Colloque: Attention une accusation de crime rituel peut en cacher une autre! (Looking back on the Egyptian version of the Exodus)

The Fifth plague of Egypt (Turner, 1800)Aujourd’hui on repère les boucs émissaires dans l’Angleterre victorienne et on ne les repère plus dans les sociétés archaïques. C’est défendu. René Girard (« Celui par qui le scandale arrive », p. 172)
Du point de vue égyptien, le départ des Hébreux d’Égypte était en fait une expulsion justifiée. Les sources principales sont les écrits de Manéthon et d’Apion, qui sont résumés et réfutés dans l’ouvrage de Josèphe intitulé Contre Apion …. Manéthon était un prêtre égyptien d’Héliopolis. Apion était un Égyptien qui écrivait en grec et jouait un rôle important dans la vie culturelle et politique de l’Égypte. Son récit de l’Exode a été utilisé pour attaquer les revendications et les droits des Juifs d’Alexandrie. La version hellénistico-égyptienne de l’Exode peut être résumée comme suit : Les Égyptiens étaient confrontés à une crise majeure précipitée par un groupe de personnes souffrant de diverses maladies. De peur que la maladie ne se propage ou que quelque chose de pire ne se produise, ce groupe hétéroclite a été rassemblé et expulsé du pays. Sous la conduite d’un certain Moïse, ce peuple fut expulsé ; il se constitua alors en unité religieuse et nationale. Ils s’installèrent finalement à Jérusalem et devinrent les ancêtres des Juifs. James G. Williams
Certains scientifiques avancent l’explication suivante: les dix plaies d’Égypte seraient liées à une éruption volcanique du Santorin. Les ténèbres auraient été provoquées par les cendres volcaniques transportées par le vent. En se dispersant dans le Nil, elles l’auraient contaminé, provoquant la mort des hommes et des troupeaux. Les cendres en suspension dans l’air auraient aussi déclenché la grêle (les particules en suspension contiennent de l’électricité statique), un phénomène que l’on rencontre aussi lors des tempêtes de sable. La détérioration des conditions sanitaires (manque d’eau, cadavres en décomposition…) amènerait les autres plaies d’Égypte (poux, ulcères). L’eau changée en sang serait aussi expliquée par la couleur rougeâtre des cendres. Wikipedia
L’accusation de crime rituel à l’encontre des Juifs est l’une des plus anciennes allégations antijuives et antisémites de l’Histoire. En effet, bien que l’accusation de crime de sang ait touché d’autres groupes que les Juifs, dont les premiers chrétiens, certains détails, parmi lesquels l’allégation que les Juifs utilisaient du sang humain pour certains de leurs rituels religieux, principalement la confection de pains azymes (matza) lors de la Pâque, leur furent spécifiques. (…) Le premier exemple connu d’accusation de ce type précède le christianisme, puisqu’il est fourni, selon Flavius Josèphe, par Apion, un écrivain sophiste égyptien hellénisé ayant vécu au Ier siècle. (…) Après la première affaire à Norwich (Angleterre) en 1144, les accusations se multiplient dans l’Europe catholique. De nombreuses disparitions inexpliquées d’enfants et de nombreux meurtres sont expliqués par ce biais. Wikipedia
Après cela (…) il vous chassera même d’ici. (…) et tous les premiers-nés mourront dans le pays d’Égypte, depuis le premier-né de Pharaon assis sur son trône, jusqu’au premier-né de la servante qui est derrière la meule, et jusqu’à tous les premiers-nés des animaux. (Exode 11 : 1 et 5)
Le sang vous servira de signe sur les maisons où vous serez; je verrai le sang, et je passerai par-dessus vous … (Exode 12: 13)

Fleuve changé en sang et ulcères, invasion de grenouilles, poux, mouches et sauterelles, grêle et ténèbres, mort des troupeaux et des premiers-nés, population entière expulsée d’un pays …

Empoisonnement des sources, rivières ou puits, sorcellerie ou magie noire, crime rituel d’enfants, pogroms d’individus ou villages entiers …

Comment se fait-il, comme l’a si brillamment montré René Girard, qu’on interprète si facilement la deuxième série d’accusations comme des affabulations et des fausses accusations contre des Juifs réduits au rôle de boucs émissaires d’une société entière…

Et qu’on ait tant de mal à ne voir autre chose dans la première série que des mythes ou des contes à dormir debout?

Comment ne pas reconnaître dans cette accumulation plus ou moins fantastique de catastrophes que sont les (dix) plaies présentées par le récit biblique de l’Exode (Exode 7-12) …

Le même type de fausses accusations d’un mythe d’expulsion d’une population bouc émissaire qui se trouve être de surcroit…

Les propres ancêtres et le texte lui-même (en une sorte de contre-histoire retournant lesdites accusations en actes délibérés d’une libération divine) le propre récit fondateur du groupe en question …

  A savoir les Juifs ?

Telles sont quelques unes des nombreuses questions qui n’ont hélas pu être soulevées lors du passionnant colloque de l’Alliance israélite universelle d’hier sur l’histoire et la résurgence dans le monde contemporain (notamment la nouvelle Affaire de Damas du meurtre supposé du petit Mohammed mais aussi à Cana lors de la dernière guerre du Liban) des accusations (non sans une certaine ambivalence) de crime rituel contre les Juifs (« Le Mythe du meurtre rituel d’hier à aujourd’hui« , organisé au Centre Leven de Paris par Shmuel trigano avec RP Hsia, MF Rouart, R. Israéli, R. Landes, J. Kotek, C. Leuchler et G. Gachinochi, P. Karsenty).

Certes, contrairement à un mythe ordinaire et dans son insistance à tout attribuer au Dieu unique, le texte biblique présente les dix plaies qui ont finalement poussé les Egyptiens (d’ailleurs eux-mêmes, si l’on en croit les textes, réellement coupables d’infanticides) à expulser leurs esclaves hébreux comme des fléaux envoyés par Dieu lui-même au nom du chef de ces derniers, Moïse.

Mais justement, comme l’a aussi rappelé Girard, c’est là justement ce qui en fait toute la différence et la valeur par opposition aux mythes ordinaires qui eux présentent systématiquement les expulsés comme coupables des accusations qu’on leur prête.

On a donc bien affaire à un mythe mais à un mythe subverti où les coupables habituels sont présentés comme victimes.

Même s’il y demeure certains éléments mythiques, à l’importante différence toutefois que les accusations qui ont provoqué l’expulsion y sont attribuées à la divinité elle-même.

Mais, direz-vous, tout cela est bien joli et de la bien belle théorie parce qu’on n’a bien sûr pas la version des Egyptiens de l’époque.

Et pourtant, comme l’a montré James G. Williams, il existe une version égyptienne, même si elle est naturellement bien postérieure aux évènements.

Il s’agit des récits de l’époque égypto-hellénique, notamment du polémiste Apion citant un certain Manetho, prêtre de son état, rapportés (pour les réfuter) par l’historien Josèphe, et qui, résumés par Williams, ressemblent étrangement à un mythe d’expulsion …

Voir extrait:

To see the remarkable contrast between the story of the Exodus as actually told in the Old Testament book of Exodus and the typical mythological way in which such stories were usually told, one only needs to ask, “What would the story of the Exodus be like had the Egyptians told it, instead of the Israelites?” Unfortunately, no Egyptian historical records from the 14th or 13th centuries B.C.E. exist to tell the Egyptian side of the story. However, later Egyptian versions of the Exodus story do exist, dating from the Hellenistic period. James G. Williams writes that these later Egyptian versions . . . indicate that from the Egyptian standpoint the departure of the Hebrews from Egypt was actually a justifiable expulsion. The main sources are the writings of Manetho and Apion, which are summarized and refuted in Josephus’s work Against Apion . . . Manetho was an Egyptian priest in Heliopolis. Apion was an Egyptian who wrote in Greek and played a prominent role in Egyptian cultural and political life. His account of the Exodus was used in an attack on the claims and rights of Alexandrian Jews . . . [T]he Hellenistic-Egyptian version of the Exodus may be summarized as follows: The Egyptians faced a major crisis precipitated by a group of people suffering from various diseases. For fear the disease would spread or something worse would happen, this motley lot was assembled and expelled from the country. Under the leadership of a certain Moses, these people were dispatched; they constituted themselves then as a religious and national unity. They finally settled in Jerusalem and became the ancestors of the Jews.

The contrast between the point of view of this Egyptian version of the Exodus and the point of view of the story we actually find in the book of Exodus could not be greater! Forever after the Exodus, the Israelites had a deep consciousness of the innocence of the victim — a consciousness that was in constant tension with the sacrificial cultural systems which Israel borrowed from its neighbors.

11 Responses to Colloque: Attention une accusation de crime rituel peut en cacher une autre! (Looking back on the Egyptian version of the Exodus)

  1. […] causes de sa génération sans en manquer aucune”, se croit obliger de renouer avec une tradition multimillénaire  […]

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  2. […] Aujourd’hui on repère les boucs émissaires dans l’Angleterre victorienne et on ne les repère plus dans les sociétés archaïques. C’est défendu. René Girard […]

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  3. […] Aujourd’hui on repère les boucs émissaires dans l’Angleterre victorienne et on ne les repère plus dans les sociétés archaïques. C’est défendu. René Girard […]

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  4. […] Aujourd’hui on repère les boucs émissaires dans l’Angleterre victorienne et on ne les repère plus dans les sociétés archaïques. C’est défendu. René Girard […]

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  5. […] Aujourd’hui on repère les boucs émissaires dans l’Angleterre victorienne et on ne les repère plus dans les sociétés archaïques. C’est défendu. René Girard […]

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  6. […] Aujourd’hui on repère les boucs émissaires dans l’Angleterre victorienne et on ne les repère plus dans les sociétés archaïques. C’est défendu. René Girard […]

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  7. jcdurbant dit :

    A writer in Egypt is demanding that his nation sue Israel over the 10 biblical plagues.

    “We want compensation for the plagues that were inflicted upon [us] as a result of the curses that the Jews’ ancient forefathers [cast] upon our ancient forefathers, who did not deserve to pay for the mistake that Egypt’s ruler at the time, Pharaoh, committed,” said columnist Ahmad al-Gamal, in a column in the Egyptian daily Al-Yawm Al-Sabi.

    The commentator also advocated suing Israel for the “precious materials” used by the Israelites to build their desert tabernacle …

    http://mobile.wnd.com/2014/03/egyptian-wants-to-sue-israel-over-biblical-plagues/#DqxrUVbq0XRyVDyc.99

    « According to Rabbi Berel Wein, the Talmud in tractate Sanhedrin notes that the Egyptian nation appeared before Alexander the Great and demanded that the Jews return all of the wealth they had taken from Egypt a millennia earlier. Alexander the Great then called for a Jewish representative to appear before him. A man by the name of Gadha appeared before Alexander the Great and stressed that the Egyptians still owed the Jews enormous sums of money as payment for the centuries where the Jews served the Egyptians as slaves. The Jews were slaves in Egypt for 210 years, where they worked long hours and suffered unspeakable brutality.

    Whenever the Jews could not complete their workload, Jewish sources stress that one of the Hebrew babies would be placed in the spot where the missing block was supposed to be and the baby was crushed to death. This does not even include the death sentence imposed upon the male babies of the Hebrew slaves. Except for a brief period during which Moses convinced Pharoah let the Jews rest on Shabbat, the Jews did not even have a day of rest. Jewish women were also forced to work as slaves and they didn’t get maternity leave. It can be alleged that if calculations were made for all of the hours that the Hebrew slaves put into working for the Egyptians over the course of 210 years, the jewels that the Israelis took with them from Egypt do not sufficiently compensate the Jewish people for all of the free hard labor they performed in Egypt. As a result of Gadha’s eloquent defense, Alexander the Great ruled that the matter should be dropped. »

    http://www.jerusalemonline.com/news/middle-east/israel-and-the-middle-east/analysis-the-egyptians-have-no-ground-to-sue-israel-over-the-ten-plagues-4562

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  8. […] victorienne et on ne les repère plus dans les sociétés archaïques. C’est défendu. René Girard What in the world is going on with Exodus: Gods and Kings? It’s as if Scott couldn’t choose […]

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  9. […] Aujourd’hui on repère les boucs émissaires dans l’Angleterre victorienne et on ne les repère plus dans les sociétés archaïques. C’est défendu. René Girard […]

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  10. […] Aujourd’hui on repère les boucs émissaires dans l’Angleterre victorienne et on ne les repère plus dans les sociétés archaïques. C’est défendu. René Girard […]

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  11. jcdurbant dit :

    Devinez à quoi l’UE vient d’accorder une ovation debout ?

    A une bonne vieille accusation de meurtre rituel comme en notre bon vieux moyen-âge !

    “We are against incitement … Just a week ago, a week, a group of rabbis in Israel announced, in a clear announcement, demanding their government, to poison, to poison, the water of the Palestinians. Is this not incitement? Is this not clear incitement, to the mass murder of the Palestinian people?”

    Mahmoud Abbas

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