Science: L’évolution va dans une direction et pas dans une autre

Problems with DarwinL’évolution va dans une direction et pas dans une autre… il est évident que l’univers est orienté. Rémy Chauvin
La finalité est une femme avec laquelle un biologiste ne veut jamais être vu en public, mais dont il ne peut pas se passer! Pierre Paul Grassé
Les organismes sont autant coopératifs qu’ils sont compétitifs, aussi altruistes qu’ils sont égoïstes, aussi créatifs et joueurs qu’ils sont destructifs et répétitifs. Brian Goodwin

Suite à notre dernier billet sur le darwinisme

Petit rappel, par le philosophe des sciences Jean Staune, des insuffisances explicatives de la théorie (non reproductibilité de l’évolution, inexistence d’un programme ou d’une finalité dans l’évolution, sélection naturelle conçue comme moteur principal de l’évolution, toute puissance du hasard, etc) et présentation des différentes écoles de biologie non darwiniennes.

Et mise au point, par l’historien Ronald Numbers, sur nombre d’idées reçues et fausses sur les rapports religion-science (l’origine indéniablement chrétienne, de Copernic à Galilée, Newton, Boyle, Kepler, de la science – Giordanio Bruno ayant été brûlé non pour ses idées copeniciennes mais pour hérésie) et la grande ignorance de nombre de néo-darwinistes athées à la Dawkins sur la diversité des recherches dites « créationnistes »

LA BIOLOGIE NON DARWINIENNE : ESSAI DE TYPOLOGIE ET ANALYSE DES IMPLICATIONS PHILOSOPHIQUES

Jean STAUNE, Philosophe des sciences. Secrétaire général de l’UIP
Université Interdisciplinaire de Paris

Une présentation de toutes les différentes écoles de biologie non darwiniennes et des positions qui vont avec.

Qu’est-ce que la biologie non darwinienne ?

Il s’agit de l’ensemble des théories de l’évolution qui ont en commun le fait que le hasard et la sélection naturelle ne sont pas les seuls (ou même ne sont pas les principaux) facteurs qui dirigent l’évolution. Une telle définition a deux conséquences : elle exclut du cadre des théories non darwiniennes, des théories comme la théorie neutraliste de Kimura qui met l’accent sur le hasard au détriment de la sélection naturelle. Et elle ne permet pas une séparation nette et tranchée entre théories darwiniennes et théories non darwiniennes. Cela peut être porté à son crédit. En effet, s’il semble bien que, comme le montre la théorie des équilibres ponctués et, contrairement à ce que pensait Darwin, la « nature fasse des sauts », les théories de l’évolution sont graduelles même si l’évolution elle-même ne l’est pas !

En effet, à quel moment une théorie cesse-t-elle d’être darwinienne ? Lorsqu’elle attribue à des facteurs autres que le hasard et la sélection naturelle un rôle suffisant pour qu’ils aient un impact significatif sur le résultat du processus évolutif. On peut ainsi passer graduellement d’une théorie tout à fait darwinienne à une théorie non darwinienne en construisant toute une série de conceptions intermédiaires s’éloignant progressivement du modèle darwinien classique. La limite entre les deux domaines pourra donc différer d’un observateur à l’autre. Il y a deux grandes écoles de pensée aux implications philosophiques très différentes, dans la biologie non darwinienne : l’auto-organisation d’un côté, le finalisme ou la téléonomie de l’autre.

L’auto-organisation :

Pour cette école, l’apparition de structures plus complexes est due à une « propriété » émergente de la vie comme l’explique Brian Goodwin, Professeur de Biologie de la Open University, Milton Keynes, « Depuis 1859, le mécanisme de la sélection naturelle et la survie du plus fort s’est imposé comme la seule thèse explicatrice de la vie sur Terre. Les origines, les extinctions, les adaptations ont toutes été étudiées à travers le prisme du darwinisme. Il y a une autre explication pour l’origine et la diversité des espèces. Comme la vision Newtonienne du monde qui prédominait jusqu’à la révolution Einsteinienne au 20ème siècle, ainsi le darwinisme doit être remplacé par une nouvelle théorie qui admet que la complexité est une qualité inhérente et émergente de la vie et non seulement le résultat de mutations aléatoires et de la sélection naturelle. Les organismes sont autant coopératifs qu’ils sont compétitifs, aussi altruistes qu’ils sont égoïstes, aussi créatifs et joueurs qu’ils sont destructifs et répétitifs. » (1). Le tout est plus que la somme des parties est une démarche réductionniste qui ne peut rendre compte de ce qu’est la vie comme le dit Mae-Wan Ho, Maître de conférence en Biologie à la Open University Milton Keynes ,« La vie est un processus organisé global. La vie est un processus et non une chose, ni une propriété d’une chose matérielle ou une structure. Ainsi la vie doit se trouver dans les flux dynamiques de la matière et de l’énergie qui font que les organismes vivent, grandissent, se développent et évoluent. Ainsi on peut constater que le « tout » n’est pas une entité isolée et monadique. C’est un système ouvert sur l’environnement, qui se structure et s’organise en se dépliant simultanément sur l’environnement externe et en ’repliant’ son potentiel dans des formes stables qui sont hautement reproductibles » (2).

L’un des mots les plus importants ici c’est celui d’émergence. Il n’y a aucune pré-existence même potentielle ou virtuelle des formes complexes. Celles-ci émergent du processus du vivant car il est dans la nature même de ce processus de permettre cette émergence. Mae-Wan Ho et Brian Goodwin sont clairement non darwiniens. Pour eux, les mécanismes darwiniens ne jouent pas un rôle principal dans l’évolution. D’autres tenants de l’auto-organisation comme Stuart Kauffman (3) ou Francesco Varela donnent plus d’importance aux mécanismes darwiniens et peuvent être inclus parmi les « compagnons de route » du darwinisme. Nous rencontrons donc ici pour la première fois de façon concrète (mais non la dernière) le problème de la frontière entre darwinisme et non darwinisme que nous avons évoqué en introduction. Au plan philosophique, les tenants de l’auto-organisation sont perçus, au moins en Europe, comme étant lié aux conceptions panthéistes ou animistes du Monde. Et cela parce que la plupart des scientifiques de cette école de pensée partagent de telles conceptions (ou des conceptions bouddhistes comme Francisco Varela) et que la notion d’émergence permet de se passer d’un « premier moteur » au sens de Aristote, ou de toute extériorité fondatrice. Néanmoins, il est à noter qu’un certain nombre de théologiens et philosophes anglo-saxons (parmi lesquels Niels Gregersen et Philip Clayton) essaient de développer une conception chrétienne de l’émergence et de l’auto organisation en s’appuyant entre autres sur des théologies du process inspirées de Whitehead et ils entrent en débat avec des tenants de l’auto-organisation dans sa version panthéiste, comme Terrance Deacon (4) pour affirmer l’existence d’une pluralité des conceptions dans ce domaine. Pensant sans doute que l’auto-organisation va s’imposer comme un paradigme important au XXIème siècle, ils ne veulent pas que le christianisme en soit absent, même si le rapprochement des deux notions semble problématique.

Finalité ou Téléonomie.

Beaucoup de scientifiques que nous classons dans cette catégorie protesteraient sans doute en affirmant avec force qu’ils ne sont pas finalistes. Ils donneraient ainsi, post-mortem, raison à Pierre Paul Grassé qui disait : « La finalité est une femme avec laquelle un biologiste ne veut jamais être vu en public, mais dont il ne peut pas se passer !

On peut diviser les théories de l’évolution se rapportant à ce domaine en trois sous écoles : la logique interne, la reproductibilité de l’évolution, et l’existence de facteurs encore inconnus qui joueraient un rôle majeur dans l’évolution.

Logique interne

Un travail comme celui d’Anne Dambricourt (5) montre que l’apparition de la bipédie chez les ancêtres de l’homme n’est pas un événement fortuit comme l’ont cru les tenants de « East Side Story ». Selon cette dernière théorie, l’effondrement de la Rift Valley dans l’Est africain a permis le développement d’une savane qui a créé les conditions pour que la sélection naturelle avantage les primates porteurs de mutations allant dans le sens de la bipédie. Ces découvertes d’Anne Dambricourt sur la contraction cranio-faciale montrent que la bipédie est due chez l’homme à une rotation du tube neural. Et cette rotation constitue un processus interne d’origine embryonnaire qui se développe, en s’accélérant d’une espèce à l’autre pendant 60 millions d’années. Ce processus paraît pourvu d’une logique propre que ne vient troubler aucune modification de l’environnement. Une telle théorie prend à contre pieds trois constituants fondamentaux du darwinisme : l’idée que l’évolution est imprédictible, qu’elle est dirigée principalement par les changements de l’environnement et qu’elle est graduelle. Accessoirement, c’est une des meilleures façons (meilleure que certaines approches darwiniennes !) de prouver l’existence de l’évolution aux yeux de ceux qui seraient tentés de rejeter ce concept fondateur de la biologie moderne.

Pour Rosine Chandebois, le développement des organismes vivants n’est pas codé dans l’ADN. En tant qu’embryologiste, elle a recensé des expériences montrant, selon elle, que c’est le cytoplasme de l’œuf qui est « l’architecte », tandis que l’ADN ne définit que les matériaux employés pour la construction (le bois ici, le béton ailleurs) selon une de ses métaphores. Ses conceptions, qui peuvent apparaître comme un combat d’arrière-garde contre la toute puissance de la biologie moléculaire, viennent trouver des confirmations dans des recherches de jeunes chercheurs comme Andras Paldi qui dit « L’enjeu de la prochaine révolution génétique sera de redonner sa place à l’ADN dans l’énorme complexité d’interactions biochimiques du vivant. On ne le met plus sur un pied d’Estale comme un dictateur qui dirige le déroulement de la vie… Je crois que l’on arrive à la fin d’une période de développement de la génétique. Elle a débuté au début du XXème siècle et se caractérise par la notion clé du gène tout puissant, selon laquelle les gènes contiennent l’information nécessaire et suffisante pour le développement d’un organisme vivant. On s’aperçoit que ce schéma explicatif a de plus en plus de mal à rendre compte des phénomènes héréditaires que l’on observe. » et parle de hasard « canalisé »(6). Pour Rosine Chandebois, l’évolution est un programme qui se déroule depuis l’origine à l’image du développement embryonnaire qui va de la première cellule jusqu’à l’organisme complet. « Le programme génétique de développement existe uniquement dans l’imagination collective des biologistes (…) Tous ces travaux nous amènent à la même conclusion : le programme de développement n’est pas écrit dans l’ADN ! Il est contenu dans le cytoplasme de l’œuf qui doit avoir une composition moléculaire particulière et, plus encore, une organisation appropriée. En d’autres termes, l’ADN ne commande rien, et n’est certainement pas l’architecte. Mais parce qu’il produit les matériaux pour la construction, il donne à l’organisme son originalité (…). L’arbre de la vie a été fabriqué à partir de la première cellule, de la même façon que l’arbre à partir de la graine, exclusivement à travers des facteurs internes » (7). Elle semble rejoindre là Michel Denton dont nous verrons les conceptions dans la prochaine catégorie. Mais la différence réside dans le fait que pour elle l’existence d’un « programme » dans l’évolution est dû à des facteurs internes agissant sur le cytoplasme de l’œuf. Jean Chaline est lui aussi un spécialiste du développement, mais son travail le plus original est d’avoir essayé de mettre en évidence l’existence d’une structure fractale de l’évolution avec l’aide d’un astrophysicien spécialiste des fractales, Laurent Nottale, et d’un économiste Pierre Grou. Dans leur ouvrage commun (8) ainsi que dans la publication qu’ils ont présentée à l’Académie des Sciences française (9) ils définissent des lois qui semblent gouverner à grande échelle l’évolution de la vie mais aussi celle de l’Univers et des sociétés humaines. Nos auteurs se défendent de tout finalisme, ils n’éliminent pas complètement le rôle du hasard, mais n’hésitent pas à écrire : « Si vous mettez les principaux événements de l’histoire de l’évolution sur une ligne, vous pourrez voir apparaître une loi qui nous montre la logique interne de l’évolution. D’après cette loi, la prochaine mutation importante concernant l’être humain aura lieu dans 800 000 ans ». Ainsi, ici aussi, il existe une logique interne qui permet à l’évolution d’être un phénomène en partie prédictible. Mais des biologistes que nous avons regroupés dans cette école de pensée, Jean Chaline est le plus proche du darwinisme, car sa conception de l’évolution « au quotidien », qui fait appel à des macro-mutations non graduelles sur des gènes de régulation attribue un rôle clé aux mutations et à la sélection. C’est seulement dans une vision globale de l’évolution qu’apparaissent les différences avec le darwinisme. Nos trois auteurs sont catholiques. Mais Chaline ne le revendique nullement dans ses ouvrages et semble soutenir une position de séparation entre Science et Foi, comme le NOMA de Stephen Jay Gould (10). Anne Dambricourt est Secrétaire générale de Fondation Theilard de Chardin ; elle affirme avec force ne pas vouloir par ses recherches prouver l’existence d’un plan divin dans l’évolution. Néanmoins, elle a une position beaucoup plus « intégrationniste » que Chaline comme le montre son ouvrage « La légende maudite du XXème siècle ». Pour elle, « le néodarwinisme » et le matérialisme sont deux modes de pensée qui permettent de détruire les bases fondatrices du processus de la révélation. Ainsi, si la remise en cause du darwinisme ne conduit nullement à la preuve directe d’une finalité dans la nature, elle réouvre des portes que l’on croyait fermées, redonnant une légitimité nouvelle à certaines options philosophiques. Anne Dambricourt nous dit également qu’observer l’existence d’une logique interne dans l’évolution l’amène à ne pas s’étonner de constater qu’il existe des révélations dans l’histoire de l’humanité. En effet, si nous faisons partie d’un processus le sens de ce processus ne peut être compris de l’intérieur comme le poisson ne peut définir ce qu’est l’eau ; il faut donc un apport d’informations venant de l’extérieur pour pouvoir le comprendre. Rosine Chandebois semble partager les mêmes positions : ses travaux ne prouvent pas une conception non matérialiste de la vie, mais apportent à celle-ci un supplément de crédibilité, et cela parce que le darwinisme a puissamment contribué à la destruction de la spiritualité.

2- Répétibilité de l’évolution

Une des prédictions fondamentales qui découle des bases de la théorie darwinienne, c’est l’impossibilité que l’évolution atteigne deux fois le même but. Des auteurs aussi différents que Richard Dawkins ou Stephen Jay Gould sont d’accord sur ce point : le rôle de la contingence est central dans l’évolution (le tireur tire toujours au hasard) et il y a tant de cibles possibles (« l’espace des possibles est quasi infini »), qu’il est impensable que le processus d’évolution, s’il repose vraiment sur les mécanismes darwiniens produise deux fois le même résultat.

En théorie, si on recevait une image en provenance d’une autre planète, la simple présence d’un chat ou d’un chien suffirait à infirmer le darwinisme. Or pour les deux auteurs que nous rassemblons dans cette école, l’évolution se doit de suivre des chemins identiques en des lieux différents. Pour Christian de Duve, les lois biochimiques produisent des contraintes si strictes que le hasard est canalisé et que l’apparition de la vie, et même de la conscience se produit nécessairement plusieurs fois dans l’Univers :  » Selon la théorie que je défends, il est dans la nature même de la vie d’engendrer l’intelligence, partout où (et dès que) les conditions requises sont réunies. La pensée consciente appartient au tableau cosmologique, non pas comme un quelconque épiphénomène propre à notre biosphère, mais comme une manifestation fondamentale de la matière. La pensée est engendrée et nourrie par le reste du cosmos  » (12). Christian de Duve est le plus darwinien des auteurs que nous analysons : en effet pour lui plus encore que pour Jean Chaline, les mécanismes de l’évolution sont ceux postulés par les darwiniens. La différence vient du fait que quand on regarde l’évolution au niveau global, on s’aperçoit que le jeu est  » truqué  » et que les lois de la biochimie doivent amener non seulement la production de la Vie mais aussi (position encore bien plus audacieuse !) de la conscience. Comme le dit de Duve en réponse à la célèbre phrase d’Einstein  » Dieu ne joue pas aux dés « ,  » Dieu joue aux dés, parce qu’il est sûr de gagner ! ». C’est en cela que ses positions sont radicalement différentes de celles des  » maîtres  » du darwinisme, tels Jacques Monod ou François Jacob. Au plan philosophique, de Duve affirme  » J’ai opté en faveur d’un univers signifiant et non vide de sens. Non pas parce que je désire qu’il en soit ainsi mais parce que c’est ainsi que j’interprète les données scientifiques dont nous disposons  » (12). Ses conceptions semblent proches du panthéisme : son ouvrage est dédié  » A la Vie  » qui est pour lui  » un impératif cosmique « . Michael Denton va plus loin encore. Partant d’un raisonnement identique à celui de de Duve, il considère que les lois de la biochimie exercent sur l’évolution des contraintes encore plus importantes que celles postulées par de Duve. Il développe de nombreux arguments selon lesquels l’évolution se doit non seulement de créer la conscience une fois un certain niveau de complexité atteint, mais aussi des humanoïdes comme nous : « Toutes les évidences disponibles dans les sciences biologiques supportent la proposition centrale de la théologie naturelle traditionnelle : le cosmos est un tout agencé de telle façon que la vie et l’être humain en constituent les buts fondamentaux. Un tout dans lequel chaque facette de la réalité, depuis la taille des galaxies à la capacité thermale de l’eau, ont leur sens et leur explication dans ce fait central » (13). Le rôle du hasard est moins important chez Denton que chez de Duve ce qui l’éloigne plus du darwinisme que ce dernier. Au plan philosophique, Denton écrit : « En raison de la doctrine de l’Incarnation qui impliquait que Dieu avait pris la forme humaine, aucune religion ne dépendait plus que le christianisme de la notion d’une position absolument centrale et singulière de l’homme dans le cosmos. La vision anthropocentrique de la chrétienté médiévale est peut-être l’idée la plus extraordinaire que l’homme ait jamais formulée. C’est une théorie fondamentale, et d’une prétention radicale. Aucune théorie humaine ne l’égale en audace, puisqu’elle stipule que toute chose se rapporte à l’existence de l’homme (…) Quatre siècles après que la révolution scientifique eut paru détruire cette conception, bannir Aristote et rendre caduque toute spéculation téléologique, le flot incessant des découvertes s’est spectaculairement retrouvé en faveur de la téléologie. La science, qui depuis quatre cents ans semblait le grand allié de l’athéisme, est enfin devenue, en cette fin de deuxième millénaire, ce que Newton et beaucoup de ses premiers partisans avaient ardemment souhaité : le défenseur de la foi anthropocentrique » (13) C’est ainsi que l’on peut « exorciser » le « fantôme de Copernic ». L’homme n’est plus au centre de l’univers au plan géographique mais retrouve, de façon plus subtile, une place centrale en tant que but de l’évolution de l’univers.

3- Existence de facteurs inconnus.

Dans cette « école », nous regroupons un certain nombre de scientifiques qui pensent que les mécanismes postulés par les théories néo-darwiniennes ne peuvent pas expliquer la macro-évolution, (c’est-à-dire le passage non d’une espèce à une autre mais d’un genre à un autre). Ils déduisent donc des faits observés en paléontologie que d’autres mécanismes ont dû exister dans le passé pour permettre des transitions entre deux plans d’organisation. En effet, dans une telle vision, il faut raisonner non en espèces mais en plan d’organisation (tous les chiens partagent avec les loups et les renards un même plan d’organisation et l’on peut passer d’un membre de ce groupe à l’autre par des mécanismes darwiniens mais que les félins représentent un plan différent, les canidés etc…). Remy Chauvin, éthologiste, Professeur honoraire à la Sorbonne est l’auteur de nombreux ouvrages critiques à l’égard du darwinisme (14) (15) (16). Il s’attache particulièrement à démontrer que la sélection naturelle n’a pas le pouvoir que lui attribuent les darwiniens, et qu’on ne peut recourir à elle pour expliquer certaines adaptations extraordinaires. Il reprend aussi l’idée développée aux USA par Tom Bethell selon laquelle le darwinisme est une tautologie (il prédit la survivance des mieux adaptés. Mais qui sont les mieux adaptés ? Ceux qui survivent !). Pour lui, il est clair qu’il existe un programme dans l’évolution, ce qui pose la question de l’existence d’un progammeur. Il n’hésite pas à parler de finalité tout en précisant qu’il faut avoir de ce concept une vue beaucoup moins naïve que celle qui avait cours avant l’époque moderne. Il est perplexe concernant les buts du programmeur : « qui n’éprouvait, à contempler son œuvre une immense curiosité, une certaine épouvante, nuancée sans doute d’une certaine espérance » (15), même s’il est clair pour lui que le développement du psychisme est l’un d’entre eux. Roberto Fondi paléontologiste, Professeur à l’Université de Sienne, défend une position « organiciste » qu’il définit ainsi : « Le tout est plus que la somme des parties. La totalité détermine la nature des parties. On ne peut comprendre ces parties tant qu’on les considère isolément, sans référence à la totalité. Les parties sont dynamiquement reliées entre elles dans une interaction et une interdépendance incessantes. En conséquence, l’approche analytique, atomiste, caractéristique de la physique newtonienne classique, se révèle inadéquate pour comprendre la vie dans son ensemble, ou dans ses différentes expressions animales ou végétales » (17). Pour Roberto Fondi, les genres n’apparaissent pas par hasard. Ils pré existent sous une forme potentielle. Les plans d’organisation sont ainsi la manifestation d’archétypes. L’évolution est discontinue, allant d’un archétype à l’autre. Comme Remy Chauvin, Roberto Fondi fait appel à la physique quantique pour suggérer la voie par laquelle des facteurs encore inconnus pourraient agir sur l’évolution. Giuseppe Sermonti, Généticien, Professeur à l’Université de Pérouse est le co-auteur d’un ouvrage critique envers le darwinisme avec Roberto Fondi (18). Pour lui aussi, le passage d’un plan d’organisation à un autre (pas d’une espèce à une autre car cette évolution là relève de la micro-évolution et non de la macro) nécessite une macro mutation qui ne peut être produite par des mécanismes darwiniens. Les découvertes génétiques ne confirment pas les théories darwiniennes car les mutations sont trop rarement positives. Sermonti a fait scandale en accusant les leaders du néo-darwinisme contemporain de connaître parfaitement ce fait et donc d’être malhonnêtes en continuant à prêcher une théorie à laquelle, en privé, ils ne croient plus. Pour lui aussi, il y a bien une finalité dans l’évolution. Jean Dorst, zoologiste, membre de l’Académie des Sciences française, ancien Directeur du Muséum National d’Histoire Naturelle partage, lui aussi, l’idée que le néo-darwinisme ne peut expliquer les grandes transitions qui ont eu lieu au cours de l’évolution. Il croit en la finalité et souligne les insuffisances explicatives du darwinisme. « Le darwiniste est comme un homme qui cherche un chat noir dans une pièce noire. Et qui crie qu’il a attrapé le chat… alors que la chat n’est pas dans la pièce (10) ».

Marcel Paul Schutzenberger, médecin, biologiste et mathématicien, critique le darwinisme à partir de la théorie de l’information dont il est un des fondateurs. Pour lui certains niveaux de complexité ne peuvent être atteint par des processus d’essais et d’erreurs, comme ceux qui sont postulés par le néo-darwinisme. Certains darwiniens comme Richard Dawkins (21) ont essayé de produire des algorithmes pour simuler l’évolution. C’est ce qui permet de montrer à des spécialistes de la simulation que cette approche ne permet pas de rendre compte du phénomène évolutif. Ces idées sont reprises actuellement par Pierre Perrier dans cet ouvrage (Cf. p. )

Conclusion

Dans cet article, nous avons passé en revue, sans pouvoir les développer, les idées de plus d’une dizaine de personnalités scientifiques, certaines de très haut niveau : tous spécialistes d’une discipline ayant son mot à dire pour l’analyse de l’évolution (paléontologie, zoologie, éthologie, génétique, biochimie, biologie moléculaire, embryologie, mathématiques). Tous s’écartent, certains de peu, d’autres de beaucoup, de l’orthodoxie néo-darwinienne. Les raisons pour lesquelles ils s’en écartent peuvent varier fortement de l’un à l’autre. Ce qui est important c’est qu’ils contredisent tous un des points centraux du néo-darwinisme : non reproductibilité de l’évolution, inexistence d’un programme ou d’une finalité dans l’évolution, sélection naturelle conçue comme moteur principal de l’évolution, toute puissance du hasard, etc…

Le plus important, ce n’est pas tant la nature des critiques qu’ils font contre le darwinisme que leur simple existence. Pourquoi ? Parce que l’on entretient une confusion dans l’esprit du public. Tous les scientifiques acceptent l’évolution nous dit-on. Donc tous les scientifiques sont darwiniens. En fait les néo-darwiniens affirment (en général implicitement mais parfois même explicitement) que, s’il y a de nombreux débats en cours, il n’y a pas de débats sur l’essence même du darwinisme : le fait que les mécanismes de bases de l’évolution soient le hasard et la sélection naturelle.

Cet article démontre tout simplement que cela est gravement inexact. De nombreux scientifiques et théologiens ont cru à cette identité entre théorie darwinienne et évolution. Soit ils en ont conclu qu’il fallait rejeter l’évolution avec le darwinisme et ils ont alors versé dans le créationnisme. Ce qui a comme conséquences graves de ridiculiser la foi qu’ils prétendent défendre car nier l’évolution conduit à nier une grande partie des découvertes scientifiques contemporaines en biologie. Soit ils essaient d’accommoder le darwinisme avec la foi chrétienne, (« il n’y a pas d’autre choix étant donné que tous les biologistes pensent comme ça il faut donc s’adapter » m’a dit en privé un célèbre philosophe catholique américain). Il est à noter que la situation est pire aux Etats-Unis, car la présence de créationnistes anti-évolutionnistes gène gravement le développement d’une pensée évolutionniste anti-darwinienne en biologie. Je ne vais pas traiter ici, ce n’est pas le sujet, la question de savoir s’il est possible d’être darwinien et chrétien. Certains comme Michael Ruse (21) ou Kenneth Miller (22) répondent avec brio oui à cette question, ce dernier en faisant remarquer que la mécanique quantique, par son indéterminisme, qui exclut une compréhension complète de la nature par l’homme laisse une place pour l’existence de Dieu.

Néanmoins pour terminer je voudrais citer le célèbre texte du Saint Père sur l’Évolution où il dit que « de nouvelles connaissances conduisent à reconnaître dans la théorie de l’évolution plus qu’une hypothèse ». Il est très significatif que les darwiniens, chrétiens ou non, citent abondamment cette phrase mais jamais les deux passages suivants qui se trouvent pourtant juste après : « Plus que de la théorie de l’évolution il convient de parler des théories de l’évolution. Cette pluralité tient, d’une part, à la diversité des explications qui ont été proposées du mécanisme de l’évolution et, d’autre part, aux diverses philosophies auxquelles on se réfère. » et « En conséquence les théories de l’évolution qui, en fonction des philosophies qui les inspirent, considèrent l’esprit comme émergeant des forces de la matière vivante ou comme un simple épiphénomène de cette matière sont incompatibles avec la vérité de l’homme. Elles sont d’ailleurs incapables de fonder la dignité de la personne. » (23)

Le premier passage affirme de la façon la plus nette qu’il n’y a pas une seule théorie de l’évolution mais qu’il existe bien un choix entre plusieurs théories. Le deuxième semble dire que le darwinisme est incompatible avec la foi chrétienne, puisque le darwinisme affirme justement que les seules forces de la matière vivante permettent l’émergence de toutes les formes vivantes et de leurs caractéristiques, l’une d’entre elles étant justement l’esprit qui est associé avec la forme « Homo sapiens ». Nous permettra-t-on de conclure sur ce thème par une boutade ? Le cardinal Marty, ancien archevêque de Paris, a dit un jour qu’on ne pouvait pas être à la fois un bon communiste et un bon chrétien.. Peut-être pourrions-nous dire qu’il est possible d’être un bon darwinien et un mauvais chrétien ou un bon chrétien et un mauvais darwinien ! Mais une fois que l’on a démontré l’existence de nombreuses options alternatives au darwinisme, il est néanmoins une question à laquelle on doit faire face : les néo-darwiniens qui se divisent eux-mêmes en nombreuses écoles sont encore très largement dominants dans la biologie actuelle. Pourquoi ? Cela tient à la nature du paradigme dominant dans les Sciences de la Vie. Hérité de la physique classique de Newton, il s’agit du paradigme mécaniste et réductionniste qui conçoit l’univers et les êtres vivants comme des mécaniques assimilables, au moins par analogie, aux mécanismes d’une montre. Or justement ce paradigme-là est totalement dépassé de nos jours en physique comme l’ont déjà évoqué certains auteurs que nous avons cités. Les physiciens ont déjà remarqué cette anomalie conceptuelle : la biologie actuelle s’appuie pour parler des fondements des objets qui constituent son domaine d’étude sur des conceptions qui ont déjà été réfutées. Comme l’ont dit, par exemple, Sven, Ortoli et Jean-Pierre Pharabod : la Science du XVIIIème siècle avait abouti au matérialisme mécanique qui expliquait tout par l’agencement de morceaux de matière minuscules et indivisibles, agencement réglé par diverses forces d’interactions qu’ils exerçaient entre eux. Cette vision assez primitive à laquelle se tiennent encore la plupart des biologistes avait pour conséquence l’inutilité des religions et des philosophies qui font appel à l’existence d’entités non matérielles. Le fait que ces morceaux de matière se soient révélés n’être en réalité que les abstractions mathématiques non locales, c’est-à-dire pouvant s’étendre sur tout l’espace et de plus n’obéissant pas au déterminisme a porté un coup fatal au matérialisme classique (24). Les biologistes établissent une sorte de front de refus en clamant haut et fort que la physique quantique qui concerne des objets situés à une échelle bien plus petite que la cellule ne vient pas bouleverser leur domaine malgré le fait qu’en dernière analyse les mutations sont dues à des déplacements d’atomes, qui eux, relèvent de la physique quantique. Mais cette barrière commence à se fissurer. Il est significatif de voir un livre comme « Quantum Évolution, The New Science of Life » (25) écrit par un biologiste John Joe Mac Fadden, maître de conférence en micro-biologie moléculaire à l’Université de Surrey (Angleterre) alors que jusqu’ici c’était plutôt des physiciens comme Paul Davies ou des physico-chimistes comme Lothar Shafer qui se risquaient dans ce domaine. Mac Fadden affirme que l’évolution n’est pas due au hasard, qu’elle est dirigée, et que la physique quantique permet de comprendre, selon lui, qu’une molécule peut, pour répondre à une modification de son environnement, provoquer la mutation de certains gènes. Cela peut paraître fou et même plus que fou… hérétique, puisque le lamarkisme, autrement dit l’idée selon laquelle les mutations n’auraient (parfois) pas lieu par hasard mais en réaction à des modifications de l’environnement, est la grande hérésie de la biologie moderne.

Or le lamarkisme effectue depuis peu un retour au premier plan grâce à certaines expériences comme celles de John Cairns à Harvard (26), puis celles de Steele (27) qui semblent montrer (l’interprétation est difficile) que lorsque des bactéries ont besoin pour survivre d’une certaine mutation, cette dernière se produit à un taux plus important que d’autres bactéries de la même espèce qui sont dans un environnement où elles n’ont pas besoin de cette mutation pour survivre. Cairns en a conclu « combien peu sûre est la croyance dans la spontaneité ou dans le caractère aléatoire de la plupart des mutations ». Mais si depuis 10 ans ces expériences ont donné lieu à un vaste débat, la position de Carins est fragilisée par le fait qu’il n’y a pas de mécanismes pour expliquer le phénomène observé. Or en recourant à la mécanique quantique, Mac Fadden lui en fournit un.

Il peut paraître anormal de développer autant un exemple particulier dans une conclusion ; si je l’ai fait c’est parce que je voulais montrer un aperçu de la richesse des perspectives de recherches possibles lorsqu’on sortait des dogmes fondamentaux du darwinisme (et, pour des raisons historiques, la non-existence de processus lamarkiens dans la nature est peut-être le plus fondamental de tous). Ce n’est pas par quelque obscur complot que les chercheurs n’explorent pas massivement les pistes qui s’offrent à eux, mais par habitude, l’habitude de ne pas remettre en cause comme l’a très bien montré Thomas Kuhn (28) le paradigme dominant. C’est pourquoi, l’on peut penser que lorsque la biologie sera libérée de ce carcan, la biologie non-darwinienne sera l’un des domaines scientifiques les plus prometteurs du XXIème siècle*.

*Cet article est dédié à ma mère Nicole Staune pour son soutien pendant les années où j’ai étudié ces questions, et à la mémoire de M. P. Schutzenberger pour les heures de discussions passionnantes qu’il m’a accordées.

BIBLIOGRAPHIE

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Voir également:

Unlike many people, I haven’t gone out of my way to attack or ridicule critics of evolution. I know some of the people I’ve written about. They’re good people. I know it’s not because they’re stupid that they are creationists. I’m talking about all my family, too, who are still creationists. So that easy explanation that so many anti-creationists use — that they’re just illiterate hillbillies — doesn’t have any appeal to me, although I’m quite happy to admit that there are some really stupid creationists.

Most of the contributors to the so-called scientific revolution were believers. They were theists. They didn’t see any inherent conflict between what they were doing and their religious beliefs. (…) In fact, I don’t know of a single pioneer in science who lost his life for his scientific beliefs.

Seeing the light — of science
Steve Paulson
Salon
Jan. 02, 2007

Ronald Numbers — a former Seventh-day Adventist and author of the definitive history of creationism — discusses his break with the church, whether creationists are less intelligent and why Galileo wasn’t really a martyr.

Despite massive scientific corroboration for evolution, roughly half of all Americans believe that God created humans within the past 10,000 years. Many others believe the « irreducible complexity » argument of the intelligent design movement — a position that, while somewhat more flexible, still rankles most scientists. This widespread refusal to accept evolution can drive scientists into a fury. I’ve heard biologists call anti-evolutionists « idiots, » « lunatics » … and worse. But the question remains: How do we explain the stubborn resistance to Darwinism?

University of Wisconsin historian Ronald Numbers is in a unique position to offer some answers. His 1992 book « The Creationists, » which Harvard University Press has just reissued in an expanded edition, is probably the most definitive history of anti-evolutionism. Numbers is an eminent figure in the history of science and religion — a past president of both the History of Science Society and the American Society of Church History. But what’s most refreshing about Numbers is the remarkable personal history he brings to this subject. He grew up in a family of Seventh-day Adventists and, until graduate school, was a dyed-in-the-wool creationist. When he lost his religious faith, he wrote a book questioning the foundations of Adventism, which created a huge rift in his family. Perhaps because of his background, Numbers is one of the few scholars in the battle over evolution who remain widely respected by both evolutionists and creationists. In fact, he was once recruited by both sides to serve as an expert witness in a Louisiana trial on evolution. (He went with the ACLU.)

Numbers says much of what we think about anti-evolutionism is wrong. For one thing, it’s hardly a monolithic movement. There are, in fact, fierce battles between creationists of different stripes. And the « creation scientists » who believe in a literal reading of the Bible have, in turn, little in common with the leaders of intelligent design. Numbers also dismisses the whole idea of warfare between science and religion going back to the scientific revolution. He argues this is a modern myth that serves both Christian fundamentalists and secular scientists.

Numbers stopped by my radio studio to talk about the competing brands of creationism, his quarrel with atheism and his breaking with faith, and why some famous scientists — like Galileo — hardly deserve the label « scientific martyr. »

Given the overwhelming scientific support for evolution, how do you explain the curious fact that so many Americans don’t believe it?

I don’t think there’s a single explanation. To many Americans, it just seems so improbable that single-celled animals could have evolved into humans. Even monkeys evolving into humans seems highly unlikely. For many people, it also conflicts with the Bible, which they take to be God’s revealed word, and there’s no wiggling room for them. And you have particular religious leaders who’ve condemned it. I think there’s something else that I hate to mention but probably is a serious contributing factor. I don’t think evolution has been taught well in the United States. Most students do not learn about the overwhelming evidence for evolution.

At the university level or the high school level?

Grade school, high school and university. There are very few general education courses on evolution for the nonspecialist. It’s almost assumed that people will believe in evolution if they’ve made it that far. So I think we’ve done a very poor job of bringing together the evidence and presenting it to our students.

There’s a stereotype that creationists just aren’t that smart. I mean, how can you ignore the steady accumulation of scientific evidence for evolution? Is this a question of intelligence or education?

Not fundamentally. There is a slight skewing of anti-evolutionists toward lower levels of education. But it’s not huge. One recent poll showed that a quarter of college graduates in America reject evolution. So it’s not education itself that’s doing this. There are really dumb creationists and there are really dumb evolutionists. Of the 10 founders of the Creation Research Society, five of them earned doctorates in the biological sciences from major universities. Another had a Ph.D. from Berkeley in biochemistry. Another had a Ph.D. from the University of Minnesota. These were not dumb, uneducated people. They rejected evolution for religious and, they would say, scientific reasons.

But that’s so hard to understand. If you get a graduate degree in the biological sciences, how can you still allow religion to trump science?

They don’t see it that way. They see religion as informing their scientific choices. I think it’s extremely hard for human beings to see the world as others see it. I have a hard time seeing the world as Muslim fundamentalists see it. And yet, there are many very smart Muslims out there who have a totally different cosmology and theology from what I have. I think one of the goals of education is to help students, and perhaps help ourselves, see the world the way others see it so we don’t just judge and say, « They’re just too stupid to know better. »

My guess is that the most persuasive arguments for evolution are not going to come through scientific reasoning. They’re going to come from scientists, and from theologians and other people of faith, who say you can believe in God and still accept evolution, that there’s nothing incompatible about the two. Do you agree?

To a large extent, I do. But I think the influence of those middle-ground people is limited. Conservatives don’t trust them. They think they’ve already sold out to modernism and liberalism. And a lot of the more radical scientists spurn them as well. Richard Dawkins, for example, would argue that evolution is inherently atheistic. That’s exactly what the fundamentalists are saying. They agree on that. So you have these people in the middle saying, « No, no. It’s not atheistic for me. I believe in God and maybe in Jesus Christ. And in evolution. » Having these loud voices on either side of them really tends to restrict the influence that they might otherwise have.

If you’re going to persuade devout Christians to accept evolution, don’t you also have to show that you can’t read the Bible literally, especially the story of Genesis?

Good luck! They do read it literally. Six thousand years, six 24-hour days, a worldwide flood at the time of Noah that buried the fossils, people that lived over 900 years before the flood. There are millions of people who don’t seem to have much trouble reading it literally.

What about those creation scientists with Ph.D.s at the Creation Research Society? That’s what is hard to understand.

Well, most people who reject evolution do not see themselves as being anti-scientific in any way. They love science. They love what science has produced. It’s allowed the conservative Christians to go on the airwaves, to fly to mission fields. They’re not against science at all. But they don’t believe evolution is real science. So they’re able to criticize one of the primary theories of modern science and yet not adopt an anti-scientific attitude. A lot of critics find that just absolutely amazing. And it’s a rhetorical game that has been played fairly successfully for a long time. In the latter part of the 19th century, when Mary Baker Eddy came up with her system that denied the existence of a material world — denying the existence of sickness and death, which flew in the face of everything that late 19th century science was teaching — what did she call it? « Christian science. » The founder of chiropractic thought that he had found the only true scientific view of healing. The creationists around 1970 took the view that’s most at odds with modern science and called it « creation science. » They love science! And they want to partake in the cultural authority that still comes to science.

Given your field of study, you have a particularly interesting personal history. You grew up in a family of Seventh-day Adventists.

That’s correct. All my male relatives were ministers of one kind or another.

All? Going how far back?

Both my grandfathers. My maternal grandfather was president of the international church. My father and all my uncles on both sides worked for the church. My brother-in-law is a minister. My nephew is a minister.

Did you go to Adventist schools?

First grade through college. I graduated from Southern Missionary College in Tennessee.

And what did you think about life’s origins as you were growing up?

I was never exposed to anything other than what we now call « young earth creationism. » Creation science came out of Seventh-day Adventism. My father was a believer, all my teachers were believers, all my friends believed in that. I can remember as a college student — I majored in math and physics — there was a visiting professor from the University of Chicago lecturing on carbon-14 dating, and he was talking about scores of thousands of years. And my friends and I just looked at each other, wincing and smiling, saying he just didn’t know the truth.

But at some point, your ideas obviously changed. What caused you to question the creationist account?

I wish I knew. There are a few moments that proved crucial for me. I went to Berkeley in the ’60s as a graduate student in history and learned to read critically. That had a profound influence on me. I was also exposed to critiques of young earth creationism. The thing that stands out in my memory as being decisive was hearing a lecture about the fossil forest of Yellowstone, given by a creationist who’d just been out there to visit. He found that for the 30 successive layers you needed — assuming the most rapid rates of decomposition of lava into soil and the most rapid rates of growth for the trees that came back in that area — at least 20,000 to 30,000 years. The only alternative the creationists had to offer was that during the year of Noah’s flood, these whole stands of forest trees came floating in, one on top of another, until you had about 30 stacked up. And that truly seemed incredible to me. Just trying to visualize what that had been like during the year of Noah’s flood made me smile.

Did your beliefs come crashing down at that moment?

Well, the night after I heard that, I stayed up till very, very late with a fellow Adventist graduate student, wrestling with the implications of it. Before dawn, we both decided the evidence was too strong. This was a crucial night for me because I realized I was abandoning the authority of the prophet who founded Adventism, and the authority of Genesis.

You went on to write a book about Ellen White, the founder of the Seventh-day Adventists. Didn’t that prove to be quite controversial?

It did. I wrote about her as a historian would, without invoking supernatural explanations. That bothered a lot of people because according to traditional Adventism, she was a chosen of God, who would take her into visions, where she would see events past, present and future. Once, God actually took her back to witness the Creation. And she saw that the Creation occurred in six literal 24-hour days. Which made it impossible for most Adventists to play around with symbolic interpretations of Genesis. I also found in my research that she had been copying some of her so-called testimonies, which were supposed to be coming directly from God. So it did create something of a stir.

That must have created trouble for you in your own family of Adventists.

It did. And it created trouble for my father, who was a minister. Some church ministers were very harsh with him. Here I was, about 30 or so. They were telling him he had no right being a minister if he couldn’t control his son. So he took early retirement.

Because of your book?

Yes. He was thoroughly humiliated by this.

Did he try to talk you out of the book?

Oh yes. We had hours and hours of argument. He had a limited number of explanations for why I would be saying this about the prophetess. One was that I was lying. But he knew me too well, so the only explanation left for him was that somehow Satan had gained control of my mind. And what I was writing reflected the power of Satan. For a number of years, he could not bear to be seen in public with me.

Did you ever heal that rift?

We did. Some information came out a number of years later that he read before he died. It showed that the early ministerial leaders of the church had some of these qualms and decided to bury it. So he regretted that the church had not dealt with this issue a hundred years earlier and come clean. Before he died, he said, « I understand you now. And I understand what you said about Ellen White is probably true. But if I fully accept the implications of what you’re saying, I’d have to give up all my religious belief. » And I said, « Dad, I don’t want you to. It’s too important for you. »

What are your religious beliefs now?

I don’t have any.

Are you an atheist?

I don’t think so. I think that’s a belief — that there’s no God. I really wanted to have religious beliefs for a long time. I miss not having the certainty of religious knowledge that I grew up with. But after a number of years of trying to resolve these issues, I decided they’re not resolvable. So I think the term « agnostic » would be best for me.

You mentioned that Seventh-day Adventism actually played a crucial role in the history of creationism. Didn’t an early Adventist lay out the whole idea of « flood geology »?

Exactly. George McCready Price, a disciple of Ellen White’s, came along in the early 20th century and made Noah’s flood the key actor in the history of life on earth. He tried to show that the conventional interpretations of the geological column were fallacious and that, in fact, the entire geological column could have been deposited in about one year. And that became the centerpiece of what he called « the new catastrophism. »

Then, in about 1970, that view — flood geology — was renamed « creation science » or « scientific creationism. » Two fundamentalists — a theologian named John Whitcomb Jr. and a hydraulic engineer named Henry Morris — took Price’s flood geology, reworked it a little bit and published it as « The Genesis Flood. » Notice that the seminal books in the history of creationism have focused on geology and the flood, not so much on biology. And as a result of what Whitcomb and Morris did, Price’s views exploded among fundamentalists and other conservative Christians.

But why did this particular version of creationism catch on? Why did Noah’s flood somehow resolve all the contradictions in the fossil record?

Your question is all the more difficult to answer because fundamentalists had two perfectly orthodox interpretations of Genesis One that would have allowed them to accept all of the paleontological evidence. One was that the days of Genesis represented vast geological epochs, or even cosmic epochs. William Jennings Bryan accepted that. The founder of the World Christian Fundamentals Association accepted that.

So in that account, you could have the Earth going back billions of years.

Time was no problem. Another view, very popular among fundamentalists, was called the gap theory. After the original creation, when God created the heavens and the Earth, Moses — the author of Genesis — skipped in silence a vast period of Earth history before coming to the Edenic creation in six days, associated with Adam and Eve. Those fundamentalists and Pentecostals could slip the entire geological column into that period between the original creation and the much, much later « Edenic restoration. » You had these perfectly good interpretations of Genesis available to fundamentalists. So why would they accept this radical, reactionary theory that everything was created only about 6,000 or 7,000 years ago?

I’m willing to bet you have some explanation. Why did flood geology suddenly explode in popularity in the 1960s?

The biggest explanation, I think, is that for more than a hundred years, Christians had been reinterpreting God’s sacred word — the Bible — in the light of new scientific discoveries. And people like Whitcomb and Morris, the authors of « The Genesis Flood, » struck a really sensitive chord when they said, « It’s time to quit interpreting God in the light of science, and start with God’s revealed word and then see if there’s any model of Earth history that will fit with that. »

Otherwise, science keeps chipping away at religion.

Exactly. It never ends. It always changes and it means you’ll have to be constantly reinterpreting God. It wasn’t so much that they invested in the Genesis account as that many of them were concerned about the last book of the Bible. Revelation foretold the end of the world. And they would argue, how can we expect Christians to believe in the prophecies of Revelation, about end times, when we symbolically interpret Genesis, and interpret it away? So if you want people to take Revelation seriously, you have to get them to take Genesis really seriously.

More recently, we’ve had the intelligent design movement. I know some people just see this as a new version of creationism, stripping away all the talk about God and religion so you can teach it in the schools. Is that true?

There’s a little bit of evidence to support that. But I think that both demographically and intellectually, it doesn’t hold a lot of water. The intelligent design leaders are people, by and large, who do not believe in young earth creationism.

So they would accept the Earth’s being four-and-a-half billion years old.

That’s not an issue with most of them. They want to create a big tent for all anti-evolutionists, even non-Christians. Whitcomb and Morris and the Creation Research Society wanted to create a tightly knit group of people who all subscribed to flood geology. The intelligent design leaders say it’s premature to insist on a particular interpretation of Genesis. This approach has really irritated many of the young earth creationists, who feel they’re being told by these intellectual leaders of intelligent design, « You’re just a divisive group dedicated to a particular interpretation of Scripture. » They are. But they’ve been very successful. And they’re not about to abandon their crusade to get people to accept scientific creationism in favor of some mushy intelligent design.

The intelligent design leaders insist that they are doing science. Michael Behe has said that the scientific discovery of « irreducible complexity » should rank in the annals of the history of science alongside the discoveries of Newton and Lavoisier and Einstein. They’re after something much bigger than a natural theology. They want to change one of the most fundamental ground rules for practicing science. Around 1800, the practitioners of science reached a consensus that whatever they proposed would have to be natural.

Not supernatural. You can never resort to a supernatural explanation in science.

Exactly. To be scientific meant to be natural. But it said nothing about the religious beliefs of these people. Evangelical Christians believed that; liberal Christians believed that; secularists believed that’s the way we’re going to do science. And it worked out beautifully. But the leaders of the intelligent design movement, beginning with Berkeley, Calif., lawyer Philip Johnson, have wanted to re-sacralize science. They want to ditch the commitment to naturalism and allow for supernatural explanations. That’s the most radical revolution I can imagine in doing science. And many Christians who are scientists don’t want to do that.

Now, one thing I find curious is your own position in this debate. Your book « The Creationists » is generally acknowledged to be the history of creationism. You’ve also been very upfront about your own lack of religious belief. Yet, as far as I can tell, you seem to be held in high regard both by creationists and by scientists, which — I have to say — is a neat trick. How have you managed this?

Unlike many people, I haven’t gone out of my way to attack or ridicule critics of evolution. I know some of the people I’ve written about. They’re good people. I know it’s not because they’re stupid that they are creationists. I’m talking about all my family, too, who are still creationists. So that easy explanation that so many anti-creationists use — that they’re just illiterate hillbillies — doesn’t have any appeal to me, although I’m quite happy to admit that there are some really stupid creationists.

Can you put the current battles over evolution in some historical context? If we take this history back to the scientific revolution — back to Newton and Galileo — was there a war between science and religion then?

There were conflicts at times. But there was no inevitable war. Just think about it. Most of the contributors to the so-called scientific revolution were believers. They were theists. They didn’t see any inherent conflict between what they were doing and their religious beliefs.

These were the giants — Newton, Galileo, Boyle, Kepler. Weren’t they all devout Christians?

Well, Newton was a little lax at times, though he was certainly a theist. Boyle was a good sound Christian. I think Galileo was a true believer in the church. And Copernicus was a canon in the Catholic Church. Kepler was a deep believer in God. So yeah, these people were believers. Occasionally, there were problems — for instance, between Galileo and the pope. But Galileo had gone out of his way to insult the pope, who had previously supported him. He put the pope’s favorite argument against heliocentricism into the mouth of the character Simplicio — the simple-minded person.

So Galileo wasn’t really arrested because of his science. It was because he was a lousy diplomat?

Yeah, he was a terrible diplomat, thumbing his nose at the most powerful person who critiqued him. Also, Galileo was not as badly treated as many people suggest. When he was summoned down to Rome by the Inquisition, he lived in the Tuscan palace. And then when he was asked to move into the Vatican, to the palace of the Inquisition, one of the officials in the Inquisition vacated his three-room apartment so that the distinguished guest, Galileo, could have a nice apartment. And they allowed him to have his meals catered by the chef at the Tuscan embassy. Ultimately, he was under house arrest in his villa outside of Florence.

Is the whole notion, then, that Galileo faced possible execution because of his scientific statements just baloney?

[It was] highly unlikely [he faced execution]. In fact, I don’t know of a single pioneer in science who lost his life for his scientific beliefs.

Well, what about the 16th century philosopher and cosmologist Giordano Bruno? I’ve always heard that he was burned at the stake because of his Copernican view of the universe.

No, it was for his theological heresies, not for his Copernicanism. He happened to be a Copernican, but that’s not what got him into trouble. No, the bitterest arguments have taken place within religious groups. If you want to hear bitter argument, listen to some old age fundamentalists argue with young earth creationists. Then you’re talking about warfare.

If science and religion aren’t really historical enemies, why do so many people think they are?

Because it serves the needs of two different groups. Scientists who are beleaguered today by creationists and by opponents of stem cell research like to dismiss religion as something that has been an eternal impediment to the progress of science. And the conservatives — whether they’re creationists or intelligent design theorists — probably represent a majority in our society. But they also love to present themselves as martyrs. They’re being oppressed by the secularists of the world. The secularists may only amount to about 10 percent of American society, but of course they do control many of the papers and the radio stations and TV stations of the country. So clearly these ideas serve some intellectual need of the parties involved, or they wouldn’t persist, especially in the face of so much historical evidence to the contrary.

My sense is that you don’t much like the stridency of certain atheists. The most obvious examples would be Richard Dawkins and Daniel Dennett.

Right. I don’t know what the figures are right now, but I bet half of the scientists in America believe in some type of God. So I think Dawkins and Dennett are in a minority of evolutionists in saying that evolution is atheistic. I also think it does a terrible disservice to public policy in the United States.

So even if they believe that, you’re saying, politically, it’s a real mistake for them to link atheism to evolution?

Yes. Because in the United States, our public schools are supposed to be religiously neutral. If evolution is in fact inherently atheistic, we probably shouldn’t be teaching it in the schools. And that makes it very difficult when you have some prominent people like Dawkins, who’s a well-credentialed biologist, saying, « It really is atheistic. » He could undercut — not because he wants to — but he could undercut the ability of American schools to teach evolution.

Dawkins himself acknowledges that, politically, this is not the smartest thing to do. But he says there is a higher principle at stake, and it’s really the war between supernaturalism and naturalism. He says that’s the real fight he’s waging.

But you have to be careful. In the United States, the 90 percent who are theists far outnumber the 10 percent who are nontheists. So you want to remember that you are a minority, and that you need to get along, so some compromise might be in order. I’m not suggesting that he should compromise his own views. But by arguing not only that the implications of evolution for him are atheistic but that evolution is inherently atheistic is a risky thing.

So far, the rejection of evolution seems to be a predominantly Christian movement. Do we see much of this in other religious traditions?

We are now. It was mostly a Christian tradition, although to a certain extent, the reason we didn’t see this in other religious cultures is because it was so dormant. Most modern Muslims weren’t accepting evolution, but they weren’t coming out in opposition to it. Most ultra-Orthodox Jews didn’t accept evolution, but they didn’t see any reason to say anything about scientific evolution. Today — especially in the last decade or two — we’re seeing anti-evolutionism erupt in these non-Christian cultures. It’s very big in the Muslim culture. The center for that is in Turkey, and the leader goes by the pen name Harun Yahya. His work circulates in millions of copies. They’re translated into virtually every language [spoken by] Muslims.

Are we going to see this war between evolutionism and creationism continue for years to come?

I probably shouldn’t even try to answer that question. Historians generally shouldn’t try to be prophets. But it doesn’t seem to be declining in any way right now. I think the creation scientists are still extremely strong. Some people say the intelligent design movement has eclipsed the creation scientists. But I think that’s judging strength by press coverage. And the press will cover it only when it’s exciting, when there’s a legislative battle or a court case. I’m shocked by how much publicity the intelligent design movement has gotten in 15 years. They have a very good public relations machinery. So you have a handful of people in Seattle at the Discovery Institute and a few million dollars a year to play with, and they’ve convinced Time, Newsweek and others that the whole scientific community is divided over intelligent design. It’s amazing!

— By Steve Paulson

Voir enfin:

L’argument de la cause première

Freeman DYSON
SCIENCES & RELIGIONS
Université pluridisciplinaire de Paris

Mêler science et religion est devenu une idée taboue pour les scientifiques professionnels d’aujourd’hui. Il n’en fut pas toujours ainsi. Quand Thomas Wright, l’homme qui repéra le premier les galaxies, annonça sa découverte en 1750, dans un ouvrage intitulé An Original Theory or New Hypothesis of the Universe, il n’hésita pas à recourir à une argumentation théologique pour étayer sa théorie astronomique.

 » Puisque la Création, tout comme le Créateur, est magnifiée, et que par conséquent le monde serait infini, de même que le pouvoir créateur, il nous faut admettre que par-delà le monde visible, plein de corps célestes et de systèmes planétaires, s’étend une immensité sans limites de créations semblables à l’univers que nous connaissons…Certains faits semblent confirmer la véracité d’une telle supposition, comme l’existence de nombreuses masses obscures, à peine perceptibles de la Terre, au-delà de nos régions étoilées, dans lesquelles il existe des espaces lumineux mais aucune étoile ou autre corps céleste remarquable. Il s’agit là sans doute d’autres mondes, situés aux confins du monde connu, trop éloignés pour être observés même à l’aide de nos téléscopes ».

Trente-cinq ans plus tard, les spéculations de Wright furent confirmées par les observations précises de William Herschel. Wright calcula aussi le nombre de mondes habitables dans notre galaxie.

« Au total, nous pouvons avancer le chiffre de 170 000 000, qui me paraît raisonnable, et qui exclut les comètes dont je pense qu’elles occupent une place majeure dans la création ».

Ce qu’il dit sur les comètes est exact, bien qu’il ne se prononce pas sur leur nombre. Pour lui, l’existence de tant de mondes habitables n’est pas une simple hypothèse scientifique mais une source de réflexion morale :

« Dans cette grande création céleste, la destruction catastrophique d’un monde tel que le nôtre, ou même la dissolution totale d’un ensemble de mondes, n’est peut-être, pour l’Auteur de la Nature, guère plus qu’un banal accident de la vie pour nous, et selon toutes probabilités, de telles apocalypses dans ce monde-là sont aussi fréquentes que la naissance ou la mort sur notre Terre.

Je trouve, pour ma part, cette idée fort réjouissante, et je ne peux contempler les étoiles sans me demander pourquoi nous ne sommes pas tous astronomes. Comment des hommes doués de bon sens et de raison peuvent-ils négliger une science qui les intéresse au plus haut point, et se refuser d’élargir un champ de connaissances qui devrait les convaincre de leur immortalité, et leur permettre de vivre sans angoisse les petites difficultés auxquelles est confrontée la nature humaine ?

C’est tout cela que semble nous promettre l’apparente foison de demeures étoilées. Que faut-il faire ou ne pas faire, dès lors, pour préserver notre droit naturel à ces trésors et pour mériter cet héritage, dont hélas nous pensons qu’il fut créé pour satisfaire la vanité d’une race de géants qui vivent confinés dans un monde étroit, enchaînés comme des atomes sur un grain de sable ? »

Ce discours était celui du dix-huitième siècle. Ecoutons maintenant ce que nous dit le vingtième, à travers les voix du biologiste Jacques Monod : « Toute confusion entre connaissance et valeurs est interdite », et du physicien Steven Weinberg : « Plus l’univers nous semble compréhensible, plus il nous paraît dénué de sens. »

Si Monod et Weinberg parlent vraiment au nom du vingtième siècle, alors je préfère le dix-huitième. Mais en fait, Monod et Weinberg, qui sont tous deux de grands hommes de science et de grands chercheurs, chacun dans sa spécialité, ne prennent pas en compte certaines subtilités et ambiguïtés de la physique du vingtième siècle. Leur position philosophique s’enracine dans le dix-neuvième siècle et non dans le vingtième.

C’est au dix-neuvième siècle que fut décrétée tabou toute velléité d’établir des liens entre science et morale, au cours du terrible conflit qui opposa les biologistes évolutionnistes menés par Thomas Huxley et les hommes d’Eglise guidés par l’évêque Wilberforce. Huxley remporta la bataille, mais cent ans plus tard, Monod et Weinberg se battent encore contre le fantôme de l’évêque Wilberforce.

La bataille du dix-neuvième siècle était centrée autour du vieil argument dit de la cause première. Il s’appuie sur un raisonnement fort simple qui dit par exemple que l’existence d’une montre suppose celle de l’horloger. Thomas Wright jugeait cet argument valable dans le cas de l’astronomie, et jusqu’au dix-neuvième siècle, savants et hommes d’Eglise s’accordaient pour l’accepter également dans le domaine de la biologie. La nageoire du pingouin, l’instinct qui conduit l’hirondelle à bâtir son nid, l’œil perçant du faucon étaient pour eux autant de marques du Créateur, et ces animaux pouvaient déclarer, comme les étoiles et les plantes dans l’hymne d’Addison : « La main qui nous a créées est celle de Dieu. ». Puis vinrent Darwin et Huxley, qui expliquèrent l’existence du pingouin, de l’hirondelle et du faucon par le processus de sélection naturelle, c’est-à-dire les variations aléatoires des caractères héréditaires au cours des âges. Si Darwin et Huxley avaient raison, l’argument de la cause première se trouvait du même coup démoli.

L’évêque Wilberforce méprisait les biologistes, qu’il jugeait comme des irresponsables, ennemis de la religion, et il s’appliqua à les couvrir de ridicule. Lors d’un débat public, il demanda à Huxley s’il descendait du singe du côté de son grand-père, ou du côté de sa grand-mère. Les biologistes ne lui ont jamais pardonné, et ne lui pardonneront jamais. Le combat qu’ils ont mené a ouvert des blessures qui ne se sont pas refermées.

Si l’on considère à nouveau ce conflit un siècle plus tard, on peut constater que Darwin et Huxley avaient raison. La découverte de la structure et de la fonction de l’ADN a montré la nature des variations génétiques sur lesquelles joue la sélection naturelle. Le fait que la structure de l’ADN reste stable pendant plusieurs millions d’années, tout en pouvant varier occasionnellement, s’explique par les lois de la chimie et de la physique.

Il n’y a aucune raison pour que la sélection naturelle opérant sur cette structure, chez une espèce d’oiseau ayant acquis un goût marqué pour le poisson, ne produise pas une nageoire de pingouin. Les variations aléatoires, sélectionnées par la lutte continuelle pour la survie, peuvent remplir la mission du Créateur. Pour les biologistes, l’argument de la cause première est mort. Ils ont gagné la bataille. Mais hélas, en remportant cette victoire amère sur le clergé, ils ont fondé un nouveau dogme selon lequel l’univers est dépourvu de sens.

Jacques Monod énonce ce dogme avec le tranchant dont il est coutumier : « La pierre angulaire de la méthode scientifique est le postulat de l’objectivité de la Nature. C’est-à-dire le refus systématique de considérer comme pouvant conduire à une connaissance « vraie » toute interprétation des phénomènes donnée en termes de causes finales, c’est-à-dire de « projet » ».

Une telle définition de la méthode scientifique exclut définitivement Thomas Wright du monde de la science. Elle rejette aussi certaines des branches les plus vivantes de la physique contemporaine et de la cosmologie.

Il est aisé de comprendre comment certains biologistes moléculaires d’aujourd’hui en sont venus à accepter une définition aussi étroite de la connaissance scientifique. Leurs brillants succès, ils les ont obtenus en réduisant le comportement complexe des créatures vivantes au comportement plus simple des molécules dont ces créatures sont composées. Tout leur champ d’étude est fondé sur une réduction du plus complexe au plus simple, c’est-à-dire la réduction des mouvements apparemment motivés d’un organisme évolué aux mouvements purement mécaniques de ses parties constituantes.

Pour le biologiste moléculaire, une cellule est une machine chimique ; les protéines et les acides nucléiques qui contrôlent son comportement sont comme des pièces d’horlogerie aux états bien définis et qui réagissent à leur environnement en passant d’un état à un autre. Tout étudiant en biologie apprend son métier de chercheur en construisant des modèles à partir de petites billes et de chevilles en plastique.

Ces modèles sont des outils indispensables pour l’étude détaillée de la structure et de la fonction des enzymes et des acides nucléiques. Ils permettent de visualiser les molécules qui nous constituent. Mais pour un physicien, fabriquer de tels modèles est une pratique appartenant au dix-neuvième siècle. Tout physicien sait parfaitement que les atomes ne sont pas en réalité des petites billes dures. Tandis que les biologistes moléculaires préparaient leurs découvertes spectaculaires en jouant avec ces modèles mécaniques, la physique se tournait vers une tout autre direction.

Pour les biologistes, chaque pas franchi vers la conception d’un élément plus petit en taille signifie l’étude d’un comportement plus simple et plus mécanique. Une bactérie est plus simple et plus mécanique qu’une grenouille, une molécule d’ADN est plus mécanique qu’une bactérie.

Mais la physique du vingtième siècle a montré que la tendance s’inverse si l’on poursuit encore cette réduction. En effet, si l’on divise une molécule d’ADN pour en isoler les composants, on trouve des atomes dont le comportement est moins mécanique que celui des molécules.

Si l’on divise un atome, on trouve un noyau et des électrons dont le comportement est encore moins mécanique que celui de l’atome. Une expérience devenue célèbre, conçue par Einstein, Podolsky et Rosen en 1935 comme une expérience mentale pour illustrer les difficultés auxquelles se heurtait la théorie quantique, démontre qu’on ne peut déterminer l’état d’un électron à un moment donné sans tenir compte de l’expérimentateur.

Cette expérience a été effectuée de plusieurs façons avec différents types de particules, et les résultats montrent clairement que la description de l’état d’une particule n’a de sens qu’en fonction du procédé d’observation mis en œuvre. Les points de vue philosophiques diffèrent selon les physiciens, et le rôle de l’observateur dans la description des processus sous-atomiques a été diversement interprété.

Mais tous les physiciens s’accordent pour reconnaître que l’expérimentation ne peut donner lieu à une description indépendante du mode d’observation. Quand nous traitons d’objets aussi petits que les atomes et les électrons, l’observateur ou l’expérimentateur ne peut être exclu de la description de la nature observée. Dans ce domaine, le dogme de Monod, « la pierre angulaire de la méthode scientifique est le postulat de l’objectivité de la Nature  » est faux.

Si nous nions le postulat de Monod, cela ne veut pas dire que nous nions les découvertes de la biologie moléculaire et que nous soutenons la doctrine de l’évêque Wilberforce. Nous ne disons pas que le hasard et le réarrangement mécanique des molécules ne peuvent pas transformer le singe en homme ; nous disons simplement que si nous essayons d’observer dans ses moindres détails le comportement d’une molécule isolée, la signification des mots « hasard » et « mécanique » dépendra de la façon dont nous menons notre observation.

Les lois de la physique sous-atomique ne peuvent être formulées sans référence à l’observation. La notion de « hasard » ne peut être définie sinon comme une mesure de l’ignorance de l’observateur en ce qui concerne l’avenir. Ces lois réservent une place au rôle de « l’esprit » dans la description que l’homme fait de chaque molécule.

Il est intéressant de noter que « l’esprit » joue un rôle dans notre perception de la nature à deux niveaux différents. Au niveau le plus élevé, celui de la conscience humaine, notre esprit perçoit directement, en un sens, le réseau complexe de relations chimiques et électriques qui régissent notre cerveau. Au niveau inférieur, celui des atomes et des électrons, l’esprit de l’observateur est à nouveau impliqué dans la description des événements. Entre les deux se situe le niveau de la biologie moléculaire, pour laquelle les modèles mécaniques sont adéquats et où l’esprit ne semble jouer aucun rôle. Mais en tant que physicien, je ne peux m’empêcher de soupçonner qu’il existe un lien logique entre les deux manières dont l’esprit se manifeste dans mon univers.

Je ne peux m’empêcher de penser que la conscience que nous avons du fonctionnement de notre propre cerveau a à voir avec le processus que l’on nomme « observation » en physique atomique. En d’autres termes, je pense que notre conscience n’est pas seulement un phénomène passif mis en œuvre par des réactions chimiques dans notre cerveau, mais un agent actif forçant les ensembles moléculaires à faire un choix entre tel état quantique et tel autre.

Autrement dit, « l’esprit » est présent dans chaque électron, et le fonctionnement de la conscience humaine ne diffère qu’en degré et non en nature du processus de choix entre deux états quantiques, choix que nous appelons « hasard » quand il est fait par un électron.

Jacques Monod a un profond mépris pour les gens comme moi ; il nous appelle « animistes », c’est-à-dire ceux qui croient aux esprits. « L’animisme », dit-il, « établissait entre la Nature et l’Homme une profonde alliance hors laquelle ne semble s’étendre qu’une effrayante solitude. Faut-il rompre ce lien, parce que le postulat d’objectivité l’impose ? ».

Monod répond oui :  » L’ancienne alliance est rompue ; l’homme sait enfin qu’il est seul dans l’immensité indifférente de l’Univers d’où il a émergé par hasard. « Je réponds non. Je crois en cette alliance. Il est vrai que notre venue dans l’univers est due au hasard, mais l’idée de hasard elle-même ne fait que masquer notre ignorance. Je ne me sens pas étranger dans l’univers. Plus je l’examine et étudie en détail son architecture, plus je découvre de preuves qu’il attendait sans doute notre venue.

Certaines lois de la physique nucléaire des accidents numériques semblent conspirer pour rendre l’univers habitable. La puissance des forces d’attraction nucléaire est tout juste suffisante pour s’opposer à la répulsion électrique qui s’opère entre les charges positives des noyaux des atomes ordinaires comme les atomes de fer ou d’oxygène.

Mais les forces nucléaires ne sont pas assez puissantes pour rassembler deux protons (noyaux d’hydrogène) en un seul système, que l’on appellerait diproton s’il existait. Si ces forces étaient légèrement plus grandes, le diproton existerait donc et tout l’hydrogène de l’univers serait transformé en diprotons et en noyaux lourds.

L’hydrogène serait un élément rare, et les étoiles comme le soleil, qui vivent longtemps car leur cœur contient de l’hydrogène à combustion lente, n’existeraient pas. D’autre part, si ces forces nucléaires étaient beaucoup plus faibles qu’elles ne le sont, l’hydrogène ne pourrait pas brûler et il n’y aurait aucun élément lourd dans l’univers.

Si, comme cela semble probable, l’évolution de la vie nécessitait la présence d’une étoile comme le soleil capable de fournir de l’énergie en quantité constante pendant plusieurs milliards d’années, alors la puissance des forces nucléaires devait se situer dans un ordre de grandeur bien précis pour permettre l’émergence de la vie.

Il existe un accident numérique semblable, mais indépendant du premier, qui concerne l’interaction faible par laquelle l’hydrogène se consume dans le soleil. Celle-ci est un million de fois plus faible que la force nucléaire. Elle est juste assez faible pour que l’hydrogène du soleil brûle à une vitesse lente et régulière. Si cette interaction était beaucoup plus faible ou beaucoup plus forte, là encore toute forme de vie dépendant d’une étoile comme le soleil n’aurait pu voir le jour.

L’astronomie nous a fait connaître d’autres accidents numériques qui parlent en faveur de ma théorie. Par exemple, l’univers est bâti à une telle échelle que la distance moyenne qui sépare deux étoiles dans une galaxie de taille moyenne comme la nôtre est d’environ vingt millions de millions de miles, distance extravagante selon nos critères d’évaluation.

Si un savant affirme que des étoiles situées à de telles distances jouent un rôle décisif dans les conditions d’apparition de la vie, il sera soupçonné de croire à l’astrologie. Mais il se trouve qu’en vérité nous n’aurions pu survivre si la distance moyenne séparant deux étoiles n’était que de deux millions de millions de miles au lieu de vingt.

Si ces distances étaient inférieures d’un facteur 10, il est probable qu’une autre étoile, au cours des quatre milliards d’années d’existence de la Terre, serait passée si près du soleil que son champ gravitationnel aurait modifié les orbites des planètes. Pour détruire la vie sur la Terre, il n’est nul besoin de retirer la Terre du système solaire ; il suffit de modifier légèrement son orbite elliptique.

Toute la diversité de la chimie organique dépend d’un équilibre fragile entre les forces électriques et les forces de la mécanique quantique. Cet équilibre n’existe que parce que les lois de la physique contiennent un « principe d’exclusion » qui interdit à deux électrons d’occuper le même état. Si ces lois étaient différentes et si les électrons ne s’excluaient pas mutuellement, toute notre chimie de base s’en trouverait bouleversée.

Et il existe bien d’autres accidents fort chanceux en physique atomique. Sans ces accidents, l’eau n’existerait pas sous sa forme liquide, les chaînons d’atomes de carbone ne pourraient pas se combiner en molécules organiques complexes, et les atomes d’hydrogène ne pourraient pas servir de ponts entre les molécules.

C’est donc grâce à tous ces accidents physiques et astronomiques que l’univers est un lieu aussi hospitalier pour les créatures vivantes. Étant un scientifique éduqué dans le mode de pensée et le langage du vingtième siècle et non du dix-huitième siècle, je ne prétends pas que l’architecture de l’univers prouve l’existence de Dieu, je dis seulement que cette architecture est compatible avec l’hypothèse selon laquelle « l’esprit » joue un rôle essentiel dans le fonctionnement de l’univers.

Nous avons dégagé précédemment deux niveaux auxquels « l’esprit » se manifeste dans la description de la nature : au niveau de la physique sous-atomique, l’observateur est étroitement impliqué dans la définition qu’il donne des objets qu’il observe ; au niveau de l’expérience humaine directe, nous sommes conscients du fonctionnement de notre propre esprit, et nous sommes accoutumés à penser que les autres êtres humains et les animaux n’ont pas le même esprit que nous.

Nous devons maintenant ajouter un troisième niveau aux deux premiers : l’harmonie particulière qui existe entre la structure de l’univers et les besoins de la vie et de l’intelligence est une troisième manifestation de « l’esprit » dans l’ordre des choses. En tant que scientifique, on ne peut pousser plus loin le raisonnement. Nous avons des preuves que « l’esprit » est important sur trois niveaux ; nous n’avons aucune preuve qu’il existe un principe unificateur plus profond liant ces trois niveaux ensemble.

En tant que personne, certains souhaitent peut-être aller plus loin, et caressent l’hypothèse qu’il existe un esprit ou une âme universelle qui sous-tend toute manifestation de « l’esprit » que nous constatons. Si nous prenons cette hypothèse au sérieux, nous sommes, d’après la définition de Monod, des animistes. L’existence d’une âme universelle est une question d’ordre religieux plus que scientifique.

A l’âge de quatre-vingt-cinq ans, ma mère ne pouvait déjà presque plus marcher. Elle se contentait de petites sorties autour de sa maison. L’une de ses promenades favorites la conduisait au cimetière tout proche, d’où l’on a une vue splendide sur la vieille ville de Winchester et les collines environnantes. Je l’accompagnais souvent, et je l’écoutais parler gaiement de la mort qui pour elle approchait.

Parfois, en constatant la stupidité de l’humanité, elle se mettait en colère. « Quand je regarde le monde aujourd’hui », me dit-elle un jour, « j’ai l’impression de voir une fourmilière dans laquelle trop de fourmis se bousculent, et je me dis qu’il vaudrait peut-être mieux tout détruire. » Je protestai et elle rit. Non, si forte que fût sa colère contre les fourmis, elle ne se résoudrait jamais à détruire la fourmilière. Elle la trouvait beaucoup trop intéressante.

Parfois, nous parlions de la nature de l’âme humaine et de l’Unité Cosmique de toutes les âmes en laquelle j’avais cru lorsque j’avais quinze ans. Ma mère n’aimait pas ce terme d’Unité Cosmique. Elle le trouvait prétentieux et préférait celui d’âme universelle. Elle pensait qu’elle en était elle-même une partie, à qui on avait donné la liberté de croître et de se développer seule tant qu’elle était en vie. Après sa mort, elle espérait se fondre à nouveau dans cette âme universelle, perdant son identité individuelle mais conservant ses souvenirs et son intelligence.

Toute la connaissance et la sagesse qu’elle avait accumulées durant sa vie viendraient s’ajouter à la somme de connaissances et de sagesse que contenait l’âme du monde. « Mais comment sais-tu que l’âme universelle veut encore de toi ? » lui demandai-je. « Peut-être, après toutes ces années, l’âme universelle te trouvera-t-elle trop dure et indigeste et refusera-t-elle de te prendre en son sein. » « Ne t’inquiète pas », répondit ma mère. « Cela prendra peut-être un certain temps, mais je réussirai bien à me faire accepter. L’âme du monde a bien besoin d’un peu d’intelligence supplémentaire. »

3 Responses to Science: L’évolution va dans une direction et pas dans une autre

  1. […] La finalité est une femme avec laquelle un biologiste ne veut jamais être vu en public, mais dont il ne peut pas se passer! Pierre Paul Grassé […]

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