Bilan Chirac: C’est grave si le fond de ma poêle Tefal est complètement rayé? (Qui nous délivrera de l’indéracinable Tibéri?)

Lot de casseroles TéfalPas une fois je n’ai envisagé de céder ma place. Cela aurait été un suicide politique que de parachuter Mme Albanel, car le 5e est un arrondissement sociologiquement à gauche, mais que je fais basculer sur mon nom. J’ai fait un petit sondage personnel, et tout le monde souhaite que je me présente. Tout cela n’était pas très sérieux, et il n’y avait que Mme de Panafieu pour y croire. Jean Tibéri ( le 7/11/07)
Face à Tiberi, n’importe quel adversaire finit par devenir enragé. Car, à chaque fois qu’il est à terre, il se relève. Alexandre Baetche (maire-adjoint et professeur d’économie à l’université Paris-I)
L’argent a coulé à flots ici. On a vu se construire des fontaines à tous les coins de rue. Libraire

Qui eut cru que l’une des plus fortes concentrations de matière grise de la planète, notre fameuse et vénérable Montagne Ste Geneviève,… accouche d’un Tibéri?

Affaire des HLM de la Ville de Paris (dont il était président et pour laquelle il obtient – les voies de la justice sont impénétrables – un non-lieu), faux électeurs (toujours mis en examen pour une affaire toujours pas jugée après dix ans), appartements sociaux de luxe pour les fistons, emploi fictif et faux rapport de sa femme Xavière (procédure annulée comme par hasard en appel pour vice de forme), refus de payer le loyer de sa permanence au prix du marché …

Retour, à la veille des prochaines municipales, sur l’un des derniers et des plus indéracinables héritiers du système para-mafieux de la Chiraquie triomphante des années 80-90, le champion toutes catégories de la « prime à la casserole », le maire du Ve (il y est, malgré son origine corse, littéralement né!), successeur du lui-même mis en examen Chirac à la mairie de Paris pendant 6 ans et député depuis 40 ans, Jean Tibéri, sur qui les scandales politico-financiers glissent comme sur le téflon des fameuses poêles.

Et qui, du haut de sa mairie de la place du Panthéon et à coup de crèches (meilleure couverture en France, paraît-il) et de cantines bio, déploie tous ses talents de super-assistante sociale pour reproduire à chaque élection et sans faillir depuis 24 ans le même ineffable miracle.

A savoir, l’exploit unique en France de réussir à vendre son « paradis pour bobos » (version bobo du « clientélisme villageois ») aux familles des classes moyennes supérieures et de la bourgeoisie intellectuelle qui votent tout aussi traditionnellement à gauche à la présidentielle …

Pour tenter de rallier les universitaires et les chercheurs, M. Tiberi a, pour l’instant, un temps d’avance sur sa rivale : l’économiste Christian de Saint-Etienne, ancien candidat du MoDem contre lui aux législatives, devrait être candidat sur sa liste, ainsi que Marielle Gallo, avocate et femme de l’historien Max Gallo. Cette ancienne chevènementiste a été candidate du MDC en 1993 contre Edouard Balladur aux législatives dans le 15e.

Jean Tiberi, la gauche en perd son latin

Béatrice Jérôme
Le Monde
02.01.08

En ce lendemain de Noël, Jean Tiberi est seul dans sa mairie déserte du 5e arrondissement de Paris. Un petit pull lambswool gris lui procure encore un peu de la chaleur des fêtes. Ni les scandales politico-financiers auxquels son nom a été associé lorsqu’il a été maire de Paris de 1995 à 2001 ni les tentatives de ses amis politiques pour l’évincer de l’échiquier parisien n’ont eu raison de sa résistance. A 72 ans, il évoque avec son flegme habituel sa prochaine bataille.

S’il est réélu aux municipales, lui qui siège au Conseil de Paris depuis 1965 battra des records de longévité politique dans la capitale. Ce supporteur du PSG compte les buts. « J’en suis à 4 à 0 face à Lyne Cohen-Solal », dit-il. La candidate socialiste s’est présentée trois fois contre lui aux législatives et une fois aux municipales. Elle est de nouveau candidate à la mairie en mars. « Cela pourrait bien faire 5 buts à 0 », s’amuse cet amateur de foot, qui a toujours préféré, sur le terrain politique, le jeu en défense à l’attaque.

Le dernier assaut contre lui remonte à l’automne 2007. Il était signé Françoise de Panafieu. Au nom du « renouvellement », la candidate UMP à la mairie de Paris a tenté de lui substituer la ministre de la culture, Christine Albanel, pour conduire la liste dans le 5e. M. Tiberi a habilement déjoué la manoeuvre : « Je suis allé voir les habitants du 5e, raconte-t-il. Tous m’ont dit : « On ne veut pas de parachutage ! » »

Fort de ce capital de soutien personnel, il a également rappelé aux caciques de l’UMP son score aux dernières législatives : 52,66 % des voix, alors que, pour la première fois, la gauche, avec Ségolène Royal, est arrivée en tête à la présidentielle dans son arrondissement. « Sur mon nom, dit-il, j’ai inversé la tendance. »  » Face à Tiberi, n’importe quel adversaire finit par devenir enragé, s’extasie l’un de ses adjoints, Alexandre Baetche, professeur d’économie à l’université Paris-I. Car, à chaque fois qu’il est à terre, il se relève. »

L’actuel conseiller spécial de Nicolas Sarkozy, Henri Guaino, en a fait l’expérience en 2001. Intronisé par Philippe Séguin tête de liste officielle du RPR, à l’époque contre M. Tiberi, M. Guaino n’a recueilli que 9,6 % des voix contre 40 % pour le maire sortant. Celui-ci, candidat dissident, avait été exclu du RPR pour avoir décidé de constituer des listes sous son nom dans tout Paris. « On en arrive à se demander s’il n’y a pas une prime à la casserole » dans le 5e, avait lâché M. Séguin, accablé par le score de M. Tiberi.

Les affaires… Le maire du 5e a, certes, obtenu un non-lieu en 2005 dans l’affaire des HLM de la Ville de Paris. Mais il est toujours mis en examen dans celle des faux électeurs du 5e, qui n’est pas jugée, dix ans après la plainte déposée contre X… par Mme Cohen-Solal.

Si la capacité d’indignation de cette dernière est restée intacte, la lenteur de la justice a toutefois fini par user son ardeur à jouer « la méchante anti-Tiberi ». « Dès qu’il est attaqué, il a le don de se faire passer pour une victime », soupire-t-elle.

« En 2001, on s’est trop intéressé aux faux électeurs. Cela ne nous a pas porté chance », renchérit Bernard Rullier, conseiller d’arrondissement PS, candidat contre Mme Cohen-Solal lors de la désignation par les militants de la tête de liste socialiste dans le 5e. Entre-temps, les faux électeurs ont, semble-t-il, disparu. « Entre 1995 et 2001, les inscrits sur les listes électorales ont diminué de 8 000 », indique M. Rullier, qui y voit l’effet d’un toilettage soigneux opéré par la mairie.

Le PS pointe toutefois la profusion suspecte des votes par procuration aux dernières législatives: « Des gens m’ont raconté avoir reçu un coup de fil de la mairie pour leur proposer d’aller voter à leur place », raconte Mme Cohen-Solal. « Il n’y a jamais eu de recours », répond calmement le maire.

Restent les vrais électeurs, que M. Tiberi a toujours bichonnés. « Formaté par Chirac », selon M. Baetche, pour lui succéder à la Mairie de Paris, le maire du 5e a mis sa connaissance de la machine administrative parisienne au service de son arrondissement. Du temps où il a été adjoint de M. Chirac et maire de Paris, « l’argent a coulé à flots ici. On a vu se construire des fontaines à tous les coins de rue », se souvient Patrick Bobulesco, patron de la librairie Le Point du jour, rue Gay-Lussac.

Soucieux de présenter une vitrine de son action, il a fait de l’arrondissement où il est né un paradis pour « bobos ». « Même les « bac + 12″ ont besoin de place en crèche pour leurs enfants », remarque M. Baetche. « On a la meilleure couverture en France, assure-t-il, grâce à Tiberi », qui en a créé à foison jusqu’en 2001. Dans le 5e, toutes les cantines sont bio depuis plus de dix ans. Résultat : 88 % des parents y laissent leurs enfants. Les familles des classes moyennes supérieures et de la bourgeoisie intellectuelle apprécient que les carottes soient râpées du jour, que le poisson pané vienne des mers froides, que les pommes soient sans pesticide. Ils sont à gauche à la présidentielle mais beaucoup votent Tiberi aux élections locales, se félicite-t-on à la mairie.

Pour le PS local, le vrai ressort du vote Tiberi est ailleurs : « Il a mis en place un clientélisme villageois », dénonce Mme Cohen-Solal. Les parents qui veulent une place en crèche « sont reçus dans sa permanence de député » au milieu des photos du maire et des brochures UMP, s’indigne-t-elle.

Parfois, Xavière Tiberi, qui n’a aucun mandat, assiste Anne-Marie Affret, la première adjointe du maire, chargée des crèches. « Ma femme passe parfois offrir un verre d’eau aux mamans qui ont soif », reconnaît M. Tiberi. « Je connais beaucoup de parlementaires qui font travailler leur femme, se défend-t-il. La mienne se rend utile et ne demande rien en échange ! » Mme Tiberi visite aussi les maisons de retraite de l’arrondissement.

M. Tiberi, lui, ne rate jamais un marché le dimanche. Celui de la rue Mouffetard ou ailleurs. Une poignée de porte cassée dans une école ? Un pavé qui manque dans une rue ? Il est mis au courant. Une présence constante qui confine au « quadrillage », selon ses adversaires. « Il arrive que les gens se cachent pour parler à Lyne dans la rue », assure M. Rullier.

« Tiberi est une super-assistante sociale. Le 5e mérite mieux qu’un maire comme ça, s’époumone la candidate du PS. Le Quartier latin est le premier pôle culturel parisien, voire français. Le maire laisse le 5e s’endormir. »

Pour tenter de rallier les universitaires et les chercheurs, M. Tiberi a, pour l’instant, un temps d’avance sur sa rivale : l’économiste Christian de Saint-Etienne, ancien candidat du MoDem contre lui aux législatives, devrait être candidat sur sa liste, ainsi que Marielle Gallo, avocate et femme de l’historien Max Gallo. Cette ancienne chevènementiste a été candidate du MDC en 1993 contre Edouard Balladur aux législatives dans le 15e.

Le maire a déjà prévu une place sur la liste pour son fils, Dominique. Conseiller d’arrondissement (UMP) dans le 17e depuis 2001, il est délégué de circonscription de son parti dans le 5e. « Ce n’est pas parce que c’est mon fils qu’il ne mérite pas d’être élu », lâche-t-il.

Si M. Tiberi se bat depuis si longtemps, c’est aussi pour laisser en héritage autre chose qu’une mauvaise image.

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