Aide au développement: Qui délivrera l’Afrique de nos Bono? (Africans say No to Bono)

bonoPuisqu’on l’opprime dans sa race et à cause d’elle, c’est d’abord de sa race qu’il lui faut prendre conscience. Ceux qui, durant des siècles, ont vainement tenté, parce qu’il était  nègre, de le réduire à l’état  de  bête, il faut qu’il les oblige à le reconnaître  pour un homme. Or il n’est pas ici d’échappatoire, ni de tricherie, ni de « passage de ligne  » qu’il puisse envisager : un Juif, blanc parmi les  blancs, peut nier qu’il  soit juif, se déclarer un homme parmi les hommes. Le nègre ne peut  nier qu’il  soit  nègre ni réclamer pour lui cette abstraite humanité incolore : il est noir. Ainsi est-il acculé à l’authenticité : insulté, asservi, il se redresse, il ramasse  le  mot de « nègre » qu’on lui a  jeté comme une pierre, il se revendique  comme noir, en face du blanc, dans la fierté. L’unité finale qui rapprochera tous les opprimés  dans le même combat doit être  précédée aux colonies par ce que je nommerai le moment de la séparation ou de la négativité : ce racisme  antiraciste est le  seul chemin qui puisse  mener à l’abolition  des  différences de race. Jean-Paul Sartre (Orphée noir, 1948)
L’assistance est vraisemblablement la pire des catastrophes de la région, car elle rend possibles l’explosion démographique, les règlements de comptes interethniques, le financement de la guerre, la corruption et l’indifférence aux problèmes sociaux, notamment la précarité sanitaire. Denis-Clair Lambert
[La négrologie, c’est] deux choses. D’une part, la négritude, en clair la réaction d’une avant-garde d’étudiants africains établis dans les années 1930 en Occident aux préjugés dont ils étaient la cible. Une réaction aujourd’hui convertie en riposte de masse renvoyant à l’expéditeur un racisme qui colle à la peau pour s’attribuer des valeurs immuables, irréductibles à l’universel. C’est la crispation identitaire d’Africains qui se sentent relégués à la marge de la modernité. La négrologie, c’est d’autre part une série de mythes dérivés de faits historiques avérés – la traite esclavagiste et le colonialisme – selon lesquels tous les malheurs du continent plongent leurs racines dans ces tragédies: ainsi, les Africains seraient victimes, et jamais acteurs, de leur destin. (…) La couverture de l’Afrique au jour le jour s’en tient à un lexique recevable par le grand public, qui dépolitise et, de fait, travestit les réalités. C’est une écriture à double fond. J’ai voulu rompre avec cette duplicité de la bonne conscience. (…) Partie avec d’énormes handicaps, laissée pour compte après des décennies de paternalisme et de tutelle, l’Afrique a subi au lendemain de la chute du mur de Berlin les effets de guerres dévastatrices, de l’effondrement de l’Etat et du naufrage des rêves qui la propulsaient vers l’avant par l’éducation ou l’essor matériel. Malgré les efforts consentis par leurs parents, seuls 27% des écoliers vont au bout du cycle élémentaire. Ce traumatisme fait de la jeune génération – plus de la moitié des Africains ont moins de 15 ans – une génération de desperados. Le présent, pour eux, n’a pas d’avenir. (…)  Quand j’écris l’Afrique meurt, je pense: des Africains meurent. Voyez, sur le front du sida, le Sud-Africain Thabo Mbeki: voilà un jeune président très bien formé, respectable, mais enkysté dans l’idée d’une renaissance africaine nécessairement précédée d’une épreuve analogue à la grande peste du XIVe siècle en Europe. Il croit à l’existence d’un «sida africain» qui frapperait en particulier l’homme noir. Cette vision a coûté la vie à des dizaines, sinon des centaines, de milliers de malades, privés de traitements appropriés. (…) Un de mes souvenirs les plus troublants d’étudiant étranger débarquant à Paris, c’est qu’à l’université mes condisciples noirs étaient notés de façon très indulgente. Le corps professoral estimait que ces enfants de notables formaient un précieux réseau d’influence. Ce type d’attitude, mélange de bienveillance et de calcul, constitue à mes yeux la pire forme du racisme. Si nous ne sortons pas de cette prison cutanée, comment ceux qui furent victimes de conduites racistes en sortiraient-ils? L’opinion réagit de façon anormale. Au cours des cinq années écoulées, la crise du Congo-Kinshasa a coûté la vie à plus de 3 millions de personnes. Où sont les intellectuels européens? Où sont les reportages? Pourquoi ce silence? Parce qu’on digère mieux les morts africains que les autres. Un seul émissaire étranger de haut niveau a assisté en 1995 aux cérémonies du premier anniversaire du génocide rwandais: la vice-Premier ministre ougandaise. L’ambassadeur de France avait pris congé. Peut-on imaginer cela en d’autres temps et sous d’autres cieux? Il paraît normal de mourir en masse en Afrique, puisque tout y est « primitif et sauvage ». Ce continent n’a pourtant pas le monopole de la cruauté. (…) L’Occident n’a jamais abandonné sa quête de l’homme fort. Qui est au roi nègre ce que la « bonne gouvernance » est à la corruption: une litote. Les Américains ont cherché des leaders providentiels endurcis par le maquis. Meles Zenawi en Ethiopie, Yoweri Museveni en Ouganda. Modèles voués à l’échec, puisque rien n’a été entrepris au niveau des institutions. A la clef, des individus isolés, en lévitation au-dessus de leur société. Tout autant que les dinosaures Omar Bongo (Gabon) ou Gnassingbé Eyadéma (Togo), mais plus féroces dans la répression. (…) La politique africaine de la France a été infiniment paternaliste. Pourquoi ses élites récusent-elles le constat de l’effondrement de l’Etat en Afrique? A gauche: parce qu’il conduirait à l’apologie d’une tutelle. A droite: parce qu’il discrédite quarante ans de coopération. Comment justifier quatre décennies d’assistance militaire au spectacle du naufrage de l’armée ivoirienne? (…) [L’Afrique] est riche de son sous-sol et, en ce sens, bénie des dieux. L’Afrique est riche, mais les Africains sont pauvres. Sortons de ce discours qui veut que les fléaux naturels orchestrent la fatalité. Les carences en termes d’organisation, les blocages sociaux, les échecs de l’instruction, la faiblesse des rendements: tout cela fait l’essentiel du malheur du continent. Si l’on remplaçait les 15 millions d’Ivoiriens par autant de Belges ou d’Irlandais, nul doute que la Côte d’Ivoire « tournerait ». (…) Tout passe d’abord par la vérité. Il faut un amour sans pitié pour l’Afrique. En France ou aux Etats-Unis, les Africains insérés dans un tissu social différent incarnent des figures de réussite. Alors que leur société d’origine opprime l’individu au nom d’un carcan collectif dévoyé, présenté comme authentiquement africain. L’exigence d’honnêteté ne peut souffrir d’exception culturelle. (…) Face à l’ethnie, l’Occident est partagé entre le fétichisme et la diabolisation. Tous les maux du continent seraient dus à son caractère tribal. A mes yeux, l’ethnie est le mensonge de l’Afrique, au même titre que la nation est celui de l’Europe. Comme les récits qui fondent notre idée nationale sont apocryphes, ceux qui définissent l’ethnie relèvent de l’imaginaire. Que dire de ces fadaises sur « le réveil des vieux démons »? A rebours, le tribalisme est l’expression la plus moderne qui soit de l’Afrique. Reste que, même fausse, une idée massivement admise devient une réalité. On meurt encore sur des barrages pour appartenir à la mauvaise tribu. (…) En Afrique noire, ce prosélytisme ([des sectes évangéliques] est bien plus puissant que son alter ego islamique. Voilà la preuve que l’homme africain déconcerté cherche une autre identité. Quand on entre en religion, on révolutionne sa vie. La nouvelle foi permet de s’affranchir de la règle communautaire initiale, au profit d’une promesse d’avenir meilleur. Et au risque du charlatanisme. (…) Les Ivoiriens s’entretuent, mais accusent la terre entière: la France bien sûr, et parfois leurs voisins. Jamais ils ne portent de regard critique sur eux-mêmes, le concept d’ivoirité, l’exploitation des immigrés sahéliens dans les plantations, le paternalisme autoritaire du défunt Félix Houphouët-Boigny. C’est ce mythe de l’éternelle victime qui a tué Jean Hélène. Un policier croit être dans le sens de l’Histoire en l’abattant. Pour transférer ainsi toute la haine de soi sur l’autre, pour abdiquer toute maîtrise de son destin, il faut être parvenu à un haut degré d’aliénation. Stephen Smith
Unfortunately, the Europeans’ devastating urge to do good can no longer be countered with reason. (…) The countries that have collected the most development aid are also the ones that are in the worst shape. (…) Huge bureaucracies are financed (with the aid money), corruption and complacency are promoted, Africans are taught to be beggars and not to be independent. In addition, development aid weakens the local markets everywhere and dampens the spirit of entrepreneurship that we so desperately need. As absurd as it may sound: Development aid is one of the reasons for Africa’s problems. If the West were to cancel these payments, normal Africans wouldn’t even notice. Only the functionaries would be hard hit. Which is why they maintain that the world would stop turning without this development aid. (…tons of corn are shipped to Africa … [corn that predominantly comes from highly-subsidized European and American farmers] … and at some point, this corn ends up in the harbor of Mombasa. A portion of the corn often goes directly into the hands of unsrupulous politicians who then pass it on to their own tribe to boost their next election campaign. Another portion of the shipment ends up on the black market where the corn is dumped at extremely low prices. Local farmers may as well put down their hoes right away; no one can compete with the UN’s World Food Program. (…) Why do we get these mountains of clothes? No one is freezing here. Instead, our tailors lose their livlihoods. They’re in the same position as our farmers. No one in the low-wage world of Africa can be cost-efficient enough to keep pace with donated products. In 1997, 137,000 workers were employed in Nigeria’s textile industry. By 2003, the figure had dropped to 57,000. The results are the same in all other areas where overwhelming helpfulness and fragile African markets collide. (…) If one were to believe all the horrorifying reports, then all Kenyans should actually be dead by now. But now, tests are being carried out everywhere, and it turns out that the figures were vastly exaggerated. It’s not three million Kenyans that are infected. All of the sudden, it’s only about one million. Malaria is just as much of a problem, but people rarely talk about that. (…) AIDS is big business, maybe Africa’s biggest business. There’s nothing else that can generate as much aid money as shocking figures on AIDS. AIDS is a political disease here, and we should be very skeptical. (…) So you end up with some African biochemist driving an aid worker around, distributing European food, and forcing local farmers out of their jobs. That’s just crazy. James Shikwati

A l’heure où, malgré les beaux discours, nos nouveaux dirigeants semblent être vite retombés dans les ornières de la Françafrique, à savoir le soutien des vieux dictateurs, les belles paroles et très peu d’actes concrets …

Financement d’énormes bureaucraties et de la corruption, culture de l’excuse, destruction des marchés locaux par un déluge de dons, inflation des chiffres et des problèmes, remises et effacements de dettes qui récompensent des décennies de gabegie et de corruption généralisée …

Les innombrables dégâts de l’aide internationale en Afrique, y compris dans ses récentes versions à la Bono, sont depuis longtemps connus et pourtant, inertie et intérêts des fonctionnaires de ladite aide obligent, elle continue inexorablement.

D’où ce cri de l’économiste kenyan James Shikwati, interrogé il y a deux ans par Der Spiegel: Pour l’amour de Dieu, arrêtez l’aide!

SPIEGEL INTERVIEW WITH AFRICAN ECONOMICS EXPERT
« For God’s Sake, Please Stop the Aid! »
DER SPIEGEL
July 4, 2005

The Kenyan economics expert James Shikwati, 35, says that aid to Africa does more harm than good. The avid proponent of globalization spoke with SPIEGEL about the disastrous effects of Western development policy in Africa, corrupt rulers, and the tendency to overstate the AIDS problem.

SPIEGEL: Mr. Shikwati, the G8 summit at Gleneagles is about to beef up the development aid for Africa…

Shikwati: … for God’s sake, please just stop.

SPIEGEL: Stop? The industrialized nations of the West want to eliminate hunger and poverty.

Shikwati: Such intentions have been damaging our continent for the past 40 years. If the industrial nations really want to help the Africans, they should finally terminate this awful aid. The countries that have collected the most development aid are also the ones that are in the worst shape. Despite the billions that have poured in to Africa, the continent remains poor.

SPIEGEL: Do you have an explanation for this paradox?

Shikwati: Huge bureaucracies are financed (with the aid money), corruption and complacency are promoted, Africans are taught to be beggars and not to be independent. In addition, development aid weakens the local markets everywhere and dampens the spirit of entrepreneurship that we so desperately need. As absurd as it may sound: Development aid is one of the reasons for Africa’s problems. If the West were to cancel these payments, normal Africans wouldn’t even notice. Only the functionaries would be hard hit. Which is why they maintain that the world would stop turning without this development aid.

SPIEGEL: Even in a country like Kenya, people are starving to death each year. Someone has got to help them.

Shikwati: But it has to be the Kenyans themselves who help these people. When there’s a drought in a region of Kenya, our corrupt politicians reflexively cry out for more help. This call then reaches the United Nations World Food Program — which is a massive agency of apparatchiks who are in the absurd situation of, on the one hand, being dedicated to the fight against hunger while, on the other hand, being faced with unemployment were hunger actually eliminated. It’s only natural that they willingly accept the plea for more help. And it’s not uncommon that they demand a little more money than the respective African government originally requested. They then forward that request to their headquarters, and before long, several thousands tons of corn are shipped to Africa …

SPIEGEL: … corn that predominantly comes from highly-subsidized European and American farmers …

Shikwati: … and at some point, this corn ends up in the harbor of Mombasa. A portion of the corn often goes directly into the hands of unsrupulous politicians who then pass it on to their own tribe to boost their next election campaign. Another portion of the shipment ends up on the black market where the corn is dumped at extremely low prices. Local farmers may as well put down their hoes right away; no one can compete with the UN’s World Food Program. And because the farmers go under in the face of this pressure, Kenya would have no reserves to draw on if there actually were a famine next year. It’s a simple but fatal cycle.

SPIEGEL: If the World Food Program didn’t do anything, the people would starve.

Shikwati: I don’t think so. In such a case, the Kenyans, for a change, would be forced to initiate trade relations with Uganda or Tanzania, and buy their food there. This type of trade is vital for Africa. It would force us to improve our own infrastructure, while making national borders — drawn by the Europeans by the way — more permeable. It would also force us to establish laws favoring market economy.

SPIEGEL: Would Africa actually be able to solve these problems on its own?

Shikwati: Of course. Hunger should not be a problem in most of the countries south of the Sahara. In addition, there are vast natural resources: oil, gold, diamonds. Africa is always only portrayed as a continent of suffering, but most figures are vastly exaggerated. In the industrial nations, there’s a sense that Africa would go under without development aid. But believe me, Africa existed before you Europeans came along. And we didn’t do all that poorly either.

SPIEGEL: But AIDS didn’t exist at that time.

Shikwati: If one were to believe all the horrorifying reports, then all Kenyans should actually be dead by now. But now, tests are being carried out everywhere, and it turns out that the figures were vastly exaggerated. It’s not three million Kenyans that are infected. All of the sudden, it’s only about one million. Malaria is just as much of a problem, but people rarely talk about that.

SPIEGEL: And why’s that?

Shikwati: AIDS is big business, maybe Africa’s biggest business. There’s nothing else that can generate as much aid money as shocking figures on AIDS. AIDS is a political disease here, and we should be very skeptical.

SPIEGEL: The Americans and Europeans have frozen funds previously pledged to Kenya. The country is too corrupt, they say.

Shikwati: I am afraid, though, that the money will still be transfered before long. After all, it has to go somewhere. Unfortunately, the Europeans’ devastating urge to do good can no longer be countered with reason. It makes no sense whatsoever that directly after the new Kenyan government was elected — a leadership change that ended the dictatorship of Daniel arap Mois — the faucets were suddenly opened and streams of money poured into the country.

SPIEGEL: Such aid is usually earmarked for a specific objective, though.

Shikwati: That doesn’t change anything. Millions of dollars earmarked for the fight against AIDS are still stashed away in Kenyan bank accounts and have not been spent. Our politicians were overwhelmed with money, and they try to siphon off as much as possible. The late tyrant of the Central African Republic, Jean Bedel Bokassa, cynically summed it up by saying: « The French government pays for everything in our country. We ask the French for money. We get it, and then we waste it. »

SPIEGEL: In the West, there are many compassionate citizens wanting to help Africa. Each year, they donate money and pack their old clothes into collection bags …

Shikwati: … and they flood our markets with that stuff. We can buy these donated clothes cheaply at our so-called Mitumba markets. There are Germans who spend a few dollars to get used Bayern Munich or Werder Bremen jerseys, in other words, clothes that that some German kids sent to Africa for a good cause. After buying these jerseys, they auction them off at Ebay and send them back to Germany — for three times the price. That’s insanity …

SPIEGEL: … and hopefully an exception.

Shikwati: Why do we get these mountains of clothes? No one is freezing here. Instead, our tailors lose their livlihoods. They’re in the same position as our farmers. No one in the low-wage world of Africa can be cost-efficient enough to keep pace with donated products. In 1997, 137,000 workers were employed in Nigeria’s textile industry. By 2003, the figure had dropped to 57,000. The results are the same in all other areas where overwhelming helpfulness and fragile African markets collide.

SPIEGEL: Following World War II, Germany only managed to get back on its feet because the Americans poured money into the country through the Marshall Plan. Wouldn’t that qualify as successful development aid?

Shikwati: In Germany’s case, only the destroyed infrastructure had to be repaired. Despite the economic crisis of the Weimar Republic, Germany was a highly- industrialized country before the war. The damages created by the tsunami in Thailand can also be fixed with a little money and some reconstruction aid. Africa, however, must take the first steps into modernity on its own. There must be a change in mentality. We have to stop perceiving ourselves as beggars. These days, Africans only perceive themselves as victims. On the other hand, no one can really picture an African as a businessman. In order to change the current situation, it would be helpful if the aid organizations were to pull out.

SPIEGEL: If they did that, many jobs would be immediately lost …

Shikwati: … jobs that were created artificially in the first place and that distort reality. Jobs with foreign aid organizations are, of course, quite popular, and they can be very selective in choosing the best people. When an aid organization needs a driver, dozens apply for the job. And because it’s unacceptable that the aid worker’s chauffeur only speaks his own tribal language, an applicant is needed who also speaks English fluently — and, ideally, one who is also well mannered. So you end up with some African biochemist driving an aid worker around, distributing European food, and forcing local farmers out of their jobs. That’s just crazy!

SPIEGEL: The German government takes pride in precisely monitoring the recipients of its funds.

Shikwati: And what’s the result? A disaster. The German government threw money right at Rwanda’s president Paul Kagame. This is a man who has the deaths of a million people on his conscience — people that his army killed in the neighboring country of Congo.

SPIEGEL: What are the Germans supposed to do?

Shikwati: If they really want to fight poverty, they should completely halt development aid and give Africa the opportunity to ensure its own survival. Currently, Africa is like a child that immediately cries for its babysitter when something goes wrong. Africa should stand on its own two feet.

Interview conducted by Thilo Thielke

Translated from the German by Patrick Kessler

Voir aussi un passage de l’économiste de Lyon III Denis-Clair Lambert sur les effets pervers de l’aide extérieure à l’Afrique (Mondes francophones) :

Extraits :

L’Afrique a reçu pendant 45 ans plus de mille milliards de dollars, pour quel résultat!

Le transfert de ressources des contribuables occidentaux est en fait beaucoup plus important, car dans le même temps les gouvernements locaux empruntent massivement, à faible taux d’intérêt, aux organisations internationales et sur les marchés financiers. Comme les pays prêteurs ont coutume d’annuler périodiquement la dette des pays les plus pauvres, ces derniers empruntent à nouveau. La partie de l’assistance sans remboursement, qualifiée d’aide publique au développement, a très rarement servi au développement de ces pays. Ce pactole nourrit 40 à 60 % des dépenses budgétaires des pays bénéficiaires et souvent la moitié du revenu national. La plus grande partie de ces fonds est destinée au soutien budgétaire, ce qui est une incitation à pérenniser ou accroître le déficit des comptes publics.

Il y a tant de donateurs : en moyenne 30 dans les nations d’Afrique et un nombre équivalent d’organisations non gouvernementales, que le programme des Nations Unies finit par reconnaître une véritable gabegie (7). En Tanzanie l’administration est supposée contrôler 650 projets, qui bien souvent ont le même objet, et pour lesquels il faut rédiger des milliers de rapports et envoyer des centaines de missions. La coordination, l’évaluation, le suivi deviennent des missions impossibles tant pour le pays donateur que pour ce pays récepteur. On ne sait pas combien ces pays reçoivent, chaque donataire expédie des dizaines de missions dans 30 ou 40 pays et ces experts payés au « per diem » finissent par coûter très cher, mais ils remplissent les avions et les hôtels ! L’Union européenne ne fait pas mieux, elle remplit les avions : les chefs de projet changent tous les six mois, comme leurs interlocuteurs, et l’on reprend la procédure à 0. À quoi sert cette assistance ? D’abord à payer les fonctionnaires et la solde des soldats, à satisfaire leur demande d’équipements militaires, puis à honorer les dépenses somptuaires des dirigeants.

Quel est le pays africain qui a reçu l’assistance internationale la plus massive depuis 1960 ? L’Éthiopie, suivie par le Soudan, ont reçu de l’Amérique et de l’URSS, de l’Europe et de la Banque mondiale et du Fonds Monétaire International, puis des ONG une assistance massive et stratégique, comme l’Afghanistan en Asie. Ces deux pays étaient cependant dirigés par des dictateurs sanguinaires et farouchement anti-occidentaux. Aujourd’hui le premier bénéficiaire est le Congo-Zaïre, suivi par la Tanzanie et toujours l’Éthiopie.

au sud du Sahel saharien la moitié des États sont confrontés à des guerres intestines, l’autre moitié étant riveraine de ces pays sert de refuge aux civils et aux mouvements insurrectionnels

1. L’ASSISTANCE ET LA CORRUPTION

La corruption ne date pas d’aujourd’hui en Afrique, elle était très répandue dans l’Égypte pharaonique, l’empire romain et l’empire ottoman. L’assistance étrangère est en revanche un fléau récent. L’assistance structurelle déversée sur le continent africain a été le levain d’une corruption généralisée et d’une dépendance aussi complète que celle du statut colonial. Quand l’armée et les fonctionnaires ne peuvent être payés que sur l’argent de l’aide, quand tout investissement en dépend, il a peu de différences avec les transferts de la métropole à ses colonies. Tout comme la Martinique ou la Réunion, le Mozambique ou le Mali ne pourraient pas régler plus de 10 % de leurs importations par leurs recettes d’exportation. En fait, l’assistance est vraisemblablement la pire des catastrophes de la région, car elle rend possibles l’explosion démographique, les règlements de comptes interethniques, le financement de la guerre, la corruption et l’indifférence aux problèmes sociaux, notamment la précarité sanitaire.

Il faut avoir le courage de regarder en face le bilan de l’aide aux pays africains. Tibor Mende l’avait dénoncé il y a quarante ans : l’aide c’est comme un artichaut, que les intermédiaires épluchent feuille par feuille pour ne laisser qu’un reliquat minuscule à ceux qui en ont besoin. Les détournements de fonds ont commencé dès 1960 dans les pays donataires où une énorme bureaucratie et les conseillers du Prince ont prélevé leurs commissions, pour confier à leurs protégés africains la gestion et distribution de l’aide. Ces « indélicatesses » caractéristiques des caisses de coopération et de la politique africaine de la France ont progressivement contaminé les institutions similaires de Bruxelles et de Washington.

L’aide a été en Afrique la pépinière de la corruption qui ronge cette région. C’était inéluctable du fait que les nouveaux dirigeants des États indépendants, civils et plus souvent militaires, demandaient aux anciennes métropoles et aux organisations internationales de les soutenir, notamment par des ventes d’armement et par une assistance financière durable. Et tous les occidentaux s’y sont prêtés, surtout dans les années 1960/1990 quand nombre de régimes révolutionnaires se tournaient vers l’URSS et Cuba.

L’aide structurelle n’est pas un vecteur de développement économique.

Lord Peter Bauer (6), il y a un quart de siècle, avait proposé l’interprétation suivante : « L’Occident n’a pas provoqué les famines du tiers monde, car elles se sont produites dans des régions qui n’avaient pratiquement pas de commerce extérieur… Si l’on tentait de secourir en permanence la population à coup de dons gouvernementaux de l’Occident, tout effort d’y développer une agriculture viable se trouverait inhibé… L’Occident a réellement contribué à la pauvreté du tiers monde et cela de deux façons. D’abord, le comportement de l’Occident a beaucoup fait pour politiser le tiers monde. À la fin de la domination coloniale britannique, les interventions gouvernementales limitées furent abandonnées pour des contrôles officiels étroits sur la vie économique et les nouveaux États indépendants se virent présenter un cadre tout préparé pour des économies contrôlées par les gouvernements, voire pour instaurer un système totalitaire. L’aide officielle occidentale a également servi à politiser la vie dans le tiers monde. Deuxièmement, les contacts avec l’Occident ont contribué au déclin très prononcé de la mortalité, qui est à la base du rapide accroissement de la population et a permis à bien plus de pauvres de survivre ».

L’aide publique au développement atteignait 80 milliards de dollars en 2004 ; l’Afrique en recevait un tiers : 25 MM$. Il est trop facile de dire que c’est trop peu (0.25 % de nos richesses) et qu’il faudrait transférer deux fois plus. Ces ressources nourriraient davantage de corruption et non le développement économique. Périodiquement, on demande de doubler le montant de cette aide, les organisations internationales en font un objectif pour le millénaire et les militants revendiquent pour l’Afrique un nouveau « Plan Marshall ». Mais réfléchissons, l’Afrique a reçu pendant 45 ans plus de mille milliards de dollars, pour quel résultat !

Le transfert de ressources des contribuables occidentaux est en fait beaucoup plus important, car dans le même temps les gouvernements locaux empruntent massivement, à faible taux d’intérêt, aux organisations internationales et sur les marchés financiers. Comme les pays prêteurs ont coutume d’annuler périodiquement la dette des pays les plus pauvres, ces derniers empruntent à nouveau. La partie de l’assistance sans remboursement, qualifiée d’aide publique au développement, a très rarement servi au développement de ces pays. Ce pactole nourrit 40 à 60 % des dépenses budgétaires des pays bénéficiaires et souvent la moitié du revenu national. La plus grande partie de ces fonds est destinée au soutien budgétaire, ce qui est une incitation à pérenniser ou accroître le déficit des comptes publics.

Il y a tant de donateurs : en moyenne 30 dans les nations d’Afrique et un nombre équivalent d’organisations non gouvernementales, que le programme des Nations Unies finit par reconnaître une véritable gabegie (7). En Tanzanie l’administration est supposée contrôler 650 projets, qui bien souvent ont le même objet, et pour lesquels il faut rédiger des milliers de rapports et envoyer des centaines de missions. La coordination, l’évaluation, le suivi deviennent des missions impossibles tant pour le pays donateur que pour ce pays récepteur. On ne sait pas combien ces pays reçoivent, chaque donataire expédie des dizaines de missions dans 30 ou 40 pays et ces experts payés au « per diem » finissent par coûter très cher, mais ils remplissent les avions et les hôtels ! L’Union européenne ne fait pas mieux, elle remplit les avions : les chefs de projet changent tous les six mois, comme leurs interlocuteurs, et l’on reprend la procédure à 0. À quoi sert cette assistance ? D’abord à payer les fonctionnaires et la solde des soldats, à satisfaire leur demande d’équipements militaires, puis à honorer les dépenses somptuaires des dirigeants. Or l’aide, le plus souvent bilatérale, est depuis longtemps liée aux exportations occidentales : denrées alimentaires subventionnées par l’Europe et produits manufacturés, souvent trop coûteux pour un pays pauvre. Quant aux projets de développement et aux aides structurelles aux réformes, ils restent dans les tiroirs à l’état de rapports.

Quel est le pays africain qui a reçu l’assistance internationale la plus massive depuis 1960 ? L’Éthiopie, suivie par le Soudan, ont reçu de l’Amérique et de l’URSS, de l’Europe et de la Banque mondiale et du Fonds Monétaire International, puis des ONG une assistance massive et stratégique, comme l’Afghanistan en Asie. Ces deux pays étaient cependant dirigés par des dictateurs sanguinaires et farouchement anti-occidentaux. Aujourd’hui le premier bénéficiaire est le Congo-Zaïre, suivi par la Tanzanie et toujours l’Éthiopie. Sont-ils plus démocratiques ? On pense certes aux opérations d’urgence et de secours face à la famine, aux massacres ethniques et à la compassion des associations humanitaires, ce n’est pas l’essentiel, il s’agit surtout d’aide liée au déversement des surplus agricoles occidentaux, des biens d’équipement et de confort et aux ventes d’armements. L’assistance internationale a pour principale conséquence de transformer l’Afrique en une immense caserne, où la principale activité consiste à détruire et tuer… Dans les régimes militaires, l’aide alimentaire a été souvent détournée par l’armée et les équipes de secours des « french doctors » ont été régulièrement expulsées… Aucun de ces pays n’a présenté l’amorce d’un développement économique et d’une modernisation. Pourquoi ne pas aider les pays qui se redressent, font des réformes efficaces et luttent contre la corruption, au lieu de choisir les échecs les plus patents ? C’est un vieux dilemme de l’aide au tiers-monde, les pays riches n’ont pas le courage de choisir les bons élèves, ils prennent les plus mauvais !

On remarque que l’Afrique orientale anglophone, du nord au sud, a reçu l’aide la plus massive, il n’est pas inutile de préciser que les ventes d’armement y sont particulièrement importantes et que la contrebande des armes y est très intense. Ces pays ne sont pas nécessairement plus corrompus qu’en Afrique de l’Ouest, mais les circuits officiels et clandestins nourrissent un volume croissant de transactions. La corruption perçue par les milieux d’affaires est particulièrement forte au Soudan, en Éthiopie, et en Angola, elle n’en est pas moins généralisée dans les pays exploitant la rente du pétrole ou des diamants et même dans des pays tels que l’Afrique du Sud, le Maroc, l’Algérie, le Nigeria ou l’Égypte.

L’Afrique est une région pauvre et corrompue. Sa pauvreté est attestée par la faiblesse des revenus moyens plus particulièrement dans les zones rurales et les bidonvilles. Son degré de corruption doit être confronté à celui de l’Asie du Sud et de l’Amérique du Sud, où la corruption était beaucoup plus étendue il y a une génération. Les guerres interafricaines, la succession des coups d’État, le rôle prédominant de l’armée et les effets pervers de l’aide étrangère ont joué un rôle déterminant. Il suffit de rappeler qu’au sud du Sahel saharien la moitié des États sont confrontés à des guerres intestines, l’autre moitié étant riveraine de ces pays sert de refuge aux civils et aux mouvements insurrectionnels ; leur militarisation est inéluctable. Il faut alors une très solide tradition démocratique, comme jadis le Costa-Rica aux frontières du Nicaragua, pour préserver l’État de Droit.

Voir de plus:

« Il faut aimer l’Afrique sans pitié »

propos recueillis par Vincent Hugeux

L’Express

27/11/2003

Dans un essai implacable, Stephen Smith dissèque les maux du continent… Lire les premières pages

«Un bilan, pas un pamphlet.» Voilà comment, quarante ans après le cri d’alarme de René Dumont, Stephen Smith, journaliste au Monde, définit son essai décapant, Négrologie. Pourquoi l’Afrique meurt (Calmann-Lévy). De père américain et de mère allemande, ce vétéran du continent démontre combien la contrition de l’Occident, aussi vaine que la condescendance racialiste, fait écho à la propension des élites africaines à imputer à la tutelle coloniale tous les maux de leur terre.

Qu’est-ce que la «négrologie»?
Deux choses. D’une part, la négritude, en clair la réaction d’une avant-garde d’étudiants africains établis dans les années 1930 en Occident aux préjugés dont ils étaient la cible. Une réaction aujourd’hui convertie en riposte de masse renvoyant à l’expéditeur un racisme qui colle à la peau pour s’attribuer des valeurs immuables, irréductibles à l’universel. C’est la crispation identitaire d’Africains qui se sentent relégués à la marge de la modernité. La négrologie, c’est d’autre part une série de mythes dérivés de faits historiques avérés – la traite esclavagiste et le colonialisme – selon lesquels tous les malheurs du continent plongent leurs racines dans ces tragédies: ainsi, les Africains seraient victimes, et jamais acteurs, de leur destin.

Redoutez-vous l’annexion de vos thèses par les égarés du racialisme?
Cette crainte existe. René Dumont lui-même l’a connue, qui confessait les tremblements de sa plume à l’heure d’écrire L’Afrique noire est mal partie. La couverture de l’Afrique au jour le jour s’en tient à un lexique recevable par le grand public, qui dépolitise et, de fait, travestit les réalités. C’est une écriture à double fond. J’ai voulu rompre avec cette duplicité de la bonne conscience.

En quoi le continent se «suicide» -t-il?
Partie avec d’énormes handicaps, laissée pour compte après des décennies de paternalisme et de tutelle, l’Afrique a subi au lendemain de la chute du mur de Berlin les effets de guerres dévastatrices, de l’effondrement de l’Etat et du naufrage des rêves qui la propulsaient vers l’avant par l’éducation ou l’essor matériel. Malgré les efforts consentis par leurs parents, seuls 27% des écoliers vont au bout du cycle élémentaire. Ce traumatisme fait de la jeune génération – plus de la moitié des Africains ont moins de 15 ans – une génération de desperados. Le présent, pour eux, n’a pas d’avenir.

L’avenir en a-t-il un?
Bien sûr, aux yeux de l’historien, l’Afrique est éternelle. Lui sait qu’elle comptera dans quarante ans 2,5 fois plus d’habitants que l’Europe; qu’à terme le continent s’en sortira, malgré le sida et les conflits armés; que de ce magma émergeront des Etats forts. Mais, moi, je vois des visages, des individus que je connais: tous vont moins bien qu’il y a dix ou quinze ans. Quand j’écris l’Afrique meurt, je pense: des Africains meurent. Voyez, sur le front du sida, le Sud-Africain Thabo Mbeki: voilà un jeune président très bien formé, respectable, mais enkysté dans l’idée d’une renaissance africaine nécessairement précédée d’une épreuve analogue à la grande peste du XIVe siècle en Europe. Il croit à l’existence d’un «sida africain» qui frapperait en particulier l’homme noir. Cette vision a coûté la vie à des dizaines, sinon des centaines, de milliers de malades, privés de traitements appropriés.

D’où vient le dogme de l’ «afro-optimisme»?
Un de mes souvenirs les plus troublants d’étudiant étranger débarquant à Paris, c’est qu’à l’université mes condisciples noirs étaient notés de façon très indulgente. Le corps professoral estimait que ces enfants de notables formaient un précieux réseau d’influence. Ce type d’attitude, mélange de bienveillance et de calcul, constitue à mes yeux la pire forme du racisme. Si nous ne sortons pas de cette prison cutanée, comment ceux qui furent victimes de conduites racistes en sortiraient-ils? L’opinion réagit de façon anormale. Au cours des cinq années écoulées, la crise du Congo-Kinshasa a coûté la vie à plus de 3 millions de personnes. Où sont les intellectuels européens? Où sont les reportages? Pourquoi ce silence? Parce qu’on digère mieux les morts africains que les autres. Un seul émissaire étranger de haut niveau a assisté en 1995 aux cérémonies du premier anniversaire du génocide rwandais: la vice-Premier ministre ougandaise. L’ambassadeur de France avait pris congé. Peut-on imaginer cela en d’autres temps et sous d’autres cieux? Il paraît normal de mourir en masse en Afrique, puisque tout y est «primitif et sauvage». Ce continent n’a pourtant pas le monopole de la cruauté.

Que sont devenus ces «nouveaux chefs d’Etat» tant vantés à Washington?
L’Occident n’a jamais abandonné sa quête de l’homme fort. Qui est au roi nègre ce que la «bonne gouvernance» est à la corruption: une litote. Les Américains ont cherché des leaders providentiels endurcis par le maquis. Meles Zenawi en Ethiopie, Yoweri Museveni en Ouganda. Modèles voués à l’échec, puisque rien n’a été entrepris au niveau des institutions. A la clef, des individus isolés, en lévitation au-dessus de leur société. Tout autant que les dinosaures Omar Bongo (Gabon) ou Gnassingbé Eyadéma (Togo), mais plus féroces dans la répression.

La France a-t-elle alimenté la dérive «négologique»?
La politique africaine de la France a été infiniment paternaliste. Pourquoi ses élites récusent-elles le constat de l’effondrement de l’Etat en Afrique? A gauche: parce qu’il conduirait à l’apologie d’une tutelle. A droite: parce qu’il discrédite quarante ans de coopération. Comment justifier quatre décennies d’assistance militaire au spectacle du naufrage de l’armée ivoirienne?

L’Afrique est-elle riche ou pauvre?
Elle est riche de son sous-sol et, en ce sens, bénie des dieux. L’Afrique est riche, mais les Africains sont pauvres. Sortons de ce discours qui veut que les fléaux naturels orchestrent la fatalité. Les carences en termes d’organisation, les blocages sociaux, les échecs de l’instruction, la faiblesse des rendements: tout cela fait l’essentiel du malheur du continent. Si l’on remplaçait les 15 millions d’Ivoiriens par autant de Belges ou d’Irlandais, nul doute que la Côte d’Ivoire «tournerait».

Le salut passe-t-il par l’éducation?
Tout passe d’abord par la vérité. Il faut un amour sans pitié pour l’Afrique. En France ou aux Etats-Unis, les Africains insérés dans un tissu social différent incarnent des figures de réussite. Alors que leur société d’origine opprime l’individu au nom d’un carcan collectif dévoyé, présenté comme authentiquement africain. L’exigence d’honnêteté ne peut souffrir d’exception culturelle.

L’ethnisme est-il la maladie infantile de l’Afrique?
Face à l’ethnie, l’Occident est partagé entre le fétichisme et la diabolisation. Tous les maux du continent seraient dus à son caractère tribal. A mes yeux, l’ethnie est le mensonge de l’Afrique, au même titre que la nation est celui de l’Europe. Comme les récits qui fondent notre idée nationale sont apocryphes, ceux qui définissent l’ethnie relèvent de l’imaginaire. Que dire de ces fadaises sur «le réveil des vieux démons»? A rebours, le tribalisme est l’expression la plus moderne qui soit de l’Afrique. Reste que, même fausse, une idée massivement admise devient une réalité. On meurt encore sur des barrages pour appartenir à la mauvaise tribu.

Comment expliquer l’essor des sectes évangéliques?
En Afrique noire, ce prosélytisme est bien plus puissant que son alter ego islamique. Voilà la preuve que l’homme africain déconcerté cherche une autre identité. Quand on entre en religion, on révolutionne sa vie. La nouvelle foi permet de s’affranchir de la règle communautaire initiale, au profit d’une promesse d’avenir meilleur. Et au risque du charlatanisme.

En quoi le meurtre à Abidjan du journaliste Jean Hélène est-il symptomatique?
Les Ivoiriens s’entretuent, mais accusent la terre entière: la France bien sûr, et parfois leurs voisins. Jamais ils ne portent de regard critique sur eux-mêmes, le concept d’ivoirité, l’exploitation des immigrés sahéliens dans les plantations, le paternalisme autoritaire du défunt Félix Houphouët-Boigny. C’est ce mythe de l’éternelle victime qui a tué Jean Hélène. Un policier croit être dans le sens de l’Histoire en l’abattant. Pour transférer ainsi toute la haine de soi sur l’autre, pour abdiquer toute maîtrise de son destin, il faut être parvenu à un haut degré d’aliénation.

20 Responses to Aide au développement: Qui délivrera l’Afrique de nos Bono? (Africans say No to Bono)

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  9. jcdurbant dit :

    PAYS DE MERDE: LES AFRICAINS REMERCIENT TRUMP POUR SA FRANCHISE

    Lûcïus L’inusable Ngoy
    Autant je n’apprecie pas l’homme mais cette fois-ci,Il a dit tout haut ce que les autres pensent tout bas.cette sortie mediatique doit interpeller nos decideurs africains qui appauvrissent leurs peuples.qui sont obligEs d’immigrer a la recherche d’une vie meilleure et certains au peril de leurs vie

    Madeleine Ngendakumana
    Il lui fallait un minimum de diplomatie .Il a parlé tout haut ce que les autres pensent tout bas. C est aux presidents africains de faire respecter leurs gouvernés.

    André Bernard
    J’espère juste que les dirigeants africains qui se plient devant les USA en tireront des leçons et seront agir dorénavant avec dignité sous la dépendance des grandes nations.

    Adjuabe Tanzi
    Les autres utilisent les paroles diplomatiques pour cajoler les maux,mais Trump n’a pas besoin de ca. Il est direct dans ses propos et les diplomates les traitent d’un malade mental.Non,non,non il dit ce que les autres disent tt bas car depuis que les paroles diplomatiques sont prononces les maux ont atteint un niveau inexprimable.

    Amara Tidiani Kante
    Mr Trump peut être qualifié de tous les maux sauf d’être hypocrite. Il reste cohérent ici et ailleurs lorsqu’il parle du système des nations unies , de l’ otan ou autres G5 SAHEL.

    Balde Moutarou
    N a t il pas raison? Pourtant en se retournant la tete on peut voir des presidents a vie, une pauvrete extreme, des pilleurs de l economie, des manipulations constitutionnelle et beaucoup d autres choses, alors si tu veux etre respecter, respecte toi le premier.

    Pascal Murhula
    Ce président est tres important pour l’afrique! il aide les africains à faire l’introspection! il a dit la verité! mais ces africains qui viennent chez-vous cher puissant président ont peur de l’insécurité créée par des dirigeants africains mediocres et qui veulent s’eterniser au pouvoir! comme tu es puissant, aide les africains à faire partir ces dirigeants mediocres et ils ne viendront plus là chez-toi au paradis! je t’admire puisque tu n’est pas hypocrite, donc diplomate comme les autres le disent!

    Ntinti Luzolo Junior
    c’est que j’aime chez ce monsieur quoi qu’on dise de lui il ne pas hypocrite, il parle tout haut ce que les autres disent tout bas. il est temps de faire comprendre aux médiocres qu’ils sont mesquins

    http://www.rfi.fr/technologies/20180112-trump-shithole-merdier-haiti-norvege

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  10. jcdurbant dit :

    THANK YOU, MR. TRUMP (Guess who’s now thanking Trump for his frankness about Africa’s failed states ?)

    I love Trump, because he tells Africans frankly. Africans need to solve their problems. In the world, you cannot survive if you are weak.”

    Yoweri Musevini

    http://observer.ug/news/headlines/56698-trump-must-thanked-for-telling-africa-frankly-museveni.html

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  11. jcdurbant dit :

    WHAT SHITHOLE COUNTRIES ? (When you can’t say no to relatives, you all end up with nothing)

    Three weeks after college, I flew to Senegal, West Africa, to run a community center in a rural town. Life was placid, with no danger, except to your health. That danger was considerable, because it was, in the words of the Peace Corps doctor, « a fecalized environment. »

    In plain English: s— is everywhere. People defecate on the open ground, and the feces is blown with the dust – onto you, your clothes, your food, the water. He warned us the first day of training: do not even touch water. Human feces carries parasites that bore through your skin and cause organ failure.

    Never in my wildest dreams would I have imagined that a few decades later, liberals would be pushing the lie that Western civilization is no better than a third-world country. Or would teach two generations of our kids that loving your own culture and wanting to preserve it are racism.

    Last time I was in Paris, I saw a beautiful African woman in a grand boubou have her child defecate on the sidewalk next to Notre Dame Cathedral. The French police officer, ten steps from her, turned his head not to see.

    I have seen. I am not turning my head and pretending unpleasant things are not true.

    Senegal was not a hellhole. Very poor people can lead happy, meaningful lives in their own cultures’ terms. But they are not our terms. The excrement is the least of it. Our basic ideas of human relations, right and wrong, are incompatible.

    As a twenty-one-year-old starting out in the Peace Corps, I loved Senegal. In fact, I was euphoric. I quickly made friends and had an adopted family. I relished the feeling of the brotherhood of man. People were open, willing to share their lives and, after they knew you, their innermost thoughts.

    The longer I lived there, the more I understood: it became blindingly obvious that the Senegalese are not the same as us. The truths we hold to be self-evident are not evident to the Senegalese. How could they be? Their reality is totally different. You can’t understand anything in Senegal using American terms.

    Take something as basic as family. Family was a few hundred people, extending out to second and third cousins. All the men in one generation were called « father. » Senegalese are Muslim, with up to four wives. Girls had their clitorises cut off at puberty. (I witnessed this, at what I thought was going to be a nice coming-of-age ceremony, like a bat mitzvah or confirmation.)

    Sex, I was told, did not include kissing. Love and friendship in marriage were Western ideas. Fidelity was not a thing. Married women would have sex for a few cents to have cash for the market.

    What I did witness every day was that women were worked half to death. Wives raised the food and fed their own children, did the heavy labor of walking miles to gather wood for the fire, drew water from the well or public faucet, pounded grain with heavy hand-held pestles, lived in their own huts, and had conjugal visits from their husbands on a rotating basis with their co-wives. Their husbands lazed in the shade of the trees.

    Yet family was crucial to people there in a way Americans cannot comprehend.

    The Ten Commandments were not disobeyed – they were unknown. The value system was the exact opposite. You were supposed to steal everything you can to give to your own relatives. There are some Westernized Africans who try to rebel against the system. They fail.

    We hear a lot about the kleptocratic elites of Africa. The kleptocracy extends through the whole society. My town had a medical clinic donated by international agencies. The medicine was stolen by the medical workers and sold to the local store. If you were sick and didn’t have money, drop dead. That was normal.

    So here in the States, when we discovered that my 98-year-old father’s Muslim health aide from Nigeria had stolen his clothes and wasn’t bathing him, I wasn’t surprised. It was familiar.

    In Senegal, corruption ruled, from top to bottom. Go to the post office, and the clerk would name an outrageous price for a stamp. After paying the bribe, you still didn’t know it if it would be mailed or thrown out. That was normal.

    One of my most vivid memories was from the clinic. One day, as the wait grew hotter in the 110-degree heat, an old woman two feet from the medical aides – who were chatting in the shade of a mango tree instead of working – collapsed to the ground. They turned their heads so as not to see her and kept talking. She lay there in the dirt. Callousness to the sick was normal.

    Americans think it is a universal human instinct to do unto others as you would have them do unto you. It’s not. It seems natural to us because we live in a Bible-based Judeo-Christian culture.

    We think the Protestant work ethic is universal. It’s not. My town was full of young men doing nothing. They were waiting for a government job. There was no private enterprise. Private business was not illegal, just impossible, given the nightmare of a third-world bureaucratic kleptocracy. It is also incompatible with Senegalese insistence on taking care of relatives.

    All the little stores in Senegal were owned by Mauritanians. If a Senegalese wanted to run a little store, he’d go to another country. The reason? Your friends and relatives would ask you for stuff for free, and you would have to say yes. End of your business. You are not allowed to be a selfish individual and say no to relatives. The result: Everyone has nothing.

    The more I worked there and visited government officials doing absolutely nothing, the more I realized that no one in Senegal had the idea that a job means work. A job is something given to you by a relative. It provides the place where you steal everything to give back to your family.

    I couldn’t wait to get home. So why would I want to bring Africa here? Non-Westerners do not magically become American by arriving on our shores with a visa.

    For the rest of my life, I enjoyed the greatest gift of the Peace Corps: I love and treasure America more than ever. I take seriously my responsibility to defend our culture and our country and pass on the American heritage to the next generation.

    African problems are made worse by our aid efforts. Senegal is full of smart, capable people. They will eventually solve their own country’s problems. They will do it on their terms, not ours. The solution is not to bring Africans here.

    We are lectured by Democrats that we must privilege third-world immigration by the hundred million with chain migration. They tell us we must end America as a white, Western, Judeo-Christian, capitalist nation – to prove we are not racist. I don’t need to prove a thing. Leftists want open borders because they resent whites, resent Western achievements, and hate America. They want to destroy America as we know it.

    As President Trump asked, why would we do that?

    We have the right to choose what kind of country to live in. I was happy to donate a year of my life as a young woman to help the poor Senegalese. I am not willing to donate my country.

    Karin McQuillan

    https://www.americanthinker.com/articles/2018/01/what_i_learned_in_peace_corps_in_africa_trump_is_right.html

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  12. jcdurbant dit :

    QUELLE FALSIFICATION INTERESSEE DE L’HISTOIRE DE L’AFRIQUE ? (Devinez à qui profite actuellement la falsifiation de l’histoire africaine imposée après guerre, pour bouter les capitalistes hors d’Afrique, par l’Union soviétique et ses affidés occidentaux comme africains ?)

     » Il est important de souligner que toute l’histoire de l’humanité est faite de colonisation, et que l’Afrique noire n’a rien subi de particulier. Par ailleurs, contrairement à l’intoxication communiste, la colonisation fut globalement très bénéfique à l’Afrique. (…) Quand une communauté connaît la régression socio-économique pendant de nombreuses décennies, il ne faut pas aller chercher les principales causes ailleurs que dans les capacités de ses élites politiques et intellectuels. Cette simple vérité est valable pour toute société y compris l’Afrique. (…) Peu importent les mensonges, l’appui de Moscou donne la notoriété internationale. Il faut répéter que l’Afrique n’est pas responsable de son sort, y compris après les indépendances du fait du néocolonialisme ou que pendant des siècles les Blancs sont allés capturer des Noirs pour les déporter et les réduire en esclavage. »

    Kakou Ernest Tigori

    ERNEST TIGORI DÉMONTE L’ESCROQUERIE DE LA REPENTANCE DE LA COLONISATION DES EUROPÉENS EN AFRIQUE
    Discours d’Ernest Tigori, écrivain ivoirien et homme politique, aux 13ème Journées de Synthèse Nationale, le dimanche 13 octobre 2019 à Rungis. Retrouvez-moi sur : Twitter : https://twitter.com/mg12gm Périscope : https://www.periscope.tv/mathieumg12 Instagram : https://www.instagram.com/mathieu_mg_goyer/ Snapchat : mathieu-mg12 ma …
    http://www.youtube.com

    L’Afrique combattante sous la tutelle de la gauche révolutionnaire
    Un bref rappel bien documenté de l’histoire des décennies précédant les indépendances rappelle le règne intellectuel de la gauche « internationaliste » française. Cette dernière forme les futurs intellectuels et politiques africains dans la décennie 1940, alors que la gestion coloniale n’avait alors pas duré plus de 30 ans en général (les dates sont variables selon les pays).

    S’ensuit la guerre froide : L’URSS et les États-Unis essaient de dépecer l’héritage colonial de l’Europe affaiblie par les 2 guerres mondiales, et se concurrencent en Afrique jusqu’à l’écroulement de l’URSS en 1990.

    L’URSS s’appuie sur les intellectuels communistes français, après un début de prosélytisme communiste par certains fonctionnaires coloniaux (dont mon grand-père, qui me l’a raconté en détail). Dans toutes les grandes villes africaines se créent des cercles d’études marxistes où l’on retrouvera les acteurs des indépendances.

    La conférence de Brazzaville organisé par De Gaulle en 1944 autorise la création de syndicats par des Africains ainsi que leur implication progressive dans la conduite de leurs affaires. C’est ainsi qu’André Latrille, gouverneur de la Côte d’Ivoire et sympathisant communiste aide Houphouët-Boigny à fonder le syndicat agricole africain.

    La valeur de ce chapitre vient des innombrables citations des « instructeurs » et des « convertis ». Chaque pays de l’Afrique « française » était bien encadré. Le Parti Communiste Français redouble sa pression sur ces « élèves » lorsqu’il se voit chassé du pouvoir en France et cherche un relais en Afrique.

    Mais le rêve de transformer l’Union française en nouveau Vietnam va échouer dans la plupart des pays lorsque beaucoup de « convertis » rompent avec Moscou : Senghor dès 1946, puis bien d’autres, dont Houphouët-Boigny, grâce notamment à l’action du sénateur Étienne Djaument, aujourd’hui oublié.

    De même pour les intellectuels
    Le Parti Communiste Français a également formaté les intellectuels « phares » à partir des années 1940, dont Aimé Césaire, qui a lancé des formules toujours en usage aujourd’hui du « colonialisme, exploitation éhontée de pillage des ressources » et laissant supposer une ancienne Afrique Noire édénique et pacifique, sans esclavage ni trafics humains… alors qu’à l’époque de ces textes, les Africains un peu âgés se souvenaient de l’interdiction de l’esclavage et des sacrifices humains par les Européens.

    Comme ses amis politiques, Césaire rompt avec le communisme en 56, « plongé dans un abîme de stupeur, de douleur et de honte » et devient un adepte de la départementalisation, mais ses discours précédents restent toujours diffusés dans les programmes scolaires et universitaires.

    Mais pour les intellectuels, « Peu importent les mensonges, l’appui de Moscou donne la notoriété internationale. Il faut répéter que l’Afrique n’est pas responsable de son sort, y compris après les indépendances du fait du néocolonialisme », ou que « pendant des siècles les Blancs sont allés capturer des Noirs pour les déporter et les réduire en esclavage ».

    Le livre du Malien Yambo Ouolguem, Le devoir de violence, prix Renaudot 1968, est retiré de la vente sous la pression du Parti Communiste Français parce que plus nuancé, évoquant notamment les chefs locaux qui vendent leurs sujets aux marchands arabes et occidentaux. Son auteur est harcelé jusqu’à la dépression.

    Mésaventure analogue pour Axel Kabou. Les Européens se sont même accusés d’avoir créé de toutes pièces les divisions tribales (je l’ai effectivement entendu de mes oreilles). Ce courant est représenté en France par l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS).

    Autre témoignage que je partage avec Ernest Tigori : dans les années 1960, on entend : « Quand est-ce que ça finit l’indépendance ? ». C’est oublié aujourd’hui, mais mourir traversant la Méditerranée traduit la même déception.

    Une avalanche de citations de ses discours permet de suivre la carrière de Kwame N’Krumah et notamment de ses tentatives répétées d’instaurer un panafricanisme marxiste dont il serait le chef. Nouvel échec. Par contre N’Krumah dirigera et ruinera le Ghana. Même Frantz Fanon finit par le désavouer ! Néanmoins ses discours flamboyants sont encore rappelés avec émotion aujourd’hui.

    La conclusion de cette première partie du livre est que, pour le malheur de l’Afrique, cette vision d’histoire est officielle et enseignée, avec l’appui intellectuel d’une bonne partie des universitaires du Nord, et notamment des Français.

    D’où une vision du monde et de la France largement contraire à la réalité, ce qui conduit beaucoup de dirigeants africains à faire des erreurs stratégiques (je rajoute : comme aujourd’hui les réactions des populations du Sahel gobant la propagande disant que les troupes françaises qui défendent « sont là pour voler notre or »).

    Une histoire africaine « désintoxiquée » de la colonisation
    A ces fables devenues officielles, l’auteur oppose une histoire que je vais schématiser, mais qui est appuyée également par de nombreuses citations et témoignages.

    Les Européens s’implantent pacifiquement sur la côte africaine, en général en louant le terrain sur lequel s’installent, et développent le commerce avec les dirigeants locaux, commerce qui comprend certes l’achat d’esclaves à ces derniers. S’ensuit un intérêt des populations pour ces nouveaux venus, et particulièrement de la part des tribus vassalisées par des empires locaux (que l’histoire officielle idéalise). Ces tribus finissent par demander la protection des Européens et apprécient la fin de l’esclavage et un début d’administration.

    Les très rares combats menés par les Européens ont lieu à l’occasion de la réaction des autorités de ces empires. Tout un chapitre développant ces idées traite, à titre d’exemple, de l’histoire de « l’espace culturel des Akans » et notamment du royaume ashanti.

    Il « dédramatise » ainsi le terme de colonisation : « Il est important de souligner que toute l’histoire de l’humanité est faite de colonisation, et que l’Afrique noire n’a rien subi de particulier. Par ailleurs, contrairement à l’intoxication communiste, la colonisation fut globalement très bénéfique à l’Afrique ».

    Il rappelle que la défense des intérêts de chaque pays (dont la France) dans d’autres pays est un comportement naturel et universel (comme à mon avis en témoignent les actions américaines, puis chinoises, russes et autres en Afrique aujourd’hui). Il rappelle que le néocolonialisme est un terme inventé par N’Krumah en 1965 pour cacher son échec à la tête du Ghana.

    Dans ce contexte, les termes du néocolonialisme et de Françafrique perdent leur caractère « scandaleux ».

    Autre « désintoxication » historique : l’esclavage et la traite

    Un autre chapitre relativise la traite négrière en rappelant l’histoire de l’esclavage dans le monde et en Afrique, où il décrit des traites très antérieures à l’arrivée des Européens.

    Traite inter-africaine d’abord, avec par exemple le cas de deux bisaïeules de l’auteur, qui étaient des esclaves Sénoufo achetés par des Agnis dans l’actuelle Côte d’Ivoire.

    Traite également vers le Maghreb (la traite arabe en Afrique orientale, plus massive que celle vers le Maghreb ne concerne pas les pays traités dans ce livre).

    Traite européenne enfin, qui s’est faite en commerçant avec des États africains indépendants, aujourd’hui magnifiés par l’histoire officielle.

    Il souligne également que les Européens ont été les premiers anti-esclavagistes, intellectuellement d’abord, puis concrètement à partir de la première moitié du XIXe siècle pour ceux qui intervenaient en Afrique, des États-Unis étant retard dans ce domaine.

    Au passage, il salue l’histoire telle qu’elle est enseignée au Nord où aucun pays ne cache ses « faces sombres » et exhorte les Africains à faire de même pour l’histoire précoloniale et postcoloniale.

    La « désintoxication » de l’histoire économique
    Concernant le rôle réputé négatif du Fond Monétaire International (FMI) en Afrique, il développe les rapports de cette institution avec Samora Machel, dirigeant du Mozambique à partir de 1974, pour illustrer que c’est ce dernier qui est responsable du mauvais état de son pays… qui a fini par abandonner plus tard le socialisme.

    Suit un panorama des échecs économiques des gouvernements africains. Échec nié car « les indicateurs économiques (notamment ceux du FMI) sont inadaptés à l’Afrique, ce qui compte pour la population c’est d’avoir un sentiment de plénitude »… sentiment qui ne semble pas général, comme en témoignent les risques que prennent les migrants pour rejoindre l’Europe.

    De même pour les religions importées et la balkanisation de l’Afrique
    Quant aux méfaits « des religions imposées par les Européens », il remarque que le christianisme n’a pas empêché la Corée de se développer (et je rajouterai que les côtes chrétiennes du golfe de Guinée sont plus développées que l’intérieur animiste puis musulman).

    Concernant les méfaits du racisme qui aurait plombé l’Afrique, il rappelle que ce dernier est une attitude générale dans le monde et qui ne vise pas seulement les noirs, comme l’a illustré l’épisode nazi.

    Enfin, pour ce qui concerne « la balkanisation » de l’Afrique tant reprochée aux Européens, il rappelle que ces pays étaient parfaitement libres de s’unir après les indépendances, qu’il y a eu quelques essais, mais qu’ils se sont heurtés aux équipes ayant pris le pouvoir dans chaque pays, et qui voulaient le garder. Ce sont ces équipes, et non des Européens, qu’il faut blâmer pour cela.

    On est évidemment très loin du récit anticolonial dominant ! « Dominant » rajoute l’auteur, car beaucoup d’Européens et d’Africains s’aperçoivent qu’il est utile à leur carrière et leur donne notamment l’accès aux médias.

    La stratégie de la gauche révolutionnaire
    Les échecs économiques du marxisme et l’attachement des Africains à leurs religions (les traditionnelles, l’islam, le catholicisme et les divers protestantismes) obligent la gauche révolutionnaire à mettre en avant d’autres thèmes que le développement et l’athéisme. Elle a choisi l’anticolonialisme, et semé la haine de la France auprès des Africains qui sont maintenant piégés psychologiquement et cela non seulement en Afrique, mais aussi en France où on apprend aux migrants que c’est la France qui est responsable de la misère de leur pays d’origine.

    L’auteur voit là une des origines du terrorisme, beaucoup plus importante que la religion musulmane. La gauche révolutionnaire est donc une menace pour la nation française tout autant que pour l’Afrique.

    Une administration coloniale non remplacée
    Le livre « L’étrange destin de Wangrin » d’Amadou Hampaté Bâ décrit l’administration coloniale comme « une affaire de blancs » étrange et bienveillante. La motivation de l’indépendance était davantage la fierté et la dignité que la prise en charge du travail de cette administration.

    Or à l’indépendance, il a fallu remplacer brusquement les anciens cadres. Les nouveaux venus, souvent incompétents, ont fait de l’administration une affaire privée. Il n’y a aucune responsabilité des Européens dans ce fait. L’auteur estime donc nécessaire « la nationalisation de l’État » et le retour à un État de droit, occidental ou coutumier.

    Le fait de constater que les plus riches sont les agents de l’État devrait faire réfléchir. Les élites africaines ne font que semblant de faire fonctionner l’État et de pratiquer la démocratie, notamment pour plaire aux bailleurs de fonds.

    Il faudrait donc rapidement d’importantes réformes.

    Les réformes à entreprendre d’urgence
    Le plus important serait le retour du civisme, puis la mise en place de l’État de droit. À partir de là on pourra envisager des réformes précises, comme le droit de demander un référendum en cas de dérive des gouvernants, ou la réaffirmation des droits des parlements et du pouvoir judiciaire.

    Sur le plan économique, l’Afrique allait bien mieux à la fin de la colonisation qu’aujourd’hui, comparativement au reste du monde (l’exemple plus célèbre est celui de la Corée du Sud qui était au niveau de l’Afrique au début de l’après-guerre).

    Cet effondrement est en général évalué monétairement, mais c’est un effet et non une cause. Les causes profondes sont les dévalorisations des métiers de base : boucher, mécanicien, électricien, instituteur, menuisier, chauffeur, maçon… On essaie d’échapper à cette dévalorisation par une course ruineuse aux diplômes, mais ces derniers ne correspondent pas aux besoins de l’économie.

    Dans le même esprit, il faudrait cesser de confisquer les revenus de l’agriculture qui était et reste encore largement la base de la production.

    Il faudrait enfin s’occuper des infrastructures et de la démographie. Beaucoup de « responsables » attendent avec orgueil les 2 milliards d’Africains prévus pour 2050, au lieu de penser aux infrastructures notamment scolaires que cela demandera. Et de toute façon ce n’est pas le nombre en lui-même qui leur apportera la prospérité ou l’influence dans le monde.

    En conclusion : retour à la réalité historique, ouverture et tolérance
    Toutes les civilisations ne se valent pas, comme c’est illustré à toutes les époques par l’appel à des spécialistes étrangers, par exemple égyptiens en Israël sous le règne du roi Salomon (et spécialistes chrétiens européens dans l’empire turc).

    C’est également illustré à la Renaissance par les emprunts intellectuels de l’Europe occidentale à l’Antiquité. Il n’y aura donc rien d’anormal à ce que les Africains empruntent à la civilisation européenne.

    Et pour cela il faut éradiquer la haine semée par la propagande anticoloniale, et donc sortir l’Europe de la repentance et l’Afrique de l’infantilisme.

    Le « décolonial » est à la mode » dans l’intelligentsia française, plus que jamais avec la nomination récente du professeur Fauvelle et d’Emilie Delorme, respectivement au Collège de France et au Conservatoire national de musique. Mais aussi dans les faubourgs de Bamako, dans les programmes scolaires du Nord comme du Sud. Et dans la bouche président français avec la formule « Le colonialisme a été une faute de la république ».

    … Il est donc intéressant d’écouter un Africain disant exactement le contraire !

    Chronique de « L’Afrique à désintoxiquer : sortir l’Europe de la repentance et l’Afrique de l’infantilisme » de Kakou Ernest Tigori.

    Kakou Ernest Tigori, l’auteur
    Kakou Ernest Tigori est né en 1961 à Abidjan, en Côte d’Ivoire. Détenteur d’un diplôme d’ingénieur à l’Inset de Yamoussoukro, il travaille dans les transports publics à Abidjan jusqu’en 2008 où il est, dit-il, « licencié sans droits, condamné et persécuté pour avoir dénoncé publiquement les détournements massifs des deniers publics organisés par les dirigeants de la Sotra (Société des transports abidjanais) ». Il obtient son « salut » grâce à un visa Compétences et Talents lui permettant de gagner la France en 2009. Il se « considère en exil, dans l’attente d’opportunités pour un retour en toute sécurité en Côte d’Ivoire ».

    Sélection d’ouvrages de Tigori

    « Pour la Côte d’Ivoire », essai, 1999,
    « Pauvre Afrique », essai, 2005,
    « Le Souverain noir », roman, 2013 (Prix Mandela de littérature 2017)

    et le livre que je présente ici : « L’Afrique à désintoxiquer », essai de 2018, paru en janvier 2019 aux Éditions Dualpha dans la Collection « Vérités pour l’Histoire » et pour lequel il était interviewé par TV Libertés en février 2019 :

    « L’Afrique à désintoxiquer » en résumé
    Ce qui suit en est un résumé le plus fidèle possible. J’ai rajouté d’éventuelles précisions ou exemples entre parenthèses.

    Sauf indication contraire, les pays évoqués sont ceux des anciennes colonies françaises de l’Afrique subsaharienne et leurs voisins, principalement le Ghana.

    Carte colonisation en Afrique
    Fil conducteur
    L’idée générale de l’ouvrage est que l’histoire de l’Afrique est ignorée, non pas, comme beaucoup le disent actuellement, par ignorance et dédain des Européens, mais pour une raison totalement différente : l’action de « la gauche révolutionnaire instrumentalisée par les stratèges staliniens à partir de la décennie 1940. ».

    Or rétablir l’histoire réelle renverse totalement le point de vue aujourd’hui dominant.

    En effet, cette histoire a été établie par la propagande soviétique pour « contourner le capitalisme par le sud », l’Europe étant censée être ruinée si elle perdait ses colonies. Cette propagande a visé la génération des futurs dirigeants des pays africains indépendants. Certains pour le malheur de leur pays ont gardé leurs convictions « révolutionnaires », tandis que d’autres rompaient avec Moscou.

    Partant de là, la période précoloniale, la colonisation et les indépendances prennent une tout autre figure. Mais les programmes scolaires et discours politiques restent sur la vision soviétique lancée à cette époque.

    Ouvrons maintenant le livre.

    Les remerciements et l’introduction
    Les remerciements sont significatifs : les dirigeants de Singapour, du Botswana, du Ghana post N’Krumah «gouvernants vertueux » et, parmi les intellectuels, René Dumont et Axel Kabou (dont j’avais en son temps apprécié le livre « Et si l’Afrique refusait le développement ») et tout ceux qui « dénoncent l’inconséquence des élites politiques intellectuelles de l’Afrique Noire »

    L’introduction est dans le même ton « quand une communauté connaît la régression socio-économique pendant de nombreuses décennies, il ne faut pas aller (en) chercher les principales causes ailleurs que dans les capacités de ses élites politiques et intellectuels. Cette simple vérité est valable pour toute société y compris l’Afrique.»

    L’Afrique combattante sous la tutelle de la gauche révolutionnaire
    Un bref rappel bien documenté de l’histoire des décennies précédant les indépendances rappelle le règne intellectuel de la gauche « internationaliste » française. Cette dernière forme les futurs intellectuels et politiques africains dans la décennie 1940, alors que la gestion coloniale n’avait alors pas duré plus de 30 ans en général (les dates sont variables selon les pays).

    S’ensuit la guerre froide : L’URSS et les États-Unis essaient de dépecer l’héritage colonial de l’Europe affaiblie par les 2 guerres mondiales, et se concurrencent en Afrique jusqu’à l’écroulement de l’URSS en 1990.

    L’URSS s’appuie sur les intellectuels communistes français, après un début de prosélytisme communiste par certains fonctionnaires coloniaux (dont mon grand-père, qui me l’a raconté en détail). Dans toutes les grandes villes africaines se créent des cercles d’études marxistes où l’on retrouvera les acteurs des indépendances.

    La conférence de Brazzaville organisé par De Gaulle en 1944 autorise la création de syndicats par des Africains ainsi que leur implication progressive dans la conduite de leurs affaires. C’est ainsi qu’André Latrille, gouverneur de la Côte d’Ivoire et sympathisant communiste aide Houphouët-Boigny à fonder le syndicat agricole africain.

    La valeur de ce chapitre vient des innombrables citations des « instructeurs » et des « convertis ». Chaque pays de l’Afrique « française » était bien encadré. Le Parti Communiste Français redouble sa pression sur ces « élèves » lorsqu’il se voit chassé du pouvoir en France et cherche un relais en Afrique.

    Mais le rêve de transformer l’Union française en nouveau Vietnam va échouer dans la plupart des pays lorsque beaucoup de « convertis » rompent avec Moscou : Senghor dès 1946, puis bien d’autres, dont Houphouët-Boigny, grâce notamment à l’action du sénateur Étienne Djaument, aujourd’hui oublié.

    De même pour les intellectuels
    Le Parti Communiste Français a également formaté les intellectuels « phares » à partir des années 1940, dont Aimé Césaire, qui a lancé des formules toujours en usage aujourd’hui du « colonialisme, exploitation éhontée de pillage des ressources » et laissant supposer une ancienne Afrique Noire édénique et pacifique, sans esclavage ni trafics humains… alors qu’à l’époque de ces textes, les Africains un peu âgés se souvenaient de l’interdiction de l’esclavage et des sacrifices humains par les Européens.

    Comme ses amis politiques, Césaire rompt avec le communisme en 56, « plongé dans un abîme de stupeur, de douleur et de honte » et devient un adepte de la départementalisation, mais ses discours précédents restent toujours diffusés dans les programmes scolaires et universitaires.

    Mais pour les intellectuels, « Peu importent les mensonges, l’appui de Moscou donne la notoriété internationale. Il faut répéter que l’Afrique n’est pas responsable de son sort, y compris après les indépendances du fait du néocolonialisme », ou que « pendant des siècles les Blancs sont allés capturer des Noirs pour les déporter et les réduire en esclavage ».

    Le livre du Malien Yambo Ouolguem, Le devoir de violence, prix Renaudot 1968, est retiré de la vente sous la pression du Parti Communiste Français parce que plus nuancé, évoquant notamment les chefs locaux qui vendent leurs sujets aux marchands arabes et occidentaux. Son auteur est harcelé jusqu’à la dépression.

    Mésaventure analogue pour Axel Kabou. Les Européens se sont même accusés d’avoir créé de toutes pièces les divisions tribales (je l’ai effectivement entendu de mes oreilles). Ce courant est représenté en France par l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS).

    Autre témoignage que je partage avec Ernest Signori : dans les années 1960, on entend : « Quand est-ce que ça finit l’indépendance ? ». C’est oublié aujourd’hui, mais mourir traversant la Méditerranée traduit la même déception.

    Une avalanche de citations de ses discours permet de suivre la carrière de Kwame N’Krumah et notamment de ses tentatives répétées d’instaurer un panafricanisme marxiste dont il serait le chef. Nouvel échec. Par contre N’Krumah dirigera et ruinera le Ghana. Même Frantz Fanon finit par le désavouer ! Néanmoins ses discours flamboyants sont encore rappelés avec émotion aujourd’hui.

    La conclusion de cette première partie du livre est que, pour le malheur de l’Afrique, cette vision d’histoire est officielle et enseignée, avec l’appui intellectuel d’une bonne partie des universitaires du Nord, et notamment des Français.

    D’où une vision du monde et de la France largement contraire à la réalité, ce qui conduit beaucoup de dirigeants africains à faire des erreurs stratégiques (je rajoute : comme aujourd’hui les réactions des populations du Sahel gobant la propagande disant que les troupes françaises qui défendent « sont là pour voler notre or »).

    Une histoire africaine « désintoxiquée » de la colonisation
    A ces fables devenues officielles, l’auteur oppose une histoire que je vais schématiser, mais qui est appuyée également par de nombreuses citations et témoignages.

    Les Européens s’implantent pacifiquement sur la côte africaine, en général en louant le terrain sur lequel s’installent, et développent le commerce avec les dirigeants locaux, commerce qui comprend certes l’achat d’esclaves à ces derniers. S’ensuit un intérêt des populations pour ces nouveaux venus, et particulièrement de la part des tribus vassalisées par des empires locaux (que l’histoire officielle idéalise). Ces tribus finissent par demander la protection des Européens et apprécient la fin de l’esclavage et un début d’administration.

    Les très rares combats menés par les Européens ont lieu à l’occasion de la réaction des autorités de ces empires. Tout un chapitre développant ces idées traite, à titre d’exemple, de l’histoire de « l’espace culturel des Akans » et notamment du royaume Ashanti.

    Il « dédramatise » ainsi le terme de colonisation : « Il est important de souligner que toute l’histoire de l’humanité est faite de colonisation, et que l’Afrique noire n’a rien subi de particulier. Par ailleurs, contrairement à l’intoxication communiste, la colonisation fut globalement très bénéfique à l’Afrique ».

    Il rappelle que la défense des intérêts de chaque pays (dont la France) dans d’autres pays est un comportement naturel et universel (comme à mon avis en témoignent les actions américaines, puis chinoises, russes et autres en Afrique aujourd’hui). Il rappelle que le néocolonialisme est un terme inventé par N’Krumah en 1965 pour cacher son échec à la tête du Ghana.

    Dans ce contexte, les termes du néocolonialisme et de Françafrique perdent leur caractère « scandaleux ».

    Autre « désintoxication » historique : l’esclavage et la traite

    Un autre chapitre relativise la traite négrière en rappelant l’histoire de l’esclavage dans le monde et en Afrique, où il décrit des traites très antérieures à l’arrivée des Européens.

    Traite inter-africaine d’abord, avec par exemple le cas de deux bisaïeules de l’auteur, qui étaient des esclaves Sénoufo achetés par des Agnis dans l’actuelle Côte d’Ivoire.

    Traite également vers le Maghreb (la traite arabe en Afrique orientale, plus massive que celle vers le Maghreb ne concerne pas les pays traités dans ce livre).

    Traite européenne enfin, qui s’est faite en commerçant avec des États africains indépendants, aujourd’hui magnifiés par l’histoire officielle.

    Il souligne également que les Européens ont été les premiers anti-esclavagistes, intellectuellement d’abord, puis concrètement à partir de la première moitié du XIXe siècle pour ceux qui intervenaient en Afrique, des États-Unis étant retard dans ce domaine.

    Au passage, il salue l’histoire telle qu’elle est enseignée au Nord où aucun pays ne cache ses « faces sombres » et exhorte les Africains à faire de même pour l’histoire précoloniale et postcoloniale.

    La « désintoxication » de l’histoire économique
    Concernant le rôle réputé négatif du Fond Monétaire International (FMI) en Afrique, il développe les rapports de cette institution avec Samora Machel, dirigeant du Mozambique à partir de 1974, pour illustrer que c’est ce dernier qui est responsable du mauvais état de son pays… qui a fini par abandonner plus tard le socialisme.

    Suit un panorama des échecs économiques des gouvernements africains. Échec nié car « les indicateurs économiques (notamment ceux du FMI) sont inadaptés à l’Afrique, ce qui compte pour la population c’est d’avoir un sentiment de plénitude »… sentiment qui ne semble pas général, comme en témoignent les risques que prennent les migrants pour rejoindre l’Europe.

    De même pour les religions importées et la balkanisation de l’Afrique
    Quant aux méfaits « des religions imposées par les Européens », il remarque que le christianisme n’a pas empêché la Corée de se développer (et je rajouterai que les côtes chrétiennes du golfe de Guinée sont plus développées que l’intérieur animiste puis musulman).

    Concernant les méfaits du racisme qui aurait plombé l’Afrique, il rappelle que ce dernier est une attitude générale dans le monde et qui ne vise pas seulement les noirs, comme l’a illustré l’épisode nazi.

    Enfin, pour ce qui concerne « la balkanisation » de l’Afrique tant reprochée aux Européens, il rappelle que ces pays étaient parfaitement libres de s’unir après les indépendances, qu’il y a eu quelques essais, mais qu’ils se sont heurtés aux équipes ayant pris le pouvoir dans chaque pays, et qui voulaient le garder. Ce sont ces équipes, et non des Européens, qu’il faut blâmer pour cela.

    On est évidemment très loin du récit anticolonial dominant ! « Dominant » rajoute l’auteur, car beaucoup d’Européens et d’Africains s’aperçoivent qu’il est utile à leur carrière et leur donne notamment l’accès aux médias.

    La stratégie de la gauche révolutionnaire
    Les échecs économiques du marxisme et l’attachement des Africains à leurs religions (les traditionnelles, l’islam, le catholicisme et les divers protestantismes) obligent la gauche révolutionnaire à mettre en avant d’autres thèmes que le développement et l’athéisme. Elle a choisi l’anticolonialisme, et semé la haine de la France auprès des Africains qui sont maintenant piégés psychologiquement et cela non seulement en Afrique, mais aussi en France où on apprend aux migrants que c’est la France qui est responsable de la misère de leur pays d’origine.

    L’auteur voit là une des origines du terrorisme, beaucoup plus importante que la religion musulmane. La gauche révolutionnaire est donc une menace pour la nation française tout autant que pour l’Afrique.

    Une administration coloniale non remplacée
    Le livre « L’étrange destin de Wangrin » d’Amadou Hampaté Bâ décrit l’administration coloniale comme « une affaire de blancs » étrange et bienveillante. La motivation de l’indépendance était davantage la fierté et la dignité que la prise en charge du travail de cette administration.

    Or à l’indépendance, il a fallu remplacer brusquement les anciens cadres. Les nouveaux venus, souvent incompétents, ont fait de l’administration une affaire privée. Il n’y a aucune responsabilité des Européens dans ce fait. L’auteur estime donc nécessaire « la nationalisation de l’État » et le retour à un État de droit, occidental ou coutumier.

    Le fait de constater que les plus riches sont les agents de l’État devrait faire réfléchir. Les élites africaines ne font que semblant de faire fonctionner l’État et de pratiquer la démocratie, notamment pour plaire aux bailleurs de fonds.

    Il faudrait donc rapidement d’importantes réformes.

    Les réformes à entreprendre d’urgence
    Le plus important serait le retour du civisme, puis la mise en place de l’État de droit. À partir de là on pourra envisager des réformes précises, comme le droit de demander un référendum en cas de dérive des gouvernants, ou la réaffirmation des droits des parlements et du pouvoir judiciaire.

    Sur le plan économique, l’Afrique allait bien mieux à la fin de la colonisation qu’aujourd’hui, comparativement au reste du monde (l’exemple plus célèbre est celui de la Corée du Sud qui était au niveau de l’Afrique au début de l’après-guerre).

    Cet effondrement est en général évalué monétairement, mais c’est un effet et non une cause. Les causes profondes sont les dévalorisations des métiers de base : boucher, mécanicien, électricien, instituteur, menuisier, chauffeur, maçon… On essaie d’échapper à cette dévalorisation par une course ruineuse aux diplômes, mais ces derniers ne correspondent pas aux besoins de l’économie.

    Dans le même esprit, il faudrait cesser de confisquer les revenus de l’agriculture qui était et reste encore largement la base de la production.

    Il faudrait enfin s’occuper des infrastructures et de la démographie. Beaucoup de « responsables » attendent avec orgueil les 2 milliards d’Africains prévus pour 2050, au lieu de penser aux infrastructures notamment scolaires que cela demandera. Et de toute façon ce n’est pas le nombre en lui-même qui leur apportera la prospérité ou l’influence dans le monde.

    En conclusion : retour à la réalité historique, ouverture et tolérance
    Toutes les civilisations ne se valent pas, comme c’est illustré à toutes les époques par l’appel à des spécialistes étrangers, par exemple égyptiens en Israël sous le règne du roi Salomon (et spécialistes chrétiens européens dans l’empire turc).

    C’est également illustré à la Renaissance par les emprunts intellectuels de l’Europe occidentale à l’Antiquité. Il n’y aura donc rien d’anormal à ce que les Africains empruntent à la civilisation européenne.

    Et pour cela il faut éradiquer la haine semée par la propagande anticoloniale, et donc sortir l’Europe de la repentance et l’Afrique de l’infantilisme.

    Yves Montenay

    https://www.revueconflits.com/afrique-colonialisme-kakou-ernest-tigori/

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