Sciences cognitives: René Girard confirmé par la neuroscience (Mirror neurons confirm importance of imitation in humans)

Contagious yawning
Ne réponds pas à l’insensé selon sa folie, de peur que tu ne lui ressembles toi-même. Proverbes 26:4
Tu ne convoiteras point la maison de ton prochain; tu ne convoiteras point la femme de ton prochain, ni son serviteur, ni sa servante, ni son boeuf, ni son âne, ni aucune chose qui appartienne à ton prochain. Exode 20: 17
Si le Décalogue consacre son commandement ultime à interdire le désir des biens du prochain, c’est parce qu’il reconnaît lucidement dans ce désir le responsable des violences interdites dans les quatre commandements qui le précèdent. Si on cessait de désirer les biens du prochain, on ne se rendrait jamais coupable ni de meurtre, ni d’adultère, ni de vol, ni de faux témoignage. Si le dixième commandement était respecté, il rendrait superflus les quatre commandements qui le précèdent. Au lieu de commencer par la cause et de poursuivre par les conséquences, comme ferait un exposé philosophique, le Décalogue suit l’ordre inverse. Il pare d’abord au plus pressé: pour écarter la violence, il interdit les actions violentes. Il se retourne ensuite vers la cause et découvre le désir inspiré par le prochain. René Girard
Si Jésus ne parle jamais en termes d’interdits et toujours en termes de modèles et d’imitation, c’est parce qu’il tire jusqu’au bout la leçon du dixième commandement. Ce n’est pas par narcissisme qu’il nous recommande de l’imiter lui-même, c’est pour nous détourner des rivalités mimétiques. Sur quoi exactement l’imitation de Jésus-Christ doit-elle porter ? Ce ne peut pas être sur ses façons d’être ou ses habitudes personnelles : il n’est jamais question de cela dans les Evangiles. Jésus ne propose pas non plus une règle de vie ascétique au sens de Thomas a Kempis et de sa célèbre Imitation de Jésus-Christ, si admirable que soit cet ouvrage. Ce que Jésus nous invite à imiter c’est son propre désir, c’est l’élan qui le dirige lui, Jésus, vers le but qu’il s’est fixé : ressembler le plus possible à Dieu le Père. L’invitation à imiter le désir de Jésus peut sembler paradoxale car Jésus ne prétend pas posséder de désir propre, de désir « bien à lui ». Contrairement à ce que nous prétendons nous-mêmes, il ne prétend pas « être lui-même », il ne se flatte pas de « n’obéir qu’à son propre désir ». Son but est de devenir l’image parfaite de Dieu. Il consacre donc toutes ses forces à imiter ce Père. En nous invitant à l’imiter lui, il nous invite à imiter sa propre imitation. Loin d’être paradoxale, cette invitation est plus raisonnable que celle de nos gourous modernes. Ceux-ci nous invitent tous à faire le contraire de ce qu’ils font eux-mêmes, ou tout au moins prétendent faire. Chacun d’eux demande à ses disciples d’imiter en lui le grand homme qui n’imite personne. Jésus, tout au contraire, nous invite à faire ce qu’il fait lui-même, à devenir tout comme lui un imitateur de Dieu le Père. Pourquoi Jésus regarde-t-il le Père et lui-même comme les meilleurs modèles pour tous les hommes ? Parce que ni le Père ni le Fils ne désirent avidement, égoïstement. Dieu « fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons ». Il donne aux hommes sans compter, sans marquer entre eux la moindre différence. Il laisse les mauvaises herbes pousser avec les bonnes jusqu’au temps de la moisson. Si nous imitons le désintéressement divin, jamais le piège des rivalités mimétiques ne se refermera sur nous. C’est pourquoi Jésus dit aussi : « Demandez et l’on vous donnera… » Lorsque Jésus déclare que, loin d’abolir la Loi, il l’accomplit, il formule une conséquence logique de son enseignement. Le but de la Loi, c’est la paix entre les hommes. Jésus ne méprise jamais la Loi, même lorsqu’elle prend la forme des interdits. A la différence des penseurs modernes, il sait très bien que, pour empêcher les conflits, il faut commencer par les interdits. L’inconvénient des interdits, toutefois, c’est qu’ils ne jouent pas leur rôle de façon satisfaisante. Leur caractère surtout négatif, saint Paul l’a bien vu, chatouille en nous, forcément, la tendance mimétique à la transgression. La meilleure façon de prévenir la violence consiste non pas à interdire des objets, ou même le désir rivalitaire, comme fait le dixième commandement, mais à fournir aux hommes le modèle qui, au lieu de les entraîner dans les rivalités mimétiques, les en protégera. (…) Loin de surgir dans un univers exempt d’imitation, le commandement d’imiter Jésus s’adresse à des êtres pénétrés de mimétisme. Les non-chrétiens s’imaginent que, pour se convertir, il leur faudrait renoncer à une autonomie que tous les hommes possèdent naturellement, une autonomie dont Jésus voudrait les priver. En réalité, dès que nous imitons Jésus, nous nous découvrons imitateurs depuis toujours. Notre aspiration à l’autonomie nous agenouillait devant des êtres qui, même s’ils ne sont pas pires que nous, n’en sont pas moins de mauvais modèles en ceci que nous ne pouvons pas les imiter sans tomber avec eux dans le piège des rivalités inextricables. (…) Même si le mimétisme du désir humain est le grand responsable des violences qui nous accablent, il ne faut pas en conclure que le désir mimétique est mauvais. Si nos désirs n’étaient pas mimétiques, ils seraient à jamais fixés sur des objets prédéterminés, ils seraient une forme particulière d’instinct. Les hommes ne pourraient pas plus changer de désir que les vaches dans un pré. Sans désir mimétique il n’y aurait ni liberté ni humanité. Le désir mimétique est intrinsèquement bon. L’homme est cette créature qui a perdu une partie de son instinct animal pour accéder à ce qu’on appelle le désir. Une fois leurs besoins naturels assouvis, les hommes désirent intensément, mais ils ne savent pas exactement quoi car aucun instinct ne les guide. Ils n’ont pas de désir propre. Le propre du désir est de ne pas être propre. Pour désirer vraiment, nous devons recourir aux hommes qui nous entourent, nous devons leur emprunter leurs désirs. Cet emprunt se fait souvent sans que ni le prêteur ni l’emprunteur s’en aperçoivent. Ce n’est pas seulement leur désir qu’on emprunte à ceux qu’on prend pour modèles c’est une foule de comportements, d’attitudes, de savoirs, de préjugés, de préférences, etc., au sein desquels l’emprunt le plus lourd de conséquences, le désir, passe souvent inaperçu. La seule culture vraiment nôtre n’est pas celle où nous sommes nés, c’est la culture dont nous imitons les modèles à l’âge où notre puissance d’assimilation mimétique est la plus grande. Si leur désir n’était pas mimétique, si les enfants ne choisissaient pas pour modèles, forcément, les êtres humains qui les entourent, l’humanité n’aurait ni langage ni culture. Si le désir n’était pas mimétique, nous ne serions ouverts ni à l’humain ni au divin. C’est dans ce dernier domaine, nécessairement, que notre incertitude est la plus grande et notre besoin de modèles le plus intense. René Girard (Je vois Satan tomber comme l’éclair)
Cyclisme – Insolite / 1997. Un cheval saute de son enclos et galope au milieu des coureurs. La Dépêche
Des neurones qui stimulent en même temps, sont des neurones qui se lient ensemble. Règle de Hebb (1949)
Le processus d’imitation est limité chez les singes, et c’est souvent dangereux pour eux d’imiter. Giaccomo Rizzolatti
L’homme est un animal social qui diffère des autres animaux en ce qu’il est plus apte à l’imitation, Aristote le disait déjà (Poétique 4). Aujourd’hui on peut tracer les sources cérébrales de cette spécificité humaine. La découverte des neurones miroirs permet de mettre le doigt sur ce qui connecte les cerveaux des hommes. En outre cette découverte a encore confirmé l’importance neurologique de l’imitation chez l’être humain. (…) Les neurones miroirs sont des neurones qui s’activent, non seulement lorsqu’un individu exécute lui-même une action, mais aussi lorsqu’il regarde un congénère exécuter la même action. On peut dire en quelque sorte que les neurones dans le cerveau de celui/celle qui observe imitent les neurones de la personne observée; de là le qualitatif ‘miroir’ (mirror neurons). (…) C’est un groupe de neurologues italiens, sous la direction de Giacomo Rizzolati (1996), qui a fait cette découverte sur des macaques. Les chercheurs ont remarqué – par hasard – que des neurones (dans la zone F5 du cortex prémoteur) qui étaient activés quand un singe effectuait un mouvement avec but précis (par exemple: saisir un objet) étaient aussi activés quand le même singe observait simplement ce mouvement chez un autre singe ou chez le chercheur, qui donnait l’exemple. (…) Il existe donc dans le cerveau des primates un lien direct entre action et observation. Cette découverte s’est faite d’abord chez des singes, mais l’existence et l’importance des neurones miroirs pour les humains a été confirmée. Dans une recherche toute récente supervisée par Hugo Théoret (Université de Montréal), Shirley Fecteau a montré que le mécanisme des neurones miroirs est actif dans le cerveau immature des petits enfants et que les réseaux de neurones miroirs continuent de se développer dans les stades ultérieurs de l’enfance. Il faut ajouter ici que les savants s’accordent pour dire que ces réseaux sont non seulement plus développés chez les adultes (comparé aux enfants), mais qu’ils sont considérablement plus évolués chez les hommes en général comparé aux autres primates. (…) Le grand théoricien de l’imitation de l’époque, Gabriel Tarde, auteur du fameux livre Les Lois de L’imitation (publié en 1890) voyait en l’imitation la cause première de l’harmonie sociale. Sans être totalement fausse on voit aujourd’hui que cette idée est du moins incomplète (…) Dans une interview récente Rizzolati (le directeur du groupe de chercheurs qui a découvert les neurones miroirs) a dit : « Le processus d’imitation est limité chez les singes, et c’est souvent dangereux pour eux d’imiter » (5 février 2005 dans Le Figaro). D’où vient ce danger de l’imitation? Rappelons que les neurones dans le cortex prémoteur des singes étudiés par Rizzolati étaient activés quand l’animal effectuait un mouvement avec but précis, le plus souvent ‘saisir un objet’. Imaginons maintenant un singe qui tente de s’emparer d’un objet et un autre qui l’imite aveuglément, ‘inconsciemment’. Ces deux mains également avides qui convergent vers un seul objet ne peuvent manquer de provoquer un … conflit. Voilà que la mimésis peut être la source de conflits, de violence, si l’on voit que les comportements d’acquisition et d’appropriation (le fait de prendre un objet pour soi) sont aussi susceptibles d’être imités. (…) Donnons encore un exemple simple, même banal, d’une rivalité qui naît de la mimésis. Imaginons deux bambins dans une pièce pleine de jouets identiques. Le premier prend un jouet, mais il ne semble pas fort intéressé par l’objet. Le second l’observe et essaie d’arracher le jouet à son petit camarade. Celui-là n’était pas fort captivé par la babiole, mais – soudain – parce que l’autre est intéressé cela change et il ne veut plus le lâcher. Des larmes, des frustrations et de la violence s’ensuivent. Dans un laps de temps très court un objet pour lequel aucun des deux n’avait un intérêt particulier est devenu l’enjeu d’une rivalité obstinée. Il faut noter que tout dans ce désir trop partagé pour un objet impartageable est imitation, même l’intensité du désir dépendra de celui d’autrui. C’est ce que Girard appelle la rivalité mimétique, étrange processus de ‘feedback positif’ qui sécrète en grandes quantités la jalousie, l’envie et la haine. Simon De Keukelaere
Le phénomène est déjà fabuleux en soi. Imaginez un peu : il suffit que vous me regardiez faire une série de gestes simples – remplir un verre d’eau, le porter à mes lèvres, boire -, pour que dans votre cerveau les mêmes zones s’allument, de la même façon que dans mon cerveau à moi, qui accomplis réellement l’action. C’est d’une importance fondamentale pour la psychologie. D’abord, cela rend compte du fait que vous m’avez identifié comme un être humain : si un bras de levier mécanique avait soulevé le verre, votre cerveau n’aurait pas bougé. Il a reflété ce que j’étais en train de faire uniquement parce que je suis humain. Ensuite, cela explique l’empathie. Comme vous comprenez ce que je fais, vous pouvez entrer en empathie avec moi. Vous vous dites : « S’il se sert de l’eau et qu’il boit, c’est qu’il a soif. » Vous comprenez mon intention, donc mon désir. Plus encore : que vous le vouliez ou pas, votre cerveau se met en état de vous faire faire la même chose, de vous donner la même envie. Si je baille, il est très probable que vos neurones miroir vont vous faire bailler – parce que ça n’entraîne aucune conséquence – et que vous allez rire avec moi si je ris, parce que l’empathie va vous y pousser. Cette disposition du cerveau à imiter ce qu’il voit faire explique ainsi l’apprentissage. Mais aussi… la rivalité. Car si ce qu’il voit faire consiste à s’approprier un objet, il souhaite immédiatement faire la même chose, et donc, il devient rival de celui qui s’est approprié l’objet avant lui ! (…) C’est la vérification expérimentale de la théorie du « désir mimétique » de René Girard ! Voilà une théorie basée au départ sur l’analyse de grands textes romanesques, émise par un chercheur en littérature comparée, qui trouve une confirmation neuroscientifique parfaitement objective, du vivant même de celui qui l’a conçue. Un cas unique dans l’histoire des sciences ! (…) Notre désir est toujours mimétique, c’est-à-dire inspiré par, ou copié sur, le désir de l’autre. L’autre me désigne l’objet de mon désir, il devient donc à la fois mon modèle et mon rival. De cette rivalité naît la violence, évacuée collectivement dans le sacré, par le biais de la victime émissaire. À partir de ces hypothèses, Girard et moi avons travaillé pendant des décennies à élargir le champ du désir mimétique à ses applications en psychologie et en psychiatrie. En 1981, dans Un mime nommé désir, je montrais que cette théorie permet de comprendre des phénomènes étranges tels que la possession – négative ou positive -, l’envoûtement, l’hystérie, l’hypnose… L’hypnotiseur, par exemple, en prenant possession, par la suggestion, du désir de l’autre, fait disparaître le moi, qui s’évanouit littéralement. Et surgit un nouveau moi, un nouveau désir qui est celui de l’hypnotiseur. (…)  et ce qui est formidable, c’est que ce nouveau « moi » apparaît avec tous ses attributs : une nouvelle conscience, une nouvelle mémoire, un nouveau langage et des nouvelles sensations. Si l’hypnotiseur dit : « Il fait chaud » bien qu’il fasse frais, le nouveau moi prend ces sensations suggérées au pied de la lettre : il sent vraiment la chaleur et se déshabille. De toutes ces applications du désir mimétique, j’en suis venu à la théorie plus globale d’une « psychologie mimétique » – qui trouve également une vérification dans la découverte des neurones miroirs et leur rôle dans l’apprentissage. Le désir de l’autre entraîne le déclenchement de mon désir. Mais il entraîne aussi, ainsi, la formation du moi. En fait, c’est le désir qui engendre le moi par son mouvement. Nous sommes des « moi du désir ». Sans le désir, né en miroir, nous n’existerions pas ! Seulement voilà : le temps psychologique fonctionnant à l’inverse de celui de l’horloge, le moi s’imagine être possesseur de son désir, et s’étonne de voir le désir de l’autre se porter sur le même objet que lui. Il y a là deux points nodaux, qui rendent la psychologie mimétique scientifique, en étant aussi constants et universels que la gravitation l’est en physique : la revendication du moi de la propriété de son désir et celle de son antériorité sur celui de l’autre. Et comme la gravitation, qui permet aussi bien de construire des maisons que de faire voler des avions, toutes les figures de psychologie – normale ou pathologique – ne sont que des façons pour le sujet de faire aboutir ces deux revendications. On comprend que la théorie du désir mimétique ait suscité de nombreux détracteurs : difficile d’accepter que notre désir ne soit pas original, mais copié sur celui d’un autre. (…) Qu’est-ce que l’impossible ? Ce que vous ne pouvez avoir. Pourquoi ? Parce que quelqu’un ou quelque chose, la société ou la culture par exemple, vous l’interdit. Or, en vous l’interdisant, on vous le désigne ! C’est l’arbre du Jardin d’Eden, ou le secret de l’attirance pour les femmes inaccessibles. Chaque psychologie est unique, le mécanisme se décore de tous les fantasmes, de tous les habillages normaux, névrotiques ou psychotiques, mais il est toujours mimétique. (…) Boris Cyrulnik explique (…) que – souvent par défaut d’éducation et pour n’avoir pas été suffisamment regardé lui-même – l’être humain peut ne pas avoir d’empathie. Les neurones miroirs ne se développent pas, ou ils ne fonctionnent pas, et cela donne ce que Cyrulnik appelle un pervers. Je ne sais pas si c’est vrai, ça mérite une longue réflexion.  (…) Ce rôle de la pression sociale est extraordinairement bien expliqué dans Les Bienveillantes, de Jonathan Littel. Il montre qu’en fait, ce sont des modèles qui rivalisent : révolté dans un premier temps par le traitement réservé aux prisonniers, le personnage principal, officier SS, finit par renoncer devant l’impossibilité de changer les choses. Ses neurones miroirs sont tellement imprégnés du modèle SS qu’il perd sa sensibilité aux influences de ses propres perceptions, et notamment à la pitié. Il y a lutte entre deux influences, et les neurones miroirs du régime SS l’emportent. La cruauté envers les prisonniers devient finalement une habitude justifiée. Plutôt qu’une absence ou carence des neurones miroirs, cela indique peut-être simplement la force du mimétisme de groupe. Impossible de rester assis quand la « ola » emporte la foule autour de vous lors d’un match de football – même si vous n’aimez pas le foot ! Parce que tous vos neurones miroirs sont mobilisés par la pression mimétique de l’entourage. De même, les campagnes publicitaires sont des luttes acharnées entre marques voisines pour prendre possession, par la suggestion, des neurones miroirs des auditeurs ou spectateurs. Et c’est encore la suggestion qui explique pourquoi les membres d’un groupe en viennent à s’exprimer de la même façon. (…) Il semblerait normal que les neurones miroirs soient dotés, comme les autres, d’une certaine plasticité. Ils agissent en tout cas tout au long de la vie. Et la pression du groupe n’a pas besoin d’être totalitaire : dans nos sociétés, c’est de façon « spontanée » que tout le monde fait la même chose. (…) Je pense personnellement – mais ce n’est pas scientifiquement prouvé – que des neurones miroirs existent dans tout le cerveau. Pour l’instant, on a en trouvé dans les zones visuelles, et dans celles de la motricité et de la sensibilité. Il y en a certainement aussi dans les zones du langage comme le lobe temporal gauche. Sinon, je ne vois pas comment on pourrait apprendre à parler ! Comment voulez-vous apprendre à parler à un enfant, autrement qu’en parlant devant lui et en répétant les mots jusqu’à ce qu’il les répète lui-même ? J’imagine que chez les grands imitateurs, comme Thierry Le Luron ou Nicolas Canteloup, la zone du langage doit être bourrée de neurones miroirs ! Mais certains confrères se demandent même si, en fait, tous les neurones n’auraient pas la capacité de remplir une fonction miroir. (…) la liberté n’est pas un cadeau que l’homme recevrait, au départ, entier et terminé. Ce que l’on reçoit, c’est la capacité de se libérer progressivement. Non pas tant du désir mimétique lui-même, d’ailleurs, que de la rivalité à laquelle il pousse. Un homme peut très bien revenir à ce stade d’apprentissage qu’il a connu dans l’enfance, quand on lui montrait et qu’il imitait, tout en gardant paisiblement le modèle comme modèle, et se libérer de ce carcan de rivalité qui l’enferme dans la jalousie, l’envie, la violence… La sagesse consiste simplement à finir par apprendre à désirer ce que l’on a, et non pas systématiquement ce que l’on n’a pas. À partir du moment où l’on y parvient, on est non seulement dans la sagesse, mais également libéré. (…) Libre de creuser ce que j’ai. J’ai une conscience. Je peux explorer cette conscience pendant des années, jusqu’à la rendre suraigüe, éveillée. Et capable d’une certaine distance vis à vis des désirs et des comportements que mes neurones miroirs me poussent à imiter. Jean-Michel Oughourlian

Suite à notre dernier billet sur les phénomènes de contagion de type hystérie collective

Petit retour sur un article intéressant du chercheur de l’Université de Gent Simon De Keukelaere qui rappelle la récente confirmation, par les recherches actuelles en neuroscience et en psychologie expérimentale (via la découverte, par l’équipe du chercheur italien Giacomo Rizzolati en 1996, des neurones miroirs, ces étranges neurones imitateurs qui s’activent en miroir de ceux d’un congénère), de l’importance (dès ses premières minutes d’existence!) de l’imitation chez l’être humain.

Mais aussi, comme l’avait découvert René Girard dès les années 60 et à travers l’étude de la littérature, la nature extrêmement paradoxale de l’imitation humaine: source d’intelligence (via l’apprentissage, le langage et la transmission culturelle) et d’empathie, mais aussi de rivalité et de destruction.

Les paradoxes et dangers de l’imitation
Simon De Keukelaere

Universiteit Gent – Belgique

Cet article est le résumé d’un article paru en néerlandais, traduit en français par l’auteur, que nous remercions.

La découverte des neurones miroirs est absolument renversante. C’est aussi la découverte la plus importante et elle est pratiquement négligée parce qu’elle est si monumentale que nul ne sait qu’en faire. – ROBERT SYLVESTER

Les neurones miroir

L’une des plus grandes révolutions scientifiques de notre temps – selon moi, la découverte des « neurones miroirs » – n’a pas encore reçu beaucoup de publicité. Il y a fort à parier toutefois que cette découverte va avoir d’énormes conséquences pour notre compréhension de l’homme. Comme l’a écrit le directeur du Center for Brain and Cognition de l’université de Californie :

The discovery of mirror neurons is the single most important « unreported » story of the decade. I predict that mirror neurons will do for psychology what DNA did for biology: they will provide a unifying framework and help explain a host of mental abilities that have hitherto remained mysterious and inaccessible to experiments. (V.S. Ramachandran, 2000).

(La découverte des neurones miroirs est la plus importante nouvelle non-transmise de la décennie. Je prédis que les neurones miroirs feront pour la psychologie ce que la DNA a fait pour la biologie. Elles vont fournir un cadre unifiant et aider à expliquer une quantité de dispositions mentales qui jusqu’à maintenant restaient mystérieuses et inaccessibles à l’empirisme).

Les neurones miroirs sont des neurones qui s’activent, non seulement lorsqu’un individu exécute lui-même une action, mais aussi lorsqu’il regarde un congénère exécuter la même action. On peut dire en quelque sorte que les neurones dans le cerveau de celui/celle qui observe imitent les neurones de la personne observée; de là le qualitatif ‘miroir’ (mirror neurons).

C’est un groupe de neurologues italiens, sous la direction de Giacomo Rizzolati (1996), qui a fait cette découverte sur des macaques. Les chercheurs ont remarqué – par hasard – que des neurones (dans la zone F5 du cortex prémoteur) qui étaient activés quand un singe effectuait un mouvement avec but précis (par exemple: saisir un objet) étaient aussi activés quand le même singe observait simplement ce mouvement chez un autre singe ou chez le chercheur, qui donnait l’exemple.

Il existe donc dans le cerveau des primates un lien direct entre action et observation. Cette découverte s’est faite d’abord chez des singes, mais l’existence et l’importance des neurones miroirs pour les humains a été confirmée (1). Dans une recherche toute récente supervisé par Hugo Théoret (Université de Montréal), Shirley Fecteau a montré que le mécanisme des neurones miroirs est actif dans le cerveau immature des petits enfants et que les réseaux de neurones miroirs continuent de se développer dans les stades ultérieurs de l’enfance. Il faut ajouter ici que les savants s’accordent pour dire que ces réseaux sont non seulement plus développés chez les adultes (comparé aux enfants), mais qu’ils sont considérablement plus évolués chez les hommes en général comparé aux autres primates (2).

L’homme est un animal social qui diffère des autres animaux en ce qu’il est plus apte à l’imitation, Aristote le disait déjà (Poétique 4). Aujourd’hui on peut tracer les sources cérébrales de cette spécificité humaine. La découverte des neurones miroirs permet de mettre le doigt sur ce qui connecte les cerveaux des hommes. En outre cette découverte a encore confirmé l’importance neurologique de l’imitation chez l’être humain. Comme le dit très bien Scott Garrels (2004) :

Convergent evidence across the modern disciplines of developmental psychology and cognitive neuroscience demonstrate that imitation based on mirrored neural activity and reciprocal interpersonal behaviour are what scaffold human development (p. 3).

(Des preuves convergentes de la psychologie du développement et de la neuroscience cognitive démontrent que l’imitation basée sur l’activité neurale miroir et le comportement réciproque interpersonnel est ce sur quoi est construit le développement humain).

L’imitation est importante pour l’apprentissage, le langage, la transmission culturelle, mais aussi pour l’empathie, par exemple. Qu’on peut mieux saisir l’empathie à l’aide des neurones miroirs est facile à comprendre: très vite l’enfant fait l’expérience de l’autre comme ‘quelque chose’ qui peut ‘faire la même chose’ que lui. En imitant et en étant imité les enfants apprennent que de tous les objets qui les entourent seuls les êtres humains peuvent vivre les mêmes expériences qu’eux.

Un dialogue prometteur

Quand on met le doigt sur le spécifiquement humain il faut s’attendre à un échange entre sciences expérimentales et sciences humaines. En effet, grâce à ces découvertes récentes en neurosciences un dialogue fascinant entre sciences humaines et sciences expérimentales est en train de s’établir. Il faut se référer ici – entre autres – aux volumes de Hurley et Chater Perspectives on Imitation: From Neuroscience to Social Science qui sortent bientôt chez MIT Press (2005).

Avec cet article nous voulons participer un peu à ce dialogue. D’abord en donnant un très bref aperçu historique de l’ancienne vision sur l’imitation qui avait cours dans les sciences humaines, vision désormais révolue. En suite en montrant qu’on peut faire un lien fort étonnant entre l’anthropologie du chercheur franco-américain René Girard et les conclusions récentes de chercheurs en neurobiologie (en se référant d’abord aux travaux de Meltzoff sur le rapport entre imitation et intention). Et finalement en parlant de ce qui me paraît encore une lacune dans la recherche actuelle: le lien qu’on peut faire (et qu’on devrait explorer) entre imitation inconsciente et la naissance de la rivalité, de la violence entre deux (ou plusieurs individus).

DE PLATON À GIACOMO RIZZOLATI ET AL.

Le processus dynamique et intersubjectif nommé ‘imitation’ est vital pour le développement humain et pour la transmission de la culture durant toute notre vie « in ways that we are just beginning to understand » (Hurley & Chater, 2002). Selon les chercheurs nous ne commençons qu’à saisir l’importance de l’imitation et de l’interdépendance des êtres humains (même au niveau cérébral). Jadis cette conscience aiguë n’existait pas. Platon est un des premiers penseurs qui a analysé le phénomène de l’imitation (qu’il nomme mimesis). Toutefois chez lui l’imitation n’est q’une faculté humaine (qui produit des extensions de la vérité idéale dans le monde phénoménal). La mimesis décrite par Platon (par .exemple le peintre imite un objet du monde extérieur) est fort éloignée de cette interdépendance vitale entre congénères que nous montrent les chercheurs d’aujourd’hui.

Les philosophes après Platon ont le plus souvent repris sa vision limitée, tronqué de l’imitation – même s’ils n’étaient pas d’accord avec lui au sujet de l’art. Cette situation a beaucoup contribué au concept moderne du ‘moi autonome’ (Garrels, 2004). Cette influence de Platon, mais aussi des Lumières, a sans doute contribué au fait que ni Freud (3), ni même Piaget n’ont soupçonné la possibilité de l’imitation intersubjective chez les nouveau-nés.

En 1977 deux chercheurs américains, Andrew Meltzoff et Keith Moore, voulaient tester les stades de développement de l’apprentissage préverbal chez Piaget. Par hasard ils ont découvert que même les nouveau-nés étaient parfaitement capables d’apprendre par imitation. Ils ont donc dû critiquer certaines présuppositions de la théorie de Piaget, car d’après le célèbre psychologue suisse une forme élémentaire de représentation symbolique est nécessaire pour pouvoir imiter. C’est pourquoi l’enfant, chez Piaget, ne commence à imiter autrui que vers l’âge d’un an. Meltzoff et Moore ont vérifié ce qu’ils avaient trouvé en 1977 dans les années 1980 (Meltzoff & Moore 1983, 1989) chez des enfants dont la moyenne d’âge était de 32 heures (le plus jeune n’était âgé que de 42 minutes). L’existence et surtout l’importance de l’imitation immédiate chez les nouveau-nés avaient totalement échappé aux chercheurs.

The existence of immediate imitation in development was hardly suspected and its role was ignored. (Nadel & Butterworth, 1999).

Quatre présuppositions importantes sur l’imitation se sont donc avérées fausses (Garrels 2004) :

* Les hommes apprennent progressivement à imiter durant les premières années de l’enfance.
* Une forme élémentaire de représentation symbolique est nécessaire pour pouvoir imiter.
* Les nouveau-nés sont incapables de faire un lien entre ce qu’ils voient chez les autres et ce qu’ils sentent chez eux-mêmes.
* Dès que l’enfant est capable d’imiter cela reste une faculté mineure et enfantine.

Ces présuppositions qui – on le voit aujourd’hui – ont souvent formé le soubassement d’un discours fondamental (philosophique et scientifique) sur l’humain depuis Platon s’avèrent donc erronées. On a longtemps cru aussi que l’imitation est synonyme de comportement grégaire, moutonnier. L’imitation appartient au Moi Inférieur de Valéry ou à ce que Heidegger appelait dédaigneusement le ‘on’ Das Man. Actuellement une telle vision semble inexacte. Il n’y a pas encore trois ans un colloque sur l’imitation a été introduit par les mots suivants :

Imitation … is often thought of as a low-level, relatively childish or even mindless phenomenon. This may be a serious mistake. It is beginning to look, in light of recent work in the cognitive sciences, as if imitation is a rare, perhaps even uniquely human ability, which may be fundamental to what is distinctive about human learning, intelligence, rationality, and culture. (Hurley & Chater, 2002 – cité par Garrels).

(L’imitation … est souvent considérée comme un phénomène mineur, enfantin ou même inepte. Cela est sans doute une grande erreur. Il semble aujourd’hui, à travers les travaux récents en sciences cognitives, que l’imitation est un phénomène exceptionnel, peut-être spécifiquement humain, qui est sans doute fondamental pour tout ce qui est original dans l’apprentissage humain, l’intelligence, la rationalité et la culture).

Ce n’était pas avant les années 1970 que le terme ‘imitation’ est devenue une référence clef dans les bases de données psychologiques. Nadel et Butterworth (1999) ont retrouvé dix études d’avant 1970 qui s’occupaient de l’imitation au-delà des différents stades d’apprentissage. En 1978 ce nombre était déjà élevé à septante-six. Aujourd’hui l’imitation est au centre d’une recherche riche et interdisciplinaire dans la psychologie du développement, les neurosciences, les sciences cognitives, la linguistique, l’éthologie, l’évolution culturelle, la biologie évolutionnaire et l’intelligence artificielle.

IMITATION ET INTENTION

Pour Platon et Aristote l’imitation avait trait à certains types de comportements, des manières, des habitudes individuelles ou collectives, des paroles, des idées, des façons de parler, toujours des représentations (4). Grâce aux recherches actuelles en neuroscience et en psychologie expérimentale nous savons que l’imitation est un phénomène beaucoup plus complexe et ‘intime’ à l’homme: nous n’imitons pas tant des représentations – ce qu’on voit faire un autre par exemple – mais des intentions, des désirs. Récemment Andrew Meltzoff (aujourd’hui responsable du Institute for Learning and Brain Sciences à Washington) a façonné une série d’expériences où l’imitation était employée pour comprendre comment un enfant peut déchiffrer les intentions des adultes à travers leur comportement (Garrels 2004).

Dans une première expérience un chercheur montrait à des petits d’environ 18 mois comment il essayait d’enlever le bout d’un ‘mini-haltère’ pour enfants. Au lieu d’achever l’action il faisait semblant qu’il n’arrivait pas à enlever le bout du jouet. Les enfants ne voyaient donc jamais la représentation exacte du but de l’action. En usant de différents groupes de contrôle les chercheurs ont remarqué que les petits avaient saisi la visée de la démarche (ôter le bout de l’haltère) et qu’ils imitaient cette intention du chercheur et non ce qu’ils avaient réellement vu. Les enfants imitent donc non pas une représentation, mais un but, un dessein. Comme le résume Meltzoff : « Evidently, young toddlers can understand our goals even if we fail to fulfill them. They choose to imitate what we mean to do, rather than what we mistakenly do ». (Meltzoff & Decety, 2003, p. 496). Les enfants comprennent donc les intentions des adultes, même si ces adultes n’arrivent pas à les accomplir. Ils imitent ce que les chercheurs voulaient faire plus que ce qu’ils faisaient concrètement.

La seconde expérience était conçue pour voir si les enfants attribuent des motifs à des objets. Pour ce test les chercheurs avaient fabriqué une petite machine (avec bras et grappins) qui exécutait exactement la même action avortée de la première expérience. Très vite il s’est avéré que les bambins qui avaient profité de cette démonstration n’étaient pas mieux disposés pour attribuer une intention à l’appareil que d’autres qui étaient confronté au petit haltère sans démonstration. Il semble donc que les enfants n’attribuent pas d’intentions à des objets inanimés.

Une troisième expérience allait rendre plus visible encore combien l’enfant prête attention aux motifs de ses congénères et combien ces motifs, ces intentions sont importants pour lui. Dans ce test les bouts du petit haltère étaient collés solidement à la barre. Ils ne pouvaient donc pas être enlevés. Le chercheur répétait ici la même démonstration que dans les expériences précédentes: il essayait d’ôter la part extérieure du jouet mais sa main glissait du bout sans le saisir. Chez les enfants la même chose exactement se produisait nécessairement (les bouts étant collés), mais les bambins n’étaient pas du tout satisfaits par la pure reproduction de ce qu’ils avaient vu faire l’adulte. Ils répétaient leurs tentatives d’enlever le bout, mordaient dedans et lançaient des regards suppliants à maman et au chercheur. Meltzoff écrit:

This work reinforces the idea that the toddlers are beginning to focus on the adult’s goals, not simply their surface actions. It provides developmental roots for the importance of goals in organizing imitation in older children and adults (Meltzoff, 2002, p. 32 – cité par Garrels).

Le travail de Meltzoff renforce donc l’idée selon laquelle les bambins commencent à concentrer leur attention sur les buts des adultes et pas simplement sur leurs actions. Plusieurs savants vont encore plus loin et suggèrent que l’imitation chez l’homme est toujours – à un niveau fondamental – l’imitation d’intentions et de buts plutôt que d’actions et de représentations. Cette hypothèse (en réalité une déduction de nombreuses données empiriques qui vont toutes dans ce sens) a été baptisée la ‘goal-directed theory of imitation'(5).
(Trevarthen, Kokkinaki, & Fiamenghi, 1999; Wohlschlager & Bekkering, 2002)

NEUROBIOLOGIE ET ANTHROPOLOGIE

Un dialogue approfondi entre sciences humaines et sciences ‘dures’ est à souhaiter, la chose est claire. Les sciences humaines ne peuvent pas rester sourdes à ce qui est démontré ailleurs. Et l’inverse est peut-être vrai aussi, dans certains cas. Dans ce cadre il faut noter que plusieurs décennies avant le surcroît spectaculaire de l’intérêt scientifique pour l’imitation un critique littéraire (!) et anthropologue franco-américain avait déjà articulé une théorie autour de l’importance exceptionnelle de l’imitation dans l’homme. Son hypothèse était – curieusement – que l’imitation n’a pas tant trait aux phénomènes extérieurs mais aux intentions, au désir. Ce théoricien de ce qu’il appelle lui-même le désir mimétique, c’est René Girard. La concordance entre ses études et les conclusions scientifiques récentes des chercheurs empiriques sont surprenantes, ‘extraordinaires’ comme le dit Scott Garrels (un chercheur en psychologie clinique) :

The parallels between Girard’s insights and the only recent conclusions made by empirical researchers concerning imitation (in both development and the evolution of species) are extraordinary. (Garrels, 2004, p. 29).

Le contexte dans lequel Girard a développé ses théories est aussi remarquable :

What makes Girard’s insights so remarkable is that he not only discovered and developed the primordial role of psychological mimesis during a time when imitation was quite out of fashion, but he did so through investigation in literature, cultural anthropology, history,… (Garrels, 2004, p. 29).

(Ce qui rend les idées de Girard si remarquables c’est non seulement le fait qu’il ait découvert le rôle primordial de la mimesis psychologique à une époque où l’imitation n’était pas à la mode, mais qu’il a fait cela à travers une recherche dans la littérature, l’anthropologie culturelle, l’histoire…).

LES DANGERS DE L’IMITATION

René Girard a non seulement fait le lien entre imitation et intention, mais aussi entre imitation et violence. La recherche scientifique qui fait le lien entre imitation et violence est assez populaire aujourd’hui, mais les résultats vraiment intéressants ne sont pas encore là. On s’est souvent posé la question si l’exposition de l’enfant à la violence médiatisée influence son comportement. Est-ce que le (jeune) téléspectateur va imiter les représentations de violence à la télévision? Il n’existe pas de réponses tout à fait claires à cette question (Bushman and Huesman, 2001). On a pu constater – par exemple – que des jeux d’ordinateurs violents n’incitent pas nécessairement à la violence. Ces jeux peuvent même avoir des effets ‘cathartiques’ : au lieu de frapper la petite sœur ou le petit frère c’est sur des ennemis virtuels que le joueur se défoule.

René Girard, pour sa part, a vu dans l’imitation non pas (seulement) ce qui communique la violence, mais ce qui la génère: la cause de la violence. Avant d’expliquer comment cela est possible il faut préciser pourquoi la question du lien entre violence et mimesis s’impose aujourd’hui.

Mimesis et violence

Pourquoi cela devient pressant actuellement de questionner le lien entre mimesis et violence ? De nombreuses recherches indépendantes il faut conclure que l’imitation dynamique constitue la condition première du développement humain et une des caractéristiques humaines les plus importantes. Les chercheurs sont d’accord aujourd’hui de définir le cerveau humain comme ‘une énorme machine à imiter’ qui fonctionne à un niveau bien plus élevé que chez les autres primates. De tous les animaux l’homme est le plus ‘mimétique’. Une autre chose au sujet de l’humain s’impose aussi avec évidence: de tous les animaux le plus violent c’est sans aucun doute… l’homme.

Il faut se demander si, par hasard, ces deux observations élémentaires ne sont pas à mettre en rapport. Il n’y a pas cent ans cette idée qu’il pourrait exister une corrélation encore mal connue entre la mimesis et l’origine, la genèse de la violence humaine aurait sans doute semblé incongrue. Le grand théoricien de l’imitation de l’époque, Gabriel Tarde, auteur du fameux livre Les Lois de L’imitation (publié en 1890) voyait en l’imitation la cause première de l’harmonie sociale. Sans être totalement fausse on voit aujourd’hui que cette idée est du moins incomplète :

* L’imitation est d’une importance cruciale pour tout ce qui est typiquement humain dans un sens que nous commençons qu’à découvrir. (Hurley & Chater, 2002)
* Selon Tarde l’imitation humaine est la cause de l’harmonie sociale.

Des deux propositions précédentes il s’ensuivrait que l’harmonie, la paix seraient typiquement, caractéristiquement humaines. L’homme serait l’animal le moins violent. Qui oserait cependant défendre une telle conclusion? Ou bien l’imitation n’est pas si importante, ce qui va à l’encontre d’une masse de données empiriques récentes, ou bien la vision de Gabriel Tarde est fausse ou du moins incomplète. La seconde conclusion semble la meilleure. Mais qu’avons-nous pu ne pas voir au sujet de l’imitation ?

Rivalité mimétique

Si deux hommes désirent la même chose alors qu’il n’est pas possible qu’ils en jouissent tous les deux, ils deviennent ennemis.-HOBBES (Léviathan)

Dans une interview récente Rizzolati (le directeur du groupe de chercheurs qui a découvert les neurones miroirs) a dit : « Le processus d’imitation est limité chez les singes, et c’est souvent dangereux pour eux d’imiter » (5 février 2005 dans Le Figaro). D’où vient ce danger de l’imitation? Rappelons que les neurones dans le cortex prémoteur des singes étudiés par Rizzolati étaient activés quand l’animal effectuait un mouvement avec but précis, le plus souvent ‘saisir un objet’. Imaginons maintenant un singe qui tente de s’emparer d’un objet et un autre qui l’imite aveuglément, ‘inconsciemment’. Ces deux mains également avides qui convergent vers un seul objet ne peuvent manquer de provoquer un … conflit. Voilà que la mimésis peut être la source de conflits, de violence, si l’on voit que les comportements d’acquisition et d’appropriation (le fait de prendre un objet pour soi) sont aussi susceptibles d’être imités. Là chose est claire et pourtant – chose étrange et remarquable – ce type de comportement fort important pour les primates et pour les humains n’a pas été incorporé dans la recherche sur l’imitation :

Ce n’est pas un hasard, sans doute, si le type de comportement systématiquement exclu par toutes les problématiques de l’imitation, de Platon jusqu’à nos jours, est celui auquel on ne peut pas songer sans découvrir aussitôt l’inexactitude flagrante de la conception qu’on se fait toujours de cette ‘faculté’, le caractère proprement mythique des effets uniformément grégaires et lénifiants qu’on ne cesse de lui attribuer. Si le mimétique chez l’homme joue bien le rôle fondamental que tout désigne pour lui, il doit forcément exister une imitation acquisitive ou, si l’on préfère, une mimésis d’appropriation dont il importe d’étudier les effets et de peser les conséquences. (Girard 1978)

Cette remarque pourtant évidente a d’énormes conséquences pour notre compréhension de l’homme. La mimesis devient – du coup – fort paradoxale: elle peut être source d’empathie, de conformisme, mais aussi de rivalité.

Donnons encore un exemple simple, même banal, d’une rivalité qui naît de la mimésis. Imaginons deux bambins dans une pièce pleine de jouets identiques. Le premier prend un jouet, mais il ne semble pas fort intéressé par l’objet. Le second l’observe et essaie d’arracher le jouet à son petit camarade. Celui-là n’était pas fort captivé par la babiole, mais – soudain – parce que l’autre est intéressé cela change et il ne veut plus le lâcher. Des larmes, des frustrations et de la violence s’ensuivent. Dans un laps de temps très court un objet pour lequel aucun des deux n’avait un intérêt particulier est devenu l’enjeu d’une rivalité obstinée. Il faut noter que tout dans ce désir trop partagé pour un objet impartageable est imitation, même l’intensité du désir dépendra de celui d’autrui. C’est ce que Girard appelle la rivalité mimétique, étrange processus de ‘feedback positif’ qui sécrète en grandes quantités la jalousie, l’envie et la haine.

Conclusion

Si l’imitation est souvent dangereuse pour les singes il ne doit pas y en aller autrement pour les humains. Souvent les singes ne risquent pas de se bagarrer à mort pour de la nourriture, des partenaires, un territoire, etc. parce qu’il existe chez eux des freins instinctifs à la violence, des rapports de domination (des ‘dominance patterns’). Chez les hommes, nous le savons, ces freins instinctuels n’existent plus. La violence intraspécifique, la ‘guerre de tous contre tous’ pour reprendre le mot de Hobbes, a du jouer un rôle important dans l’hominisation. Comme le disait déjà Jacques Monod :

Dominant désormais son environnement, l’Homme n’avait devant soi d’adversaire sérieux que lui-même. La lutte intraspécifique directe, la lutte à mort, devenait dès lors l’un des principaux facteurs de sélection dans l’espèce humaine. Phénomène extrêmement rare dans l’évolution des animaux. […] Dans quel sens cette pression de sélection devait-elle pousser l’évolution humaine ? (Monod, 1970).

Comment cet obstacle formidable qu’oppose la violence intraspécifique à la création de toute société humaine a été soulevé? Voilà une question importante. Il faut espérer que les recherches interdisciplinaires sur l’homme vont scruter le problème. Et on ne peut pas ne pas le rencontrer sur sa route si l’on contemple vraiment la nature extrêmement paradoxale de l’imitation humaine: source d’intelligence, d’empathie, mais aussi de rivalité, de destruction.

Notes
(1) Aujourd’hui cela n’est plus une question. On se demande désormais comment les neurones miroirs opèrent chez l’homme et en quoi cela est différent des autres animaux. Voir entre autres : Buccino, G., Lui, F., Canessa, N., Patteri, I., Lagravinese, G., Benuzzi, F., Porro, C.A., and Rizzolatti, G. (2004) Neural circuits involved in the recognition of actions performed by nonconspecifics: An fMRI study. J Cogn. Neurosci. 16: 114-126.
(2) « The human mind demonstrates a greater development of imitative phenomena throughout the lifespan, both quantitatively and qualitatively. » (Garrels, 2004)
Shirley Fecteau: « Ceci montre que le mécanisme des neurones miroirs est actif dans le cerveau immature. L’activation est toutefois plus réduite que celle observée chez les adultes, ce qui indique que ces réseaux, probablement en place dès la naissance, continuent de se développer dans des stades ultérieurs de l’enfance. »
Interview sur le forum ‘online’ de l’Université de Montréal :
http://www.iforum.umontreal.ca/Forum/ArchivesForum/2004-2005/041213/article4195.htm
(3) « It is clear that there is no place in Freud’s theory of early infancy for imitative self-other reciprocity. » (Trevarthen, Kokinaki, & Fiamenghi, 1999, p. 155).
(4) Voir René Girard (1978, p. 17).
(5) Voici ce que disent Wohlschlager et Bekkering :
The goal-directed theory of imitation allows imitators to learn from models even if the differences in motor skills or in body proportions are so huge that the imitator is physically unable to make the same movement as the model. Whatever movement the imitator uses, the purpose of learning by imitation can be regarded as being fulfilled as soon as he reaches the same goal as the model. (Wohlschlager & Bekkering, 2002, p. 104).

Il est aussi intéressant de noter – entre parenthèses – que cette hypothèse récente semble aller un peu à l’encontre de la théorie ‘mémétique’ de Richard Dawkins (1976 The Selfish Gene). Dawkins a forgé une théorie assez fascinante de la culture en tenant compte de l’importance de l’imitation et en extrapolant le schème Darwinien vers le domaine des idées. La tentation est grande, en effet, pour un biologiste de comparer la sélection des idées à l’évolution Darwinienne. Six ans avant le fameux livre de Dawkins le prix Nobel français Jacques Monod écrivait déjà à la fin de son livre Le Hasard et la Nécessité sous le titre ‘la sélection des idées’:

Il est tentant, pour un biologiste, de comparer l’évolution des idées à celle de la biosphère. Car si le Royaume abstrait transcende la biosphère plus encore que celle-ci l’univers non vivant, les idées ont conservé certaines des propriétés des organismes. Comme eux elles tendent à perpétuer leur structure et à la multiplier, comme eux elles peuvent fusionner, recombiner, ségréger leur contenu, comme eux enfin elles évoluent et dans cette évolution la sélection, sans aucun doute, joue un grand rôle. (p. 181).

Mais ajoute Monod : « Je ne me hasarderai pas à proposer une théorie de la sélection des idées.  » Chez Dawkins l’imitation, la reproduction porte sur les ‘idées’ sur des unités d’information (‘mèmes’), des représentations en somme. Les recherches toutes récentes nous montrent – au contraire – que l’imitation humaine porte d’abord sur des intentions. Dans un cadre philosophique on peut dire que Meltzoff et autres dégagent définitivement la mimesis de son ancien contexte d’idéalisme platonicien (et ce platonisme – d’aucuns ont pu le remarquer – semble toujours là chez un Dawkins qui parle d’idéosphère, un peu comme Monod qui parlait du ‘Royaume abstrait des idées’, ce qui implique toujours la vieille conception platonicienne – un peu mythique, il faut l’avouer – selon laquelle les idées ont une existence indépendante des hommes).

Sources
Bushman, B. and Huesmann, L. (2001) « Effects of televised violence on aggression », in D.G. Singer & J.L. Singer (ed.) Handbook of children and the media, Thousand Oaks: Sage, pp. 223-254
Dawkins, Richard, (1976) The Selfish Gene, Oxford University Press.
Garrells, Scott R., (2004) ‘Imitation, Mirror Neurons, & Mimetic desire’ http://www.covr2004.org/garrelspaper.pdf
Girard, René, (1961) Mensonge Romantique et Vérité Romanesque (Paris : Grasset), 1972) La violence et le sacré (Paris: Grasset),
(1978) Des Choses cachées depuis la fondation du monde avec Jean-Michel Oughourlian et Guy Lefort (Paris: Grasset).
Hurley, S. & Chater, N. (2002). Perspectives on imitation: from cognitive neuroscience to social science. Royaumont Abbey, France, 24-26 May.
Nadel, J. & Butterworth, G. (1999). Imitation in Infancy. Cambridge University Press. – Meltzoff, A. & Decety, J. (2003). What imitation tells us about social cognition: a rapprochement between developmental psychology and cognitive neuroscience. Philos. Trans. R. Soc. Lond. B Biol. Sci. 358, 491-500.
Meltzoff, A. & Moore, K. (1977). Imitatoin of facial and manual gestures by human neonates. Science, 198, 75-78
– Meltzoff, A. & Moore, K. (1983). Newborn infants imitate adult facial gestures. Child Development, 54, 702-709
Meltzoff. A. & Moore, K. (1989). Imitation in newborn infants: exploring the range of gestures imitated and the underlying mechanisms. Developmental Psychology, 25, 945-962.
Monod, Jacques, (1970) Le hasard et la nécessité, Seuil.
Ramachandran, V. (2000). Mirror neurons and imitation learning as the driving force behind « the great leap forward » in human evolution. http://www.edge.org/documents/archive/edge69.html
Rizzolati, G., Fadiga, L., Fogassi, L., & Gallese, V. (1996a). Premotor cortex and the Recognition of motor actions. Cognitive Brain Research, 3, 131-141
Tarde, Gabriel, Les lois de l’imitation, Paris 3ème éd. revue et augmentée 1900.
Trevarthen, C. Kokkinaki, T., & Fiamenghi Jr., G. (1999). What infants’ imitations communicate: with mothers, with fathers, with peers. In Imitation in Infancy (ed. Nadel, J. & – Butterworth, G.) pp. 9-35. Cambridge University Press

Voir aussi:

Un concept original a été mis au jour par Giaccomo Rizzolatti (université de Parme, Italie), celui des neurones miroirs. Certains neurones sont activés, chez les grands singes, lorsque l’animal ressent une émotion douloureuse. Ce qui surprend les chercheurs, c’est que les mêmes neurones sont activés lorsque le singe voit un de ses congénères souffrir et se plaindre ! La projection d’un film par le chercheur italien a stupéfait les conférenciers : équipé d’un casque relié à un enregistreur, muni d’un amplificateur sonore, un singe macaque fait « cracher » par ses neurones corticaux de l’aire de Broca une série de « bursts » électriques audibles lorsqu’il ferme la main pour attraper une friandise. Mais, lorsque le chercheur referme devant l’animal sa propre main sur le vide, le cerveau du singe reconnaît le geste, et les mêmes neurones s’activent ! Bien des sportifs savent aussi reproduire dans leur esprit le geste bien appris, bien connu, lorsqu’ils voient leur adversaire le pratiquer. Ces neurones miroirs sont-ils importants pour l’apprentissage, la reconnaissance du geste, servent-ils à imiter pour apprendre mieux ? « Le processus d’imitation est limité chez les singes, et c’est souvent dangereux pour eux d’imiter », remarque Giaccomo Rizzolatti. En reconnaissant, dès le début du geste de l’autre, le « pourquoi du geste » (il va manger, il va poser l’objet dans une boîte), « vous ressentez exactement ce qu’il ressent ». Et le même circuit analyserait aussi les émotions des autres : une caméra de l’altruisme, en quelque sorte.

Le cerveau dévoile peu à peu sa carte des émotions
Jean-Michel Bader
Le Figaro
05/02/2005

Les fondements des valeurs éthiques, esthétiques et morales, sur lesquelles l’homme s’interroge depuis des siècles, n’ont longtemps été qu’une problématique pour philosophes. Mais, avec les moyens nouveaux de l’imagerie médicale, des observations animales, des études comparées de lésions cérébrales, les neurosciences ont fait une irruption remarquée – et parfois crainte – dans ce domaine réservé. Anthropologues, spécialistes de l’évolution, théoriciens de la pensée se sont eux aussi engouffrés dans cette brèche.

Réuni par Yves Christen à la Fondation Ipsen (Neuilly, Hauts-de-Seine), le gratin mondial de la neurobiologie des comportements humains a constaté le 24 janvier dernier le grand retour des émotions dans la genèse des processus de décision. Jugements moraux, décisions esthétiques, analyse mathématique se nourrissent donc aussi de nos émotions pour décider et choisir. C’est un hold-up tranquille : les neurosciences ont mis définitivement le grappin sur un domaine de la réflexion humaine traditionnellement réservé à la philosophie, à l’histoire et à la sociologie. Il faut dire que les preuves expérimentales s’accumulent : il est possible de cartographier les aires cérébrales impliquées dans les processus neurophysiologiques du jugement esthétique, de la compassion, de la honte ou des capacités de raisonnement mathématique.

Bien de ces recherches ont en particulier bénéficié de progrès récents dans la connaissance des mécanismes de convergence des informations cognitives et émotionnelles dans les lobes préfrontaux du cortex cérébral, qui jouent un rôle majeur dans la prise de décision. Ainsi, Camilo Cela-Conde (université des îles Baléares) a confirmé l’existence de circuits liant les lobes préfrontal et temporal médian qui sont activés lorsque nous faisons des jugements de valeur : le cortex préfrontal dorsolatéral est activé lorsque le sujet doit évaluer et comparer des échanges équitables ou injustes.

Antonio et Hanna Damasio (université d’Iowa, Etats-Unis) ont étudié le fonctionnement du cerveau de centaines de malades atteints de lésions de ce cortex préfrontal. Ces patients ont des modifications constantes du comportement social, ne respectent plus leurs engagements, les codes sociaux, sont toujours en retard, et ce sans aucune atteinte de leurs capacités intellectuelles. C’est le niveau de leurs émotions, de leur sensibilité, qui est terriblement diminué. Joshua Greene (université Princeton, Etats-Unis) s’intéresse à la résolution par le cerveau de dilemmes moraux difficiles. Ce sont l’aire corticale cingulée antérieure (à la jonction des aires frontale et temporale) et le cortex préfrontal dorsolatéral qui sont recrutés dans ces cas difficiles où le sujet doit violer ses principes moraux personnels. « On s’aperçoit qu’il existe une sorte de compétition entre des processus cognitifs et émotionnels », explique Joshua Greene. « Effectivement, précise Yves Christen, depuis les travaux récents de Damasio, le retour des émotions comme étant partie prenante des mécanismes cognitifs est la grande révélation de ce colloque. »

Un concept original a été mis au jour par Giaccomo Rizzolatti (université de Parme, Italie), celui des neurones miroirs. Certains neurones sont activés, chez les grands singes, lorsque l’animal ressent une émotion douloureuse. Ce qui surprend les chercheurs, c’est que les mêmes neurones sont activés lorsque le singe voit un de ses congénères souffrir et se plaindre ! La projection d’un film par le chercheur italien a stupéfait les conférenciers : équipé d’un casque relié à un enregistreur, muni d’un amplificateur sonore, un singe macaque fait « cracher » par ses neurones corticaux de l’aire de Broca une série de « bursts » électriques audibles lorsqu’il ferme la main pour attraper une friandise. Mais, lorsque le chercheur referme devant l’animal sa propre main sur le vide, le cerveau du singe reconnaît le geste, et les mêmes neurones s’activent ! Bien des sportifs savent aussi reproduire dans leur esprit le geste bien appris, bien connu, lorsqu’ils voient leur adversaire le pratiquer. Ces neurones miroirs sont-ils importants pour l’apprentissage, la reconnaissance du geste, servent-ils à imiter pour apprendre mieux ? « Le processus d’imitation est limité chez les singes, et c’est souvent dangereux pour eux d’imiter », remarque Giaccomo Rizzolatti. En reconnaissant, dès le début du geste de l’autre, le « pourquoi du geste » (il va manger, il va poser l’objet dans une boîte), « vous ressentez exactement ce qu’il ressent ». Et le même circuit analyserait aussi les émotions des autres : une caméra de l’altruisme, en quelque sorte.

Quant aux erreurs de jugement ou de raisonnement, leurs circuits deviennent également analysables, grâce aux techniques d’imagerie médicale fonctionnelle du cerveau. Olivier Houdé (université Paris-V) a pu découvrir grâce à ces techniques quelles régions du cerveau sont activées quand il prend conscience de ses erreurs. Après une première erreur de raisonnement, un sujet humain reçoit lors d’un second essai l’avertissement qu’un piège l’attend dans l’énoncé d’un problème. Pour le pur raisonnement, ce sont les zones postérieures du cerveau impliquées dans les fonctions perceptives qui collaborent avec le cortex frontal. Mais, lorsque l’émotion (la peur de se tromper) est associée à l’apprentissage, ce sont des zones différentes qui sont activées à l’avant du cerveau, notamment le cortex préfrontal ventro-médian droit. « Or cette zone est justement connue comme une aire qui relie émotions et raisonnement », souligne Olivier Houdé.

COMPLEMENT:

Vos neurones sont des miroirs : c’est pourquoi vous pouvez communiquer

Entretien avec le Pr Jean-Michel Oughourlian

NOUVELLES CLES

Si vous pouvez communiquer avec autrui, c’est grâce à vos « neurones miroirs ». Sans eux, vous seriez psychotiques, ou pervers, incapables d’entrer en empathie. C’est devenu un point central de la connaissance psycho-neuronale. Sans neurones miroirs, pas de relation, pas de culture, pas d’humanité. Qu’est-ce donc qu’un neurone miroir ? Nous avons suivi un colloque sur le sujet, où deux des intervenants étaient Boris Cyrulnik et René Girard, puis interviewé l’organisateur du colloque, le Pr Jean-Michel Oughourlian, éminent spécialiste de ces questions.

La scène se passe en 1995, dans le laboratoire du professeur Giacomo Rizzolatti, chercheur et enseignant en physiologie à l’université de Parme, en Italie. Le savant et son équipe étudient un singe, dont ils ont couvert le crâne de capteurs reliés à un puissant scanner, comme ils le feraient avec un humain. Vient l’heure de la pause. Sans quitter le labo, les chercheurs découpent une pizza et se servent. Dring ! Le scanner du singe se met à sonner. L’animal semble pourtant impassible sur son siège. Mais il regarde attentivement les humains manger et, chaque fois que l’un d’eux tend la main vers un nouveau morceau de pizza, il fait sonner le scanner. Les chercheurs, intrigués, s’approchent de leurs écrans… Et c’est ainsi que commence une formidable nouvelle étape de l’exploration scientifique : la découverte des neurones miroirs, dont le directeur du Center for Brain and Cognition de l’Université de Californie, Vilayanur Ramachandran, n’hésitera pas à écrire, cinq ans plus tard : « Je prédis que les neurones miroirs feront pour la psychologie ce que l’ADN a fait pour la biologie. Ils vont fournir un cadre unifiant et aider à expliquer une quantité de dispositions mentales qui restaient jusqu’à maintenant mystérieuses et inaccessibles à l’empirisme. »

C’est que, intrigués par leur singe, Giacomo Rizzolatti et son équipe, ont fini par analyser et comprendre qu’au moment où l’animal voyait l’un d’eux tendre la main vers un objet désirable, son cerveau mettait en branle exactement le même processus que s’il tendait sa propre main, mais sans bouger. Du coup, les chercheurs italiens ont redoublé d’efforts et, en 1996, ils ont pu annoncer la découverte de cet étonnant processus mimétique, qui nous concerne tous, autant que les singes : chaque fois que nous voyons une autre personne agir, surtout si elle nous paraît semblable à nous, des neurones miroirs « s’allument » dans notre cerveau de la même façon qu’ils le font dans le sien. En peu de temps, les labos de neurophysiologie du monde entier se sont rués sur la nouvelle. Et les plus grandes universités américaines ont invité Rizzolatti à venir bénéficier de leurs équipements, autrement luxueux que ceux de Parme…

Récemment, un soir d’octobre 2007, à l’Hôpital Américain de Neuilly, des spécialistes du pet-scan (la machine qui permet d’espionner les neurones avec cette finesse), notamment le Pr Pierre Bustany, de l’Université de Caen, et des psychiatres, dont Boris Cyrulnik, invités par l’association Recherches Mimétiques, animée par le Pr Jean-Michel Oughourlian, nous ont ébahis, présentant les dernières percées sur les neurones miroirs. Un pianiste joue et, sur l’écran du scanner, une véritable symphonie de couleurs nous révèle la magnifique complexité de ce qui se passe dans son cerveau. Mais à côté, un autre pianiste ne fait que l’écouter, et c’est quasiment la même symphonie de couleurs ! (en revanche, dans le cerveau d’un auditeur non musicien, il ne se passe pas grand chose…).

Fait capital : c’est apparemment grâce aux neurones miroirs que notre appareil neuronal s’est structuré, pendant les deux ou trois années qui ont suivi notre naissance, par mimétisme de nos parents ou des personnes s’occupant de nous. Si, pour une raison quelconque, le processus mimétique ne se met pas en place au début de la vie d’un individu, celui-ci devient, presque à tous les coups, psychotique : ne ressentant rien des sensations d’autrui, il ne pourra pas communiquer avec lui et, dans certains cas, pourra éventuellement torturer son prochain sans gêne – pour Boris Cyrulnik, c’est la définition même du pervers. Le neurone-miroir serait donc littéralement à la base de l’empathie. De la relation. De la compassion. De la culture.

Ce soir-là, à l’Hôpital Américain de Neuilly, un autre invité prestigieux a pris la parole : René Girard, venu pour signaler qu’un génie comme Dante avait compris toute cette histoire de mimétisme – par exemple, dans La Divine comédie, Paolo et Francesca, condamnés à l’enfer pour crime d’adultère, sont en réalité deux innocents, qui ne se désiraient pas au début et n’ont fait que mimer ce que leur montrait un livre… À 85 ans, René Girard, enseignant la littérature comparée dans les universités de Stanford et de Duke (États-Unis) et membre de l’Académie française, est l’inventeur de la fameuse théorie du « désir mimétique », qui a jeté les bases d’une nouvelle anthropologie, associant la violence et le religieux. Girard travaille sur sa théorie depuis le début des années 60, mais il est devenu célèbre à partir de 1978, quand est paru le livre Des Choses cachées depuis la fondation du monde, où il s’entretenait avec le Dr Jean-Michel Oughourlian, professeur de psychologie à la Sorbonne, celui-là même qui a organisé le colloque de 2007 sur les neurones miroirs. Nous sommes donc allés à la rencontre de ce dernier, pour qu’il nous dise comment s’articulent toutes ces données étonnantes et révolutionnaires.

Nouvelles Clés : Pourquoi la découverte des neurones miroirs suscite-t-elle tant d’enthousiasme de la part des chercheurs dans toutes les disciplines, des neurosciences à la psychiatrie ou la philosophie ? Qu’ont-ils de si important ?

Pr. Oughourlian : Le phénomène est déjà fabuleux en soi. Imaginez un peu : il suffit que vous me regardiez faire une série de gestes simples – remplir un verre d’eau, le porter à mes lèvres, boire -, pour que dans votre cerveau les mêmes zones s’allument, de la même façon que dans mon cerveau à moi, qui accomplis réellement l’action. C’est d’une importance fondamentale pour la psychologie. D’abord, cela rend compte du fait que vous m’avez identifié comme un être humain : si un bras de levier mécanique avait soulevé le verre, votre cerveau n’aurait pas bougé. Il a reflété ce que j’étais en train de faire uniquement parce que je suis humain. Ensuite, cela explique l’empathie. Comme vous comprenez ce que je fais, vous pouvez entrer en empathie avec moi. Vous vous dites : « S’il se sert de l’eau et qu’il boit, c’est qu’il a soif. » Vous comprenez mon intention, donc mon désir. Plus encore : que vous le vouliez ou pas, votre cerveau se met en état de vous faire faire la même chose, de vous donner la même envie. Si je baille, il est très probable que vos neurones miroir vont vous faire bailler – parce que ça n’entraîne aucune conséquence – et que vous allez rire avec moi si je ris, parce que l’empathie va vous y pousser. Cette disposition du cerveau à imiter ce qu’il voit faire explique ainsi l’apprentissage. Mais aussi… la rivalité. Car si ce qu’il voit faire consiste à s’approprier un objet, il souhaite immédiatement faire la même chose, et donc, il devient rival de celui qui s’est approprié l’objet avant lui !

N.C. : La rivalité serait donc inhérente à nos neurones eux-mêmes ?

J.-M. O. : Mais oui ! C’est la vérification expérimentale de la théorie du « désir mimétique » de René Girard ! Voilà une théorie basée au départ sur l’analyse de grands textes romanesques, émise par un chercheur en littérature comparée, qui trouve une confirmation neuroscientifique parfaitement objective, du vivant même de celui qui l’a conçue. Un cas unique dans l’histoire des sciences !

Rappelons rapidement les découvertes de Girard. Le mimétisme du désir constitue sa première grande hypothèse ; la seconde est le lien entre violence, victime émissaire et sacré.

Notre désir est toujours mimétique, c’est-à-dire inspiré par, ou copié sur, le désir de l’autre. L’autre me désigne l’objet de mon désir, il devient donc à la fois mon modèle et mon rival. De cette rivalité naît la violence, évacuée collectivement dans le sacré, par le biais de la victime émissaire. À partir de ces hypothèses, Girard et moi avons travaillé pendant des décennies à élargir le champ du désir mimétique à ses applications en psychologie et en psychiatrie. En 1981, dans Un mime nommé désir, je montrais que cette théorie permet de comprendre des phénomènes étranges tels que la possession – négative ou positive -, l’envoûtement, l’hystérie, l’hypnose… L’hypnotiseur, par exemple, en prenant possession, par la suggestion, du désir de l’autre, fait disparaître le moi, qui s’évanouit littéralement. Et surgit un nouveau moi, un nouveau désir qui est celui de l’hypnotiseur.

N.C. : La personne n’existe plus, elle est « fondue » dans son miroir ?

J.-M. O. : Oui, et ce qui est formidable, c’est que ce nouveau « moi » apparaît avec tous ses attributs : une nouvelle conscience, une nouvelle mémoire, un nouveau langage et des nouvelles sensations. Si l’hypnotiseur dit : « Il fait chaud » bien qu’il fasse frais, le nouveau moi prend ces sensations suggérées au pied de la lettre : il sent vraiment la chaleur et se déshabille. De toutes ces applications du désir mimétique, j’en suis venu à la théorie plus globale d’une « psychologie mimétique » – qui trouve également une vérification dans la découverte des neurones miroirs et leur rôle dans l’apprentissage. Le désir de l’autre entraîne le déclenchement de mon désir. Mais il entraîne aussi, ainsi, la formation du moi. En fait, c’est le désir qui engendre le moi par son mouvement. Nous sommes des « moi du désir ». Sans le désir, né en miroir, nous n’existerions pas !

Seulement voilà : le temps psychologique fonctionnant à l’inverse de celui de l’horloge, le moi s’imagine être possesseur de son désir, et s’étonne de voir le désir de l’autre se porter sur le même objet que lui. Il y a là deux points nodaux, qui rendent la psychologie mimétique scientifique, en étant aussi constants et universels que la gravitation l’est en physique : la revendication du moi de la propriété de son désir et celle de son antériorité sur celui de l’autre. Et comme la gravitation, qui permet aussi bien de construire des maisons que de faire voler des avions, toutes les figures de psychologie – normale ou pathologique – ne sont que des façons pour le sujet de faire aboutir ces deux revendications. On comprend que la théorie du désir mimétique ait suscité de nombreux détracteurs : difficile d’accepter que notre désir ne soit pas original, mais copié sur celui d’un autre.

N.C. : Même quand je désire quelque chose d’interdit ou d’impossible, d’inaccessible, où le mimétisme d’un « autre » ne semble pas évident ?

J.-M. O. : Bien sûr. Qu’est-ce que l’impossible ? Ce que vous ne pouvez avoir. Pourquoi ? Parce que quelqu’un ou quelque chose, la société ou la culture par exemple, vous l’interdit. Or, en vous l’interdisant, on vous le désigne ! C’est l’arbre du Jardin d’Eden, ou le secret de l’attirance pour les femmes inaccessibles. Chaque psychologie est unique, le mécanisme se décore de tous les fantasmes, de tous les habillages normaux, névrotiques ou psychotiques, mais il est toujours mimétique.

N.C. : Et si l’on en croit ce qui a été dit lors du colloque que vous avez organisé en octobre 2007, les neurones miroirs seraient actifs dès la naissance ?

J.-M. O. : Il semble en effet que l’essentiel se joue dans les toutes premières années. Tout ceci recoupe parfaitement les travaux d’Andrew Meltzoff, à l’université de  Seattle, l’une des personnalités marquantes de la psychologie génétique (appelée « psychologie du développement » aux États-Unis). Il a montré que les bébés imitent extrêmement tôt. Il faut qu’ils voient, bien sûr – beaucoup de nouveaux-nés n’ont pas encore la vision -, mais certains peuvent imiter l’expression d’un visage adulte dès leur naissance, alors même qu’ils n’ont pas encore vu celui de leur mère, mais seulement celui de l’expérimentateur. Après trente ans passés à accumuler ces observations, Andrew Meltzoff saute de joie à l’idée que les neurones miroirs viennent confirmer sa théorie !

N.C. : L’empathie nous serait donc naturelle ? Dans certains cas, pourtant, ce mécanisme semble ne pas se mettre en place. Je pense par exemple à ce paysan polonais dans le film Shoah de Claude Lanzmann, racontant comment, quand il labourait ses champs en bordure du camp d’Auschwitz, il bravait l’interdiction des Allemands et « regardait quand même ». « Vous regardiez, lui demande Lanzmann, et ça ne vous faisait pas mal ? » Et le paysan répond : « Mais monsieur, quand vous vous coupez le doigt, ça ne me fait pas mal, à moi ! » Qu’en est-il des neurones miroirs, dans un tel cas ?

J.-M. O. : Boris Cyrulnik explique cela par le fait que – souvent par défaut d’éducation et pour n’avoir pas été suffisamment regardé lui-même – l’être humain peut ne pas avoir d’empathie. Les neurones miroirs ne se développent pas, ou ils ne fonctionnent pas, et cela donne ce que Cyrulnik appelle un pervers. Je ne sais pas si c’est vrai, ça mérite une longue réflexion. Ce paysan polonais sait que le véritable interdit n’est pas de regarder, mais de réagir ou de commenter – au risque de se retrouver lui-même en danger. Alors il n’éprouve rien, ou plutôt une seule chose : le soulagement de ne pas être de l’autre côté. Ouf ! Le groupe auquel il appartient n’est pas menacé. Ce rôle de la pression sociale est extraordinairement bien expliqué dans Les Bienveillantes, de Jonathan Littel. Il montre qu’en fait, ce sont des modèles qui rivalisent : révolté dans un premier temps par le traitement réservé aux prisonniers, le personnage principal, officier SS, finit par renoncer devant l’impossibilité de changer les choses. Ses neurones miroirs sont tellement imprégnés du modèle SS qu’il perd sa sensibilité aux influences de ses propres perceptions, et notamment à la pitié. Il y a lutte entre deux influences, et les neurones miroirs du régime SS l’emportent. La cruauté envers les prisonniers devient finalement une habitude justifiée. Plutôt qu’une absence ou carence des neurones miroirs, cela indique peut-être simplement la force du mimétisme de groupe. Impossible de rester assis quand la « ola » emporte la foule autour de vous lors d’un match de football – même si vous n’aimez pas le foot ! Parce que tous vos neurones miroirs sont mobilisés par la pression mimétique de l’entourage. De même, les campagnes publicitaires sont des luttes acharnées entre marques voisines pour prendre possession, par la suggestion, des neurones miroirs des auditeurs ou spectateurs. Et c’est encore la suggestion qui explique pourquoi les membres d’un groupe en viennent à s’exprimer de la même façon.

N.C. : Tout ne se joue donc pas uniquement avant deux ans ?

J.-M. O. : Non, et Cyrulnik est le premier à le dire lorsqu’il parle de résilience. Il semblerait normal que les neurones miroirs soient dotés, comme les autres, d’une certaine plasticité. Ils agissent en tout cas tout au long de la vie. Et la pression du groupe n’a pas besoin d’être totalitaire : dans nos sociétés, c’est de façon « spontanée » que tout le monde fait la même chose.

N.C. : Les neurones miroirs se trouvent-ils partout dans le cerveau, ou seulement dans certaines zones ?

J.-M. O. : On ne sait pas encore. Ces découvertes sont récentes, les recherches nécessitent des appareils à émission de positron (PET Scan) très coûteux. Je pense personnellement – mais ce n’est pas scientifiquement prouvé – que des neurones miroirs existent dans tout le cerveau. Pour l’instant, on a en trouvé dans les zones visuelles, et dans celles de la motricité et de la sensibilité. Il y en a certainement aussi dans les zones du langage comme le lobe temporal gauche. Sinon, je ne vois pas comment on pourrait apprendre à parler ! Comment voulez-vous apprendre à parler à un enfant, autrement qu’en parlant devant lui et en répétant les mots jusqu’à ce qu’il les répète lui-même ? J’imagine que chez les grands imitateurs, comme Thierry Le Luron ou Nicolas Canteloup, la zone du langage doit être bourrée de neurones miroirs ! Mais certains confrères se demandent même si, en fait, tous les neurones n’auraient pas la capacité de remplir une fonction miroir.

N.C. : Neurones miroirs, désir mimétique, pression du groupe… Tout ceci nous amène à une question éternelle, mais cruciale : qu’en est-il de la liberté humaine, si nous tous nos désirs ne sont qu’imitation ?

J.-M. O. : Ma réponse est simple : la liberté n’est pas un cadeau que l’homme recevrait, au départ, entier et terminé. Ce que l’on reçoit, c’est la capacité de se libérer progressivement. Non pas tant du désir mimétique lui-même, d’ailleurs, que de la rivalité à laquelle il pousse. Un homme peut très bien revenir à ce stade d’apprentissage qu’il a connu dans l’enfance, quand on lui montrait et qu’il imitait, tout en gardant paisiblement le modèle comme modèle, et se libérer de ce carcan de rivalité qui l’enferme dans la jalousie, l’envie, la violence… La sagesse consiste simplement à finir par apprendre à désirer ce que l’on a, et non pas systématiquement ce que l’on n’a pas. À partir du moment où l’on y parvient, on est non seulement dans la sagesse, mais également libéré.

N.C. : Dès lors que je suis sans désir de possession, je suis content de ce que j’ai, et donc libre ?

J.-M. O. : Libre de creuser ce que j’ai. J’ai une conscience. Je peux explorer cette conscience pendant des années, jusqu’à la rendre suraigüe, éveillée. Et capable d’une certaine distance vis à vis des désirs et des comportements que mes neurones miroirs me poussent à imiter.

Propos recueillis par Patrice van Eersel et mis en forme par Sylvain Michelet

20 Responses to Sciences cognitives: René Girard confirmé par la neuroscience (Mirror neurons confirm importance of imitation in humans)

  1. […] indirectement les hypothèses de René Girard sur le mimétisme et les recherches récentes sur les neurones miroir, notamment la nature extrêmement paradoxale de l’imitation humaine: source d’intelligence (via […]

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  2. […]  Le processus d’imitation est limité chez les singes, et c’est souvent dangereux pour eux d’imiter. Giaccomo Rizzolatti […]

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  3. […] D’où, autre spécificité du discours évangélique souvent inaperçue des commentateurs mais bien décrite par Girard (qui précise néanmoins qu’il « ne tient pas toute défense face à la violence pour illégitime » et que son « point de vue n’est pas celui d’un pacifisme inconditionnel »), l’impérieuse nécessité, dans un univers désormais dépourvu de ses ennemis et de ses béquilles sacrificielles (« Il vaut mieux qu’un seul homme meure et que la nation entière ne périsse pas. » Caïphe, souverain sacrificateur, Jean 11: 50), d’un traitement radical de la violence (couper court à l’emballement et donc ne pas répondre à la provocation) qui tienne aussi compte du caractère collectif (ie. sujet à la contagion mimétique) des conduites humaines (confirmé aujourd’hui par la science et notamment les neurosciences). […]

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  4. […] Les neurones miroirs sont des neurones qui s’activent, non seulement lorsqu’un individu exécute lui-même une action, mais aussi lorsqu’il regarde un congénère exécuter la même action. On peut dire en quelque sorte que les neurones dans le cerveau de celui/celle qui observe imitent les neurones de la personne observée; de là le qualitatif ‘miroir’ (mirror neurons). C’est un groupe de neurologues italiens, sous la direction de Giacomo Rizzolati (1996), qui a fait cette découverte sur des macaques. Les chercheurs ont remarqué – par hasard – que des neurones (dans la zone F5 du cortex prémoteur) qui étaient activés quand un singe effectuait un mouvement avec but précis (par exemple: saisir un objet) étaient aussi activés quand le même singe observait simplement ce mouvement chez un autre singe ou chez le chercheur, qui donnait l’exemple. Il existe donc dans le cerveau des primates un lien direct entre action et observation. Cette découverte s’est faite d’abord chez des singes, mais l’existence et l’importance des neurones miroirs pour les humains a été confirmée (1). Dans une recherche toute récente supervisé par Hugo Théoret (Université de Montréal), Shirley Fecteau a montré que le mécanisme des neurones miroirs est actif dans le cerveau immature des petits enfants et que les réseaux de neurones miroirs continuent de se développer dans les stades ultérieurs de l’enfance. Il faut ajouter ici que les savants s’accordent pour dire que ces réseaux sont non seulement plus développés chez les adultes (comparé aux enfants), mais qu’ils sont considérablement plus évolués chez les hommes en général comparé aux autres primates. Simon De Keukelaere […]

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  5. […] Les neurones miroirs sont des neurones qui s’activent, non seulement lorsqu’un individu exécute lui-même une action, mais aussi lorsqu’il regarde un congénère exécuter la même action. On peut dire en quelque sorte que les neurones dans le cerveau de celui/celle qui observe imitent les neurones de la personne observée; de là le qualitatif ‘miroir’ (mirror neurons). C’est un groupe de neurologues italiens, sous la direction de Giacomo Rizzolati (1996), qui a fait cette découverte sur des macaques. Les chercheurs ont remarqué – par hasard – que des neurones (dans la zone F5 du cortex prémoteur) qui étaient activés quand un singe effectuait un mouvement avec but précis (par exemple: saisir un objet) étaient aussi activés quand le même singe observait simplement ce mouvement chez un autre singe ou chez le chercheur, qui donnait l’exemple. Il existe donc dans le cerveau des primates un lien direct entre action et observation. Cette découverte s’est faite d’abord chez des singes, mais l’existence et l’importance des neurones miroirs pour les humains a été confirmée (1). Dans une recherche toute récente supervisé par Hugo Théoret (Université de Montréal), Shirley Fecteau a montré que le mécanisme des neurones miroirs est actif dans le cerveau immature des petits enfants et que les réseaux de neurones miroirs continuent de se développer dans les stades ultérieurs de l’enfance. Il faut ajouter ici que les savants s’accordent pour dire que ces réseaux sont non seulement plus développés chez les adultes (comparé aux enfants), mais qu’ils sont considérablement plus évolués chez les hommes en général comparé aux autres primates. Simon De Keukelaere […]

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  6. […] L’homme est un animal social qui diffère des autres animaux en ce qu’il est plus apte à l’imitation, Aristote le disait déjà (Poétique 4). Aujourd’hui on peut tracer les sources cérébrales de cette spécificité humaine. La découverte des neurones miroirs permet de mettre le doigt sur ce qui connecte les cerveaux des hommes. En outre cette découverte a encore confirmé l’importance neurologique de l’imitation chez l’être humain. Les neurones miroirs sont des neurones qui s’activent, non seulement lorsqu’un individu exécute lui-même une action, mais aussi lorsqu’il regarde un congénère exécuter la même action. On peut dire en quelque sorte que les neurones dans le cerveau de celui/celle qui observe imitent les neurones de la personne observée; de là le qualitatif ‘miroir’ (mirror neurons). Simon De Keukelaere […]

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  7. jcdurbant dit :

    La façon dont les couples dorment ensemble influencerait et serait influencée par la façon avec laquelle leur relation fonctionne. Le sommeil d’un couple marié est davantage synchronisé que le sommeil des individus choisis au hasard. Cela suggère que nos habitudes de sommeil sont régulées en partie par la personne avec qui l’on dort », conclut Heather Gun

    http://www.topsante.com/couple-et-sexualite/amour-et-couple/vie-de-couple/couple-dormir-au-meme-rythme-pour-etre-heureux-59779

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  8. […] Le phénomène est déjà fabuleux en soi. Imaginez un peu : il suffit que vous me regardiez faire une série de gestes simples – remplir un verre d’eau, le porter à mes lèvres, boire -, pour que dans votre cerveau les mêmes zones s’allument, de la même façon que dans mon cerveau à moi, qui accomplis réellement l’action. C’est d’une importance fondamentale pour la psychologie. D’abord, cela rend compte du fait que vous m’avez identifié comme un être humain : si un bras de levier mécanique avait soulevé le verre, votre cerveau n’aurait pas bougé. Il a reflété ce que j’étais en train de faire uniquement parce que je suis humain. Ensuite, cela explique l’empathie. Comme vous comprenez ce que je fais, vous pouvez entrer en empathie avec moi. Vous vous dites : « S’il se sert de l’eau et qu’il boit, c’est qu’il a soif. » Vous comprenez mon intention, donc mon désir. Plus encore : que vous le vouliez ou pas, votre cerveau se met en état de vous faire faire la même chose, de vous donner la même envie. Si je baille, il est très probable que vos neurones miroir vont vous faire bailler – parce que ça n’entraîne aucune conséquence – et que vous allez rire avec moi si je ris, parce que l’empathie va vous y pousser. Cette disposition du cerveau à imiter ce qu’il voit faire explique ainsi l’apprentissage. Mais aussi… la rivalité. Car si ce qu’il voit faire consiste à s’approprier un objet, il souhaite immédiatement faire la même chose, et donc, il devient rival de celui qui s’est approprié l’objet avant lui ! (…) C’est la vérification expérimentale de la théorie du « désir mimétique » de René Girard ! Voilà une théorie basée au départ sur l’analyse de grands textes romanesques, émise par un chercheur en littérature comparée, qui trouve une confirmation neuroscientifique parfaitement objective, du vivant même de celui qui l’a conçue. Un cas unique dans l’histoire des sciences ! (…) Notre désir est toujours mimétique, c’est-à-dire inspiré par, ou copié sur, le désir de l’autre. L’autre me désigne l’objet de mon désir, il devient donc à la fois mon modèle et mon rival. De cette rivalité naît la violence, évacuée collectivement dans le sacré, par le biais de la victime émissaire. À partir de ces hypothèses, Girard et moi avons travaillé pendant des décennies à élargir le champ du désir mimétique à ses applications en psychologie et en psychiatrie. En 1981, dans Un mime nommé désir, je montrais que cette théorie permet de comprendre des phénomènes étranges tels que la possession – négative ou positive -, l’envoûtement, l’hystérie, l’hypnose… L’hypnotiseur, par exemple, en prenant possession, par la suggestion, du désir de l’autre, fait disparaître le moi, qui s’évanouit littéralement. Et surgit un nouveau moi, un nouveau désir qui est celui de l’hypnotiseur. (…)  et ce qui est formidable, c’est que ce nouveau « moi » apparaît avec tous ses attributs : une nouvelle conscience, une nouvelle mémoire, un nouveau langage et des nouvelles sensations. Si l’hypnotiseur dit : « Il fait chaud » bien qu’il fasse frais, le nouveau moi prend ces sensations suggérées au pied de la lettre : il sent vraiment la chaleur et se déshabille. De toutes ces applications du désir mimétique, j’en suis venu à la théorie plus globale d’une « psychologie mimétique » – qui trouve également une vérification dans la découverte des neurones miroirs et leur rôle dans l’apprentissage. Le désir de l’autre entraîne le déclenchement de mon désir. Mais il entraîne aussi, ainsi, la formation du moi. En fait, c’est le désir qui engendre le moi par son mouvement. Nous sommes des « moi du désir ». Sans le désir, né en miroir, nous n’existerions pas ! Seulement voilà : le temps psychologique fonctionnant à l’inverse de celui de l’horloge, le moi s’imagine être possesseur de son désir, et s’étonne de voir le désir de l’autre se porter sur le même objet que lui. Il y a là deux points nodaux, qui rendent la psychologie mimétique scientifique, en étant aussi constants et universels que la gravitation l’est en physique : la revendication du moi de la propriété de son désir et celle de son antériorité sur celui de l’autre. Et comme la gravitation, qui permet aussi bien de construire des maisons que de faire voler des avions, toutes les figures de psychologie – normale ou pathologique – ne sont que des façons pour le sujet de faire aboutir ces deux revendications. On comprend que la théorie du désir mimétique ait suscité de nombreux détracteurs : difficile d’accepter que notre désir ne soit pas original, mais copié sur celui d’un autre. (…) Qu’est-ce que l’impossible ? Ce que vous ne pouvez avoir. Pourquoi ? Parce que quelqu’un ou quelque chose, la société ou la culture par exemple, vous l’interdit. Or, en vous l’interdisant, on vous le désigne ! C’est l’arbre du Jardin d’Eden, ou le secret de l’attirance pour les femmes inaccessibles. Chaque psychologie est unique, le mécanisme se décore de tous les fantasmes, de tous les habillages normaux, névrotiques ou psychotiques, mais il est toujours mimétique. (…) Ce rôle de la pression sociale est extraordinairement bien expliqué dans Les Bienveillantes, de Jonathan Littel. Il montre qu’en fait, ce sont des modèles qui rivalisent : révolté dans un premier temps par le traitement réservé aux prisonniers, le personnage principal, officier SS, finit par renoncer devant l’impossibilité de changer les choses. Ses neurones miroirs sont tellement imprégnés du modèle SS qu’il perd sa sensibilité aux influences de ses propres perceptions, et notamment à la pitié. Il y a lutte entre deux influences, et les neurones miroirs du régime SS l’emportent. La cruauté envers les prisonniers devient finalement une habitude justifiée. Plutôt qu’une absence ou carence des neurones miroirs, cela indique peut-être simplement la force du mimétisme de groupe. Impossible de rester assis quand la « ola » emporte la foule autour de vous lors d’un match de football – même si vous n’aimez pas le foot ! Parce que tous vos neurones miroirs sont mobilisés par la pression mimétique de l’entourage. De même, les campagnes publicitaires sont des luttes acharnées entre marques voisines pour prendre possession, par la suggestion, des neurones miroirs des auditeurs ou spectateurs. Et c’est encore la suggestion qui explique pourquoi les membres d’un groupe en viennent à s’exprimer de la même façon. (…) Il semblerait normal que les neurones miroirs soient dotés, comme les autres, d’une certaine plasticité. Ils agissent en tout cas tout au long de la vie. Et la pression du groupe n’a pas besoin d’être totalitaire : dans nos sociétés, c’est de façon « spontanée » que tout le monde fait la même chose. Jean-Michel Oughourlian […]

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  9. jcdurbant dit :

    BIOMIMICRY (From seashells to unbreakable glass)

    “Natural materials have evolved for millions of years, they are optimized materials. For instance, seashells are 3,000 times tougher than the materials they are made of… you can learn a lot from how they deform and behave and decide how these mechanisms translate into synthetic materials for your work. Synthetic materials are really reaching their limits and engineers can’t do much more, there are ways of improving these materials… our inspiration is optimization of these materials and providing new and better materials to work with.”

    Mohammad Mirkhalaf

    Seashells (for example mollusk shells) are composed of mainly brittle ingredients, like chalk, but their inner layer contains mother of pearl (or nacre), a natural material composed of microscopic patterns known to be extremely strong and tough. Barthelat and his team focused their work on how seashells behave and deform, and specifically studied the internal weak boundaries of materials like nacre. Using their understanding of these boundaries, the research team used lasers to engrave jigsaw-like networks of 3D micro-cracks into glass slides, mimicking these weak boundaries.

    Their technique amplified the toughness of the glass, overcoming its main downfall of being brittle. The micro-cracks served as a control mechanism for stopping other cracks from branching and becoming larger, absorbing energy from the impact in the process. By segmenting the glass material and creating weak interfaces, they were able to guide and localize the damage.

    Using nature as a muse for innovative and sustainable solutions, such as synthesizing new material, is referred to as biomimicry, which translates to “imitation of nature,” from the Greek words bios and mimesis. Barthelat emphasizes the importance of drawing inspiration from nature, calling the process as common sense, as it draws upon natural materials that have withstood the test of time.

    So what would happen if you were to drop this new, tougher glass? Well, according to Barthelat, nothing really. “It would deform a little and absorb the energy from the impact.” Rather than shattering into little pieces, which you somehow manage to find weeks later (even after a thorough clean), the glass just bends or dents upon impact. Although Barthelat does mention there are current height limitations, as the glass would shatter if dropped from great heights, they are trying to improve this through more research, by using “an impact tower, where you drop stuff and see if it breaks.”

    There has been some concern expressed over how this glass is produced and if it would cause recycling problems, but Barthelat was quick to dismiss these worries stating that the “glass has the same properties, we don’t change the chemistry, we are just putting in defects, micro-cracks, it’s very environmentally friendly.” He also added that the glass “is actually cheaper to produce” compared to current manufacturing processes.

    Though tight-lipped, Barthelat said they “are currently working with companies for specific applications,” giving no specific timelines. He mentions that the applications are endless, impacting industries that produce “windows, drinking glasses, electronics, and anywhere you see glass.”

    The team is now looking to expand their research to other materials like ceramics. Barthelat is very excited to “explore the realm of applications,” referring to this research as a “breakthrough,” sentiments Mirkhalaf shares. “The question is, can we do what nature does?” he says. “I’m excited because I think it’s the next generation of materials,” Mirkhalaf adds …

    http://www.mcgilldaily.com/2015/02/seashells-inspired-unbreakable-glass/

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  10. jcdurbant dit :

    Here, we describe newly discovered stone tool-use behaviour and stone accumulation sites in wild chimpanzees reminiscent of human cairns. In addition to data from 17 mid- to long-term chimpanzee research sites, we sampled a further 34 Pan troglodytes communities. We found four populations in West Africa where chimpanzees habitually bang and throw rocks against trees, or toss them into tree cavities, resulting in conspicuous stone accumulations at these sites. This represents the first record of repeated observations of individual chimpanzees exhibiting stone tool use for a purpose other than extractive foraging at what appear to be targeted trees. The ritualized behavioural display and collection of artefacts at particular locations observed in chimpanzee accumulative stone throwing may have implications for the inferences that can be drawn from archaeological stone assemblages and the origins of ritual sites.
    Introduction

    In both contemporary and ancient human societies, stone piles are often used to mark natural cavities in the landscape for caching food, as well as paths and important places1, and can hold a more symbolic meaning for burials2, ceremonial counting3, and the establishment of shrines4. Through archaeology, analyses of stone assemblages have provided us with insight into the technological and cognitive abilities of ancestral hominins5. It is therefore notable that the use of stone tools has also been observed in wild populations of nonhuman primates, including chimpanzees, one of our closest living relatives6,7. Primate archaeology has therefore emerged as a new field of research where archaeological evidence from nonhuman primates can be compared to our own8,9. Any similarities may not only challenge, but may also illuminate the interpretations of stone accumulations in human prehistory.

    Thirty-one TRSs located within the Pan troglodytes range were sampled between 2011 and 2015 for a period of 14–17 months. An additional three TRSs were on-going and studied for less than 14 months, for a total of 34 (see Supplementary Table 1). At four TRSs: (Boé, Guinea-Bissau; Sangaredi, Guinea; Mt. Nimba, Liberia and Comoé GEPRENAF, Côte d’Ivoire; Fig. 1) we found multiple hollow and/or buttressed trees exhibiting clear signs of wear with an accumulation of rocks at their base or inside the tree (Fig. 2). Using remote video camera traps, we subsequently filmed chimpanzees at each of these four TRSs approaching focal trees with a stone in their hand, or grabbing a stone from the base or from inside the tree’s hollow cavities, and then proceeding to throw it (N = 64 total stone throwing events; Table 1). We observed three particular variants of the behaviour: the rock was thrown at the tree using one or both hands (‘hurl’); hit repeatedly against the tree while the chimpanzee held it (‘bang’); or thrown into the hollow tree or a hollow groove formed by large buttress roots (‘toss’; Table 1; Supplementary Movies 1–7). The individuals observed in the camera trap footage were mainly adult males, but we also observed an adult female and a juvenile exhibiting the behaviour (Supplementary Movies 1 and 6). Common to all accumulative stone throwing observations exhibited by adults (N = 63) was the pant hoot vocalization, in particular the introduction and/or build-up phase25, which occurred after or while the individual picked up and handled the rock (Fig. 3). The pant hoot is a characteristic feature of the ritualized agonistic displays of adult male chimpanzees, which typically also involves piloerection, bipedal stance, hand and feet drumming on buttress roots of trees and, in some populations, is preceded by leaf-clipping25,26,27. Unfortunately, audio was recorded for only 50 of the 64 events captured on camera traps, so we may underestimate the variation in vocal behaviour accompanying accumulative chimpanzee stone throwing. We further observed that rock handling and throwing was sometimes accompanied by the individual swaying back and forth while bipedal and piloerect, and even leaf-clipping (Supplementary Movie 4; Fig. 3), all behaviours associated with a typical chimpanzee display27. When the rock was thrown, this was often, but not always, accompanied by the climax phase of the pant hoot consisting of scream elements and drumming with the hands or feet on the tree25,26. In some cases we do not have footage of the full series of behaviours since camera trap videos are limited in length (60 seconds), and cameras were triggered at varying times for each accumulative stone throwing event captured …

    http://www.nature.com/articles/srep22219

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  11. jcdurbant dit :

    DANGEROUS GAMES (Quand la Roquette joue à la guerre des gangs américains)

    Une vingtaine de jeunes de la bande de Riquet – un quartier sensible du XIXe – armés de bâtons et de couteaux, seraient venus narguer une dizaine de personnes d’un groupe du XIe arrondissement, en train de tourner un clip de rap, rue de la Roquette. C’est au cours d’un bref affrontement, mais d’une rare violence, survenu devant des passants impuissants que l’adolescent a été poignardé. Hospitalisé en urgence à La Salpêtrière (XIIIe), il a succombé à ses blessures peu de temps après son arrivée…

    http://www.leparisien.fr/paris-75/paris-emotion-apres-la-mort-d-un-ado-de-15-ans-rue-de-la-roquette-14-01-2018-7500603.php

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  12. jcdurbant dit :

    THE CONTINUATION OF ISLAMIZATION BY OTHER MEANS (From choir singing and rosary to yoga mantra and.. Muslim football chanting !)

    “If he’s good enough for you, he’s good enough for me. If he scores another few, then I’ll be Muslim too. . He’s sitting in the mosque, that’s where I want to be” …

    https://www.the-scientist.com/the-nutshell/choir-singers-synchronize-heartbeats-39045

    « One need only think of football stadiums, work songs, hymn singing at school, festival processions, religious choirs or military parades. Research shows that synchronised rites contribute to group solidarity.”

    Vickoff

    https://www.independent.co.uk/news/science/new-study-shows-how-singing-synchronises-choirs-heartbeat-8698315.html

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  13. jcdurbant dit :

    WORLD’S OLDEST CITY VINDICATES GIRARD’S THEORY (Catharsis through violent imagery: It seems that there could be a link between the violence in the imagery at Çatalhöyük and the lack of violence on human bodies)

    Do violence and death act as the foci of transcendent religious experience during the transitions of the early Holocene in the Middle East, and are such themes central to the creation of social life in the first large agglomerations of people?

    Violent imagery is seen at Göbekli Tepe (in the animals with bared teeth) and at Çatalhöyük (for example, the wild boar teeth and vulture beaks placed in walls). Hodder and Meskell have described other examples from eastern Turkey and the northern Levant, and the rather fewer examples in the southern Levant. Shults has attempted to understand this imagery in terms of the intensification it produced. He argued that in such moments of intense or heightened experience there was an awareness of the need for a new understanding of the self in relation to others. The participant was thus released to find a place in the world in a new way. The productive aspects of violence, rather than negative connotations, are often overlooked by archaeologists. Indeed, the very term ‘violence’ might be unhelpful — as it may be other aspects of what we perceive as violent scenes that may be more salient. Thus a leopard claw may be kept and deposited in a burial because it indexes a powerful animal or because it endures rather than because it represents death and violence.

    R. Girard has provided a useful framework for interpreting the violent imagery at Çatalhöyük. For him religion is a way of managing and evacuating the violence generated inside the human community. Most archaic religions show a narrative that involves going through violence to resolution. At Çatalhöyük there is often a pairing, two cranes, two skulls or two confronting leopards in deadlock. The other key symbol is the reverse of this — a group of people surrounding an exaggerated animal. The bull is about to be killed and taken into the house. The people will kill and be reconciled. This is not a matter of worshipping violence, but of peace produced through violence. There is a destructuring in the deadlock and a resolution into a new structure if the bull is treated right. Bloch has noted that violence would have been a central theme in Çatalhöyük. (…) it seems likely that there would have been much conflict over resources in the dense town. And yet there is much evidence from the human remains at the site that the people at Çatalhöyük had lived non-violent lives. There were few indications of the cuts, wounds, parry fractures, or crushed skulls. So how had the potential to violence been so well managed at Çatalhöyük? (…) it seems that there could indeed be a link between the violence in the imagery at Çatalhöyük and the lack of violence on human bodies. (There may have been regional variation in the Middle East Neolithic, with perhaps more evidence of bodily violence at Çayönü.) At Çatalhöyük, social violence was dealt with by living within a symbolic, transcendent world of violence in which conflicts were resolved and social structures made permanent. The view that the violent imagery at Çatalhöyük and other sites had a key role in creating the social and the long-term as people first settled down and formed complex societies is sum-marized in Fig. 2. In this diagram, on the central horizontal axis, the person is made social through violence and death, either through initiation and other rituals or in the daily interactions with bull horns and other animal parts present or made absent in the house. In the lower part of the diagram, this social process is linked to the transcendental and the spiritual as persons experience something beyond themselves that is integral to their lives. Spiritual power is gained by individuals in these experiences, but also is controlled by elders. In the upper part of the diagram these spiritual powers are related to social powers. The social manipulation of rituals and symbols of violence give power to elders and dominant houses. There is also evidence that the power of wild animals was used to provide or protect. Thus in fi g. 1 the bull horns surround and protect the ancestors buried beneath the platform and in one case wild goat horns were found over, perhaps protecting, a bin containing lentils (Building 1). This is a very different conception of the symbolism and ritual associated with the origins of agriculture and settled vil-lages from that normally outlined. It has become commonplace to argue that the early farmers would have emphasized ideas of fertility, nurturing and abundance. The earliest settled settlements are often associated with images of women, sometimes interpreted as pregnant or fertile and much atten-tion is paid to the few female figurines that have been found. But in fact male and phallic imagery is common, linked to images of wild male animals at Göbekli Tepe and Çatalhöyük. Social rules and roles seem to have been established in these first communities largely through a conception of the world in which violence and dangerous wild animals played a central part (…) Keane has discussed violence and death based on a Sum-banese example. He argues that there is a bundle of many different things that killing large dangerous animals does. The process is not unitary, and violence might not be the most important aspect. One aspect that he stresses because it is consistent with other things going on at Çatalhöyük is that killing big animals is a dramatic display of the control over the transition from life to death, visible to invisible, presence to absence. Thus, once again, social power is created through violence and death. Turning to the social role of death, it is clear that this played an important part in the building of house-based social groups at Çatalhöyük. It is clear that while all houses were very similar in size and elaboration at the site, some houses were larger, more elaborate, and lasted longer than others. These more elaborate houses often contained more burials than other houses and indeed seem to have been used as repositories of the dead from other houses. Thus some physical sun-dried mud-brick houses became ‘houses’ of people held together by the circulation of human remains. Because these ‘houses’ also seem to have amassed animal parts, to be curated and passed down as memorials of feasts and animal kills, and because they also contained other symbolic elaboration such as reliefs and paintings, these houses have been termed ‘history houses’. This focus on history houses, and on the wider category of house societies to which they belong, might seem like an unnecessary tangent in a discussion about religion. But in fact this would be a misunderstanding of the role of the house at Çatalhöyük. In house based societies, houses are ‘religion’. As we have seen above, the play of presence and absence that is the religious process at Çatalhöyük takes place in the floor platforms, ridges, accoutrements, burials of the house. In par-ticular, the heads of wild animals and humans are passed down from generation to generation within individual houses and between houses. Following Bloch, we can say that the virility of wild bulls installed in the material house reanimated the social house. The passing down of the objects of the house and the remembering and reliving of earlier houses constituted the social through the religious. A quantitative analysis of the houses at Çatalhöyük has attempted to explore the differences between history houses and other houses. Little difference could be found between these two house types in terms of access to resources. So how was it possible for some houses to gain social and spiritual power through the amassing of skulls and wild bull horns and human burials while others did not? Keane has suggested that bull horns accumulated over a career. The marks in a house (horns, paintings, etc.) were historical, they were traces of events. Some houses never got marks or burials, and they might be categorically different from those that did (maybe branch or cadet lines, for example). But the differences among houses with marks may have been historical in nature, not categorical. Over generations, some houses acquired more events than others. Houses with 60 burials probably were categorically different from those with none. But houses with many bucrania or paintings were also houses that had persisted long enough to acquire more marks. As archaeologists we catch them at a late stage in the career of accumulating marks. The quantity of marks is in part a function of time. This explanation begs the question of why some houses persisted longer than others. Perhaps many contingent factors were involved. But it remains possible that the more persistent and long-lasting houses were those that most effectively manipulated marks and absences; those that came to be recognized as good at protecting the dead were also most able at reanimate the traces of kills and feasts.

    CONCLUSION

    It is clear that, to a large extent, recent research at Çatalhöyük, both comparative and empirical, has largely confirmed the value of responding to the ideas in Cauvin’s seminal 2000 book. It may not have been helpful to separate the mental, the symbolic, the religious from daily life and certainly a separate religious institutional sphere cannot be identifi ed at Çatalhöyük. Such separations are produced in our own time but not in the time of the Neolithic. The recent finds from Göbekli Tepe and other sites have demonstrated that female symbol-ism was only part of a wider suite of symbols in which males and violence played equally important roles. It seems evident that symbolic and religious components of life were central to the domestication of plants and animals and that they played an early and formative role, even if they were not originators. It also seems clear that changes in the conceptualization of humans in relation to animals were an early and necessary part of the gradual process of domesticating animals in the Middle East. The evidence thus seems to support the rather more nuanced version of the Neolithisation process found in parts of Cauvin’s book and described in the introduction to this article. Rather than religion or new forms of agency being prime causes in the domestication of plants and animals and the emergence of settled villages, religion and the symbolic were thoroughly engrained within the interstices of the new way of life. Reli-gion played a primary role, allowing new forms of agency, setting up a symbolic world of violence through which new longer-term social and economic relations could be produced, but there is not good evidence that it was an independent cause of the changes. Perhaps more important than the specific claims of Cauvin and the particular responses to them, his work has attracted very wide discussion across a swathe of disciplines. As a result, the debate about the role of religion in the Neolithic has been transformed and brought into closer dialogue with anthropology, philosophy and religious studies. The result is richer and more complex and it is to Cauvin that we should offer thanks; he who set us on this broader and more productive path, thinking new thoughts and encountering new ideas and data on the way.

    Ian Hodder

    Cliquer pour accéder à paleo_0153-9345_2011_num_37_1_5442.pdf

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  14. jcdurbant dit :

    DOWNFALL OF AN ANCIENT UTOPIA

    “We believe people in Çatalhöyük were quite equal, but it might not have been the nicest society to live in. Residents had to submit to a lot of social control — if you didn’t fit in, you presumably left. What Çatalhöyük may show is that such a society only works with strong homogeneity. For many generations, it was very unacceptable for individual households to accumulate. Once they started to do so, there is evidence that more problems started to arise. (…) The head wounds, in a way, confirm the idea of a controlled society. They suggest that violence was contained and regulated, not something that led to large-scale killing.”

    Ian Hodder

    One of the enduring mysteries of Çatalhöyük is how this early society was organized: The hundreds of homes excavated thus far exhibit remarkable unity in how they were built, arranged and decorated, with no sign of any distinctive structure that could have served as an administrative or religious center. In most of the layers of successive settlement, each household seems to have had a similar amount of goods and wealth, and a very similar lifestyle. It’s primarily in the most recent uppermost layers, after about 6500 B.C., that signs of inequality begin to emerge. Hodder speculates that this uniformity, as well as a strong shared system of beliefs and rituals, kept people together in the absence of leaders. He cautions, however, that it may not have been an egalitarian utopia.

    “We believe people in Çatalhöyük were quite equal, but it might not have been the nicest society to live in,” he says. “Residents had to submit to a lot of social control — if you didn’t fit in, you presumably left. What Çatalhöyük may show is that such a society only works with strong homogeneity. For many generations, it was very unacceptable for individual households to accumulate [wealth]. Once they started to do so, there is evidence that more problems started to arise.”

    Some of the new evidence for this theory comes from Çatalhöyük’s human remains lab. There, Ohio State University’s Joshua Sadvari noticed something odd about one of the hundreds of skulls in the lab’s collection, the world’s largest single Neolithic assemblage. Team leaders Christopher Knüsel of the University of Bordeaux and Bonnie Glencross of Wilfrid Laurier University took a closer look.

    “The cranium had a depressed fracture,” says Knüsel. “We started going through the other remains looking for more.” He and Glencross found dozens of skulls with similar wounds, all showing a consistent pattern of injury to the top back of the skull. “The pattern of the wounds suggests that most of them were inflicted by thrown projectiles, but all of them were healed, meaning they were not fatal.” They speculate that the attacks that caused the injuries were meant only to stun, perhaps to control wayward members of the group, or to abduct outsiders as wives or slaves.

    In line with Hodder’s theory, the skulls with this characteristic were found primarily in later levels of the site, when more independence and differentiation between households started to emerge. Hodder speculates that, with these inequalities potentially creating new tensions among the community’s members, non-fatal violence may have been a means to keep everyone in check and prevent or diffuse full-fledged conflicts that could break the settlement apart. “The head wounds, in a way, confirm the idea of a controlled society,” Hodder says. “They suggest that violence was contained and regulated, not something that led to large-scale killing.”

    Kickstarting the Anthropocene

    The Çatalhöyük site is divided between two low hills on an otherwise flat plain. Today’s visitors see a predominantly dry landscape stretching in all directions, but the original settlers were likely drawn there by the now much-diminished Çarsamba river — what’s left of it runs through a channel alongside a rural road leading to the site. When Çatalhöyük was first settled, however, the river’s marshy wetlands would have provided fish and water birds for food, and wet clay for building and replastering their homes.

    Researchers believe the very process of digging for clay changed the river’s drainage and eventually its course, which may have contributed to the abandonment of what they call the East Mound for the nearby West Mound around 6000 B.C. It’s evidence that suggests humans at Çatalhöyük — and possibly elsewhere — were already having an impact on Neolithic ecosystems and even the climate.

    Most scientific literature holds that the Anthropocene, the period of human activities influencing the environment, began with the industrial era in the 1700s, explains Hodder. “But you could argue that this impact goes back much further, starting in the Neolithic period at places like Çatalhöyük,” he says. “Farming ends the reciprocal relationship with nature that hunters had. At Çatalhöyük, we see evidence of deforestation, of extensive burning, of erosion and of large-scale grazing transforming the environment.” The trend of reworking the landscape, first begun in Neolithic times, continues today: Heavy use of irrigation has turned the area into one of modern-day Turkey’s agricultural centers.

    Hodder’s team planned additional soil coring of the area around Çatalhöyük this summer. Their hope is to find more details about how the local environment changed during roughly two millennia of settlement, and how those changes may have affected people’s behavior, perhaps even contributing to the site’s eventual dissolution circa 5500 B.C.

    Ruminating on Technology

    Farmers in the Fertile Crescent, more than 200 miles east of Çatalhöyük, began domesticating cattle around 8000 B.C. By 6500 B.C., the practice had moved to parts of Turkey’s Central Anatolia, Çatalhöyük’s general neighborhood. But evidence of domesticated cattle at Çatalhöyük is scarce until after the move to the West Mound. Compared with their neighbors, the people of Çatalhöyük appear to have been “late adopters” of that era’s hottest new innovation: domesticated cattle.

    “Every domesticated animal is a hugely complex new technology that offers great potential for change, but also requires great investments,” says Katheryn Twiss, an associate professor of archaeology at Stony Brook University and co-director of Çatalhöyük’s faunal analysis laboratory. “If you have cattle, you can start to plow, but you also have to be able to get enough water and graze, and to keep them healthy and safe from predators. There may have been reasons to resist adopting this technological advance.”

    Some 3 million animal bones have been found at Çatalhöyük — primarily from sheep and cattle, but also goats, horses, dogs, boar, fox, deer, hare and other species. Twiss’ team has been analyzing them to determine when, and why, the settlement transitioned from hunting to herding. Ongoing research may link the arrival of domesticated cattle with emerging inequality between households, and increasingly individualistic behavior among Çatalhöyük residents.

    Questions of Gender Roles

    Site discoverer James Mellaart and other archaeologists believed that Çatalhöyük was a matriarchal society — these early theories were based in part on clay figurines found in the settlement and believed to represent a “mother goddess.” Although researchers have since largely dismissed the idea of a matriarchy, some intriguing evidence suggests relatively high levels of gender equality.

    Researchers have found more than 500 individual human skeletons on site, most interred below the plaster floors of Çatalhöyük’s homes. Some remains were subsequently disinterred and their skulls reburied with other bodies, possibly as a form of ancestor worship. Analysis of the site’s remains has not shown significant gender-based differences in how the dead were buried, including their grave goods or which skulls were later removed and placed with other individuals. Studies of the Neolithic residents’ teeth likewise reveal no major gender discrepancies in wear patterns, as would occur, for example, if men had more regular access to meat than did women.

    “Teeth are usually really well-preserved and can tell you so much about diet and health, in addition to genetic relationships and social structure,” says Marin Pilloud of the University of Nevada, Reno, who studies the size and shape of teeth as part of her work in Çatalhöyük’s human remains lab.

    The relatively warm climate at Çatalhöyük and contamination issues from the previous generation of digs have made it difficult to analyze genetic material, so Pilloud uses teeth as a proxy for DNA. “Sixty to 80 percent of the variation in tooth size and shape can be attributed to genetics,” she says. Her research thus far has shown greater variation among female teeth than those from males, suggesting more women than men married into the community.

    Analysis of bone development has also revealed some subtle differences between men and women in terms of manual labor. Says excavation director Hodder: “Women seem to have been more involved in activities related to grinding grain, while men were more active in throwing” — a movement linked to hunting with spears.

    Hodder cautions, however, against drawing too many conclusions about a society so distant from our own. Current theories about Çatalhöyük’s level of gender equality may one day seem as quaint as Mellaart’s belief that its residents were goddess worshippers. “Interpretations will change, different ideas will come along,” Hodder says. “What’s important is leaving a detailed set of data that people can play with, test new hypotheses against, and mine endlessly.”

    http://discovermagazine.com/2016/sept/10-paradise-lost

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  15. jcdurbant dit :

    UN PEU DERANGE (Monkey see, monkey do: Ce n’est pas la première fois que le film « Joker » qui montre un homme qui a des problèmes mentaux provoque des réactions en salle)

    « Si le film est tout public, il attire aussi une population particulière, notamment des gens contre le système. Il y a d’ailleurs eu des petits incidents dans d’autres cinémas. »

    Direction du Rex

    « Ce film montre un homme qui a des problèmes mentaux, dans une société froide, une société d’inégalités, une société qui ne s’occupe pas de ces gens mis de côté qui sombrent dans la folie. Il est possible que des spectateurs , fragiles psychologiquement, se sentent galvanisés par ce scénario. »

    Patrick (26 ans, spectateur de Joker)

    Un homme a crié « Allah akbar » pendant une séance du film, dimanche soir, semant la panique dans le cinéma. Cet homme est en garde à vue, le Grand Rex a porté plainte. L’homme qui avait pris la fuite après la projection de Joker a pu être interpellé un peu après. Ce lundi, ce spectateur qui serait d’après une source proche du dossier « un peu dérangé », était en garde à vue, poursuivi pour « apologie du terrorisme ». De son côté, le Grand Rex a porté plainte..

    « J’étais avec ma copine, témoigne Benjamin*. Au milieu du film, un mec, qui était accompagné d’un autre homme, a crié C’est politique. Il a répété au moins 6 fois la phrase. Au début, les gens rigolaient, puis certains s’en sont inquiétés et d’autres lui ont demandé de se taire. Là, le mec s’est mis debout et en portant les mains sur son torse a crié Allah akbar. Des gens, paniqués, se sont mis à courir vers les sorties mais les portes étaient bloquées. Certains pleuraient. Une mère cherchait sa fille. Une porte s’est débloquée ».

    « C’était l’émeute ! », poursuit de son côté Victor, un autre spectateur « traumatisé ». « Le mec, qui était assis vers le 10e rang, s’est mis à crier puis à marmonner en arabe. Quelqu’un a dit (à tort, NDLR qu’il avait une arme. Là, ça a été la panique totale. Ce sont des images que je n’oublierai pas. Les gens ont escaladé leurs sièges. Dans les allées, il y avait des femmes par terre et d’autres qui les enjambaient ».

    Ce lundi matin, la direction du Grand Rex confirmait l’incident et la plainte mais minimisait les faits. « Evidemment que les portes de secours étaient ouvertes. Et il n’y a eu que quelques dizaines de spectateurs en panique. D’ailleurs, les autres sont restés pour voir le film jusqu’au bout ». La direction salue cependant « la réactivité de spectateurs qui, avec le vigile, ont tenté de ceinturer l’individu en attente de la police ». En vain. Le suspect s’est enfui.

    Une source proche de l’enquête recadre ces propos : « Toute la salle a été évacuée. Le commissariat du IXe a pris les choses au sérieux. Les démineurs du laboratoire central de la préfecture de police ont débarqué avec les chiens et ont ratissé la salle ». « Il n’y a pas eu de blessés, poursuite cette source. Aucun élément suspect n’a été découvert dans la salle».

    Le suspect, lui, a tenté de s’enfuir. Il a d’abord été mis au sol par des spectateurs courageux avec le vigile. Mais a réussi à se relever et courir. Un témoin a cependant réussi à lui arracher son blouson, lequel contenait son téléphone et un pass Navigo à son nom.

    Au final, le suspect, demeurant à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), âgé de 34 ans, a été rattrapé par une patrouille de police derrière le Rex, rue d’Hauteville (Xe), non armé.

    Certains spectateurs ont eu la double peine… Ils se sont fait dépouiller. Des voleurs ont profité de la situation pour faire main basse sur des sacs et des effets.

    Ce n’est pas la première fois que le film « Joker » provoque des réactions en salle. Si le film est tout public, « il attire aussi une population particulière, précise la direction du Rex, notamment des gens contre le système. Il y a d’ailleurs eu des petits incidents dans d’autres cinémas ».

    « Ce film montre un homme qui a des problèmes mentaux, décrypte Patrick, 26 ans, spectateur de Joker, dans une société froide, une société d’inégalités, une société qui ne s’occupe pas de ces gens mis de côté qui sombrent dans la folie. Il est possible que des spectateurs , fragiles psychologiquement, se sentent galvanisés par ce scénario ».

    Ce lundi en début en soirée, la garde à vue du suspect a été levée, « suite à un examen de comportement », précise une source judiciaire. Le trentenaire a été admis à l’infirmerie psychiatrique de la préfecture de police.

    * Son prénom a été modifié …

    http://www.leparisien.fr/paris-75/paris-il-seme-la-panique-au-grand-rex-pendant-la-projection-du-film-joker-28-10-2019-8181642.php

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  16. jcdurbant dit :

    NO PUBLIC SEX, PLEASE, WE’RE HUMANS (Just like incest: Why is it so difficult to admit that having much less instinctual protection against their own violence than animals, humans have to be much more careful about inciting it ?)

    Yitzchak Ben Mocha, an anthropologist with Zürich University, (…) found that virtually every known culture practices private mating—even in places where privacy is difficult to find. He also looked for examples of other animals mating in private, and found none, except for the babblers. He also found that there were no explanations for it, and in fact, there were very few other people wondering why humans have such a proclivity. And, not surprisingly, he was unable to find any evolutionary theories on the topic. Ben Mocha concludes his paper by introducing a theory of his own—he believes that the reason humans (and babblers) began looking for privacy during sex was because the male wanted to prevent other males from seeing his female partner in a state of arousal. Such a state, he suggests, would likely have encouraged other males to attempt to mate with her. Thus, privacy, or perhaps more accurately, seclusion, allowed the male to maintain control over a sexual partner—while also allowing for continued cooperation within a group. He further suggests that the study of the evolution of private mating could lead to a better understanding of how thinking skills in humans matured as they learned to function in groups.

    https://phys.org/news/2020-08-humans-private.html

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