Environnement: Comment avons-nous pu vider la mer? (Apocalypse tomorrow?)

Planet of the Apes ~ Statue of Liberty | Planet of the apes, Sci fi films, Movie history

Is God dead, (Time, Apr. 8 1966)Une nation s’élèvera contre une nation, et un royaume contre un royaume; il y aura de grands tremblements de terre, et, en divers lieux, des pestes et des famines; il y aura des phénomènes terribles, et de grands signes dans le ciel. (…) Il y aura des signes dans le soleil, dans la lune et dans les étoiles. Et sur la terre, il y aura de l’angoisse chez les nations qui ne sauront que faire, au bruit de la mer et des flots. Jésus (Luc 21: 10-25)
Où est Dieu? cria-t-il, je vais vous le dire! Nous l’avons tué – vous et moi! Nous tous sommes ses meurtriers! Mais comment avons-nous fait cela? Comment avons-nous pu vider la mer? Qui nous a donné l’éponge pour effacer l’horizon tout entier? Dieu est mort! (…) Et c’est nous qui l’avons tué ! (…) Ce que le monde avait possédé jusqu’alors de plus sacré et de plus puissant a perdu son sang sous nos couteaux (…) Quelles solennités expiatoires, quels jeux sacrés nous faudra-t-il inventer? Nietzsche
He was born a pauper to a pawn on a Christmas day When the New York times said God is dead … Bernie Taupin (1971)
L’avenir de la biodiversité pour les dix prochains millions d’années sera certainement déterminé dans les cinquante à cent ans à venir par l’activité d’une seule espèce, Homo sapiens, vieille de seulement 200 000 ans. Paul Ehrlich et Robert Pringle
Nous avons des raisons de nous rappeler comment Hitler, il y a un peu plus d’un demi-siècle, a utilisé une telle doctrine pour saper et attaquer des zones considérables d’Europe centrale. Carl Bild (ministre suédois des Affaires étrangères, le 9 août)
Saddam Hussein a été pendu parce qu’il a détruit quelques villages chiites, alors que les autorités géorgiennes, elles, devraient être défendues alors qu’elles ont rayé de la carte en une heure des dizaines de villages ossètes, qu’elles ont écrasé vieillards et enfants avec leurs chars et qu’elles ont brûlé vif les gens dans leur maison. Poutine (le 11 août)
Je dirais que [le retour de Dieu] sonne la fin des grands mots d’ordre du monde moderne : la révolte et la révolution. La révolte contre les bases mêmes de la culture que sont le rite et l’interdit. Nietzsche rassemble tout le monde : on trouvera toujours un Nietzsche de droite et un Nietzsche de gauche. La révolution, par exemple, d’abord communiste, s’est ensuite très bien accommodée de la liberté totale du marché. Et pour cause, dans les deux cas, on dit aux hommes qu’ils peuvent faire ce qu’ils veulent et que, dans la mesure où ils sont libres, tout ira bien. On est en train de redécouvrir que la révolte contre la culture ne marche pas et que rien n’est plus logique et plus puissant que les interdits. Ce sont eux qui assurent la continuité de la vie en essayant d’empêcher les hommes de faire des bêtises. (…) Fondamentalement, les hommes ne s’entendent pas. Et ils ne peuvent pas s’entendre, non pas – comme on le croit trop souvent – parce qu’ils sont différents, mais parce qu’ils s’imitent en permanence les uns les autres. Désirant toujours la même chose en même temps, ils se disputent. Les interdits sont là pour empêcher l’escalade des conflits. On a voulu les supprimer en pensant que tout irait mieux. Et pourtant la société occidentale à mesure qu’elle progresse se fait de plus en plus répressive. Les hommes, en effet, confondent leurs conflits de désirs avec les interdits qui les gênent. Ils se croient empêchés dans leur liberté par l’interdit alors qu’en réalité, moins l’interdit existe, plus ils sont dans des conflits qui finissent par ressembler à des interdits. Tocqueville avait déjà souligné ce paradoxe. Le roi, disait-il, était perçu comme l’obstacle à abattre pour libérer les ambitions les plus extraordinaires. Mais, ajoutait-il, cet obstacle unique, une fois supprimé, sera remplacé par des millions de petits obstacles, soit autant d’individus mis en concurrence les uns avec les autres. Et la concurrence n’est pas facile à vivre, même si elle est féconde. (…) Pour les rationalistes, l’homme est seulement raison. Selon eux, la culture empêche la raison dans la mesure où elle est le religieux et l’interdit. Mais c’est considérer le religieux comme quelque chose d’étranger à l’homme, une sorte de fruit exotique dont on peut se servir ou qu’il vaut mieux laisser de côté selon que l’on juge ses effets bons ou mauvais. C’est la lecture qui en est encore faite dans tous les débats sur la violence et le religieux. On en reste toujours à Auguste Comte, à penser que le religieux est faux tant il prend des formes différentes, et à s’imaginer qu’il est une explication de l’univers. Mais sur 1 000 religions, 999 ne sont aucunement des explications de l’univers. Le religieux, c’est à la fois l’interdit de la violence à l’intérieur de la communauté, et le rite sacrificiel qui exige la violence, mais une violence de substitution pour détourner la violence vers d’autres buts. (…) Il est aujourd’hui difficile de faire la part du politique et du religieux. Mais ce retour pourrait être aussi une correction de ce qu’il y a d’incroyablement superficiel dans le rationalisme occidental né au XVIII e siècle, si content de lui qu’il s’imagine qu’il est supérieur au religieux, qu’il peut le juger de loin sans y participer. Et qui ne voit pas que tout ce qu’il porte de bon en lui, son humanité plus grande, il le tient du christianisme. A cet égard, avoir tenté d’inscrire dans la future Constitution européenne l’héritage de la philosophie des Lumières mais pas celui du christianisme était une absurdité. Comme d’avoir voulu mettre le religieux à distance pour le condamner. Cela a empêché pendant tout un siècle (1850-1950) l’anthropologie de découvrir l’essence du religieux. On n’a pas pu comprendre que le religieux était un remède contre la violence parce qu’on ne pouvait pas voir la violence de l’homme. On pensait que cette violence était subordonnée à la tyrannie, celle des « prêtres fourbes et avides » de Voltaire : des méchants – sans trop savoir pourquoi ils étaient méchants – qui rendaient l’homme méchant. A tenir, comme Rousseau, l’homme pour fondamentalement bon, le religieux est devenu une histoire superficielle que les hommes se racontent, ou plutôt que « les prêtres fourbes et avides » leur font croire pour leur imposer leur tyrannie. (…) Le religieux et l’homme sont sans doute la même chose. C’est cela, l’invention de la culture, ce qui différencie l’homme des animaux. Les animaux vivent selon des réseaux de dominant/dominé. Quand ils se rencontrent pour la première fois, ils ont une relation mimétique, autour d’une femelle par exemple. Ils se battent et le moins fort se rend toujours au plus fort qui lui épargne la vie. Les hommes, eux, luttent jusqu’à la mort parce qu’ils ont des capacités mimétiques beaucoup plus fortes. La capacité mimétique étant aussi bien l’intelligence que la puissance. C’est pour éviter cette lutte à la mort qu’intervient le religieux, ses interdits et ses rituels. (…) C’est pourquoi [l’homme] se trouve dans une situation impossible : quand il est bridé par des interdits idiots ou devenus inadaptés, il végète ; quand il les brise, il crée une ouverture qui enclenche les crises. Rompre avec l’interdit est très bénéfique, car cela libère l’intelligence humaine. Pour défricher un champ, passer à l’agriculture, les primitifs ont dû se débarrasser de tous les esprits qui les en empêchaient. L’homme moderne ne connaît plus ces obstacles, il peut donc entreprendre toutes sortes de choses. Mais il se trouve de ce fait exposé à une violence beaucoup plus forte. C’est pourquoi le religieux s’accompagne également du rite sacrificiel, celui du bouc émissaire, central dans tous les mythes et les religions archaïques. Quand la crise atteint son apogée, il advient un moment où le mimétique tend à se polariser sur un individu. Ce phénomène social fondamental a un caractère mécanique et spontané dont il faut prendre conscience. En lui-même, ce phénomène n’a pas de sens, mais les hommes lui en donnent un. Car lorsque le mimétisme se transforme pour se contenter d’une seule victime dont le sacrifice réconcilie la communauté, il apparaît comme un phénomène merveilleux qu’il faut réitérer pour guérir les crises suivantes. C’est pourquoi l’homme lui donne un sens religieux. (…) la critique que l’on me fait [c’est que] parce que je suis religieux, toute ma réflexion serait religieuse. Bien au contraire, je donne là une explication parfaitement athée du religieux, fondée sur ce mimétisme. Cela dit, je suis en effet christo-centré. L’expérience fondamentale du Christ me paraît irremplaçable car, si elle s’inscrit dans la rupture que fait l’Ancien Testament avec le rituel des religions archaïques, elle ne se contente plus de refléter la scène du sacrifice. Au lieu de l’accepter, de l’entériner et de l’interpréter comme un phénomène transcendental, le Christ la révèle et la condamne. (…) L’Ancien Testament inverse déjà les mythes. Les victimes qui dans les mythes sont coupables – la ville a raison contre l’individu isolé qui menace la communauté – sont désormais innocentes : ce n’est pas Job qui est coupable, mais son village qui l’adulait et qui, d’un seul coup, décide de se débarrasser de lui. Les Evangiles, eux, apportent la double perspective : à la fois celle de la foule qui tient Jésus pour coupable et celle de quelques individus qui, faisant exception, disent non, le Christ n’est pas coupable. Le Christ est un Dieu, non parce qu’il subit ce phénomène, mais parce qu’il accepte de le subir plutôt que d’y participer, pour le faire comprendre aux hommes et pour en délivrer les hommes. Cette célébration de la souffrance n’est pas du masochisme. Elle comprend qu’il y a en Dieu une participation à la souffrance humaine. Et c’est précisément ce que les religions archaïques ne peuvent pas voir. Elles voient Dieu comme un être méchant qui cause ces crises, et très secourable parce que c’est également lui qui les règle. Mais de loin. C’est pourquoi il faut faire des sacrifices. Seul le christianisme supprime totalement le sacrifice sanglant. (…) dans la logique rituelle du sacrifice mimétique, on pourrait penser que la violence actuelle est peut-être le signe inquiétant que l’effet pacificateur des grandes catastrophes du XXe siècle est terminé. Si le dépassement de cette mécanique est présent dans les Evangiles, il n’a pas encore gagné l’Histoire. D’une certaine manière, le christianisme nous expose à la violence parce qu’en nous faisant trop bien comprendre la logique du bouc émissaire, il nous prive et prive la société de ce mode d’organisation. Le christianisme ne fait que dire cela : « Je séparerai le père, la mère, etc. » ; « Ne croyez pas que je suis venu apporter la paix, j’apporte la guerre ». Mais par méconnaissance des textes, on considère le christianisme comme une espèce d’aspirine contre la violence qui ne produirait pas l’effet voulu. (…) L’homme ne se dit jamais qu’il est naturellement conflictuel. Le bouc émissaire ce n’est jamais soi, mais toujours les autres. Il n’y a pas d’expérience subjective du bouc émissaire. Sauf dans les Evangiles et chez Paul. Pierre fait cette expérience, après son reniement, quand il comprend qu’en ayant renié le Christ, il a participé à son sacrifice. Paul la fait aussi sur le chemin de Damas lorsque le Christ lui dit « pourquoi me persécutes-tu ? » L’expérience chrétienne fondamentale, c’est donc de comprendre que nous sommes incapables de nous passer de bouc émissaire. Et c’est justement ce que le christianisme nous demande : que nous nous en passions. Il nous appelle à une autre vocation. René Girard
Les événements qui se déroulent sous nos yeux sont à la fois naturels et culturels, c’est-à-dire qu’ils sont apocalyptiques. Jusqu’à présent, les textes de l’Apocalypse faisaient rire. Tout l’effort de la pensée moderne a été de séparer le culturel du naturel. La science consiste à montrer que les phénomènes culturels ne sont pas naturels et qu’on se trompe forcément si on mélange les tremblements de terre et les rumeurs de guerre, comme le fait le texte de l’Apocalypse. Mais, tout à coup, la science prend conscience que les activités de l’homme sont en train de détruire la nature. C’est la science qui revient à l’Apocalypse. René Girard

Après la moitié des espèces des grands mammifères il y a 3 000 ans et Dieu le 9 janvier 1966, allons-nous bientôt… terminer le boulot?

A l’heure où, fort de la lâcheté du reste du monde, l’héritier d’un des systèmes politiques les plus meurtriers de l’histoire humaine vient, après la quasi-oblitération d’une de ses provinces rebelles et le holdup du siècle à la tête de son Etat, de nous rejouer 70 ans plus tard et le jour même de l’ouverture des Jeux olympiques dans l’autre Etat héritier du même système politique meurtrier, toujours impuni lui aussi, de nous rejouer le coup des Sudètes …

Pendant que, sans parler de « l’hommage manqué à Soljenitsyne », notre propre chef d’Etat joue lui au Daladier en refusant de recevoir un dalai lama qu’il avait jusqu’ici prétendu défendre et que les Etats-Unis s’apprêtent peut-être à élire dans à peine trois mois leur propre Chamberlain

Et que la science même envisage maintenant explicitement l’extinction de la vie sur notre propre planète …

Retour, via un récent entretien de René Girard à l’occasion de la sortie de son dernier livre (« Achevez Clausewitz »), sur justement le dernier tabou de ce monde si fier d’avoir tout démystifié et qui, comme nombre de chrétiens et alors que s’accumulent tous les signes du contraire, s’accroche étrangement à une interprétation purement religieuse des textes de l’Apocalypse …

L’Apocalypse a commencé
Antoine Nouis et Jean-Luc Mouton
Réforme
31 juillet 2008

Mondialement connu pour sa théorie mimétique, René Girard se définit lui-même comme un anthropologue de la violence et du religieux.

Il analyse et commente ici l’actualité sombre du monde à la lumière de son dernier livre inspiré par la lecture de Clausewitz.

La pensée de René Girard, en apparence limpide, se révèle cependant complexe car paradoxale et radicalement différente des courants dominants. Encensé ou vivement contesté, René Girard fait débat aujourd’hui, notamment en raison de ses convictions chrétiennes.

Il vient pour l’heure de publier en français Achever Clausewitz (éd. Carnets Nord, 365p., 22 euros), un livre d’entretiens consacré à Carl von Clausewitz (1780-1831), stratège prussien, auteur du De la guerre. On se souvient de sa formule : « La guerre est la -continuation de la politique par d’autres moyens. » Loin de contenir la violence, la politique court derrière la guerre : les moyens guerriers sont devenus des fins. « Achever Clausewitz », c’est lever un tabou : celui qui nous empêchait de voir que l’Apocalypse a commencé. Car la violence des hommes, échappant à tout contrôle, menace aujourd’hui la planète entière.

Même s’il est un peu troublant et fort peu réconfortant de commencer une nouvelle année par une réflexion aussi pessimiste, il faut bien aussi tenter de regarder le monde en face. Nous avons atteint un point, rappelle avec force René Girard, où la disparition de l’espèce humaine devient possible – disparition qui est déjà annoncée dans la Bible – si l’homme ne renonce pas à la violence et à la rivalité.

Vous évoquez dans votre livre, en citant Clausewitz, une « montée aux extrêmes ». Pour vous, l’Apocalypse a déjà commencé…

Je pense qu’il est nécessaire de dire aujourd’hui la vérité en premier lieu sur les phénomènes liés à la dégradation de l’environnement. La fonte, par exemple, des glaces du Groenland est un phénomène très alarmant. Tous les Etats le savent. C’est un enjeu vital aujourd’hui. Les événements qui se déroulent sous nos yeux sont à la fois naturels et culturels, c’est-à-dire qu’ils sont apocalyptiques. Jusqu’à présent, les textes de l’Apocalypse faisaient rire. Tout l’effort de la pensée moderne a été de séparer le culturel du naturel. La science consiste à montrer que les phénomènes culturels ne sont pas naturels et qu’on se trompe forcément si on mélange les tremblements de terre et les rumeurs de guerre, comme le fait le texte de l’Apocalypse. Mais, tout à coup, la science prend conscience que les activités de l’homme sont en train de détruire la nature. C’est la science qui revient à l’Apocalypse.

Cette réalité-là m’impressionne profondément. Depuis trois cents ans, la science a plaidé le contraire pour retomber aujourd’hui sur cette découverte très scientifiquement au moment où on s’y attend le moins. Autrement dit, la pensée apocalyptique n’est plus folle, elle est en train d’entrer dans la vie quotidienne. Si un ouragan de plus touche La Nouvelle-Orléans dans les prochains mois, la question des liens entre ces phénomènes et les activités humaines se reposera. Lorsque l’Apocalypse mélange les deux, c’est une opération qui, sur le plan intellectuel aujourd’hui, a un intérêt prodigieux que même les chrétiens ne veulent pas voir. Ces derniers n’osent pas parler de l’Apocalypse. Des formes de pensée que nous pensions dépassées sont en train de revenir… et ce sont des formes de pensée évangéliques. Ce qui nous paraissait archaïque revient parmi nous sur les ailes de la science. Nos contemporains ne sont pas encore prêts à entendre ces paroles, mais ils vont bientôt l’être.

Pourquoi liez-vous la montée en puissance de la violence avec celle des températures à la surface du globe ?

Il existe un lien direct. Je définis la violence par la rivalité. Dans le monde actuel, beaucoup de choses correspondent au climat des grands textes apocalyptiques du Nouveau Testament, en particulier Matthieu et Marc. Il y est fait mention du phénomène principal du mimétisme, qui est la lutte des doubles : ville contre ville, province contre province… Ce sont toujours les doubles qui se battent et leur bagarre n’a aucun sens puisque c’est la même chose des deux côtés. Aujourd’hui, il ne semble rien de plus urgent à la Chine que de rattraper les Etats-Unis sur tous les plans et en particulier sur le nombre d’autoroutes ou la production de véhicules automobiles. Vous imaginez les conséquences ? Il est bien évident que la production économique et les performances des entreprises mettent en jeu la rivalité. Clausewitz le disait déjà en 1820 : il n’y a rien qui ressemble plus à la guerre que le commerce. Souvent les chrétiens s’arrêtent à une interprétation eschatologique des textes de l’Apocalypse. Il s’agirait d’un événement supranaturel… Rien n’est plus faux ! Au chapitre 16 de Matthieu, les juifs demandent à Jésus un signe. « Mais, vous savez les lire, les signes, leur répond-t-il. Vous regardez la couleur du ciel le soir et vous savez deviner le temps qu’il fera demain. » Autrement dit, l’Apocalypse, c’est naturel. L’Apocalypse n’est pas du tout divine. Ce sont les hommes qui font l’Apocalypse. Il existe aujourd’hui un moment de chambardement qui m’intéresse au plus haut point.

S’il existe une consonance entre l’évolution du monde et les textes de la Bible, quel message nous donnent-ils pour nous guider ? Ils nous avertissent contre notre violence. Ils nous disent : il faut s’en occuper. Mais ils ne disent pas que c’est Dieu qui intervient dans la montée des eaux ou dans la perte des glaces au pôle Nord. Les grands dirigeants du monde en sont cependant encore à se demander qui aura le droit d’extraire prioritairement le pétrole de cette région du Pôle ! Ce qui, évidemment, ne peut qu’accentuer les risques pour la planète. Là résident le comique et le tragique de notre temps. La bonne manière d’écouter ces textes est de faire nôtre cette inquiétude, elle n’est pas celle de Dieu. Nous en sommes seuls la cause. Nous avons mal utilisé nos pouvoirs et nous continuons de le faire. Nous lisons tout à l’envers.

Le développement continu des armements va dans le même sens, de même que les manipulations biologiques dont les hommes tireront on ne sait encore quelle nouvelle puissance pour guerroyer. Etant donné ce que les hommes ont été capables de faire jusqu’ici, peut-on vraiment leur faire confiance ? Cette folie de l’homme est prévue, annoncée par les Evangiles. Dieu n’en est aucunement responsable. Dans ces conditions, je ne vois pas de tâche plus importante que de rappeler sans cesse le réalisme de la révélation et des textes apocalyptiques. Mais même l’Eglise ne s’y réfère plus jamais.

Vous avez une vision très pessimiste de l’Histoire…

Savez-vous qu’il est courant de professer une vision optimiste à mesure que se multiplient les dangers ? Les Etats sont capables de voir un problème à la fois, et sur le court terme. Mais si on prend tous les problèmes qui assaillent notre époque en même temps, n’est-ce pas monstrueux ? Mieux, l’avenir du monde semble totalement désespéré. Et pourtant, c’est bien de cela qu’il faut s’occuper. Si on a envie que nos petits-enfants puissent vivre sur une terre où ils puissent se tenir debout. Ceux qui tentent d’avertir les hommes d’aujourd’hui arrivent dans une atmosphère totalement athée. Les hommes de notre temps n’arrivent pas à percevoir l’importance et le sens de ces textes apocalyptiques de la Bible. L’Apocalypse, c’est la durée, si ces temps n’avaient pas été abrégés, il n’y aurait plus un seul adorateur du Dieu unique. Dans les grands textes des Evangiles synoptiques, ces temps sont longs et nous y sommes pleinement entrés. Je ne suis pas pessimiste, au fond. J’attends, comme tout chrétien, l’avènement du Royaume de Dieu.

A partir de votre analyse, quelle parole recommandez-vous aux Eglises ?

Il faut d’abord que les uns et les autres lisent le chapitre 24 de Matthieu, le chapitre 13 de Marc et çà et là quelques passages dans l’Evangile de Luc ! Mais comment comprendre ces passages ? Pour moi, l’homme est foncièrement en rivalité et violent. Il entraîne un désordre de toute la communauté qui finit par un phénomène de bouc émissaire. Dans le christianisme, le phénomène du bouc émissaire ne peut plus se produire parce qu’on le comprend trop bien. Pour qu’un phénomène de bouc émissaire se produise, il faut croire que la victime est coupable. Donc avoir un bouc émissaire, c’est ne pas savoir qu’on l’a. Et, par conséquent, savoir qu’on l’a, c’est être privé de moyens sacrificiels d’arrêter la violence. Nous sommes dans cette situation-là, donc nous sommes confrontés à notre propre violence et la seule solution, c’est celle qui est là, dans le christianisme – qui vient en premier lieu d’ailleurs, bien avant toutes choses –, c’est-à-dire l’offre du Royaume et la non-représaille universelle. La logique est parfaite. De ce point de vue, je ne peux que souhaiter aux uns et autres de se tourner vers le Christ. Je ne suis qu’un chrétien très classique, au fond…

Et que dire aux autorités politiques ?

Qu’il faut tout faire pour interrompre ces processus sans fin qui nous mènent à la destruction totale. C’est-à-dire qu’il faut accepter des mesures qui sont encore impensables aujourd’hui. Diminuer la production, s’il le faut, pour sauver la planète. Nombre d’Américains rattachés au camp républicain estiment que tous ces discours apocalyptiques n’ont pour but que les empêcher de gagner tout l’argent qu’ils méritent. Les conséquences de cette insouciance sont une réelle menace pour l’humanité. Le problème est que les responsables politiques qui tiendraient un tel langage de vérité ne sont pas éligibles. Qui peut attirer les suffrages de ses concitoyens en prônant une politique de restriction dans tous les domaines ou prétendre supprimer les automobiles ? Comment déplaire à l’opinion publique et annoncer de nouvelles mauvaises ? Sans doute, l’évolution de notre planète va devenir telle que des mesures très dures et difficiles s’imposeront. Reste que la démocratie n’est pas armée pour faire face à une situation d’urgence. Nous sommes bien dans une perspective apocalyptique.

La peur, comme le suggère Hans Jonas, ne pourrait-elle pas créer cependant les conditions d’une remise en question ? La peur est pédagogique jusqu’à un certain point. Le sera-t-elle suffisamment ? Cela me paraît fort douteux. Il faut continuer à dire aux opinions publiques que tout finira mal, sans cela vous ne les réveillerez jamais. L’annonce de l’Apocalypse, c’est avant tout le seul discours qui puisse contribuer à sauver le monde. Le problème des responsables est de se situer toujours dans le court terme. Le fondement du religieux, sur le plan social et politique, apparaît à l’inverse comme la pensée de la continuité, le souci de l’avenir. Les discours des religions et celui du christianisme rappellent toutes les traditions qui demandent à être maintenues, la famille par exemple. Traditions qui ont pour fonction de maîtriser la temporalité qui nous échappe. Donc, le religieux est d’une certaine manière conservateur.

Seriez-vous d’accord avec l’affirmation selon laquelle « le christianisme serait la religion de la sortie de la religion » ?

Ceux qui l’évoquent, comme Marcel Gauchet, le disent d’une façon athée, humaniste, la fin du religieux d’une manière post-hégélienne. Alors que je dis de mon côté que c’est la fonction du christianisme depuis le début. Le christianisme n’est pas une religion comme les autres. Les religions ont des dieux, des règles, des doctrines… Le christianisme ne nous apprend pas qui est Dieu, ou plutôt, si nous le savons, ce n’est qu’à travers le Christ. Parce que la mort du Christ nous a appris ce que sont les religions en révélant le mécanisme sacrificiel qui les fonde. La prédication du Christ est la seule à avoir dévoilé l’origine violente de l’humanité et sa perpétuation culturelle. L’échec de la prédication et la Passion, qui sacrifie le plus innocent de tous, ouvrent la voie à la lente connaissance de la méconnaissance du mécanisme victimaire.

Je défends depuis de longues années l’idée que cette révélation du mécanisme de la violence, du sacrifice, est inscrite dans le texte même des Evangiles. La question est : « Mais pourquoi existe-t-il des religions ? ». A mon sens, parce que l’on s’imagine que la victime est vraiment responsable et peut donc provoquer la réconciliation. En réalité, ce phénomène purement victimaire pourrait se passer sur n’importe qui. Le Christ, justement, n’est pas n’importe qui parce qu’il accepte cette mort pour faire connaître aux hommes ce qu’est réellement le religieux. Cette fonction du Christ donne au christianisme une place qui lui permet même d’approuver l’antireligion moderne dans ce qu’elle a de vrai.

L’apparition des fondamentalismes ne serait-elle pas une manière de réintroduire de la religion ?

Oui et non. Le fondamentalisme est avant tout un combattant du religieux. Les fondamentalistes sont dans le même mouvement que des athées qui sont partisans de telle ou telle idéologie. Généralement, les fondamentalistes que l’on rencontre aux Etats-Unis sont plutôt ignorants, mais voudraient bien qu’on les laisse tranquilles et que l’on ne les attaque pas systématiquement sur leurs convictions contre le mariage homosexuel. Convictions qu’ils considèrent conformes à leur lecture traditionnelle de la Bible. Ils sont en réalité minoritaires et ne dominent en rien l’Amérique. Pourtant, j’adresse aux fondamentalistes un reproche fondamental : ils attribuent à Dieu, ou à des phénomènes surnaturels, ce qui revient en réalité aux hommes. C’est pour cette raison qu’ils sont absurdes et non pour leurs convictions que l’on a coutume de qualifier de rétrogrades.

A propos du sacrifice, comment comprendre le sacrifice de ces terroristes qui donnent leur vie pour ôter celle d’autres vivants ?

Nous ne savons pas. Nous sommes devant une culture de mort qui nous échappe. Le 11 septembre 2001 a été le début d’une nouvelle phase. Le terrorisme actuel reste à penser. On ne comprend toujours pas ce qu’est un terroriste prêt à mourir pour tuer des Américains, des Israéliens ou des Irakiens. La nouveauté par rapport à l’héroïsme occidental est qu’il s’agit d’imposer la souffrance et la mort, au besoin en les subissant soi-même. Cette « montée aux extrêmes » de la violence sort de notre univers.

Je crois que nous sommes attachés à la vie d’une manière qui ne nous permet pas d’y accéder. Le terrorisme nous dépasse, on a l’impression de ne plus pouvoir réfléchir. C’est une menace, du fait même que l’on ne comprend pas. On ne peut pas négocier. Et encore moins faire la guerre contre le terrorisme sans même savoir où sont les terroristes, s’ils existent, s’ils ont envie de négocier…

Les Américains ont commis l’erreur de « déclarer la guerre » à Al-Qaida alors qu’on ne sait même pas si Al-Qaida existe. Le président Bush a réagi avec son instinct d’Américain, comme s’il s’agissait d’un adversaire habituel. Il s’est lourdement trompé. Il pensait répondre à une attente. Mais sans réflexion. Il savait que l’Amérique attendait de l’action. D’où la guerre d’Irak… Une bêtise absolue ! L’ère des guerres est finie : désormais, la guerre est partout. Nous sommes entrés dans l’ère du passage à l’acte universel. Il n’y a plus de politique intelligente. Nous sommes près de la fin.

Vous situez le Christ au cœur de l’histoire de l’humanité, mais quelle place accordez-vous aux autres religions ?

Les autres religions sont nécessaires pour l’arrivée au christianisme. L’éducation de l’homme est faite par le religieux. Les religions non chrétiennes sont nécessaires à un certain stade de l’humanité. Elles ont permis ce passage de l’animalité jusqu’à l’homme. Mais le christianisme met fin à ces religions et nous place devant l’Apocalypse.

Le sacrifice, par exemple, personne ne peut le définir parce que c’est trop évident. Il s’agit d’une violence de substitution, nécessaire pour passer la colère des hommes. Le nom chrétien du péché capital est bien la colère, plus que le ressentiment. Le péché originel, c’est la violence, ou plutôt l’ensemble, orgueil, colère et violence. L’islam, de son côté, ne dit rien contre la violence. Il l’accepte parfois comme un des véhicules de la révélation de Dieu. Il n’y a de devoir du chrétien de conquérir quoi que ce soit par la violence. D’une certaine manière, l’islam est une idéologie religieuse qui reste plongée dans l’archaïsme. Il en va différemment du judaïsme. Dans la Bible, on trouve les premiers textes religieux où la victime est innocente. L’histoire de Joseph, par exemple, on sent bien qu’elle va vers le christianisme, elle est tout entière prophétique, au sens chrétien du terme. Précisément parce qu’elle fait de la victime la victime de ses frères. L’histoire commence par une sorte de lynchage, et ce lynchage, c’est celui de l’innocent et non pas du coupable… Déjà l’histoire du Christ.

Que répondez-vous à ceux qui, à l’exemple du philosophe Michel Onfray, considèrent que ce sont les religions qui sont sources de violences et de guerres ?

Ce sont des penseurs qui en sont encore à Auguste Comte. Un homme qui considérait que le religieux était essentiellement une réponse à la question des origines de l’univers. Le bon sauvage sous le ciel étoilé qui médite sur l’univers et se demande d’où cela vient… La religion archaïque n’a strictement rien à voir avec ce genre de préoccupation.

Pour ce qui est de la violence, sachez qu’à toutes les époques on tue au nom de ce qui importe alors. Au moment de la féodalité, on estimait que la justice royale permettrait une paix universelle. A partir des rois on a cru que les querelles dynastiques étaient à l’origine des guerres. Quand on en arrive à la république, Clausewitz voit très bien que celle-ci produit une mobilisation du peuple pour la guerre, qui jusqu’alors était le fait des princes. L’origine de la violence sera toujours cherchée ailleurs, on désignera toujours la chose la plus importante du moment… Alors que c’est l’homme, bien entendu, qui est à la source de toute violence.

Vous considérez cependant le christianisme comme une religion rejetée, sinon méprisée, aujourd’hui…

Le christianisme est radicalement méprisé. Et il est le seul dans ce cas. Il est méprisé particulièrement en Europe parce qu’il faut se défendre contre lui. Il annonce que les hommes sont violents, c’est lui qui vient troubler notre tranquillité archaïque. Le christianisme n’est pas reçu, en réalité, parce qu’il n’est pas compris. Il faut en revenir au texte et au message évangélique…

Démarche protestante, s’il en est…

Savez-vous que les catholiques ont toujours pensé que j’étais protestant ? A dire vrai, protestantisme, catholicisme…, cela n’a pas grande importance à mes yeux. Les catholiques sont aussi influencés par les protestants que les protestants peuvent l’être par les catholiques. La remarque est évidente pour ce qui est des Etats-Unis. Les protestants comprennent la valeur de l’unité. Les intellectuels, en particulier, regardent beaucoup plus aujourd’hui ce qui se passe dans l’Eglise catholique. Il se trouve que de nombreuses conversions au catholicisme ont lieu en ce moment aux Etats-Unis. Il faut dire que la vie intellectuelle dans les universités américaines est dominée par des figures catholiques. Les White Anglo-Saxons Protestants sont toujours, de leur côté, plus attirés par le business. C’est peut-être le souci de la parole d’autorité, de la parole qui se fait entendre dans le monde, qui questionne aujourd’hui la pensée américaine. D’où peut-être cette attirance nouvelle pour l’universalité du catholicisme.

Le tragique serait-il pour vous le dernier mot de l’Histoire ?

Le tragique en grec, c’est le mot trogos. C’est la mort de cette victime qui finalement réconcilie. Donc, c’est aussi la catharsis. La tragédie grecque elle-même ne fait que répéter la naissance du religieux. C’est la mort de la victime qui ramène la paix en amenant la purification de la violence. La mort de la victime ramène la paix. La tragédie respecte le schéma de la religion archaïque. Reste quand même une incertitude sur la vérité de la culpabilité de la victime. Cela va dans le sens du christianisme. Mais accepter la vérité du christianisme, c’est se débarrasser du tragique, c’est l’au-delà du tragique. Nous ne savons pas ce dont il s’agit réellement. Mais nous savons pourtant que l’Apocalypse, ce n’est pas triste, dans la mesure où si on arrive vraiment à elle, on commence à passer à autre chose. Les chapitres apocalyptiques des Evangiles annoncent cela, mais ne sont pas pour autant un happy end. La providence, c’est toujours une attente, l’Apocalypse, c’est sûr.

Reste que nous ne sommes pas appelés à la peur, mais à la confiance…

« N’ayez pas peur. » Cette parole apocalyptique se trouve dans l’Evangile. Cela ne va pas être facile, ni plaisant, mais le Christ nous dit : « Ne vous en faites pas ! » Il faut continuer jusqu’au bout, comme si de rien n’était. La vocation de l’humanité continue. Penser vraiment l’Apocalypse, c’est penser la tragédie des temps qui viennent dans une lumière chrétienne qui est fondamentalement optimiste. Ce n’est pas la fin de tout, mais l’arrivée du Royaume de Dieu. Royaume de Dieu dont nous n’avons aucune explication. Mais qu’importe, puisqu’il se rapproche de nous.

René Girard est professeur émérite de littérature comparée à l’université Stanford et à l’université Duke (Etats-Unis) et membre de l’Académie française depuis 2005. Site principal sur René Girard en français : perspectives-girard.org/intro.php

Voir aussi:

La sixième extinction des espèces peut encore être évitée
Le Monde
13.08.08

L’espèce humaine, forte de 6,7 milliards d’individus, a tellement modifié son environnement qu’elle porte maintenant gravement atteinte à la biodiversité des espèces terrestres et marines, et à terme à sa propre survie. A tel point que des scientifiques, de plus en plus nombreux, n’hésitent pas à parler d’une sixième extinction, succédant aux cinq précédentes – dues à d’importantes modifications naturelles de l’environnement – qui ont scandé la vie sur Terre. L’Union mondiale pour la nature (UICN), qui travaille sur 41 415 espèces (sur environ 1,75 million connues) pour établir sa liste rouge annuelle, estime que 16 306 sont menacées. Un mammifère sur quatre, un oiseau sur huit, un tiers de tous les amphibiens et 70 % de toutes les plantes évaluées sont en péril, constate l’UICN.

Est-il encore possible de freiner ce déclin des espèces, qui risque de s’amplifier quand notre planète portera 9,3 milliards d’humains en 2050 ? Les biologistes américains Paul Ehrlich et Robert Pringle (université Stanford, Californie) pensent que oui, à condition de prendre plusieurs mesures radicales sur le plan mondial. Ils les présentent dans les Comptes rendus de l’Académie des sciences américaine (PNAS) du 12 août, qui consacrent un dossier spécial à la sixième extinction.

En préambule, ces deux chercheurs n’hésitent pas à déclarer que « l’avenir de la biodiversité pour les dix prochains millions d’années sera certainement déterminé dans les cinquante à cent ans à venir par l’activité d’une seule espèce, Homo sapiens, vieille de seulement 200 000 ans ». Si l’on considère que les espèces de mammifères – dont nous faisons partie – durent en moyenne un million d’années, cela place Homo sapiens au milieu de l’adolescence. Or cet « ado » mal dégrossi, « narcissique et présupposant sa propre immortalité, a maltraité l’écosystème qui l’a créé et le maintient en vie, sans souci des conséquences », ajoutent sévèrement Paul Ehrlich et Robert Pringle.

SURCONSOMMATION

Il faut donc, selon eux, insuffler un changement profond dans les mentalités, de façon à porter un autre regard sur la nature. Car, disent-ils, « l’idée que la croissance économique est indépendante de la santé de l’environnement et que l’humanité peut étendre indéfiniment son économie est une dangereuse illusion ». Pour contrer cette dérive, il faut commencer par maîtriser l’expansion démographique et diminuer notre surconsommation des ressources naturelles, dont une bonne part sert à assouvir des goûts superflus et non des besoins fondamentaux. La pisciculture et l’aviculture sont par exemple moins coûteuses en transport et en fioul que l’élevage des porcs et des boeufs, réunis dans le sacro-saint cheeseburger au bacon…

Autre angle d’attaque : les services offerts par la biosphère sont nombreux et gratuits. Elle fournit les matières premières, les systèmes naturels de filtration des eaux, le stockage du carbone par les forêts, la prévention de l’érosion et des inondations par la végétation, et la pollinisation des plantes par des insectes et des oiseaux. A elle seule, cette dernière activité pèse 1,5 milliard de dollars aux Etats-Unis. Aussi serait-il souhaitable d’évaluer le coût des services offerts par la nature et de l’intégrer dans les calculs économiques pour assurer leur protection.

Pour financer le développement des zones protégées, pas assez nombreuses et trop morcelées, Paul Ehrlich et Robert Pringle proposent de faire appel à des fondations privées dédiées à la conservation. Ce qui coûte moins cher au contribuable et permet de générer des sommes importantes. Au Costa Rica, un fonds de ce genre, Paz con la naturaleza, a drainé 500 millions de dollars, somme qui servira à financer le système de conservation du pays. On peut aussi associer plus étroitement pasteurs et agriculteurs à la préservation de la biodiversité, en évitant de leur imposer des décisions sur lesquelles ils n’ont pas prise, et à condition qu’ils y trouvent leur compte. Cela passe par des explications et une meilleure éducation dans ce domaine. Mais rien n’empêche aussi de restaurer les habitats dégradés.

Cependant, les deux chercheurs s’inquiètent du divorce croissant, dans les pays industrialisés, entre la population et la nature, divorce dû à l’utilisation intensive du multimédia. Ils remarquent que, « aux Etats-Unis, la montée des médias électroniques a coïncidé avec une baisse importante des visites des parcs nationaux, après cinquante ans de croissance ininterrompue ». Et il semble que des phénomènes similaires aient lieu dans d’autres pays développés. Aussi, avec un sens certain de l’à-propos, Paul Ehrlich et Robert Pringle proposent-ils d’ajouter une dimension écologique aux univers virtuels les plus connus, tel Second Life.

Christiane Galus

Les grandes extinctions du passé

Les débuts de la vie remontent à 3,7 milliards d’années. Mais il a fallu attendre l’explosion du cambrien, il y a 500 millions d’années (Ma), pour qu’apparaissent les premiers organismes marins complexes. A partir de cette date, cinq grandes extinctions ont eu lieu.

LA PREMIÈRE, IL Y A 440 MA, a fait disparaître 65 % des espèces, toutes marines. Des glaciations importantes suivies d’un réchauffement auraient provoqué de grandes fluctuations des niveaux marins.

LA DEUXIÈME, IL Y A 380 MA, a causé la mort de 72 % des espèces, marines pour l’essentiel. La catastrophe serait due à un refroidissement global succédant à la chute de plusieurs météorites.

LA TROISIÈME, IL Y A 250 MA, a été si importante que la vie a failli ne pas s’en relever. On estime que 90 % de toutes les espèces (marines et terrestres) ont disparu. Les causes de la catastrophe sont encore en débat, mais on pense que d’immenses coulées de lave en Sibérie, peut-être provoquées par la chute d’un astéroïde, ont profondément changé le climat et diminué l’oxygène dissous dans l’eau des mers.

LA QUATRIÈME, IL Y A 200 MA, est associée à l’ouverture de l’océan Atlantique et à d’importantes coulées de lave qui ont réchauffé le climat. 65 % des espèces ont péri.

LA CINQUIÈME, IL Y A 65 MA, est la plus connue, car elle est associée à la disparition des dinosaures et de 62 % des espèces. Les causes avancées sont la chute d’un astéroïde dans le golfe du Mexique et d’importantes coulées de lave en Inde.

PLUS PRÈS DE NOUS, AU COURS D’UNE PÉRIODE ALLANT DE 50 000 À 3 000 ANS, avant aujourd’hui, la moitié des espèces des grands mammifères pesant plus de 44 kg ont disparu. Certains chercheurs incriminent principalement l’homme et estiment que la sixième extinction, celle qui est due à l’action d’Homo sapiens a déjà commencé.

Voir également:

« God is Dead »

The New York Times

Jan. 9. 1966

The following ritual was presented during a chapel service at a small denominational college in the South. It was designed to explore in liturgical form the experience of the « death of God. » The reaction, according to campus reporter, « ranged from tears to a new enthusiasm for theology. »

Reader:

He was our guide and our stay

He walked with us beside still waters

He was our help in ages past

Chorus:

The lengthening shadow grows formless

The lengthening shadow grows formless

Reader:

Now the day is over

Night is drawing nigh

Shadows of the evening steal across the sky

Chorus:

He is gone. He is stolen by darkness

He is gone. He is stolen by darkness

Reader:

Now we must wonder

Was He our only dream.

A dream painted across the sky

Chorus:

And in the beginning our fear created him

And in the beginning our fear created him

Reader:

Did we create Him in our image?

Did we surround Him with hosts because

We were alone?

Chorus:

Our imaginations rescued us from the deep

Our imaginations rescued us from the deep

Reader:

Space has stretched beyond Him.

It is very cold here

And from time there comes no warmth

Chorus:

The universe is too vast for him

The universe is too vast for him

Reader:

Beyond the stars, more stars

Beyond the sky, more sky

Above our dreams, more dreams

Chorus:

Heaven is empty

Heaven is empty

Reader:

Only his footsteps remain

Only stained glass and arched hopes

Only wasted steeples and useless piety

Chorus:

There is silence along the forest path

There is silence along the forest path

Reader:

Why is there no dawn?

Why do our dead only die?

Why do our living only live?

Chorus:

Your God is Dead

He died in the darkness of your image

He died because he grew ill from your dreams of salvation

He died because you held his hand too tightly

God is Dead

Voir de même:

L’insensé. – N’avez-vous pas entendu parler de cet homme insensé qui, ayant allumé une lanterne en plein midi, courait sur la place du marché et criait sans cesse : « Je cherche Dieu ! Je cherche Dieu ! » – Et comme là-bas se trouvaient précisément rassemblés beaucoup de ceux qui ne croyaient pas en Dieu, il suscita une grande hilarité. L’a-t-on perdu ? dit l’un. S’est-il égaré comme un enfant ? dit un autre. Ou bien se cache-t-il quelque part ? A-t-il peur de nous ? S’est-il embarqué ? A-t-il émigré ? – ainsi ils criaient et riaient tout à la fois. L’insensé se précipita au milieu d’eux et les perça de ses regards. « Où est Dieu ? cria-t-il, je vais vous le dire ! Nous l’avons tué – vous et moi ! Nous tous sommes ses meurtriers ! Mais comment avons-nous fait cela ? Comment avons-nous pu vider la mer ? Qui nous a donné l’éponge pour effacer l’horizon tout entier ? Qu’avons-nous fait, à désenchaîner cette terre de son soleil ? Vers où roule-t-elle à présent ? Vers quoi nous porte son mouvement ? Loin de tous les soleils ? Ne sommes-nous pas précipités dans une chute continue ? Et cela en arrière, de côté, en avant, vers tous les côtés ? Est-il encore un haut et un bas ? N’errons-nous pas comme à travers un néant infini ? Ne sentons-nous pas le souffle du vide ? Ne fait-il pas plus froid ? Ne fait-il pas nuit sans cesse et de plus en plus nuit ? Ne faut-il pas allumer les lanternes dès le matin ? N’entendons-nous rien encore du bruit des fossoyeurs qui ont enseveli Dieu ? Ne sentons-nous rien encore de la putréfaction divine ? – les dieux aussi se putréfient ! Dieu est mort ! Dieu reste mort ! Et c’est nous qui l’avons tué ! Comment nous consoler, nous, les meurtriers des meurtriers ? Ce que le monde avait possédé jusqu’alors de plus sacré et de plus puissant a perdu son sang sous nos couteaux – qui essuiera ce sang de nos mains ? Quelle eau pourra jamais nous purifier ? Quelles solennités expiatoires, quels jeux sacrés nous faudra-t-il inventer ? La grandeur de cette action n’est-elle pas trop grande pour nous ? Ne nous faut-il pas devenir nous-mêmes des dieux pour paraître dignes de cette action ? Il n’y eut jamais d’action plus grande – et quiconque naîtra après nous appartiendra, en vertu de cette action même, à une histoire supérieure à tout ce que fut jamais l’histoire jusqu’alors ! » – Ici l’homme insensé se tut et considéra à nouveau ses auditeurs : eux aussi se taisaient et le regardaient sans comprendre. Enfin il jeta sa lanterne au sol si bien qu’elle se brisa et s’éteignit. « J’arrive trop tôt, dit-il ensuite, mon temps n’est pas encore venu. Ce formidable événement est encore en marche et voyage – il n’est pas encore parvenu aux oreilles des hommes. Il faut du temps à la foudre et au tonnerre, il faut du temps à la lumière des astres, il faut du temps aux actions, après leur accomplissement pour être vus et entendus. Cette action-là leur est encore plus lointaine que les astres les plus lointains – et pourtant ce sont eux qui l’ont accomplie ! » On raconte encore que ce même jour l’homme insensé serait entré dans différentes églises où il aurait entonné son Requiem aeternam Deo. Jeté dehors et mis en demeure de s’expliquer, il n’aurait cessé de repartir : « Que sont donc ces églises, si elles ne sont les caveaux et les tombeaux de Dieu ? » Nietzsche

Voir enfin:

René Girard : « Le christianisme est le seul à désigner le caractère mimétique de la violence »
La Croix
l11-08-2008

Cinquième commandement : « Tu ne commettras pas de meurtre. » (Ex 20, 13)

LE DECALOGUE (5/10) René Girard, de l’Académie française

La Croix : Quel sens donnez-vous au commandement : « Tu ne tueras point » ?

René Girard : Les religions archaïques se fondaient sur l’appel au meurtre et les sacrifices rituels pour résoudre le problème de la violence en rétablissant l’unité de la communauté contre une victime. C’est ce que j’ai appelé le phénomène du bouc émissaire. Lorsque ce meurtre réussit, la victime acquiert un prestige considérable, les boucs émissaires sont divinisés, à cause de leur vertu réconciliatrice. Les religions archaïques sont fondées sur l’illusion que ces boucs émissaires sont des dieux parce qu’ils installent une certaine paix entre les hommes. C’est cette paix que l’on renouvelle en immolant des victimes humaines ou animales délibérément choisies à cet effet. Le commandement de la Bible rompt catégoriquement avec cette pratique. Le christianisme nous apprend que c’est une illusion, une ruse que nous employons avec nous-mêmes. Toutes les grandes scènes de la Bible vont dans le sens de l’abolition ou de la diminution de la violence contre l’homme, à l’instar du non-sacrifice d’Isaac dans l’ancien testament, remplacé au dernier moment par un bélier. Dans la passion du Christ, c’est exactement l’inverse, le meurtre religieux est pour la première fois catégoriquement rejeté. Le Christ s’offre comme victime pour révéler la vérité aux hommes. Au lieu de sacrifier autrui – l’attitude normale des hommes –, le Christ s’offre comme victime pour se révéler aux hommes tel qu’il est, c’est-à-dire totalement étranger à la violence.

L’Ancien Testament et les Évangiles sont-ils les seuls textes fondateurs à condamner le meurtre et la vengeance ?

Je pense qu’ils sont les seuls à condamner le meurtre religieux. La condamnation du meurtre dans la Déclaration des droits de l’homme n’est pas une invention de l’humanisme occidental mais une invention chrétienne. L’humanisme s’est montré encore plus impuissant que le christianisme à la mettre en œuvre puisque nous sommes placés aujourd’hui dans un univers qui risque à chaque instant de se détruire lui-même.

L’interdit chrétien n’a pas empêché les croisades, les guerres de religion, les guerres mondiales et les génocides. Comment expliquez-vous cet échec ?

Le christianisme n’a pas eu raison du péché originel. Le péché originel, cela veut dire que l’homme est disposé au péché, qu’il est très difficile de vivre sans se heurter à son voisin, sans désirer la même chose que lui, sans devenir son rival. Des découvertes récentes en neurologie montrent que l’imitation est première et le moyen essentiel de l’apprentissage chez le nouveau-né. Nous ne pouvons échapper au mimétisme qu’en en comprenant les lois : seule la compréhension des dangers de l’imitation nous permet de penser une authentique identification à l’autre. Dès que nous imitons le modèle de nos désirs, nous désirons la même chose que lui. Cette rivalité mimétique est la cause principale et fondamentale de la violence entre les hommes. Le christianisme est le seul à désigner ce désir mimétique. Si l’homme est meurtrier, c’est parce qu’il a le meurtre en lui et qu’il y a quelque chose qui s’appelle le péché originel. Le péché originel, c’est Caïn et Abel, la rivalité qui engendre le meurtre.

Le monde globalisé d’aujourd’hui est-il prêt à entendre le message chrétien de réconciliation et de renonciation à la violence ?

La vérité devient aujourd’hui plus éclatante même si très peu d’individus se convertissent. Notre civilisation est plus créatrice et puissante que jamais mais aussi plus fragile et plus menacée car elle ne dispose plus du garde-fou du religieux archaïque. Au nom du désir de bien-être et du progrès, les hommes produisent les moyens de s’autodétruire. Notre monde est menacé et il est totalement impuissant à prendre des mesures pour éviter les périls les plus immédiats comme le réchauffement climatique, les manipulations génétiques ou la prolifération nucléaire.

Le terrorisme islamique est-il une nouvelle étape de la montée des extrêmes, un retour de l’archaïque ?

La montée aux extrêmes se sert de l’islamisme. Le terrorisme remplace la guerre qui redevient une entreprise privée sur laquelle les États n’ont plus de contrôle. La guerre n’est plus contenue par des règles institutionnelles qui en limitaient la durée et les effets. Plus l’homme est capable de produire la violence, plus il la produit. Nous sommes aujourd’hui menacés d’un vol de l’arme atomique par des individus qui n’hésiteront pas à s’en servir. La possession des moyens de destruction les plus perfectionnés est un signe du retour de l’archaïque. L’islam a tenté de réguler la violence à travers sa forte capacité d’organisation et le monde islamique ne se confond pas avec un déchaînement de la violence auquel nous serions étrangers. Pour autant, je pense que le christianisme a une vision plus profonde de la violence. Dans la Passion, la crucifixion du Christ révèle la violence. C’est la révélation du meurtre fondateur, le résultat du mécanisme victimaire et c’est Jésus qui rend cela visible en subissant cette violence injuste et en l’exposant aux regards de tous, en la privant ainsi de sa puissance fondatrice.

Pour renoncer à la violence, l’homme doit-il renoncer au désir ?

Le christianisme dit que l’homme doit désirer Dieu. Aujourd’hui, les individus intelligents et ambitieux semblent tournés vers l’accroissement de la puissance et la répétition des erreurs du passé. Les textes apocalyptiques des Évangiles annoncent précisément que les hommes succomberont à leur propre violence. C’est la fin du monde permise par les hommes. Le paradoxe, c’est que l’humanité soit plus sceptique que jamais à une époque où elle sait qu’elle a tous les moyens de se détruire. De leur côté, les chrétiens interprètent souvent le christianisme comme une simple philosophie optimiste et, sous prétexte de rassurer, n’en donnent qu’une version édulcorée. Il vaudrait mieux alerter les gens et réveiller les consciences endormies plutôt que de nier les dangers. Nous vivons à la fois dans le meilleur et le pire des mondes. Les progrès de l’humanité sont réels. Nos lois sont meilleures et nous nous tuons moins les uns les autres. En même temps, nous ne voulons pas voir notre responsabilité dans les menaces et les possibilités de destruction qui pèsent sur nous. Les textes chrétiens, en particulier les textes apocalyptiques, collent de façon étonnante à la réalité présente, à savoir une confusion entre les désastres causés par la nature et les désastres causés par les hommes, une confusion entre le naturel et l’artificiel. Dans le cyclone qui a dévasté La Nouvelle-Orléans, on ne pouvait plus distinguer la responsabilité de la nature de celle des hommes.

Il n’est pas trop tard pour bien faire ?

Nous arrivons dans un monde où nous nous trouverons placés devant l’alternative chrétienne, le royaume de Dieu ou la destruction totale, la réconciliation ou rien. Les hommes cherchent des échappatoires pour ne pas voir ce qui s’impose à eux, pour ne pas être pacifiques, pour ne pas rencontrer l’autre. Le christianisme est la seule utopie qui dise la vérité sur cette situation. Ou bien les hommes la réaliseront en renonçant à la violence, ou bien ils s’autodétruiront. Ce sera la violence absolue ou la paix.

Recueilli par François d’ALANÇON

Voir par ailleurs:

René Girard: « Le retour de Dieu, c’est la fin de l’idée libertaire »

Les Echos

Enjeux – Nietzsche a annoncé la mort de Dieu, Freud et Marx l’ont enterré, et le voilà qui resurgit. Comment expliquez-vous ce retour ?

René Girard – Je dirais qu’il sonne la fin des grands mots d’ordre du monde moderne : la révolte et la révolution. La révolte contre les bases mêmes de la culture que sont le rite et l’interdit. Nietzsche rassemble tout le monde : on trouvera toujours un Nietzsche de droite et un Nietzsche de gauche. La révolution, par exemple, d’abord communiste, s’est ensuite très bien accommodée de la liberté totale du marché. Et pour cause, dans les deux cas, on dit aux hommes qu’ils peuvent faire ce qu’ils veulent et que, dans la mesure où ils sont libres, tout ira bien. On est en train de redécouvrir que la révolte contre la culture ne marche pas et que rien n’est plus logique et plus puissant que les interdits. Ce sont eux qui assurent la continuité de la vie en essayant d’empêcher les hommes de faire des bêtises.

Mais pourquoi les hommes s’accommoderaient-ils si mal de cette liberté qu’ils se donnent ?

R. G. – Fondamentalement, les hommes ne s’entendent pas. Et ils ne peuvent pas s’entendre, non pas – comme on le croit trop souvent – parce qu’ils sont différents, mais parce qu’ils s’imitent en permanence les uns les autres. Désirant toujours la même chose en même temps, ils se disputent. Les interdits sont là pour empêcher l’escalade des conflits. On a voulu les supprimer en pensant que tout irait mieux.

Et pourtant la société occidentale à mesure qu’elle progresse se fait de plus en plus répressive. Les hommes, en effet, confondent leurs conflits de désirs avec les interdits qui les gênent. Ils se croient empêchés dans leur liberté par l’interdit alors qu’en réalité, moins l’interdit existe, plus ils sont dans des conflits qui finissent par ressembler à des interdits. Tocqueville avait déjà souligné ce paradoxe. Le roi, disait-il, était perçu comme l’obstacle à abattre pour libérer les ambitions les plus extraordinaires. Mais, ajoutait-il, cet obstacle unique, une fois supprimé, sera remplacé par des millions de petits obstacles, soit autant d’individus mis en concurrence les uns avec les autres. Et la concurrence n’est pas facile à vivre, même si elle est féconde.

Les Lumières, le positivisme, Nietzsche, Mai 68… tout le monde se serait trompé ?

R. G. – Pour les rationalistes, l’homme est seulement raison. Selon eux, la culture empêche la raison dans la mesure où elle est le religieux et l’interdit. Mais c’est considérer le religieux comme quelque chose d’étranger à l’homme, une sorte de fruit exotique dont on peut se servir ou qu’il vaut mieux laisser de côté selon que l’on juge ses effets bons ou mauvais. C’est la lecture qui en est encore faite dans tous les débats sur la violence et le religieux. On en reste toujours à Auguste Comte, à penser que le religieux est faux tant il prend des formes différentes, et à s’imaginer qu’il est une explication de l’univers. Mais sur 1 000 religions, 999 ne sont aucunement des explications de l’univers. Le religieux, c’est à la fois l’interdit de la violence à l’intérieur de la communauté, et le rite sacrificiel qui exige la violence, mais une violence de substitution pour détourner la violence vers d’autres buts.

Mais le retour du religieux ce peut être aussi le retour des guerres de religion ?

R. G. – Il est aujourd’hui difficile de faire la part du politique et du religieux. Mais ce retour pourrait être aussi une correction de ce qu’il y a d’incroyablement superficiel dans le rationalisme occidental né au XVIII e siècle, si content de lui qu’il s’imagine qu’il est supérieur au religieux, qu’il peut le juger de loin sans y participer. Et qui ne voit pas que tout ce qu’il porte de bon en lui, son humanité plus grande, il le tient du christianisme. A cet égard, avoir tenté d’inscrire dans la future Constitution européenne l’héritage de la philosophie des Lumières mais pas celui du christianisme était une absurdité. Comme d’avoir voulu mettre le religieux à distance pour le condamner. Cela a empêché pendant tout un siècle (1850-1950) l’anthropologie de découvrir l’essence du religieux. On n’a pas pu comprendre que le religieux était un remède contre la violence parce qu’on ne pouvait pas voir la violence de l’homme. On pensait que cette violence était subordonnée à la tyrannie, celle des « prêtres fourbes et avides » de Voltaire : des méchants – sans trop savoir pourquoi ils étaient méchants – qui rendaient l’homme méchant. A tenir, comme Rousseau, l’homme pour fondamentalement bon, le religieux est devenu une histoire superficielle que les hommes se racontent, ou plutôt que « les prêtres fourbes et avides » leur font croire pour leur imposer leur tyrannie.

Si le religieux ne nous est pas extérieur, quel est-il ?

R. G. – Le religieux et l’homme sont sans doute la même chose. C’est cela, l’invention de la culture, ce qui différencie l’homme des animaux.

Les animaux vivent selon des réseaux de dominant/dominé. Quand ils se rencontrent pour la première fois, ils ont une relation mimétique, autour d’une femelle par exemple. Ils se battent et le moins fort se rend toujours au plus fort qui lui épargne la vie. Les hommes, eux, luttent jusqu’à la mort parce qu’ils ont des capacités mimétiques beaucoup plus fortes. La capacité mimétique étant aussi bien l’intelligence que la puissance. C’est pour éviter cette lutte à la mort qu’intervient le religieux, ses interdits et ses rituels.

Mais c’est également en transgressant les interdits et en étant en concurrence que l’homme progresse, innove, etc.

R. G. – C’est pourquoi il se trouve dans une situation impossible : quand il est bridé par des interdits idiots ou devenus inadaptés, il végète ; quand il les brise, il crée une ouverture qui enclenche les crises. Rompre avec l’interdit est très bénéfique, car cela libère l’intelligence humaine. Pour défricher un champ, passer à l’agriculture, les primitifs ont dû se débarrasser de tous les esprits qui les en empêchaient.

L’homme moderne ne connaît plus ces obstacles, il peut donc entreprendre toutes sortes de choses. Mais il se trouve de ce fait exposé à une violence beaucoup plus forte. C’est pourquoi le religieux s’accompagne également du rite sacrificiel, celui du bouc émissaire, central dans tous les mythes et les religions archaïques.

Quand la crise atteint son apogée, il advient un moment où le mimétique tend à se polariser sur un individu. Ce phénomène social fondamental a un caractère mécanique et spontané dont il faut prendre conscience. En lui-même, ce phénomène n’a pas de sens, mais les hommes lui en donnent un. Car lorsque le mimétisme se transforme pour se contenter d’une seule victime dont le sacrifice réconcilie la communauté, il apparaît comme un phénomène merveilleux qu’il faut réitérer pour guérir les crises suivantes. C’est pourquoi l’homme lui donne un sens religieux.

N’est-ce pas une interprétation qui découle de votre propre foi ?

R. G. – C’est la critique que l’on me fait. Parce que je suis religieux, toute ma réflexion serait religieuse. Bien au contraire, je donne là une explication parfaitement athée du religieux, fondée sur ce mimétisme. Cela dit, je suis en effet christo-centré. L’expérience fondamentale du Christ me paraît irremplaçable car, si elle s’inscrit dans la rupture que fait l’Ancien Testament avec le rituel des religions archaïques, elle ne se contente plus de refléter la scène du sacrifice. Au lieu de l’accepter, de l’entériner et de l’interpréter comme un phénomène transcendental, le Christ la révèle et la condamne.

Comment cela ?

R. G. – L’Ancien Testament inverse déjà les mythes. Les victimes qui dans les mythes sont coupables – la ville a raison contre l’individu isolé qui menace la communauté – sont désormais innocentes : ce n’est pas Job qui est coupable, mais son village qui l’adulait et qui, d’un seul coup, décide de se débarrasser de lui.

Les Evangiles, eux, apportent la double perspective : à la fois celle de la foule qui tient Jésus pour coupable et celle de quelques individus qui, faisant exception, disent non, le Christ n’est pas coupable. Le Christ est un Dieu, non parce qu’il subit ce phénomène, mais parce qu’il accepte de le subir plutôt que d’y participer, pour le faire comprendre aux hommes et pour en délivrer les hommes. Cette célébration de la souffrance n’est pas du masochisme. Elle comprend qu’il y a en Dieu une participation à la souffrance humaine. Et c’est précisément ce que les religions archaïques ne peuvent pas voir. Elles voient Dieu comme un être méchant qui cause ces crises, et très secourable parce que c’est également lui qui les règle. Mais de loin. C’est pourquoi il faut faire des sacrifices. Seul le christianisme supprime totalement le sacrifice sanglant.

On ne peut pourtant pas dire qu’en 2 000 ans l’humanité ait fait beaucoup de progrès en la matière…

R. G. – Certes et, dans la logique rituelle du sacrifice mimétique, on pourrait penser que la violence actuelle est peut-être le signe inquiétant que l’effet pacificateur des grandes catastrophes du XX e siècle est terminé. Si le dépassement de cette mécanique est présent dans les Evangiles, il n’a pas encore gagné l’Histoire. D’une certaine manière, le christianisme nous expose à la violence parce qu’en nous faisant trop bien comprendre la logique du bouc émissaire, il nous prive et prive la société de ce mode d’organisation. Le christianisme ne fait que dire cela : « Je séparerai le père, la mère, etc. » ; « Ne croyez pas que je suis venu apporter la paix, j’apporte la guerre ». Mais par méconnaissance des textes, on considère le christianisme comme une espèce d’aspirine contre la violence qui ne produirait pas l’effet voulu.

Quelle est donc votre lecture ?

R. G. – L’homme ne se dit jamais qu’il est naturellement conflictuel. Le bouc émissaire ce n’est jamais soi, mais toujours les autres. Il n’y a pas d’expérience subjective du bouc émissaire. Sauf dans les Evangiles et chez Paul. Pierre fait cette expérience, après son reniement, quand il comprend qu’en ayant renié le Christ, il a participé à son sacrifice. Paul la fait aussi sur le chemin de Damas lorsque le Christ lui dit « pourquoi me persécutes-tu ? » L’expérience chrétienne fondamentale, c’est donc de comprendre que nous sommes incapables de nous passer de bouc émissaire. Et c’est justement ce que le christianisme nous demande : que nous nous en passions. Il nous appelle à une autre vocation.

8 Responses to Environnement: Comment avons-nous pu vider la mer? (Apocalypse tomorrow?)

  1. […] Irak: Quand l’Université de Lausanne rivalisait avec l’Elysée pour afficher sa crasse ignorance (Gog and Magog: The day academic ignorance came to the rescue of political ignorance) Jusqu’à présent, les textes de l’Apocalypse faisaient rire. Tout l’effort de la pensée moderne a été de séparer le culturel du naturel. La science consiste à montrer que les phénomènes culturels ne sont pas naturels et qu’on se trompe forcément si on mélange les tremblements de terre et les rumeurs de guerre, comme le fait le texte de l’Apocalypse. Mais, tout à coup, la science prend conscience que les activités de l’homme sont en train de détruire la nature. C’est la science qui revient à l’Apocalypse. René Girard […]

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  2. […] Irak: Quand l’Université de Lausanne rivalisait d’ignorance avec l’Elysée (Gog and Magog: The day academic ignorance came to the rescue of political ignorance) Jusqu’à présent, les textes de l’Apocalypse faisaient rire. Tout l’effort de la pensée moderne a été de séparer le culturel du naturel. La science consiste à montrer que les phénomènes culturels ne sont pas naturels et qu’on se trompe forcément si on mélange les tremblements de terre et les rumeurs de guerre, comme le fait le texte de l’Apocalypse. Mais, tout à coup, la science prend conscience que les activités de l’homme sont en train de détruire la nature. C’est la science qui revient à l’Apocalypse. René Girard […]

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  3. […] La principale opposition de frères ennemis dans l’Histoire, c’est bien les juifs et les chrétiens. Mais le premier christianisme est dominé par l’Epître aux Romains qui dit : la faute des juifs est très réelle, mais elle est votre salut. N’allez surtout pas vous vanter vous chrétiens. Vous avez été greffés grâce à la faute des juifs. On voit l’idée que les chrétiens pourraient se révéler tout aussi indignes de la Révélation chrétienne que les juifs se sont révélés indignes de leur révélation. (…)  Il faut reconnaître que le christianisme n’a pas à se vanter. Les chrétiens héritent de Saint Paul et des Evangiles de la même façon que les Juifs héritaient de la Genèse et du Lévitique et de toute la Loi. Mais ils n’ont pas compris cela puisqu’ils ont continué à se battre et à mépriser les Juifs. (…) ils ont recréé de l’ordre sacrificiel. Ce qui est historiquement fatal et je dirais même nécessaire. Un passage trop brusque aurait été impossible et impensable. Nous avons eu deux mille ans d’histoire et cela est fondamental. (…) la religion doit être historicisée : elle fait des hommes des êtres qui restent toujours violents mais qui deviennent plus subtils, moins spectaculaires, moins proches de la bête et des formes sacrificielles comme le sacrifice humain. Il se pourrait qu’il y ait un christianisme historique qui soit une nécessité historique. Après deux mille ans de christianisme historique, il semble que nous soyons aujourd’hui à une période charnière – soit qui ouvre sur l’Apocalypse directement, soit qui nous prépare une période de compréhension plus grande et de trahison plus subtile du christianisme. René Girard […]

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  4. […] Les événements qui se déroulent sous nos yeux sont à la fois naturels et culturels, c’est-à-dire qu’ils sont apocalyptiques. Jusqu’à présent, les textes de l’Apocalypse faisaient rire. Tout l’effort de la pensée moderne a été de séparer le culturel du naturel. La science consiste à montrer que les phénomènes culturels ne sont pas naturels et qu’on se trompe forcément si on mélange les tremblements de terre et les rumeurs de guerre, comme le fait le texte de l’Apocalypse. Mais, tout à coup, la science prend conscience que les activités de l’homme sont en train de détruire la nature. C’est la science qui revient à l’Apocalypse. René Girard […]

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  5. […] Où est Dieu? cria-t-il, je vais vous le dire! Nous l’avons tué – vous et moi! Nous tous sommes ses meurtriers! Mais comment avons-nous fait cela? Comment avons-nous pu vider la mer? Qui nous a donné l’éponge pour effacer l’horizon tout entier? Dieu est mort! (…) Et c’est nous qui l’avons tué ! (…) Ce que le monde avait possédé jusqu’alors de plus sacré et de plus puissant a perdu son sang sous nos couteaux (…) Quelles solennités expiatoires, quels jeux sacrés nous faudra-t-il inventer? Nietzsche […]

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  6. […] Jusqu’à présent, les textes de l’Apocalypse faisaient rire. Tout l’effort de la pensée moderne a été de séparer le culturel du naturel. La science consiste à montrer que les phénomènes culturels ne sont pas naturels et qu’on se trompe forcément si on mélange les tremblements de terre et les rumeurs de guerre, comme le fait le texte de l’Apocalypse. Mais, tout à coup, la science prend conscience que les activités de l’homme sont en train de détruire la nature. C’est la science qui revient à l’Apocalypse. René Girard […]

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  7. […] Dieu est mort! (…) Et c’est nous qui l’avons tué ! (…) Quelles solennités expiatoires, quels jeux sacrés nous faudra-t-il inventer? Nietzsche […]

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  8. jcdurbant dit :

    IT’S THE WHOLE RITUAL, STUPID ! (The term “social placebo” describes how bonding and support from others could help to reduce things like pain, fatigue and anxiety, as a placebo isn’t the fake treatment per se, it’s the whole ritual of the therapeutic act, within a complex psychological and social context – who gives it to you, what they say, how much you trust them, and so on)

    “It seems that cues to cohesion and support enable the athletes to get more out of their bodies – more power, more output, higher performance – for the same level of fatigue. The hunter might get more out of his body if he knows that there are supportive individuals, part of his group, that are there running alongside him and able to help in his recovery process. »

    Emma Cohen (Oxford)

    « In order to induce powerful, robust placebo responses, you first need conditioning with the oxygen. Which means that probably, but this is just a speculation, oxygen leaves a trace in the brain. The placebo can mimic the effect, but without any drug in the body. This is a problem for anti-doping tests.”

    Fabrizio Benedetti (University of Turin)

    We normally hear about the placebo effect in a medical context. It’s the beneficial outcome from the belief that a treatment will work, rather than any other effect of the treatment itself, which often is nothing more than a sugar pill. Placebos have been shown to improve symptoms of everything from coughs and pain to depression and even Parkinson’s disease. More recently, scientists like Benedetti have become interested in how placebos could work in the world of sport. Any professional athlete will tell you that their beliefs about winning play a huge role in success, and research suggests that by modifying their expectations, the placebo effect can have a powerful impact on how fast or how far they can go. In one study, well-trained competitive cyclists were told they would receive a zero, low or high dose of caffeine before a time trial (but in reality, all of them were given a placebo – experiments in this field usually involve deception). The athletes who thought they were getting a small dose performed 1.5% better than baseline, while the high dose group showed an increase in power of 3% over a 10km (6.2 mile) race. “Three percent doesn’t sound much,” says Chris Beedie from the School of Psychology at the University of Kent, who was lead author on the study. “But in elite terms, that’s the difference between winning an Olympic medal and not making the top ten. You work very hard to get those three percents.”

    Scientists in this field are keen to understand how an inert pill can have such a dramatic effect on people who dedicate their lives to gruelling training regimes, trying to shave fractions of a second off their best time. Beedie says that the athletes themselves tend to report feeling “more up for it” or “more psyched”. So, surely there’s a simple explanation – doesn’t giving someone a placebo just make them try harder?

    “It’s very hard to disentangle in experimental terms,” Beedie admits. “The data are not definitive, but what we have seen is 2-3% higher levels of performance, without seeing higher heart rate, higher blood lactate accumulate or higher ventilation, which we’d expect to see if the athlete was simply trying harder.” In other words, it’s as if athletes on a placebo are somehow getting more economy from their bodies, like a car getting more miles out of a gallon of fuel.

    Experiments like these point to a more subconscious mechanism for how the placebo effect improves performance. Researchers are a long way from demonstrating what this might be, but there are some obvious candidates.

    One hypothesis is that the placebo effect reduces anxiety. If a cyclist thinks they’re receiving a substance that will boost their ability, they may be able to relax because they feel like they have a safety net. “Muscle tension is a fairly common component of an anxiety or stress response,” says Beedie. “And muscle tension costs energy, and energy is critical to athletes.”

    No pain means gain

    Another possibility is that the placebo effect taps into pathways that regulate pain and endurance. “One of the main limiting factors in performance and physical exercise is fatigue,” says Emma Cohen, who runs the Social Body Lab at the University of Oxford. “You can try to ignore it, but that throbbing feeling is very hard to ignore.”

    Anyone who has ever pushed themselves a bit too far during a workout will be painfully aware of what this is like. But those sensations are there for a good reason – to protect the body from damage.

    “They stop us before it’s actually really strictly necessary,” explains Cohen. “So in theory, we could go for a bit harder for a bit longer without stopping, but our body and our brain tend towards cautiously keeping something in reserve. You never know what you might need to do after the race finishes.”

    Our brains are constantly calculating how much to keep in the tank based on all kinds of information, says Cohen – signals from our muscles, what the weather is like, how thirsty we are and how far we have left to go. “But they’ll also take cognitive and emotional inputs from past experiences. The brain then anticipates how much physical exertion it can continue with, that can be safely sustained under those conditions.”

    A placebo could act like a false signal which influences this calculation, so it “unlocks” access to resources that the brain allocates to muscles during exercise. The athlete’s conscious expectation about what they’re receiving ends up manifesting subconsciously, influencing processes they don’t have voluntary control over.

    False friends

    Cohen’s Social Body Lab is interested in another factor that could affect this computation in the brain – the behaviour of other people. They’ve coined the term “social placebo” to describe how bonding and support from others could help improve performance by reducing things like pain, fatigue and anxiety.

    In experiments, they’ve shown that rowers who train in synchrony with other members of their team have higher pain thresholds than those who row alone. And they’ve demonstrated that rugby players who took part in a coordinated warm up with a teammate ran about six seconds faster in a sprint test.

    “They did this for the same level of reported fatigue, so they didn’t feel any more tired, and there was no difference in their maximum heart rate,” Cohen says. “It seems that cues to cohesion and support enable the athletes to get more out of their bodies – more power, more output, higher performance – for the same level of fatigue.”

    It’s easy to see how this might have evolved. Humans are a social species, and in our past, close bonding and relationships could have been an important signal for safety and security. “The hunter might get more out of his body if he knows that there are supportive individuals, part of his group, that are there running alongside him and able to help in his recovery process,” says Cohen.

    The placebo effect – a modern phenomenon – could be activating pre-existing pathways that evolved thousands of years ago

    Social factors may help to explain why the placebo effect exists at all. According to Benedetti, a placebo isn’t the fake treatment per se, it’s the whole ritual of the therapeutic act, within a complex psychological and social context – who gives it to you, what they say, how much you trust them, and so on. So perhaps the placebo effect – a modern phenomenon – could be activating pre-existing pathways that evolved thousands of years ago, like those that helped our ancestors make use of social bonds.

    Fake it to make it

    Pain, fatigue and anxiety reductions are all logical explanations for how the placebo effect might work. But surely something as vital for life as oxygen to a mountaineer isn’t something you can trick the brain into believing is there?

    “No, because in order to induce powerful, robust placebo responses, you first need conditioning with the oxygen,” says Benedetti. “Which means that probably, but this is just a speculation, oxygen leaves a trace in the brain.” These traces could mean that the brain anticipates the arrival of more oxygen when the placebo is administered, replicating the same physiological response even without any oxygen present.

    This kind of procedure also has other important implications for sport. It means you can give an athlete a banned substance during training, and then swap it for a placebo before the competition. “The placebo can mimic the effect, but without any drug in the body,” Benedetti explains. “This is a problem for anti-doping tests.”

    Anti-doping is also a big focus of Beedie’s research, a message he’s eager to share with athletes. “If you can go faster because of a placebo, how do you tap into that without using these drugs? How do you essentially try and capitalise on what your biology and evolution has given you?”

    That’s the fascinating thing about the placebo effect. It proves that we have the ability to do better – we just have to believe it.

    https://www.bbc.com/future/article/20200501-the-performance-enhancing-trick-to-being-a-better-athlete

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