran, Pakistan and Turkey—are all non-Arab. Not since the 1930s have the Arabs counted geopolitically for so little.

Ironically, this eclipse has somewhat dimmed the broader significance of Iraq’s democracy, at least for the time being. The U.S. has bequeathed Iraqis exactly what the Constitutional Convention in Philadelphia bequeathed Americans: A republic, if they can keep it. If they do, it could be a Muslim model of democratic governance and ethnic and sectarian pluralism. It may be achievement enough to have an Iraqi government that threatens neither its own people nor its neighbors, and for the rest of the Arabs to be on their guard against future Saddams.

For the U.S., the achievement would be greater if it led to a military and diplomatic alliance with Baghdad as a counterweight to Iran. But that depends on whether the Obama administration chooses to interpret the war as a complete misadventure or as a potentially fruitful opportunity.

One thing is clear: The Twenty Years’ War lasted as long as it did because the first Bush administration failed to finish it when it could, and because the Clinton administration pretended it wasn’t happening. Should we now draw the lesson that hesitation and delay are the best policy? Or that wars are best fought swiftly to their necessary conclusion? The former conclusion did not ultimately spare us the war. The latter would have spared us one of 20 years.

Voir aussi:

Deadlier Than War
Walter Russell Mead
The Washington Post
March 12, 2003

Those who still oppose war in Iraq think containment is an alternative — a middle way between all-out war and letting Saddam Hussein out of his box.

They are wrong.

Sanctions are inevitably the cornerstone of containment, and in Iraq, sanctions kill.

In this case, containment is not an alternative to war. Containment is war: a slow, grinding war in which the only certainty is that hundreds of thousands of civilians will die.

The Gulf War killed somewhere between 21,000 and 35,000 Iraqis, of whom between 1,000 and 5,000 were civilians.

Based on Iraqi government figures, UNICEF estimates that containment kills roughly 5,000 Iraqi babies (children under 5 years of age) every month, or 60,000 per year. Other estimates are lower, but by any reasonable estimate containment kills about as many people every year as the Gulf War — and almost all the victims of containment are civilian, and two-thirds are children under 5.

Each year of containment is a new Gulf War.

Saddam Hussein is 65; containing him for another 10 years condemns at least another 360,000 Iraqis to death. Of these, 240,000 will be children under 5.

Those are the low-end estimates. Believe UNICEF and 10 more years kills 600,000 Iraqi babies and altogether almost 1 million Iraqis.

Ever since U.N.-mandated sanctions took effect, Iraqi propaganda has blamed the United States for deliberately murdering Iraqi babies to further U.S. foreign policy goals.

Wrong.

The sanctions exist only because Saddam Hussein has refused for 12 years to honor the terms of a cease-fire he himself signed. In any case, the United Nations and the United States allow Iraq to sell enough oil each month to meet the basic needs of Iraqi civilians. Hussein diverts these resources. Hussein murders the babies.

But containment enables the slaughter. Containment kills.

The slaughter of innocents is the worst cost of containment, but it is not the only cost of containment.

Containment allows Saddam Hussein to control the political climate of the Middle East. If it serves his interest to provoke a crisis, he can shoot at U.S. planes. He can mobilize his troops near Kuwait. He can support terrorists and destabilize his neighbors. The United States must respond to these provocations.

Worse, containment forces the United States to keep large conventional forces in Saudi Arabia and the rest of the region. That costs much more than money.

The existence of al Qaeda, and the attacks of Sept. 11, 2001, are part of the price the United States has paid to contain Saddam Hussein.

The link is clear and direct. Since 1991 the United States has had forces in Saudi Arabia. Those forces are there for one purpose only: to defend the kingdom (and its neighbors) from Iraqi attack. If Saddam Hussein had either fallen from power in 1991 or fulfilled the terms of his cease-fire agreement and disarmed, U.S. forces would have left Saudi Arabia.

But Iraqi defiance forced the United States to stay, and one consequence was dire and direct. Osama bin Laden founded al Qaeda because U.S. forces stayed in Saudi Arabia.

This is the link between Saddam Hussein’s defiance of international law and the events of Sept. 11; it is clear and compelling. No Iraqi violations, no Sept. 11.

So that is our cost.

And what have we bought?

We’ve bought the right of a dictator to suppress his own people, disturb the peace of the region and make the world darker and more dangerous for the American people.

We’ve bought the continuing presence of U.S. forces in Saudi Arabia, causing a profound religious offense to a billion Muslims around the world, and accelerating the alarming drift of Saudi religious and political leaders toward ever more extreme forms of anti-Americanism.

What we can’t buy is protection from Hussein’s development of weapons of mass destruction. Too many companies and too many states will sell him anything he wants, and Russia and France will continue to sabotage any inspections and sanctions regime.

Morally, politically, financially, containing Iraq is one of the costliest failures in the history of American foreign policy. Containment can be tweaked — made a little less murderous, a little less dangerous, a little less futile — but the basic equations don’t change. Containing Hussein delivers civilians into the hands of a murderous psychopath, destabilizes the whole Middle East and foments anti-American terror — with no end in sight.

This is disaster, not policy.

It is time for a change.

Walter Russell Mead is senior fellow for U.S. foreign policy at the Council on Foreign Relations and author most recently of « Special Providence: American Foreign Policy and How It Changed the World. »

Irak : La guerre de 1991 ne s’est jamais terminée

Les bombardements anglo-américains (1991-2003)

par Michel Wéry, attaché de recherche au GRIP

le 14 février 2003

Résumé

  • En 1991, 1992 et 1996, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, et partiellement la France, ont instauré des zones d’exclusion aérienne de plus en plus importantes dans les régions nord et sud de l’Irak. Aujourd’hui, plus de 60% du territoire est interdit de vol pour les Irakiens.

  • De 1991 à 1993, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ont réalisé plusieurs bombardements, essentiellement dans les zones d’exclusion aérienne mais aussi en dehors. Après une interruption de trois années, les bombardements reprennent en septembre 1996, avant de connaître une très forte augmentation de décembre 1998 à maintenant. Selon le Pentagone plus de 280.000 sorties aériennes ont été effectuées entre 1991 et juillet 2000. Elles se poursuivent à un rythme très soutenu.

  • Les zones d’exclusion aérienne et, a fortiori, les bombardements, sont des mesures unilatérales et illégales au regard du droit international. En effet, aucune résolution du Conseil de sécurité n’a autorisé l’instauration de ces zones d’exclusion, et encore moins les bombardements, qui constituent un acte d’agression. Trois Etats membres permanents du Conseil de sécurité ont émis des critiques plus en plus ouvertes à l’égard des actions américano-britanniques : la France à partir de 1996, puis la Russie ainsi que la Chine à partir de décembre 1998.

  1. Les zones d’exclusion aérienne
  • 7 avril 1991 : au terme de la guerre du Golfe, les alliés occidentaux mettent en place une zone d’exclusion aérienne d’environ 10.000 kilomètres carrés au nord du 36eme parallèle, avec l’objectif de protéger le travail des organisations humanitaires internationales auprès de la population kurde. Cette zone reste en place après le départ des troupes irakiennes au sol, en octobre 1991.
  • 27 août 1992 : les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France mettent en place une autre zone d’exclusion aérienne, au sud du 32eme parallèle, avec l’objectif d’observer les violations de droits de l’homme à l’encontre de la population chiite.
  • 3 septembre 1996 : en représailles à un déploiement de troupes irakiennes dans la zone nord, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ripostent militairement dans le sud et étendent la zone d’exclusion aérienne sud, qui passe du 32eme au 33eme parallèle. La France refuse cette extension, mais continue à effectuer des missions de surveillance aérienne au sud du 32ème parallèle..
  • 27 décembre 1996 : Jacques Chirac décide de retirer la France du contrôle de la zone d’exclusion aérienne nord. Il justifie cette décision par le fait que le dispositif a changé de nature avec les bombardements de septembre, et que le volet humanitaire initialement prévu n’y est plus inclus. La France proteste par ailleurs contre la décision unilatérale des Etats-Unis et de la Turquie (avec l’acceptation de la Grande-Bretagne) d’augmenter la zone d’exclusion aérienne sud.

 

  1. Chronologie des bombardements

 

Décembre 1992- septembre 1996 : Plusieurs bombardements avant une accalmie de trois ans

  • 27 décembre 1992 : Un F-16 américain abat un Mig-25 irakien au sud du 32eme parallèle.
  • Janvier 1993 : peu après l’arrivée de Clinton à la présidence, les Etats-Unis ainsi que la Grande-Bretagne et la France effectuent des bombardements du 13 au 19 janvier dans les deux zones d’exclusion aérienne[1] en représailles à des tirs de la défense anti-aérienne irakienne. Le 17, la marine américaine lance également des missiles sur Zaafaraniya, près de Bagdad, soupçonné d’abriter un site nucléaire. Un missile de croisière s’abat sur un hôtel dans le centre-ville.
  • 26 juin 1993 : les Etats-Unis tirent des missiles contre le siège des services de renseignement irakiens, accusés d’un attentat manqué contre M. Georges Bush lors de sa visite au Koweït en avril.
  • Mi-1993 – mi-1996 : pendant trois années, les frappes sont interrompues. L’idée s’impose que le maintien au pouvoir de Saddam Hussein en position de faiblesse peut convenir aux intérêts américains et aux pays de la région. Tandis que Bagdad accepte le système draconien de surveillance de ses armements, les sanctions économiques contre l’Irak sont reconduites. Pour des raisons politiques et commerciales, la France, la Russie et la Chine sont favorables à une levée rapide des sanctions.

  Septembre 1996 – Juin 1998 : Bombardements et tensions croissantes

  • Septembre 1996 : une entité kurde irakienne en conflit armé avec le PDK, autre entité kurde irakienne, fait appel à l’armée irakienne. Celle-ci intervient le 31 août 1996 dans le nord, sous contrôle multinational. En représailles, les Etats-Unis lancent des missiles sur le sud de l’Irak et étendent la zone d’exclusion aérienne sud.
  • Mai 1997- juin 1998 : fortes tensions américano-irakiennes suite aux réticences irakiennes à propos des inspecteurs de l’UNSCOM, accusés d’espionnage. Elles se sont notamment traduites par l’envoi du porte-avions USS Georges Washington le 13 novembre 1997, et par la menace d’une attaque américaine baptisée Tonnerre du Desert fin janvier 1998[2]. Suite à l’entremise du Secrétaire général de l’ONU Kofi Annan, Saddam Hussein accepte le libre accès, sans limitation de temps, aux sites présidentiels suspects.

Décembre 1998 : l’opération Renard du Désert

  • 16-19 décembre 1998 : Avant même qu’un rapport de l’UNSCOM mettant en cause la coopération des autorités irakiennes soit examiné par le Conseil de sécurité de l’ONU, la Maison Blanche déclenche de nouveaux bombardements contre l’Irak, au cours d’une opération baptisée « Renard du Désert ». En quatre jours de raids (qui ont coïncidé avec le report de l’accusation du président Clinton relative à l’affaire Monica Lewinsky), Américains et Britanniques lancent plus de missiles de croisière qu’en cinq semaines de Guerre du Golfe en 1991 (415 missiles tirés en 1998 contre 291 en 1991). Ils larguent en outre 600 bombes, au cours de 650 sorties. Selon les Etats-Unis, 20 (sur 21) installations de commandement et de contrôle ont été touchées, ainsi que 18 (des 19) installations en matière d’armes de destruction massive. Sont également touchés la raffinerie de Bassorah (incluse dans les cibles officielles), ainsi qu’au moins deux hôpitaux et plusieurs écoles primaires rien qu’à Bagdad.
  • La France, la Russie et la Chine critiquent ouvertement les bombardements, de même que la Turquie, où sont basés les avions opérant dans la zone nord.

Janvier 1999 – Janvier 2002 : Trois années de guerre d’usure très intense

Depuis l’opération Renard du Désert de décembre 1998, les bombardements américains et britanniques se sont poursuivis à un rythme extrêmement soutenu dans les zones d’exclusion aérienne, et ils ont culminé en février 2001 en visant la région de Bagdad :

  • Peu après l’opération Renard du Désert, le président Clinton autorise ses pilotes à bombarder toutes les unités de défense anti-aériennes irakiennes – que celles-ci tirent ou pas. En mars 1999, le gouvernement britannique prend la même décision pour les avions britanniques.
  • Au cours des huit premiers mois de 1999, les pilotes américains et britanniques ont tiré 1.100 missiles contre plus de 360 cibles irakiennes, détruisant 40 à 50 % des capacités antiaériennes irakiennes. Pour l’ensemble de l’année, plus de 18.000 sorties ont eu lieu, avec des bombardements quasiment quotidiens. Rien que pour cette année, ils ont été nettement plus dommageables à l’Irak que les frappes massives de l’opération Renard du Désert.
  • Entre décembre 1998 et mai 2002, les Etats-Unis comptabilisent 24.000 missions de combat rien que dans le Sud de l’Irak. Pour la même période, le Ministère britannique de la Défense a reconnu le largage de 78 tonnes de bombes en un an et demi, contre 2,5 tonnes de bombes au cours des sept années précédentes. Selon le Département Sécurité de l’ONU, 41% des victimes étaient des civils.
  • Le 16 février 2001, deux douzaines d’appareils américains et britanniques attaquent des objectifs militaires[3] à proximité de Bagdad. Il s’agissait du premier raid en-dehors des zones d’exclusion aérienne mené depuis décembre 1998, ainsi que la première action militaire depuis l’entrée en fonction récente du président Bush. Ce dernier a qualifié l’opération de « routinière », et l’a justifiée comme étant une réponse à la fois à des provocations de Bagdad et à des menaces potentielles pour les avions américains et britanniques volant au-dessus de la zone d’exclusion aérienne sud.
  • Les bombardements auraient diminué après les attentats du 11 septembre 2001, avant de connaître une nouvelle recrudescence, selon le Secrétaire américain de la Défense Donald Rumsfeld. Au cours des huit premiers mois de 2002, on dénombre 37 raids offensifs[4] (contre 43 en 2001 pour l’année entière).
  • La fréquence des bombardements s’est encore accrue après le 16 septembre 2002, date à laquelle Bagdad s’est dit prêt au retour des inspecteurs de l’UNSCOM.

3.La légalité de ces opérations

a)Les zones d’exclusion aérienne

Elles ont été imposées à l’Irak par les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France sur base de la « nécessité impérieuse de protéger le peuple irakien », combinée à la résolution 688 du Conseil de sécurité de l’ONU (avril 1991), qui « condamne la répression de la population civile irakienne dans de nombreuses régions d’Irak (…) ; exige que l’Irak (…) mette fin immédiatement à cette répression ; (…) et appelle tous les Etats membres (…) à contribuer aux efforts d’aide humanitaire ».

Cette base juridique est insuffisante, dans la double mesure où ladite résolution ne prévoit pas de mesures spécifiques telles que les zones d’exclusion aérienne (ZEA), et n’invoque pas non plus le Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, qui régit les conditions nécessaires pour l’usage de la force.

L’Irak ne reconnaît pas ces ZEA, et des membres du Conseil de sécurité parmi lesquels la Russie ont émis de nettes réserves[5]. Le porte-parole du Secrétaire général de l’ONU, Koffi Annan, a déclaré le 22 février 2001 que « seul le Conseil de sécurité est à même de décider de la nature et des effets de ses résolutions, de manière à fournir une base légale pour les ‘zones d’exclusions aériennes’ et pour les actions qui y sont menées », en ajoutant que « les ‘zones d’exclusion aériennes’ ont été déclarées par ‘certains membres’ du Conseil de sécurité ».

La justification politique des ZEA n’a cessé d’évoluer :

  • 1991 et 1992 : pour des raisons humanitaires : protéger les ONG étrangères au nord, et observer les violations des droits de l’homme au sud. Les zones recoupent cependant mal la réalité géographique des territoires à population kurde et chiite ;
  • Progressivement, les ZEA sont présentées avant tout comme un moyen de « contenir » l’Irak et de protéger les pays voisins. Dans le même temps, la Turquie fait des incursions en Irak pour lutter contre le PKK (10.000 hommes en décembre 2000), et ce pays ainsi que l’Iran utilisent l’espace aérien irakien ;
  • A partir de 1996, l’objectif est devenu de « maintenir la pression sur Saddam Hussein ».

b)Les bombardements

Les Etats-Unis se réfèrent habituellement à deux autres résolutions du Conseil de sécurité pour justifier les frappes militaires :

  • La Résolution 678 du 29 novembre 1990. Elle autorise l’usage de la force pour que l’Irak « retire immédiatement et inconditionnellement toutes ses forces » du Koweït. Mais cette autorisation a expiré depuis que l’Irak a retiré son dernier soldat du Koweït, en mars 1991.
  • La Résolution 1154 du 2 mars 1998. Sur insistance américaine, elle prévoit la menace des « conséquences les plus sévères » si Bagdad viole son engagement de donner accès aux inspecteurs de l’ONU. Cependant, le Conseil de sécurité a prévu explicitement que les « conséquences les plus sévères » ne signifiaient pas une autorisation automatique à un gouvernement quel qu’il soit d’utiliser la force. Et le dernier paragraphe prévoit que seul le Conseil de sécurité dispose de l’autorité pour « assurer la mise en œuvre de cette résolution, ainsi que la paix et la sécurité dans la région. ».

Les attaques en-dehors des zones d’exclusion aériennes sont également illégales au regard du droit international.

Selon le Ministre de la Défense britannique, l’objectif principal des opérations dans la zone d’exclusion aérienne est une reconnaissance tactique, et l’aspect offensif n’est mis en œuvre qu’en réponse à des attaques irakiennes. Mais, selon le Pentagone, aucun des tirs de la défense antiaérienne irakienne effectués en 2002 dans les zones d’exclusion aériennes n’ont atteint leur cible.

L’Irak souligne quant à lui que les actions des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne constituent une violation de la zone démilitarisée entre l’Irak et le Koweït. Les zones d’exclusion aériennes et, a fortiori, les bombardements effectués sur plus de 60 % du territoire irakien étant illégaux, l’Irak pourrait également invoquer l’article 51de la Charte des Nations Unies, qui autorise l’usage de la force à un pays lorsqu’il est menacé.

Bibliographie

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BENNIS Phyllis, « US Missiles Target UN Too », The Baltimore Sun, 10 janvier 1999

ENCYCLOPEDIE YAHOO, « Irak actualités 1999 », 1999

GRAHAM-BROWN Sarah, « No-fly zones – Rhetoric and real intentions », Middle-East Report, 20 février 2001

GRESCH Alain, PAULY Emmanuelle, RIVIERE Philippe, TOURET Florence, « Bilan de l’opération Renard du Désert », dans Cahier documentaire sur le Golfe, Le Monde Diplomatique, 2002

GRESCH Alain, PAULY Emmanuelle, RIVIERE Philippe, TOURET Florence, «Chronologie – une guerre d’usure », dans Cahier documentaire sur le Golfe, Le Monde Diplomatique, 2002

ISNARD Jacques, « Saddam Hussein a renforcé sa défense antiaérienne », Le Monde, le 20 novembre 2002

ISNARD Jacques, « Américains et Britanniques cherchent à s’assurer la maîtrise du ciel en Irak », Le Monde, le 11 septembre 2002

KNOWLTON Brian, « US jets targeting Iraqi air control », International Herald Tribune, 17 septembre 2002

LE QUOTIDIEN DU PEUPLE, « ONU : M. Annan sur les actions sur la « zone d’exclusion aérienne en Irak », http://fpfre.peopledaily.com.cn/200102/23/fra20010223_45616.html , 23 février 2001

LUIZARD Pierre-Jean, articles sur l’Irak dans l’Etat du Monde des années 1995, 1996, 1997, 1998, 1999 et 2001

NAIM Mouna, « La France se retire du dispositif de surveillance du Kurdistan d’Irak », Le Monde, 29-30 décembre 1996

SHAH Anup, « Iraq is still being bombed », http://www.globalissues.org/Geopolitics/MiddleEast/Iraq/Bombing.asp, le 5 avril 2002

UNIVERSITY OF CAMBRIDGE, « UN Security Council Resolutions relating to Irak », http://www.cam.ac.uk/societies/casi/info/scriraq.html, janvier 2003

[1] Le 13 janvier, 116 appareils américains, britanniques et français lancent un raid de nuit dans le sud contre 8 objectifs militaires. Le 17 janvier, un nouveau raid allié vise des batteries irakiennes dans le nord et abat plusieurs avions irakiens. Et les 18 et 19 janvier, 75 appareils américains, britanniques et français bombardent des sites non encore touchés, dans le nord et le sud du pays.

[2] Cette menace a inclus l’envoi de bâtiments de guerre supplémentaires le 5 février 1998.

[3] Il s’agissait de cinq bases de missiles sol-air et de batteries anti-aériennes.

[4] Un « raid » implique la sortie de plusieurs avions.

[5] Le porte-parole du Ministre des Affaires étrangères a déclaré en janvier 1999 que les zones avaient été “imposées en dehors du cadre des résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU », et que « l’attitude négative de la Russie à l’égard de ces actions illégales était bien connue ».


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One Response to Irak/19e: Vous avez dit guerre de sept ans? (Who remembers that the road to 9/11 did go through Bagdad?)

  1. […] 2003 (les mêmes Alliés contraints d’assurer seuls de leurs bases en Arabie saoudite un embargo que personne, France comprise, ne respectait et fournissant de ce fait le prétexte aux attentats […]

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