Histoire: A quand un tribunal de Nuremberg pour les génocidaires communistes? (Holodomor: the other forgotten genocide)

Ils semblaient menacés de mort lente. Il était d’importance capitale de cacher ces faits au monde extérieur. Enhardis par l’effondrement du moulin, les humains accablaient la Ferme des Animaux sous de nouveaux mensonges. Une fois encore, les bêtes mouraient de faim et les maladies faisaient des ravages, elles se battaient entre elles, tuaient leurs petits, se comportaient en vrais cannibales. Si la situation alimentaire venait à être connue, les conséquences seraient funestes ; et c’est ce dont Napoléon se rendait clairement compte. Aussi décida-t-il de recourir à Mr. Whymper, pour que prévale le sentiment contraire.  (…) Neuf d’entre elles, entre-temps, étaient mortes. On les enterra dans le verger, et il fut entendu qu’elles étaient mortes de coccidiose. Whymper n’eut pas vent de l’affaire, et les œufs furent livrés en temps voulu. La camionnette d’un épicier venait les enlever chaque semaine. George Orwell (Animal farm)
Un des grands problèmes de la Russie – et plus encore de la Chine – est que, contrairement aux camps de concentration hitlériens, les leurs n’ont jamais été libérés et qu’il n’y a eu aucun tribunal de Nuremberg pour juger les crimes commis. Thérèse Delpech (« L’Ensauvagement: le retour de la barbarie au XXIe siècle », 2005)
En 1989, lors de la chute des « démocraties populaires », l’Europe de l’Est s’est tournée vers la démocratie et l’économie de marché, l’intégration dans l’Otan et l’Union européenne. Le tournant s’accompagna du processus de lustration (transparence sur les responsabilités individuelles sous le régime défunt et sanctions éventuelles, NDLR) qui variait d’un pays à l’autre. (…)  Si la « lustration » a touché des milliers d’individus dans chaque pays concerné, les procès de ceux qui avaient donné ou exécuté des ordres criminels du régime communiste ont été bien plus rares. (…) Cependant, le Nuremberg de l’Est n’a jamais eu lieu, qui aurait condamné non seulement des criminels, mais la nature criminelle des régimes communistes, plus ou moins meurtriers, selon les époques, malgré la résolution n° 1481 de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe sur la «Nécessité d’une condamnation internationale des crimes des régimes communistes totalitaires», adoptée en janvier 2006 ; et celle adoptée par le Parlement européen le 2 avril 2009, qui instaure, en tant que Journée européenne du souvenir, la date du 23 août: l’anniversaire de l’infâme pacte Molotov-Ribbentrop ayant partagé l’Europe de l’Est entre deux alliés totalitaires, Hitler et Staline. L’unique proposition d’organiser un tribunal international pour enquêter sur les « crimes du communisme » a été faite à la conférence internationale « Héritage criminel du communisme et du nazisme », à Tallinn, en 2017. Cette initiative du ministre de la Justice estonien de l’époque fut soutenue par les ministères de la Justice de Lettonie, Lituanie, Pologne, République tchèque, Slovaquie, Hongrie et Croatie, mais rien n’est concrétisé à ce jour. C’est probablement la réticence fréquente de comparer nazisme et communisme qui bloque de telles initiatives, comme l’a bien démontré la critique acharnée contre le directeur de l’ouvrage Le Livre noir du communisme (Robert Laffont, 1997), Stéphane Courtois, pour son rapprochement du génocide nazi et de la répression stalinienne, et plus largement, contre l’ensemble de l’ouvrage qui met en cause l’idéologie communiste elle-même. Or, pour les peuples qui avaient vécu sous l’occupation soviétique, comme les pays baltes, ou sous la domination soviétique, comme l’ensemble de l’Europe de l’Est, le traumatisme reste extrêmement vif. En témoignent les musées du KGB à Riga, à Vilnius et à Tallinn et dans d’autres capitales ; la création d’Instituts de mémoire nationale dans plusieurs pays dont la Pologne et l’Ukraine, chargés non seulement d’étudier et de rendre accessibles, au public général, les archives des services secrets communistes, mais aussi d’élaborer les narratifs historiques nationaux indépendants ; les procédures de décommunisation, à savoir le démantèlement de l’héritage idéologique de l’État communiste, y compris ses symboles et sa toponymie ; un flot de livres et de films, comme Purge de Sofi Oksanen (Stock, 2008) ou Katyn (2007) et Les Fleurs bleues (2016) de Wajda. Il est d’autant plus regrettable que la Russie postcommuniste ait adopté, au cours des dernières années, une attitude opposée en justifiant et en glorifiant son passé soviétique, y compris la période stalinienne, au nom de sa « fierté retrouvée ».  Galia Ackerman
Ici, la mort de faim d’un enfant de koulak ukrainien délibérément acculé à la famine par le régime stalinien « vaut » la mort de faim d’un enfant juif du ghetto de Varsovie. Stéphane Courtois
 J’ai traversé l’Ukraine. Eh bien ! Je vous affirme que je l’ai vue comme un jardin en plein rendement, un beau jardin aux terres noires et grasses que couvraient, sur des étendues considérables, des moissons magnifiques. On assure, me direz-vous, que cette contrée vit à ces heures une époque attristée ? Je ne peux pas parler de ce que je n’ai pas vu. Pourtant, je me suis fait conduire dans des endroits qu’on disait éprouvés. Or, je n’ai constaté que la prospérité. Un peu partout on battait avec ardeur à la batteuse électrique. Edouard Herriot (13 septembre 1933)
Un jour, je me rappelle, un vieil homme a apporté au président du kolkhoze un bout de journal, qu’il avait ramassé en chemin. Un Français était venu chez nous, un ministre connu, et on l’avait amené dans la région de Dniepropetrovsk où sévissait la plus effroyable des famines, une famine pire encore que la nôtre. Là-bas, les hommes mangent de l’homme. On a donc amené le ministre dans un village, au jardin d’enfants du kolkhoze, et là il a demandé : “Qu’est-ce que vous avez mangé au déjeuner ? Et les enfants ont répondu : “Du bouillon de poule, des pirojki et des croquettes de riz.” Dire que j’ai lu ça de mes propres yeux. Ce bout de journal, je le vois encore. Mais qu’est-ce que c’est que ça ? On tue froidement des millions de gens et on abuse, on trompe le monde entier ! Du bouillon de poule qu’ils écrivent ! Des croquettes ! Alors qu’ils mangeaient des vers de terre… Vassili Grossman
There is a serious shortage food shortage throughout the country, with occasional cases of well-managed State or collective farms. The big cities and the army are adequately supplied with food. There is no actual starvation or deaths from starvation, but there is widespread mortality from diseases due to malnutrition. In short, conditions are definitely bad in certain sections- the Ukraine, North Caucasus and Lower Volga. The rest of the country is on short rations but nothing worse. These conditions are bad, but there is no famine. Walter Duranty
On my return from Russia at the end of March, I stated in an interview in Berlin that everywhere I went in the Russian villages I heard the cry; “There is no bread, we are dying,” and that there was famine in the Soviet Union, menacing the lives of millions of people. Walter Duranty, whom I must thank for his continued kindness and helpfulness to hundreds of American and British visitors to Moscow, immediately cabled a denial of the famine. He suggested that my judgment was only based on a forty-mile tramp through villages.  He stated that he had inquired in Soviet commissariats and in the foreign embassies and had come to the conclusion that there was no famine, but that there was a “serious food shortage throughout the country … No actual starvation or deaths from starvation, but there is widespread mortality from diseases due to malnutrition.”  While partially agreeing with my statement, he implied that my report was a “scare story” and compared it with certain fantastic prophecies of Soviet downfall.  He also made the strange suggestion that I was forecasting the doom of the Soviet régime, a forecast I have never ventured. I stand by my statement that Soviet Russia is suffering from a severe famine.  (…)  Since Mr. Duranty introduces consuls into the discussion, a thing I am loath to do, for they are official representatives of their countries and should not be quoted, may I say that I discussed the Russian situation with between twenty and thirty consuls and diplomatic representatives of various nations and that their evidence supported my point of view. But they are not allowed to express their views in the press, and therefore remain silent. Journalists, on the other hand, are allowed to write, but the censorship has turned them into masters of euphemism and understatement. Hence they give “famine” the polite name of  “food shortage” and “starving to death” is softened down to read as “widespread mortality from diseases due to malnutrition.”  Consuls are not so reticent in private conversation. (…) May I in conclusion congratulate the Soviet Foreign Office on its skill in concealing the true situation in the U.S.S.R.?  Moscow is not Russia, and the sight of well fed people there tends to hide the real Russia. Gareth Jones
Huge events like the Ukraine famine of 1933, involving the deaths of millions of people, have actually escaped the attention of the majority of English Russophiles. George Orwell
It was considered equally proper to publicise famines when they happened in India and to conceal them when they happened in the Ukraine. And if this was true before the war, the intellectual atmosphere is certainly no better now. George Orwell
The fog of lies and misinformation that surrounds such subjects as the Ukraine famine, the Spanish civil war, Russian policy in Poland, and so forth, is not due entirely to conscious dishonesty, but any writer or journalist who is fully sympathetic for the U.S.S.R. – sympathetic, that is, in the way the Russians themselves would want him to be – does have to acquiesce in deliberate falsification on important issues. George Orwell
Nous n’allons pas demander pardon… il n’y a aucune raison de demander pardon. Viktor Tchernomyrdine (ambassadeur de Russie en Ukraine, août 2003)
L’URSS a connu en 1932-1933 une sérieuse disette conduisant à un strict renforcement du rationnement, pas une famine et en tout cas pas une famine à « six millions de morts… Annie Lacroix-Riz

A l’heure où deux génocidaires rwandais qui coulaient depuis 13 ans des jours heureux dans une France elle-même complice de génocide viennent, dans l’indifférence générale, d’être arrêtés puis (pour cause de mandats d’arrêt mal rédigés) relâchés …

Et pour ne pas donner l’impression de s’acharner sur les actes de service génocidaires, passés et présents, des pays musulmans

Il faudrait bien sûr aussi mentionner ceux qui les ont longtemps soutenus (des Nasser, Assad et Saddam à tous les mouvements terroristes qu’a pu compter le Moyen-Orient) et qui continuent d’ailleurs aujourd’hui à les soutenir (des mollahs iraniens aux génocidaires de Khartoum) …

Et qui ont en commun (contrairement à l’Allemagne ou au Japon) non seulement de n’avoir jamais été punis pour leurs massifs crimes contre l’humanité, mais de ne les avoir jamais réellement reconnus, à savoir essentiellement la Russie mais aussi la Chine.

Ainsi, même si à strictement parler il n’y avait pas (comme pour les Hereros, Arméniens, Juifs ou Toutsis) la volonté d’exterminer tous les paysans ukrainiens jusqu’au dernier mais de briser leurs vélléités nationalistes comme leur refus de la collectivisation (au profit de l’Ukraine orientale industrielle des Khrouchtchev et des Stakhanov), la famine orchestrée d’Ukraine (l’Holodomor ou « extermination par la faim » – l’arme de la faim, plus « adaptée » que l’intervention armée ou la déportation pour une population si nombreuse, ayant déjà été utilisée en 1921-1922 avec détournement de l’aide alimentaire internationale pour une famine cette fois-là non directement provoquée) qui, en neuf mois (entre 1932 et 1933) transforma le grenier à blé du monde en mouroir (peut-être 5 millions de victimes sur 30), n’est pas sans rappeler les marches de la mort de 1915 des chrétiens arméniens par les musulmans turcs. (merci à Banquise tropicale pour le rappel)

Avec d’ailleurs, même si cette dimension génocidaire a été reconnue depuis par une dizaine de pays (dont les Etats-Unis, le Canada et l’Australie, mais toujours pas, en cette année du 75e anniversaire, par la France, pourtant habituellement grande donneuse de leçons!), la complaisance de l’Occident et notamment de nombre de leurs journalistes et de leurs intellectuels (les fameux « idiots utiles » de Lénine).

Comme le prix Pulitzer anglais du NYT Walter Duranty ou le dramaturge irlandais (et défenseur de… Lyssenko!) George Bernard Shaw, dont il faudrait relire la prose qui n’a rien à envier à nos thuriféraires actuels, dans the Nation ou Le Monde diplodocus ou, de la cause palestinienne ou de la République islamique …

Avec une mention toute particuilère pour la négationniste de Paris VII Annie Lacroix-Riz pour qui la famine d’Ukraine n’était, comme le rappelle la lettre du Congrès mondial ukrainien au président français l’année dernière, qu’une « invention concertée de l’Allemagne, de la Pologne et du Vatican ».

CONGRÈS MONDIAL UKRAINIEN

Le 23 février 2006

L’Honorable Jacques Chirac
Président de la République française

Monsieur le Président,

À titre d’organisation représentative constituée de citoyens et de résidents d’origine ethnique ukrainienne répartis dans plus de trente pays, nous vous écrivons au sujet d’un enjeu d’importance. L’affaire en question nous a été signalée par des représentants de la communauté franco-ukrainienne et implique une employée d’un établissement d’enseignement régi par l’État.

Madame le professeur Lacroix-Riz de l’Université Paris 7 a écrit que la famine/génocide qui s’est abattu sur l’Ukraine en 1932-33 est une invention concertée de l’Allemagne, de la Pologne et du Vatican. En outre, elle a qualifié l’Église catholique ukrainienne de fasciste et de nazie. La communauté franco-ukrainienne a écrit des lettres à l’attention de Madame le professeur Lacroix-Riz, du recteur de l’Université et du ministre de l’Éducation nationale. Toutes ces lettres sont demeurées sans réponse.

Bien que nous respections la liberté universitaire ainsi que la liberté d’expression, nous sommes profondément préoccupés par ce révisionnisme historique avoisinant le sectarisme. Comme l’a reconnu le monde entier, la famine qui a décimé l’Ukraine en 1932-33 était un génocide cruel perpétré par le régime soviétique de Josef Stalin. Cette tragédie a mené à la mort quelque sept millions d’hommes, de femmes et d’enfants. Le discours de Madame Lacroix_Riz constitue un affront non seulement à la mémoire de ces victimes innocentes mais également à la mémoire des victimes d’autres génocides. De plus, l’insulte faite à l’Église catholique ukrainienne démontre que les propos de Madame Lacroix_Riz sont empreints d’une hostilité contre une ethnie.

Compte tenu que la réputation de l’éducation et du savoir français est en jeu, tout comme la compassion du peuple de France envers la souffrance d’autrui, nous vous demandons de vous impliquer personnellement dans cette affaire. Nous ne visons pas le congédiement de Madame Lacroix_Riz ni même sa condamnation. Nous demandons toutefois que le Président français émette une déclaration qui désavoue le sectarisme personnel de l’un de ses employés.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’expression de nos sentiments distingués.

Askold S. Lozynskyj
Président du Congrès Mondial Ukrainien

Voir aussi l’article du Monde:

Le 27 octobre, un représentant ukrainien a appelé, lors d’une réunion de l’Assemblée générale de l’ONU, « tous les Etats à condamner l’Holodomor et à promouvoir sa reconnaissance internationale, particulièrement par les Nations unies, comme génocide contre la nation ukrainienne ». Une dizaine de pays, la plupart abritant une forte communauté ukrainienne comme les Etats-Unis, le Canada ou l’Australie, ont aujourd’hui reconnu officiellement ce caractère génocidaire. La France, qui aime tant légiférer sur l’Histoire, ne fait pas partie de la liste. « Le gouvernement français n’envisage pas, à ce stade, de se prononcer sur la qualification politique et juridique de la grande famine comme crime de génocide », assurait, en 2005, le ministère des affaires étrangères, en réponse à une question écrite d’un sénateur.

«Est-ce un génocide ? Plutôt oui. Par rapport aux autres famines qui ont touché l’Union soviétique, celle-ci se distingue par la volonté d’éradiquer le nationalisme et de punir des paysans. Elle est aggravée volontairement. Il y a une spécificité.» Nicolas Werth

Si la réalité de la famine n’est plus guère contestée, le principal débat concerne donc la qualification de génocide. La pénurie alimentaire est née de réquisitions massives, virant au pillage, organisées à partir de l’été 1932. Elle a surtout touché les régions les plus hostiles à la collectivisation des terres et les foyers du nationalisme ukrainien. Les victimes avaient interdiction de sortir du périmètre dans lequel les vivres avaient été confisqués. Elles y étaient renvoyées quand elles tentaient de s’en échapper. Tandis que des hommes mouraient de faim, l’URSS exportait des céréales (1,7 million de tonnes en 1932, puis en 1933).

« Cette famine préméditée, organisée, systématisée était destinée à éliminer la partie la plus dynamique de la paysannerie. Il faut appeler cela un génocide de classe » Stéphane Courtois, coauteur du Livre noir du communisme.

« C’est un génocide par famine. Les historiens ont la volonté de contenir la définition de génocide, mais, même selon des critères restrictifs, la mort par famine délibérée de 5 millions de personnes est sans aucun doute un génocide.» Yves Ternon, auteur de Guerres et génocides au XXe siècle

La gravité de la famine est cependant contestée par quelques historiens revendiquant leur fidélité communiste. La Française Annie Lacroix-Riz, qui enseigne à Paris-VII, dénonce ainsi une « opération de propagande », « un bobard » et préfère évoquer « une sérieuse disette conduisant à un strict renforcement du rationnement » (Sur la «famine » en Ukraine en 1933 : une campagne allemande, polonaise et vaticane).

Anniversaire
Le tabou de l’ « Holodomor » ukrainien
Benoît Hopquin
Le Monde
Le 25.11.06

A Kiev, le président Iouchtchenko a déposé un projet de loi qualifiant la famine de 1932-1933 de génocide, dont la négation sera punie. En filigrane, les tensions avec les russophones et Moscou
L’Histoire n’est pas neutre. Dans l’ex-Union soviétique encore moins qu’ailleurs. L’Ukraine s’apprête à commémorer, samedi 25 novembre, la famine qui a frappé le pays en 1932 et 1933. Connue sous le nom d’ « Holodomor » (« extermination par la faim », en ukrainien), cette page de l’ère stalinienne a fait plusieurs millions de morts, principalement dans les régions de Kharkiv et de Dniepropetrovsk. L’anniversaire est, cette année, plus politique que jamais. Le président Viktor Iouchtchenko a déposé, début novembre, un projet de loi « sur la perpétuation de la mémoire des victimes de la famine ». Le texte prévoit notamment de punir quiconque contesterait son caractère génocidaire. « Nous n’accusons aucun peuple, aucun pays et personne, en Ukraine, de génocide. Ce n’est pas le but de cette loi », a assuré le président, le 15 novembre.

Tout de même. L’affaire survient alors que Viktor Iouchtchenko est en train de rompre le pacte de gouvernement scellé en août, après les élections législatives, avec le parti prorusse de Viktor Ianoukovitch, qui représente justement ces russophones dont les parents sont venus s’installer en Ukraine pour combler la saignée démographique de la famine. Les partisans de M. Ianoukovitch sont divisés sur l’opportunité de voter ce projet de loi. En visite à Kiev, début novembre 2006, Sergueï Lavrov, ministre russe des affaires étrangères, a de son côté refusé que la famine soit considérée comme un génocide.

Le texte fouaille une blessure de la mémoire ukrainienne. Occultée de l’histoire officielle soviétique, l’ Holodomor a marqué les familles et entretenu le ressentiment vis-à-vis de Moscou. Dans les périodes de tensions avec le grand voisin ou dans les phases d’impopularité interne, le gouvernement ukrainien se saisit de la tragédie. En 2003, avant la « révolution orange », le Parlement ukrainien avait voté une résolution – pas une loi – qui assimilait déjà la famine de 1932-1933 à un « génocide », « un acte terroriste délibéré du système stalinien » et « un des facteurs importants pour la reconnaissance de l’indépendance ukrainienne ».

L’offensive du président est également diplomatique. Le 27 octobre, un représentant ukrainien a appelé, lors d’une réunion de l’Assemblée générale de l’ONU, « tous les Etats à condamner l’Holodomor et à promouvoir sa reconnaissance internationale, particulièrement par les Nations unies, comme génocide contre la nation ukrainienne ». Une dizaine de pays, la plupart abritant une forte communauté ukrainienne comme les Etats-Unis, le Canada ou l’Australie, ont aujourd’hui reconnu officiellement ce caractère génocidaire. La France, qui aime tant légiférer sur l’Histoire, ne fait pas partie de la liste. « Le gouvernement français n’envisage pas, à ce stade, de se prononcer sur la qualification politique et juridique de la grande famine comme crime de génocide », assurait, en 2005, le ministère des affaires étrangères, en réponse à une question écrite d’un sénateur.

L’exploitation politique de la famine ne facilite pas le travail des historiens, déjà compliqué par le long interdit qui a pesé sur le sujet. « Nous sortons d’un silence absolu de soixante ans », constate Nicolas Werth, l’un des meilleurs connaisseurs français de la période, directeur de recherche à l’Institut d’histoire du temps présent, dépendant du CNRS. L’ouverture partielle des archives de l’ex-URSS a amélioré la connaissance, tout comme les témoignages des derniers survivants, recueillis notamment par Georges Sokolov ( L’Année noire 1933 : la famine en Ukraine, Albin Michel). Les rapports de la Guépéou sur les « difficultés alimentaires » apportent un éclairage glacial mais circonstancié. Les estimations divergent encore sur le bilan, mais le chiffre de 5 millions de morts est le plus fréquemment évoqué.

La gravité de la famine est cependant contestée par quelques historiens revendiquant leur fidélité communiste. La Française Annie Lacroix-Riz, qui enseigne à Paris-VII, dénonce ainsi une « opération de propagande », « un bobard » et préfère évoquer « une sérieuse disette conduisant à un strict renforcement du rationnement » ( Sur la « famine » en Ukraine en 1933 : une campagne allemande, polonaise et vaticane). Contactée par Le Monde, l’historienne n’a pas donné suite à notre appel.

Les réfractaires s’appuient notamment sur le voyage d’Edouard Herriot dans la région en 1933. L’homme politique radical s’était répandu sur la prospérité des campagnes ukrainiennes. Mais des travaux historiques ont, depuis, démontré comment le voyageur, obnubilé par sa volonté d’un rapprochement franco-soviétique, avait été magistralement abusé par ses hôtes.

Le journaliste américain Walter Duranty, correspondant du New York Times à Moscou, prix Pulitzer 1932, a également nié jusqu’à sa mort, en 1957, l’existence d’une famine. Mais son journal a récemment soumis ses articles à un examen critique et conclu que sa couverture était « discréditée ». Une campagne a été lancée outre-Atlantique pour que le prix Pulitzer lui soit retiré.

Si la réalité de la famine n’est plus guère contestée, le principal débat concerne donc la qualification de génocide. La pénurie alimentaire est née de réquisitions massives, virant au pillage, organisées à partir de l’été 1932. Elle a surtout touché les régions les plus hostiles à la collectivisation des terres et les foyers du nationalisme ukrainien. Les victimes avaient interdiction de sortir du périmètre dans lequel les vivres avaient été confisqués. Elles y étaient renvoyées quand elles tentaient de s’en échapper. Tandis que des hommes mouraient de faim, l’URSS exportait des céréales (1,7 million de tonnes en 1932, puis en 1933).

Selon l’historien Stéphane Courtois, coauteur du Livre noir du communisme, « cette famine préméditée, organisée, systématisée était destinée à éliminer la partie la plus dynamique de la paysannerie. Il faut appeler cela un génocide de classe ». « C’est un génocide par famine », estime le docteur Yves Ternon, auteur de Guerres et génocides au XXe siècle, ouvrage à paraître en janvier chez Odile Jacob. « Les historiens ont la volonté de contenir la définition de génocide, mais, même selon des critères restrictifs, la mort par famine délibérée de 5 millions de personnes est sans aucun doute un génocide », poursuit le spécialiste.

« Une volonté punitive est-elle une volonté génocidaire ? », interroge cependant Pavel Chinsky, normalien franco-russe enseignant à Moscou et auteur de Staline. Archives inédites 1926-1936 (éd. Berg). Egalement opposés à la collectivisation, les nomades du Kazakhstan, les paysans des bords de la Volga ou les cosaques du nord du Caucase ont été à la même époque l’objet de mesures répressives qui ont abouti à de terribles famines.

Longtemps, Nicolas Werth s’est montré circonspect sur la qualification de l’ Holodomor. Mais les derniers textes exhumés des archives, notamment des lettres de Staline, ont infléchi sa position. « Est-ce un génocide ? Plutôt oui. Par rapport aux autres famines qui ont touché l’Union soviétique, celle-ci se distingue par la volonté d’éradiquer le nationalisme et de punir des paysans. Elle est aggravée volontairement. Il y a une spécificité », estime-t-il. Près de soixante-quinze ans après, les archives ne sont encore qu’entrouvertes et le débat est soumis aux pressions. « Il y a, dans certaines démarches historiques, la recherche d’une part de revanche », regrette Pavel Chinsky. « Être historien reste un métier difficile en Russie », constate-t-il.

Voir également le site spécifique d’Annie Lacroix-Riz (créé au printemps 2005) où elle récite une interminable litanie de dépêches du Quai d’Orsay es années 30, sans jamais se poser la question, comme le dit Stéphane Courtois, de leurs « conditions de production »:

Extraits:

SUR LA « FAMINE » EN UKRAINE EN 1933 :
UNE CAMPAGNE ALLEMANDE, POLONAISE ET VATICANE
Annie Lacroix-Riz
27 novembre 2004

(…)

La gigantesque campagne de presse (et autre propagande) de 1933 sur « la grande famine » d’Ukraine est, si l’on se fie aux fonds du Quai d’Orsay, un bobard lancé 1° pour préparer l’« alliance » polono-allemande de janvier 1934 (Varsovie et Berlin se font des politesses à propos de l’Ukraine que le Reich promet aux Polonais, « en échange du corridor de Dantzig », supercherie dont Berlin a déjà usé dans les années vingt) et 2°, objectif allemand essentiel, pour empêcher la réalisation l’alliance franco-soviétique qui se dessine depuis le retour d’Herriot au poste conjoint de Président du Conseil et de Ministre des Affaires étrangères (juin-décembre 1932). Les fonds publiés du Foreign Office « sur l’Ukraine et la grande famine de 1932-1933 » autorisent une interprétation similaire sur le sens de politique extérieure de l’opération de propagande de 1933 : le « mémorandum de Ponsonby Moore Crosthwaite sur l’histoire de l’Ukraine et ses relations avec la Pologne et la Russie, 11 décembre 1933 » est aussi clair que la correspondance du Quai d’Orsay citée ci-dessous.
Le Vatican, qui hait la Pologne, catholique certes, mais pillarde de territoires allemands, signe en juillet 1933 le Concordat du Reich qui prévoit, entre autres clauses secrètes, l’occupation commune de l’Ukraine. On comprend ainsi mieux le rôle, particulièrement actif, de la Curie romaine et l’utilisation dans l’opération ukrainienne de son instrument favori de l’expansion allemande à l’Est (notamment pour l’Anschluss et la liquidation de la Tchécoslovaquie), l’Allemand des Sudètes, par ailleurs cardinal (1933) archevêque de Vienne (1932), Innitzer .
L’URSS a connu en 1932-1933 une sérieuse disette conduisant à un strict renforcement du rationnement, pas une famine et en tout cas pas une famine à « six millions de morts », chiffre (scandaleux sur le plan méthodologique en particulier) lancé ces dernières années par le démographe Alain Blum, question examinée plus loin (sur le traitement universitaire récent de la question en France, mise au point dans la 3e partie du présent dossier).
Les développements ci-dessous relatifs aux ambitions affichées par le Reich en 1933 à propos de l’Ukraine (programme de conquête antérieur à 1914, et donc non spécifique du programme impérialiste nazi ) infirment, comme ceux du recueil que j’ai constitué sur l’armée rouge en 1937-1938, la thèse des dangers extérieurs instrumentalisés par Staline contre ses ennemis « imaginés » ou purement et simplement inventés, familière à l’historiographie française actuelle.

(…)

Voir la dépêche de Duranty contestant la famine:

There is no actual starvation or deaths from starvation, but there is widespread mortality from diseases due to malnutrition.

RUSSIANS HUNGRY, BUT NOT STARVING

Deaths From Diseases Due to Malnutrition High, Yet the Soviet is Entrenched

LARGER CITIES HAVE FOOD

Ukraine, North Caucasus and Lower Volga Regions Suffer From Shortages.

KREMLIN’S ‘DOOM’ DENIED

Russian and Foreign Observers In Country See No Ground for Predications of Disaster

By WALTER DURANTY

Special Cable to THE NEW YORK TIMES

The New York Times,
Friday March 31st 1933

MOSCOW, March 30—In the middle of the diplomatic duel between Great Britain and the Soviet Union over the accused British engineers there appears from a British source a big scare story in the American press about famine in the Soviet Union, with « thousands already dead and millions menaced by death and starvation. »

Its author is Gareth Jones, who is a former secretary to David Lloyd George and who recently spent three weeks in the Soviet Union and reached the conclusion that the country was « on the verge of a terrific smash, » as he told the writer.

Mr. Jones is a man of a keen and active mind, and he has taken the trouble to learn Russian, which he speaks with considerable fluency, but the writer thought Mr. Jones’s judgment was somewhat hasty and asked him on what it was based. It appeared that he had made a forty-mile walk through villages in the neighborhood of Kharkov and had found conditions sad.

I suggested that that was a rather inadequate cross-section of a big country but nothing could shake his conviction of impending doom.

Predictions of Doom Frequent.

The number of times foreigners, especially Britons, have shaken rueful heads as they composed the Soviet Union’s epitaph can scarcely be computed, and in point of fact it has done incalculable harm since the day when William C. Bullitt’s able and honest account of the situation was shelved and negatived during the Versailles Peace Conference by reports that Admiral Kolchak, White Russian leader, had taken Kazan – which he never did – and that the Soviet power was « one the verge of an abyss. »

Admiral Kolchak faded. Then General Denikin took Orel and the Soviet Government was on the verge of an abyss again, and General Yudenich « took » Petrograd. But where are Generals Denikin and Yudenich now?

A couple of years ago another British « eyewitness » reported a mutiny in the Moscow garrison and « rows of corpses neatly piled in Theatre Square, » and only this week a British news agency revealed a revolt of the Soviet Fifty-fifth Regiment at Duria, on the Manchurian border. All bunk, of course.

This is not to mention a more regrettable incident of three years ago when an American correspondent discovered half of Ukraine flaming with rebellion and « proved » it by authentic documents eagerly proffered by Rumanians, which documents on examination appeared to relate to events of eight or ten years earlier.

Saw No One Dying

But to return to Mr. Jones. He told me there was virtually no bread in the villages he had visited and that the adults were haggard, guant and discouraged, but that he had seen no dead or dying animals or human beings.

I believed him because I knew it to be correct not only of some parts of the Ukraine but of sections of the North Caucasus and lower Volga regions and, for that matter, Kazakstan, where the attempt to change the stock-raising nomads of the type and the period of Abraham and Isaac into 1933 collective grain farmers has produced the most deplorable results.

It is all too true that the novelty and mismanagement of collective farming, plus the quite efficient conspiracy of Feodor M. Konar and his associates in agricultural commissariats, have made a mess of Soviet food production. [Konar was executed for sabotage.]

But—to put it brutally—you can’t make an omelette without breaking eggs, and the Bolshevist leaders are just as indifferent to the casualties that may be involved in their drive toward socializaton as any General during the World War who ordered a costly attack in order to show his superiors that he and his division possessed the proper soldierly spirit. In fact, the Bolsheviki are more indifferent because they are animated by fanatical conviction.

Since I talked to Mr. Jones I have made exhaustive inquiries about this alleged famine situation. I have inquired in Soviet commissariats and in foreign embassies with their network of consuls, and I have tabulated information from Britons working as specialists and from my personal connections, Russian and foreign.

Disease Mortality Is High

All of this seems to me to be more trustworthy information than I could get by a brief trip through any one area. The Soviet Union is too big to permit a hasty study, and it is the foreign correspondent’s job to present a whole picture, not a part of it. And here are the facts:

There is a serious shortage food shortage throughout the country, with occasional cases of well-managed State or collective farms. The big cities and the army are adequately supplied with food. There is no actual starvation or deaths from starvation, but there is widespread mortality from diseases due to malnutrition.

In short, conditions are definitely bad in certain sections- the Ukraine, North Caucasus and Lower Volga. The rest of the country is on short rations but nothing worse. These conditions are bad, but there is no famine.

The critical months in this country are February and March, after which a supply of eggs, milk and vegetables comes to supplement the shortage of bread – if, as now, there is a shortage of bread. In every Russian village food conditions will improve henceforth, but that will not answer one really vital question—What about the coming grain crop?

Upon that depends not the future of the Soviet power, which cannot and will not be smashed, but the future policy of the Kremlin. If through climatic conditions, as in 1921, the crop fails, then, indeed, Russia will be menaced by famine. If not, the present difficulties will be speedily forgotten

Voir la pétition de Shaw et d’autres intellectuels anglais défendant l’Union soviétique:

Letters to the Editor
Social Conditions in Russia
The Manchester Guardian
Thursday 2 March 1933

To the Editor of the Manchester Guardian,

Sir – Increasing unemployment and the failure of private capital to cope with it throughout the rest of the world is causing persons of all classes and parties to watch with increasing interest the progress of the Soviet Union.

Any yet this is precisely the moment that has been chosen to redouble the intensity of the blind and reckless campaign to discredit it. No lie is too fantastic, no slander is too stale, no intervention too absurdly contrary to what is now common knowledge for employment by the more reckless elements of the British press. A manifest lunatic assassinated the President of the French republic. He must be a Bolshevik. A child of Colonel Lindbergh is kidnapped and murdered; certain of our newspapers are not ashamed to mock its parents’ distress with the same senseless cry. It is ascertained that the Russians have to work daily for their living under the Five-Year Plan and immediately a British duchess leads the protest against Bolshevik slavery.

Particularly offensive and ridiculous is the revival of the old attempts to represent the condition of Russian workers as one of slavery and starvation, the Five-Year Plan as a failure, the new enterprises as bankrupt and the Communist regime as tottering to its fall. Although such inflammatory irresponsibility is easily laughed at, we must not forget that there are many people not sufficiently well informed politically to be proof against it, and that there are diehards among our diplomats who still dream of starting a counter-revolutionary war anywhere and anyhow, if only they can stampede public opinion into the necessary panic through the press. The seriousness of the situation is emphasized by the British Government’s termination of the trade agreement with the USSR and the provocative questions and answers in the House of Commons.

We the undersigned are recent visitors to the USSR. Some of us travelled throughout the greater part of its civilized territory. We desire to record that we saw nowhere evidence of such economic slavery, privation, unemployment and cynical despair of betterment as are accepted as inevitable and ignored by the press as having “no news value” in our own countries. Everywhere we saw hopeful and enthusiastic working-class, self-respecting free up to the limits imposed on them by nature and a terrible inheritance from tyranny and incompetence of their former rulers, developing public works, increasing health services, extending education, achieving the economics independence of woman and the security of the child and in spite of many grievous difficulties and mistakes which or social experiments involve a first (and which they have never concealed nor denied) setting an example of industry and conduct which would greatly enrich us if our systems supplied our workers with any incentive to follow it.

We would regard it as a calamity if the present lie campaign were to be allowed to make headway without contradiction and to damage the relationship between our country and the USSR. Accordingly we urge all men and women of goodwill to take every opportunity of informing themselves of the real facts of the situation and to support the movements which demand peace, trade and closer friendship with an understanding of the greater Workers Republic of Russia.

Yours etc.

Bernard Shaw [and twenty others].

33, Ormond Yard, London

Voir encore:

The Lysenko Muddle

Bernard Shaw

Source: Labour Monthly January, 1949;
Transcribed: Sally Ryan, May, 2002.

The Lysenko controversy has been honored in The Times by a special article. To anyone who knows the ropes the rumpus is laughable. Lysenko is a neo-Lamarckian who believes that acquired characteristics are inherited, in flat contradiction to the neo Darwinist Weismann, who denied that any acquired characteristic can be inherited, and was so fanatically Determinist that he maintained that every act of a living creature was imposed on it by external circumstances, and could not be prevented or initiated or forwarded by any legislature or any purpose or desire or volition of its living agents. As Butler had put it to Darwin, Determinism ‘banishes mind from the universe.’ Call it Fatalism and it becomes plain at once that it is a doctrine that no State can tolerate, least of all a Socialist State, in which every citizen shall aim at altering circumstances for the better purposely and conscientiously, and no criminal nor militant reactionary can be excused on the ground that his actions are not his own but the operation of external natural forces predetermined from the beginning of the world and entirely beyond his control or prevention. There is not a civilized country on earth which does not hold its citizens responsible for their conduct, persecuting ruthlessly all who act too irresponsibly, and in extreme cases certifying them as madmen and locking them up.

Lysenko is no Determinist. Following up Michurin’s agricultural experiments he found that it is possible to extend the area of soil cultivation by breeding strains of wheat that flourish in a sub-Arctic climate, and transmit this acquired characteristic to its seed. This hard fact nullified Weismann and his Determinism, as facts are continually nullifying paper theories and hypotheses.

Lysenko is not the first in the field. Samuel Butler realised 80 years age the enormity of the Fatalism inherent in Darwinism, though Darwin, a Unitarian, was not a Darwinist, but a naturalist whose specialty was the semblance of evolution produced by what he called Natural Selection. Butler, in two books entitled Life and Habit and Luck or Cunning? fought Darwin tooth and nail.

Butler was followed in 1906 by myself. After a careful observation of my own acquired habits I pointed out, in the course of a lecture on Darwin to the Fabian Society, that evolution means that all habits are inherited. I cited the fact that as breathing is an inborn habit, and speaking, like skating and bicycling, one which every generation has to acquire, proves that habits are acquired by imperceptible increments at each generation, the inborn habits being those already fully acquired, and the rest only in process of acquirement.

I was followed by Bergson, who supplemented Butler’s views and mine with a philosophy of our Creative Evolution.

After Bergson, Weismannism lost its stranglehold on the scientific world. Scott Haldane (father of J.B.S.), Needham, and in Russia Michurin and Lysenko, broke away from Fatalism, not polemically, but by simply ignoring it

And now comes the joke. Fatalism is now dropped or certified as Materialism gone mad. Creative Evolution is basically Vitalist, and, as such, mystical, intuitive, irrational, poetic, passionate, religious, and catholic; for neither Lamarck nor Butler nor I nor Bergson nor Lysenko nor anyone else can account rationally for the Life Force, the Evolutionary Appetite, the Elan Vital, the Divine Providence (alias Will of God), or the martyrdoms that are the seed of Communism. It has just to be accepted as a so far inexplicable natural fact.

Weismannism, dismissing this force as an illusion produced by Darwinian Natural Selection, is soulless, totally rationalist, fatalist, anarchist, mechanist, and arch-materialist. It immobilises its votaries morally, driving Lysenko to the extremity of demanding its persecution as a Voodoo.

Lysenko is on the right side as a Vitalist; but the situation is confused by the purely verbal snag that Marx called his philosophy Dialectical Materialism. Now in Russia Marx is a Pontif; and all scientists who do not call themselves Materialists must be persecuted. Accordingly, Lysenko has to pretend that he is a Materialist when he is in fact a Vitalist; and thus muddles us ludicrously. Marxism seems to have gone as mad as Weismannism; and it is no longer surprising that Marx had to insist that he was not a Marxist.

The fault is wholly that of the detestable Hegelian jargon which hampered and bothered the Socialist movement in the eighteen sixties, and is mere abracadabra in England.

We have a parallel mix-up at home. In the Church of England no candidate for ordination can be inducted to a living unless when catechized by the Bishop he tells the flat lie, which the Bishop knows to be a lie, that he believes without mental reservations everything in The Bible literally. His justification is that as he will not be allowed to exercise his vocation without going through this imposture, he does it under duress and is therefore not morally responsible for it. Lysenko has to tell the flat lie that he is a Materialist, and can make the same excuse for what it is worth. Meanwhile it is our business not to let this bogus controversy be used as a red herring to split us into two factions squabbling about nothing. The trick is an old one: Divide and Govern.

Anyone can be a good Christian without believing that Joshua stopped the sun, or Jesus raised Lazarus from the dead. So also is it possible to be a Socialist without, like Engels, making Das Kapital ‘the Bible of the working class,’ or accepting Marx’s version of the exploded capitalist theory of value or his attempt to account for Surplus Value by an analysis of the circulation of commodities that is now tiresome nonsense. He knew nothing of the theory of rent and interest; and his English translators, like those of Wagner, made a mess of the German philosophic lingo, not having the literary genius of Carlyle, who assimilated it superbly. If only they had read the Jacobean Bible and learnt from it how to write English as Bunyan did, Marx would not have had to wait twenty-five years for his doctrine to be put into plain English by Hyndman, Morris and the Fabians. By that time he was dead.

G.B.S.

P.S. Sir Henry Dale’s resignation of his membership of the Soviet Academy of Science on the Lysenko issue is entirely conscientious and honorable in intention. But the real issue is between the claim of the scientific professions to be exempted from all legal restraint in the pursuit of knowledge, and the duty of the State to control it in the general interest as it controls ail other pursuits. To my old question ‘May you boil your mother to ascertain at what temperature a mature woman will die?’ the police have a decisive counter in the gallows. To Lysenko’s question ‘Can the State tolerate a doctrine that makes every citizen the irresponsible agent of inevitable Natural Selection?’ the reply is a short No. The Yes implied by Sir Henry Dale’s resignation is a hangover from the faith of Adam Smith, who believed that God interferes continually in human affairs, overruling them to a divine purpose no matter how selfishly they are conducted by their human agents. Experience has not borne this faith out. Laissez-faire is dead. Sir Henry should think this out.

My long political experience has taught me that what we are hardest up against is not general ignorance of Communism and all the rival paper Isms, but of the status quo, our notions of which are so fantastically Utopian that we daily reproach Russians and foreigners in general for practices and institutions and codes that are in full blast here, and in fact mostly originated in Merry England.

Voir enfin:

Mr. Jones Replies:

Former Secretary of Lloyd George Tells of Observations in Russia

  To the Editor of The New York Times:

On my return from Russia at the end of March, I stated in an interview in Berlin that everywhere I went in the Russian villages I heard the cry; “There is no bread, we are dying,” and that there was famine in the Soviet Union, menacing the lives of millions of people.

Walter Duranty, whom I must thank for his continued kindness and helpfulness to hundreds of American and British visitors to Moscow, immediately cabled a denial of the famine.  He suggested that my judgment was only based on a forty-mile tramp through villages.  He stated that he had inquired in Soviet commissariats and in the foreign embassies and had come to the conclusion that there was no famine, but that there was a “serious food shortage throughout the country … No actual starvation or deaths from starvation, but there is widespread mortality from diseases due to malnutrition.”

Evidence From Several Sources.

While partially agreeing with my statement, he implied that my report was a “scare story” and compared it with certain fantastic prophecies of Soviet downfall.  He also made the strange suggestion that I was forecasting the doom of the Soviet régime, a forecast I have never ventured.

I stand by my statement that Soviet Russia is suffering from a severe famine.  It would be foolish to draw this conclusion from my tramp through a small part of vast Russia, although I must remind Mr. Duranty that it was my third visit to Russia, that I devoted four years of university life to the study of the Russian language and history and that on this occasion alone I visited in all twenty villages, not only in the Ukraine, but also in the black earth district, and in the Moscow region, and that I slept  in peasants’ cottages, and did not immediately leave for the next village.

My first evidence was gathered from foreign observers.  Since Mr. Duranty introduces consuls into the discussion, a thing I am loath to do, for they are official representatives of their countries and should not be quoted, may I say that I discussed the Russian situation with between twenty and thirty consuls and diplomatic representatives of various nations and that their evidence supported my point of view. But they are not allowed to express their views in the press, and therefore remain silent.

Journalists Are Handicapped.

Journalists, on the other hand, are allowed to write, but the censorship has turned them into masters of euphemism and understatement.  Hence they give “famine” the polite name of  “food shortage” and “starving to death” is softened down to read as “widespread mortality from diseases due to malnutrition.”  Consuls are not so reticent in private conversation.

My second evidence was based on conversations with peasants who had migrated into the towns from various parts of Russia.  Peasants from the richest parts of Russia coming into the towns for bread.  Their story of the deaths in their villages from starvation and of the death of the greater part of their cattle and horses was tragic, and each conversation corroborated the previous one.

Third, my evidence was based upon letters written by German colonists in Russia, appealing for help to their compatriots in Germany. “My brother’s four children have died of hunger.”  “We have had no bread for six months.”  “If we do not get help from abroad, there is nothing left but to die of hunger.”  Those are typical passages from these letters.

Statements by Peasants.

Fourth, I gathered evidence from journalists and technical experts who had been in the countryside.  In The Manchester Guardian, which has been exceedingly sympathetic toward the Soviet régime, there appeared on March 25, 27 and 28 an excellent series of articles on “The Soviet and the Peasantry” (which had not been submitted to the censor).  The correspondent, who had visited North Caucasus and the Ukraine, states: “To say that there is famine in some of the’ most fertile parts of Russia is to say much less than the truth: there is not only famine, but – in the case of the North Caucasus at least – a state of war, a military occupation.”  Of the Ukraine, he writes: “The population is starving.”

My final evidence is based on my talks with hundreds of peasants.  They were not the “kulaks”- those mythical scapegoats for the hunger in Russia-but ordinary peasants.  I talked with them alone in Russian and jotted down their conversations, which are an unanswerable indictment of Soviet agricultural policy.  The peasants said emphatically that the famine was worse than in 1921 and that fellow-villagers had died or were dying.

Mr. Duranty says that I saw in the villages no dead human beings nor animals.  That is true, but one does not need a particularly nimble brain to grasp that even in the Russian famine districts the dead are buried and that there the dead animals are devoured.

May I in conclusion congratulate the Soviet Foreign Office on its skill in concealing the true situation in the U.S.S.R.?  Moscow is not Russia, and the sight of well fed people there tends to hide the real Russia.

GARETH JONES.

London, May 1, 1933.

COMPLEMENT:

Galia Ackerman: « Il n’y a pas eu de procès de Nuremberg des crimes des “démocraties populaires” « 

TRIBUNE – À Prague, Varsovie ou Vilnius, les poursuites pénales contre les responsables et les exécutants d’ordres criminels sous le communisme ont été rares, explique l’historienne, spécialiste de l’Europe centrale et des pays de l’ancienne URSS.


Dernier ouvrage paru: Le Régiment Immortel. La Guerre sacrée de Poutine (éditions Premier Parallèle, 2019).


En 1989, lors de la chute des «démocraties populaires», l’Europe de l’Est s’est tournée vers la démocratie et l’économie de marché, l’intégration dans l’Otan et l’Union européenne.

Le tournant s’accompagna du processus de lustration (transparence sur les responsabilités individuelles sous le régime défunt et sanctions éventuelles, NDLR) qui variait d’un pays à l’autre. Dès le 4 octobre 1991, le parlement tchécoslovaque adopta une loi visant à empêcher les anciens communistes qui avaient occupé des positions de responsabilité sous l’ancien régime de participer à la direction du pays désormais démocratique. La Cour constitutionnelle l’a prolongée pour un délai indéterminé.

En Allemagne, pendant la période de transition, l’adoption des «lois de lustration» fut précédée par l’activisme de la population vivant en RDA. Dès 1990, le siège de la Stasi, la police secrète est-allemande, fut pris d’assaut. Beaucoup d’archives ont été exfiltrées, en urgence, vers l’URSS, mais cette évacuation ne fut pas complète. Dès 1992, après la réunification, deux millions de personnes purent consulter les dossiers de la Stasi, y compris les fiches des collaborateurs réguliers et des informateurs. Ce processus est illustré dans La Vie des autres, le film de Florian Henckel von Donnersmarck (2006).

L’accès aux listes des collaborateurs de la police secrète dans les pays concernés provoqua de nombreux remous

L’accès aux listes des collaborateurs de la police secrète dans les pays concernés provoqua de nombreux remous. Certaines icônes de la dissidence ou des dirigeants nouvellement élus furent accusés d’avoir été des informateurs dans le passé, comme Lech Walesa, l’emblème du combat de la Pologne des années 1980 contre le communisme et Prix Nobel de la Paix. Une partie de ces révélations scandaleuses pourrait être des faux fabriqués par lesdits services secrets ou témoigner d’erreurs de jeunesse regrettées ultérieurement ou encore du chantage, méthode fréquente de toute police secrète.

Si la «lustration» a touché des milliers d’individus dans chaque pays concerné, les procès de ceux qui avaient donné ou exécuté des ordres criminels du régime communiste ont été bien plus rares. Ainsi, en 2007, la justice tchèque a condamné à huit ans de prison ferme l’ancienne procureure au procès de Milada Horáková et de douze autres accusés de haute trahison dans un procès stalinien à la fin de 1949. Horáková et trois autres condamnés avaient été pendus en 1950. Au moment de l’inculpation, l’intéressée était âgée de 86 ans. En appel, sa condamnation fut réduite à six ans dont elle a purgé trois avant d’être graciée.

Une autre inculpation notoire, en 2007, fut celle du général Jaruzelski, le chef de la Pologne communiste entre 1981 et 1990, pour «crime communiste», et plus concrètement pour avoir instauré la loi martiale en 1981. Son procès n’eut jamais lieu, pour des raisons de santé. Le général mourut en 2014 à l’hôpital militaire de Varsovie.

Le Nuremberg de l’Est n’a jamais eu lieu, qui aurait condamné non seulement des criminels, mais la nature criminelle des régimes communistes

Un autre procès, plus récent, fait désormais date. En mars 2019, une cour de justice lituanienne a reconnu coupables de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité une soixantaine de hauts responsables soviétiques jugés pour avoir participé à l’assaut meurtrier contre la tour de télévision, à Vilnius, dans la nuit du 12 au 13 janvier 1991, ayant coûté la vie à 14 manifestants pacifiques écrasés par les chars envoyés par Moscou.

Cependant, le Nuremberg de l’Est n’a jamais eu lieu, qui aurait condamné non seulement des criminels, mais la nature criminelle des régimes communistes, plus ou moins meurtriers, selon les époques, malgré la résolution n° 1481 de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe sur la «Nécessité d’une condamnation internationale des crimes des régimes communistes totalitaires», adoptée en janvier 2006 ; et celle adoptée par le Parlement européen le 2 avril 2009, qui instaure, en tant que Journée européenne du souvenir, la date du 23 août: l’anniversaire de l’infâme pacte Molotov-Ribbentrop ayant partagé l’Europe de l’Est entre deux alliés totalitaires, Hitler et Staline.

L’unique proposition d’organiser un tribunal international pour enquêter sur les «crimes du communisme» a été faite à la conférence internationale «Héritage criminel du communisme et du nazisme», à Tallinn, en 2017. Cette initiative du ministre de la Justice estonien de l’époque fut soutenue par les ministères de la Justice de Lettonie, Lituanie, Pologne, République tchèque, Slovaquie, Hongrie et Croatie, mais rien n’est concrétisé à ce jour.

C’est probablement la réticence fréquente de comparer nazisme et communisme qui bloque de telles initiatives, comme l’a bien démontré la critique acharnée contre le directeur de l’ouvrage Le Livre noir du communisme (Robert Laffont, 1997), Stéphane Courtois, pour son rapprochement du génocide nazi et de la répression stalinienne, et plus largement, contre l’ensemble de l’ouvrage qui met en cause l’idéologie communiste elle-même.

Traumatisme extrêmement vif

Or, pour les peuples qui avaient vécu sous l’occupation soviétique, comme les pays baltes, ou sous la domination soviétique, comme l’ensemble de l’Europe de l’Est, le traumatisme reste extrêmement vif. En témoignent les musées du KGB à Riga, à Vilnius et à Tallinn et dans d’autres capitales ; la création d’Instituts de mémoire nationale dans plusieurs pays dont la Pologne et l’Ukraine, chargés non seulement d’étudier et de rendre accessibles, au public général, les archives des services secrets communistes, mais aussi d’élaborer les narratifs historiques nationaux indépendants ; les procédures de décommunisation, à savoir le démantèlement de l’héritage idéologique de l’État communiste, y compris ses symboles et sa toponymie ; un flot de livres et de films, comme Purge de Sofi Oksanen (Stock, 2008) ou Katyn (2007) et Les Fleurs bleues (2016) de Wajda.

Il est d’autant plus regrettable que la Russie postcommuniste ait adopté, au cours des dernières années, une attitude opposée en justifiant et en glorifiant son passé soviétique, y compris la période stalinienne, au nom de sa «fierté retrouvée».

COMPLEMENT:

En Ukraine, la grande famine de 1932-1933, une tragédie étouffée

Thomas Wieder (Berlin, correspondant) et Jérôme Gautheret (Rome, correspondant)

Le Monde

05 mai 2022

RÉCIT – « Russie-Ukraine, la guerre des récits » (2/3). « Le Monde » revient sur la façon dont les mémoires des deux pays s’affrontent. Deuxième volet, la famine qui décima des millions de paysans ukrainiens, un drame emblématique, dissimulé par le pouvoir soviétique et minimisé par Vladimir Poutine.

Il y avait foule, gare des Brotteaux, pour accueillir dans sa bonne ville le président Herriot. Il faut dire qu’en ce 13 septembre 1933 l’inamovible maire de Lyon, chef du Parti radical et ancien président du Conseil, rentrait d’un voyage peu ordinaire. Quelques jours plus tôt, à l’invitation du gouvernement soviétique, il avait traversé l’URSS, d’Odessa à la Baltique. Depuis la révolution d’octobre 1917, c’était la première fois qu’un dirigeant politique de cette stature avait l’occasion devisiter la patrie du communisme, sur laquelle circulaient depuis des mois d’inquiétantes rumeurs.

Dès sa descente du train, la question qui brûlait toutes les lèvres lui est posée : y a-t-il une famine en Ukraine ? La réponse d’Edouard Herriot est tout sauf spontanée : « J’ai traversé l’Ukraine. Eh bien ! Je vous affirme que je l’ai vue comme un jardin en plein rendement, un beau jardin aux terres noires et grasses que couvraient, sur des étendues considérables, des moissons magnifiques. On assure, me direz-vous, que cette contrée vit à ces heures une époque attristée ? Je ne peux pas parler de ce que je n’ai pas vu. Pourtant, je me suis fait conduire dans des endroits qu’on disait éprouvés. Or, je n’ai constaté que la prospérité. »

L’aveuglement français

Dans son récit Tout passe (dans Œuvres, Robert Laffont, 2006), le grand écrivain soviétique Vassili Grossman fera une allusion dévastatrice à cet épisode :

« Un jour, je me rappelle, un vieil homme a apporté au président du kolkhoze un bout de journal, qu’il avait ramassé en chemin. Un Français était venu chez nous, un ministre connu, et on l’avait amené dans la région de Dniepropetrovsk où sévissait la plus effroyable des famines, une famine pire encore que la nôtre. Là-bas, les hommes mangent de l’homme. On a donc amené le ministre dans un village, au jardin d’enfants du kolkhoze, et là il a demandé : “Qu’est-ce que vous avez mangé au déjeuner ? Et les enfants ont répondu : “Du bouillon de poule, des pirojki et des croquettes de riz.” Dire que j’ai lu ça de mes propres yeux. Ce bout de journal, je le vois encore. Mais qu’est-ce que c’est que ça ? On tue froidement des millions de gens et on abuse, on trompe le monde entier ! Du bouillon de poule qu’ils écrivent ! Des croquettes ! Alors qu’ils mangeaient des vers de terre… »

Edouard Herriot est resté deux semaines en URSS, dont cinq jours dans la riche Ukraine (du 26 au 30 août 1933) et, alors même que durant les mois précédents, 3 à 5 millions de personnes y étaient mortes de faim, il n’a donc rien vu. Dans une enquête minutieuse et accablante (Le Voyage de monsieur Herriot, L’Harmattan, 2018), l’historienne Iryna Dmytrychyn met en lumière les moyens déployés par Staline pour dissimuler la tragédie ainsi que la part d’aveuglement qu’il a fallu au Français pour accepter, au nom de la raison d’Etat, de détourner le regard quand ce qu’il voyait ne cadrait pas avec la narration officielle.

Les rues des villes « nettoyées » des cadavres et de toute trace de misère, les magasins soudain remplis, les hôtels repeints à la hâte (au point que l’odeur incommode les visiteurs)… Rien ne manque, et le summum est atteint à Kiev, lorsque Edouard Herriot pénètre dans la cathédrale Sainte-Sophie, au moment d’un office : « C’est dimanche. Le vieil archevêque, en vêtement d’or bordé de rouge, immobile, (…) préside avec impassibilité la cérémonie, tandis que des chants s’élèvent, suivis avec recueillement par quelques pauvres femmes sous des arcades sombres », décrira-t-il plus tard, encore envoûté par la scène.

Ici, la manipulation touche au sublime, car tout est faux : l’Eglise orthodoxe autocéphale ukrainienne s’est autodissoute en 1920, et la cathédrale, transformée enentrepôt depuis des années, a été vidée et rafraîchie à la hâte, quelques jours plus tôt. Selon plusieurs témoignages, les « fidèles » n’étaient autres que des agents de la police politique, venus avec leurs épouses. Quant à l’« archevêque », il était allé se faire coller une barbe quelques heures plus tôt…

L’ensemble de cette visite n’était donc qu’une sinistre farce, en lointain écho aux villages de carton-pâte que, selon une légende tenace, le ministre (et favori) deCatherine II, Grigori Potemkine, aurait fait construire à l’intention de la tsarine, en 1787, pour lui dissimuler la misère de la Crimée à peine conquise sur les Tatars.

Pourquoi donc l’URSS de Staline a-t-elle voulu impressionner ainsi un homme politique étranger, certes influent mais alors dans l’opposition ? C’est que Staline a décidé de rompre l’isolement de son pays, et a besoin d’appuis dans les partis « bourgeois » d’Europe occidentale. Herriot, lui, a tout intérêt à ne rien voir : quelques mois après l’arrivée au pouvoir des nazis en Allemagne, la nécessité de réintroduire la Russie soviétique dans le concert des nations apparaissait comme un but stratégique majeur. Ainsi, l’ancien président du Conseil a-t-il pu regagner la France et y assurer que les rumeurs apocalyptiques en provenance d’URSS n’étaient que des fables sans fondement.

Des témoignages accablants

Pourtant, dès le printemps 1933, des témoignages de première main étaient parus dans la presse anglo-saxonne, notamment ceux de la journaliste canadienne Rhea Clyman et des journalistes britanniques Malcolm Muggeridge et Gareth Jones, qui alertaient les opinions publiques. Jones, arrivé incognito en Ukraine, enmars 1933, avait été le collaborateur de l’ancien premier ministre britannique David Lloyd George. Il avait prétendu vouloir visiter une usine de tracteurs à Kharkiv, et cette couverture lui avait fourni le prétexte idéal pour circuler. Il publie, à la fin de ce même mois de mars, un article retentissant, aussitôt repris par de nombreux journaux d’Europe et des Etats-Unis, dans lequel il décrit une ville de Kharkiv gagnée par les pénuries, et surtout, dans les campagnes, un phénomène sans précédent dans l’histoire des disettes : une multitude affamée cherche à quitter les plaines céréalières pour gagner les villes et y quémander les moyens de survivre. D’ordinaire, les campagnes traversent plus facilement les épisodes de pénuries alimentaires que les zones urbaines. En Ukraine, c’est l’inverse.

Les dénégations de Moscou, ainsi que le cinglant démenti apporté à ce constat par le journaliste américain Walter Duranty, Prix Pulitzer en 1932 pour ses articles sur l’URSS, auront pour effet d’amoindrir la portée des révélations de Gareth Jones. Le 31 mars 1933, Duranty publie un réquisitoire contre le travail du Britannique, intitulé « Russians Hungry But Non Starving » (« les Russes ont faim mais ils ne meurent pas de faim »), qui parviendra à décrédibiliser durablement le jeune journaliste.

Au moment même où Edouard Herriot accomplit sa tournée, d’autres révélations corroborant le constat de Gareth Jones sont communiquées au public français. Le 29 août 1933, le quotidien Le Matin publie le témoignage halluciné d’une Américaine d’origine ukrainienne, Martha Stebalo, revenant à peine d’URSS où elle a parcouru des terres dévastées, sous le titre : « L’effroyable détresse des populations de l’Ukraine ». Aussitôt, le quotidien L’Humanité contre-attaque, le 30 août : « Il n’y a pas de famine en Ukraine ni dans aucune république ou région de l’Union soviétique. Mais la campagne antisoviétique fait rage parce que l’URSS a déjoué tous les plans d’agression, parce que sa puissance grandit, parce que sa politique de paix enregistre des succès retentissants. » Seule la presse d’extrême droite s’empare durablement du sujet, par antibolchevisme. Les autres journaux, faute d’informations incontestables, passent à autre chose.

Les diplomates, eux, étaient largement au fait de la catastrophe, et Edouard Herriot, ministre des affaires étrangères de juin à décembre 1932, ne pouvait l’ignorer. Les cas d’enfants errants aux abords des villes, les mendiants hagards aux membres gonflés, les cas de cannibalisme… tout cela apparaît dans les témoignages de nombreux diplomates européens présents à Kharkiv, alors capitale de la République socialiste soviétique d’Ukraine. Mais l’urgence du moment est la réintégration de l’URSS dans la Société des nations – celle-ci sera effective en 1934.

Quant aux pays voisins, ils disposaient eux aussi d’informations de première main sur la situation dans les campagnes, interdites d’accès, et sur les efforts déployés pour préserver le secret. En février 1932, le consul polonais de Kharkiv reçoit une lettre anonyme dans laquelle on implore la Pologne de faire connaître au monde le drame qui se joue dans les plaines ukrainiennes. Las, les deux pays sont sur le point de signer un pacte de non-agression… Face aux enjeux géopolitiques et dans un contexte de propagande effrénée, la vérité est peu de chose.

Une famine en temps de paix, organisée par un Etat contre sa propre population ? Dans l’Europe du début des années 1930, une telle idée est encore inimaginable. « Presque personne ne prétendit que Staline avait l’intention

de faire mourir de faim les Ukrainiens. Adolf Hitler lui-même préféra blâmer le système marxiste », souligne ainsi l’historien américain Timothy Snyder dans Terres de Sang(Gallimard, 2012, réed. Folio, 2018).

La riche terre ukrainienne

Sans doute est-ce en raison de cette incapacité à imaginer l’ampleur du crime en cours que les rumeurs parvenant d’Ukraine ont été jugées invraisemblables par tant d’observateurs de bonne foi. A l’origine de tout, en effet, il y a les terres les plus riches de l’empire russe : noires et grasses, idéales pour la culture des céréales. Les sols de la plaine ukrainienne suscitaient l’envie des agronomes du monde entier, et devaient en toute logique mettre la région à l’abri des pénuries, du moins en temps de paix. Les années de guerre civile consécutives à la chute du tsarisme et les réquisitions causées par le « communisme de guerre » avaient déjà provoqué, en 1921, une terrible famine dont le bilan est estimé à 700 000 victimes, mais ce qui s’est joué en 1932-1933 est d’une tout autre nature.

Les troubles commencent avec le « grand tournant » de 1929, quand l’URSS met en œuvre le premier plan quinquennal, censé être rendu possible par lacollectivisation des terres, laquelle suppose la mise en place de kolkhozes et l’expropriation des propriétaires terriens (les koulaks). Cette politique provoque un climat de révolte dans les campagnes, particulièrement vif en Ukraine, terre traditionnellement attachée au modèle de la petite propriété privée. Staline est contraint d’opérer un recul tactique au printemps 1930, avant de repartir de plus belle à compter de 1931, toujours dans le but de coller aux objectifs industriels du plan.

Durant toute la période, les réquisitions de grain ne cessent d’augmenter, alors même que la pénurie devient générale dans les campagnes. A l’échelle de l’URSS, cette politique a des conséquences humaines dévastatrices : le recensement de 1937 dénombrera 8 millions d’habitants de moins que prévu sur l’ensemble del’URSS – Staline réagira à ce résultat en faisant disparaître les organisateurs du recensement, avant de demander un nouveau comptage plus en ligne avec les objectifs du parti, qu’il obtiendra naturellement.

En Ukraine, l’hémorragie est sans précédent : le nombre de victimes de la famine est estimé à 3 à 4 millions de personnes, pour les premiers mois de 1933. Au plus fort de la crise, 10 000 à 15 000 personnes meurent de faim chaque jour… Surtout, alors que la situation apparaît de plus en plus clairement à Staline, celui-ci ne fait rien pour atténuer la catastrophe, contribuant même à l’accentuer pour mettre enfin au pas une paysannerie ukrainienne qui lui est hostile depuis toujours.

Longtemps dissimulé par Moscou, le souvenir de cette tragédie a continué durant toute la période soviétique à se transmettre dans les familles, avant dereparaître sous la plume de l’écrivain dissident Alexandre Soljenitsyne, dans L’Archipel du goulag (1973), puis, plus ouvertement, lors de la chute de l’URSS. Enfin, à la faveur de l’indépendance de l’Ukraine, se sont construit deux discours, devenant de plus en plus inconciliables à partir du début des années 2000.

Côté russe, la singularité de la famine ukrainienne est minimisée jusque dans les milieux les plus critiques à l’égard du bilan du stalinisme – l’ONG Memorial elle-même, connue pour ses travaux de recherche sur les répressions de l’époque soviétique, est très réticente sur ce sujet –, et le drame est mis avant tout sur le compte des ravages du communisme. A l’époque, la famine n’était-elle pas générale dans plusieurs régions de l’URSS, et celle-ci n’avait-elle pas fait environ 1,4 million de morts au Kazakhstan, soit davantage, en proportion, qu’en Ukraine ?

Côté ukrainien, à l’inverse, c’est le caractère organisé de cette famine qui est souligné. Lorsque les autorités soviétiques ont pris conscience de la situation dramatique au Kazakhstan, il a été décidé de porter assistance aux populations. Rien de tel en Ukraine, où la famine est considérée comme la conséquence d’unerésistance nationaliste à combattre par tous les moyens. Après la « révolution orange » de 2004, le souvenir terrible de l’Holodomor (néologisme formé à partir de l’ukrainien golodomir, « extermination par la faim ») devient même un pilier fondateur du récit national, jusqu’au vote, en 2006, d’une loi qualifiant celui-ci de « génocide ». Dans le même temps, pour des raisons politiques, le bilan humain de la famine ne cesse d’être réévalué à la hausse, au point de dépasser dans les discours officiels de la fin des années 2000 le chiffre invraisemblable de 10 millions de morts.

Dans dans un long article portant la signature de Vladimir Poutine, publié, le 12 juillet 2021, sur le site du Kremlin et intitulé « De l’unité historique des Russes et des Ukrainiens », le dirigeant russe revisite toute l’histoire de la région : il évacue la famine ukrainienne en quelques lignes, pour dénoncer la posture victimaire de l’Etat ukrainien : « Ils ont commencé à mythifier et à réécrire l’histoire, à supprimer tout ce qui nous unissait et à qualifier d’occupation la période où l’Ukraine faisait partie de l’empire russe et de l’Union soviétique. La tragédie commune de la collectivisation et de la famine du début des années 1930 a été dépeinte comme un génocide du peuple ukrainien. »

Face à ces lectures du passé pour le moins divergentes et lestées de pesantes arrière-pensées politiques, les historiens avancent en terrain miné, et c’est avec un luxe de précautions qu’ils essaient de définir une voie médiane. Spécialiste des famines soviétiques, l’historien français Nicolas Werth préfère laisser de côté les instrumentalisations politiques pour insister sur la « spécificité » du cas ukrainien. « Il faut bien détailler tout ça, mais il y a une période décisive, entre fin octobre 1932 et janvier 1933, où les mesures prises par le pouvoir stalinien contre les paysans ukrainiens ont été plus dures que nulle part ailleurs, avec notamment la mesure-clé qu’a été le blocage des villages, empêchant les paysans d’aller vers les villes et les condamnant à la mort. »

Un « cas classique de génocide soviétique »

Même dans le monde académique, les différentes analyses, selon que l’on se place d’un point de vue ou d’un autre, restent sources de tensions. « En 2009, nous avions organisé une réunion des historiens russes, ukrainiens et français autour de ces questions, et en particulier sur l’Holodomor, témoigne Nicolas Werth. On était convenus qu’il y aurait une vraie coopération, mais celle-ci n’a jamais fonctionné parce que chacun s’est crispé sur ses positions. »

Le juriste américain d’origine juive polonaise Raphael Lemkin (1900-1959), qui forgea en 1943 le concept de « génocide », parle du cas ukrainien comme du « cas classique de génocide soviétique », et le Sénat américain a reconnu, en 2018, l’Holodomor comme un« génocide du peuple ukrainien ». En 2008, le Parlement européen a préféré le qualifier, dans une résolution, de « crime effroyable perpétré contre le peuple ukrainien et contre l’humanité ».

Au-delà de ces subtiles distinctions, si explosives politiquement, c’est un autre fait qui, à près d’un siècle de distance, glace encore le sang ; même au plus fort de lafamine, les exportations de blé ukrainien se sont poursuivies. Alors que sa population était décimée, l’Ukraine n’a jamais cessé d’être, pour le reste du monde, unesorte de paradis agraire, aux ressources naturelles inépuisables.

29 Responses to Histoire: A quand un tribunal de Nuremberg pour les génocidaires communistes? (Holodomor: the other forgotten genocide)

  1. histoirefrht dit :

    Des articles de fond, des vidéos, des questions d’actualités, des scoops, des sondages,… toute l’Histoire est sur http://www.histoire.fr.ht

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  2. […] Un des grands problèmes de la Russie – et plus encore de la Chine – est que, contrairement aux camps de concentration hitlériens, les leurs n’ont jamais été libérés et qu’il n’y a eu aucun tribunal de Nuremberg pour juger les crimes commis. Thérèse Delpech […]

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  3. […] incarnée aujourd’hui par l’axe Moscou-Pékin  (les deux derniers, impunis et impénitents, massacreurs en série du XXe siècle à – surprise! –  ne toujours pas avoir eu droit à […]

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  4. […] que 60 ans après on attend toujours le Nuremberg du communisme et que coulent, avant celles des frères Castro, les larmes de crocodile pour l’autocrate […]

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  5. […] de la mort du petit Père des peuples où l’on attend toujours, entre Moscou et Pékin, le Nuremberg du communisme […]

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  21. […] bolchévique qui lança une révolution et ses flots de sang dont on attend toujours le Nuremberg […]

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  22. jcdurbant dit :

    Vers la fin de la fin de l’histoire ?

    «Tout ce qui était n’est plus ; tout ce qui sera n’est pas encore. Ne cherchez pas ailleurs le secret de nos maux»

    Musset (1836)

    Ce que dit Musset symbolise la mélancolie, ce «mal du siècle» de l’époque. La nostalgie du passé face à un présent qui donne le tournis n’est pas sans écho avec notre époque. Une autre référence au XIXème siècle vient à l’esprit: celle de la logique impériale. Lorsque Moscou annexe la Crimée, l’inénarrable John Kerry s’exclame: «au XXIème siècle, on ne se comporte pas comme au XIXème!» Il n’avait pas compris que «le Vieux Monde est de retour», pour employer l’expression d’Eugénie Bastié… La compétition entre grandes puissances, on la retrouve aussi en Asie: nombreux sont les analystes qui ont souligné à quel point l’émergence de la Chine face aux États-Unis et au Japon ressemblait à celle de l’Allemagne face à l’Angleterre. Et tant la Chine que l’Inde sont en passe de retrouver, en termes de part dans la production mondiale, la place qu’elles avaient au XIXème siècle. Mon amie, la regrettée Thérèse Delpech avait écrit de belles pages sur les échos de la fin du XIXème siècle et du début du XXème siècle dans la géopolitique contemporaine. (…) Cela faisait longtemps que le retour de l’Histoire était annoncé: dès 1991 avec la chute de l’URSS, en 2001 avec le 11 septembre, en 2011 encore avec les printemps arabes… Mais les Européens, qui s’en croyaient sortis, ont mis du temps à le réaliser. Et quand l’Histoire recommence, le passé refait surface: le retour des rivalités traditionnelles de puissances, c’est aussi l’affrontement de modèles politiques et de récits nationaux qui se veulent ancrés dans l’Histoire: la Russie annexe le lieu de son «baptême», Daech veut restaurer le califat, la Chine excipe de l’existence de cartes et de manuscrits anciens pour justifier son installation sur des îlots stratégiques… (…) Fukuyama soutenait que le débat sur la forme optimale de gouvernement humain était désormais clos: pour les sociétés modernes, on ne trouverait pas mieux que la démocratie libérale. Il ne disait nullement que le monde allait devenir kantien du jour au lendemain et que la dissémination de la démocratie allait bientôt susciter la paix perpétuelle. Mais il estimait que les autres formes de gouvernement ne rencontraient ou ne rencontreraient qu’un succès temporaire. Rappelons que l’article fut écrit au printemps 1989, avant même l’ouverture du Rideau de fer… La thèse reste intéressante, mais j’ai envie de dire que cela me rappelle le fameux commentaire de John Maynard Keynes à propos de l’équilibre du marché sur le long terme: «certes, mais ‘à long terme’, nous serons tous morts!». On peut bien dire par exemple que le régime nord-coréen s’effondrera un jour, mais en attendant, il dure, pour le malheur de sa population… Autrement dit, la thèse de la fin de l’Histoire n’est guère performative pour gérer le temps présent. (…) Le diagnostic de Samuel Huntington était contestable: sa division du monde en huit civilisations laisse perplexe, et les conflits qui se déroulent le long des lignes de failles culturelles ne sont pas nécessairement des conflits «de» civilisation. Mais son pronostic n’était pas absurde: c’est exactement comme cela que les djihadistes conçoivent leur combat, de même que certains mouvements islamistes. Ce qui, en retour, mobilise l’élite politique et intellectuelle d’une partie du camp républicain aux États-Unis, jusqu’à la Maison Blanche aujourd’hui. Et ce thème a désormais aussi un écho en Russie. (…) [1979] c’est à ce moment que la tectonique des plaques géopolitiques s’est remise en mouvement, et que le contexte Est-Ouest perd son statut de grille de lecture déterminante. C’est l’année de la révolution iranienne, du début de l’islamisation du Pakistan, de la prise d’otages de La Mecque, et de l’invasion de l’Afghanistan. Pris ensemble, ces quatre événements sont la matrice de l’islamisme et du djihadisme modernes. (…) La fin des années 1970, c’est aussi le temps de ce que Gilles Kepel avait appelé, on s’en souvient, la «revanche de Dieu», avec l’arrivée au pouvoir d’un président évangélique aux États-Unis et du Likoud en Israël… sans compter le rôle politique considérable que jouera le pape Jean-Paul II. C’est peut-être cette revanche de Dieu que nous connaissons, avec un certain décalage, depuis quelques années en France avec la renaissance d’un christianisme de combat politique. (…) Comment s’étonner du retour des mouvements néonazis à dans certains pays de l’Union, ou du retour en grâce du stalinisme en Russie, si l’examen de conscience et le travail de mémoire n’ont pas été faits? La Russie et la Chine, incapables de reconnaître et d’assumer les crimes passés, sont malades de leur histoire. Au Moyen-Orient, on apprend que l’Occidental, le colonisateur, est responsable de tout. La région est en feu? La faute aux accords Sykes-Picot! Quand ce n’est pas aux Juifs… Or la névrose collective est rarement un gage de stabilité et de paix. (…) [À l’inverse] la revanche de l’Histoire est aussi un effet boomerang contre l’abandon des racines et les excès de la repentance. (…) La repentance conduit souvent à mettre en avant le sort des minorités au détriment de celui de la majorité. Ce qui donne à cette dernière le sentiment de subir une double punition: d’une part, elle se voit comme victime de la mondialisation et menacée par l’immigration ; d’autre part, elle se sent négligée: «pourquoi parle-t-on autant de ‘leur’ passé et non de ‘mon’ présent?», se dit-elle…

    Bruno Tertrais

    http://www.lefigaro.fr/vox/societe/2017/05/19/31003-20170519ARTFIG00258-bruno-tertrais-nous-assistons-au-retour-de-l-histoire.php

    Voir aussi:

    Taiwan est un des rares problèmes stratégiques qui puisse provoquer une guerre mondiale aussi sûrement que l’Alsace-Lorraine au début du siècle dernier.

    Thérèse Delpech (L’Ensauvagement, 2005, p. 83)

    Le XXe siècle n’est pas encore terminé en Asie et ni la guerre froide ni même la Seconde Guerre mondiale n’ont dit leur dernier mot dans cette région.

    Thérèse Delpech

    Militarisme chinois: Taiwan sera-t-il l’Alsace-Lorraine du XXIe siècle ? (Will Taiwan be the Alsace-Lorraine of the 21st century ?)

    Un des grands problèmes de la Russie – et plus encore de la Chine – est que, contrairement aux camps de concentration hitlériens, les leurs n’ont jamais été libérés et qu’il n’y a eu aucun tribunal de Nuremberg pour juger les crimes commis.

    Thérèse Delpech (« L’Ensauvagement: le retour de la barbarie au XXIe siècle », 2005)

    Histoire: A quand un tribunal de Nuremberg pour les génocidaires communistes? (Holodomor: the other forgotten genocide)

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  23. pustaka islam dit :

    What’s up, after reading this awesome piece of writing i
    am too glad to share my familiarity here with mates.

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  24. jcdurbant dit :

    IT’S RUSSIAN REVANCHISM, STUPID ! (What provoked the deterioration in relations between Russia and the West was not anything that the West did, but its refusal to come to terms with its own violent imperialist past)

    Russia and its Western apologists can offer no evidence of a promise not to enlarge NATO, because such a promise was never made. Gorbachev should have the final word on this matter: “The topic of ‘NATO expansion’ was not discussed at all, and it wasn’t brought up in those years,” he said in October 2014. “I say this with full responsibility. Not a single Eastern European country raised the issue, not even after the Warsaw Pact ceased to exist in 1991.” Only years later would the prospect of former Warsaw Pact states’ joining NATO become a subject of more than academic discussion, when the alliance offered membership to Hungary, Poland, and the Czech Republic. In 1997, all three joined.

    But relitigating what assurances the West did or did not make to the collapsing Soviet Union about NATO’s future status is a distraction from the more fundamental question: What right does Russia have to decide whether its former satrapies can join a defensive military alliance of their own free will? In the words of the former State Department official Kirk Bennet, “NATO enlargement was driven by demand, not supply.” The newly independent countries of Central and Eastern Europe all desperately wanted to join NATO, and given their histories with Russia, it’s not hard to understand why. The practice of invading European neighbors because they stray from the true socialist path — employed by the Russians in Hungary and Czechoslovakia in 1956 and 1968, respectively — is a model of interstate behavior that was supposed to have been forever discredited with the collapse of the Soviet Union. (As events in Georgia in 2008 and Ukraine six years later demonstrate, however, it has unfortunately been revived.)

    The principles of state sovereignty and territorial integrity initially laid out in the Helsinki Final Act were later enshrined in the 1990 Charter of Paris for a New Europe, agreed to by the Soviet Union and, following its dissolution, its legal successor state, the Russian Federation. In 1994, Russia signed the Budapest Memorandum with Ukraine, Great Britain, and the United States, which saw Kiev surrender its ample nuclear-weapons stockpile to Moscow in exchange for guarantees of its territorial integrity. As with practically every understanding it signed in the post–Cold War period, Russia later violated this pledge.

    Throughout the 1990s and well into the reign of Vladimir Putin, the United States and its allies went out of their way to draw Russia closer and assuage any fears its government might have had, genuine or contrived, that the Western alliance harbored aggressive designs. In 1997, the NATO–Russia Founding Act was signed to guide relations between the West and Russia; among other provisions, the accord limits the number of troops each side may permanently station in Central and Eastern Europe. Five years later, the NATO–Russia Council was established to serve as a forum for “consultation, consensus-building, cooperation, joint decision and joint action, in which the individual NATO member states and Russia work as equal partners on a wide spectrum of security issues of common interest.”

    During the early years of the war in Afghanistan, Russia and NATO collaborated constructively, with the former permitting the latter use of its airspace and territory to transfer supplies to the theater. As late as 2010, the problem that Russia’s then-ambassador to NATO had with the military alliance was not that it was too belligerent but that it emanated a “mood of capitulation” with respect to Afghanistan. Further signs of Western cooperation included granting Russia a place at the table of the G-7 (which thereby became the G-8, until Moscow’s annexation of Crimea led to the suspension of its membership) and admission into the World Trade Organization.

    What provoked the deterioration in relations between Russia and the West, then, was neither NATO enlargement, nor American foreign policy, nor anything else that the West did, but Russian revanchism and revisionism. In 2007, Putin delivered an anti-American tirade at the Munich Security Conference, shocking attendees. Shortly thereafter, Russia launched a cyberattack on tiny Estonia, and the following year it invaded Georgia. The French writer Michel Gurfunkiel identifies Putin’s four major strategic goals as reuniting “all the Russian-speaking peoples under a single nation-state,” reestablishing Russia as “the first among equals” in the “Eurasian community,” weakening Europe and the transatlantic alliance, and restoring Russia as a global power. All of these objectives are in direct conflict with the understandings achieved by Western victory in the Cold War and agreed to by Putin’s predecessors in the Kremlin, foremost among them that the consensual model of interstate relations had replaced the coercive methods of the past. Putin’s rhetorical embrace of “Eurasianism,” an ideology with fascistic and mystical undertones, and his establishment of the “Eurasian Union” as a direct competitor to the European Union, signaled the decisive shift away from cooperation with the West to a strategy of weakening it from within.

    Unlike post-war Germany, which made full amends for its past militarism and atrocities and committed itself to multilateralism and nonviolent approaches to resolving international conflict, Russia never went through a process of Vergangenheitsbewältigung, or “coming to terms with the past.” Perhaps this was an unavoidable consequence of the Cold War’s peaceful end — the Soviet Union, unlike the Third Reich, was not subjected to a traumatic military defeat and occupation by its adversaries. But the consequences of Russia’s not engaging in the sort of critical appraisal of its own history so admirably pursued by post-Holocaust Germany are visible all around us in the modern-day cult of Josef Stalin, the veil of silence surrounding Communist-era crimes, and the popular support among the Russian people for Putin’s military adventures abroad.

    Following the advice of the “realists” Gessen so admires and allowing Moscow a veto over the foreign-policy orientation of former subjects would have indulged Russia’s notion that it is still an empire and invited more aggression. By this light, NATO’s denial of Membership Action Plans for Ukraine and Georgia indicates how the West failed to reap the benefits of winning the Cold War. Chief among these benefits ought to have been the welcome rise of sovereign countries’ Western aspirations. Instead, the West preferred to assuage Russian inferiority complexes and hurt feelings. Deprived of the argument that it was nonexistent NATO expansion to Ukraine that “provoked” Russia to invade it, some realists cite the EU’s 2013 offer of a trade-and-aid package to Kiev as having justified the aggression. What this excuse neglects to acknowledge is Putin’s 2004 statement “If Ukraine wants to join the EU and is welcome there, we can only welcome that.” Ten years later, he waged war against the country for trying to do precisely what he had encouraged.

    Our present-day problems with Russia stem from two utterly different, and fundamentally irreconcilable, understandings of what the end of the Cold War meant. It wasn’t just a side that lost but a whole understanding of how the world should work. From the assassination of Archduke Ferdinand to the Sudeten crisis to the division of Germany, most of the 20th century’s major conflicts erupted over border disputes in Central and Eastern Europe. Vladimir Putin’s refusal to acknowledge that small countries have the same rights as larger ones has pitted a rules-abiding West against a rules-flouting Russia. Faced with neighbors wishing to break free of their post-imperial yoke, Russians have not paused to consider that maybe it’s their behavior, past and present, that has led the former “captive nations” to be wary of Moscow’s designs. Rather, Russians have internalized, in the words of former U.S. ambassador to Ukraine Steven Pifer, the attitude that “nobody likes us, what’s wrong with everybody?” For Western policymakers to endorse such myopia is like giving car keys to a drunk.

    As Russian troops marched into Crimea under the same pretext as German forces did into the Sudetenland — claiming to “protect” the rights and lives of allegedly threatened ethnic comrades — German chancellor Angela Merkel was said to have remarked that Putin lives in “another world.” He does. It’s a dangerous world where might makes right, one that successive generations of Western statesmen, along with courageous Poles, Czechs, Romanians, and countless others, fought to overcome. The post–Cold War “ideas and assumptions” of America and its allies were not “triumphalist” diktats meant to humiliate or “encircle” Russia by “rubbing its nose” in defeat, but fundamental principles of sovereignty and national self-determination established to avert war on a continent repeatedly plagued by it. Far from being too “triumphalist” in its dealings with Russia, if anything, the West was not triumphalist enough.

    https://www.nationalreview.com/2018/05/post-war-order-over-not-caused-by-trump-foreign-policy/

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  25. jcdurbant dit :

    https://www.wsj.com/articles/the-forgotten-soviet-famine-1541111157
    The Forgotten Soviet Famine
    We remember what Stalin did to Ukraine but not Kazakhstan.
    Sarah Cameron
    WSJ
    Nov. 1, 2018

    The U.S. Senate passed a resolution in October commemorating the 85th anniversary of the Ukrainian famine of 1932-33. This year also marks the 85th anniversary of the Kazakh famine, a little-known Stalinist crime of horrifying proportions that the world has largely overlooked.

    By some measures the Kazakh famine was an even greater atrocity than the Ukrainian one. Kazakhs also were forcibly collectivized, and the starving subjected to brutal repression, including the closure of borders so that they could not flee. More than 1.5 million people perished. About one-third of all Kazakhs died, almost certainly the highest death ratio due to collectivization of any people in the Soviet Union.

    In the aftermath, Kazakhs became a minority in their own republic, outnumbered by Russian settlers. They would not constitute more than half of Kazakhstan’s population again until after the Soviet collapse in 1991. In the postfamine years, the republic became a vast canvas for Moscow to pursue radical population politics. A forced labor camp was built on former pasturelands, and Kazakhstan became one of the primary sites of exile for various deported groups.

    In the 1980s the Ukrainian famine was the subject of a congressional investigation. In 2015 a memorial to its victims was dedicated in Washington. But the Kazakh catastrophe has received almost no attention in the West. Why?

    For one, the Kazakh diaspora in the U.S. is small. Unlike Ukrainians, Kazakhs have not made famine central to their national memory, partly due to the current Kazakh government’s close relationship with Russia. Some Ukrainians, in turn, have sought to claim famine as a uniquely Ukrainian event. Thus history forgets the horrors endured by other groups, including the Kazakhs and many Russian peasants, during the same period.

    Another factor: While Ukrainians were primarily peasants, most Kazakhs were nomads. We have often erased the violence committed against mobile peoples from history, rationalizing it as part of “civilizing” backward groups. Kazakhs who survived were forced to settle, prompting a painful and far-reaching reorientation of their culture and identity. Also, in the U.S., Russian and Soviet history is usually categorized as “European” history. But that marginalizes the Soviet Union’s Asian half.

    Senate resolutions like the one on Ukraine achieve few tangible results. But they reveal what the U.S. deems worthy of commemoration, and what it neglects. The Kazakh famine, which took an unfathomable number of lives and profoundly transformed the republic’s people, deserves remembrance in the halls of Congress—and history books.

    Ms. Cameron, an assistant professor of history at the University of Maryland-College Park, is author of “The Hungry Steppe: Famine, Violence, and the Making of Soviet Kazakhstan” (forthcoming from Cornell).

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  26. jcdurbant dit :

    WHAT NEW EVIDENCE OF COMMUNISM’S CONGENITAL FAILURE ? (How from day one communism always in fact depended on the kindness of strangers while constantly denying it and demonizing US capitalism – including, new book shows, when a century ago Hoover saved from Lenin’s mad policies some 10m people driven by hunger to boil and eat human flesh)

    “Whoever you are, I have always depended on the kindness of strangers.”

    Blanche DuBois (A Streetcar Named Desire, 1947)

    “We must make some distinction between the Russian people and the group who have seized the government. »

    Herbert Hoover

    “The generosity of the American people resuscitates the dream of fraternity among people at a time when humanity needs charity and compassion.”

    Maxim Gorky

    To most people shaped by the cold war—and today’s icy relations—Russia and America may seem always to have been sworn enemies. When the Soviet Union collapsed in 1991 America celebrated victory. When Vladimir Putin set out to avenge history and make Russia great again, he whipped up anti-American hysteria and scorned Washington’s overreach.

    In recounting America’s biggest ever humanitarian effort—to save millions of lives in the nascent Soviet state a century ago—“The Russian Job” by Douglas Smith repudiates the modern mythologies of both countries, and their leaders’ twisted histories. Already ravaged by wars and revolution, in 1920-22 Russia was hit by droughts and faced one of Europe’s worst ever famines. It was partly self-induced: terrorised by the Red Army and threatened with requisitions and executions, Russian peasants drastically reduced the land under cultivation, sowing the minimum required for their own survival.

    Acutely aware that food meant power, Vladimir Lenin abandoned War Communism in favour of a new economic policy that replaced requisition with taxes and made some concession to capitalism. But it was too late. By the end of 1921, the vast territory along the Volga succumbed to starvation and cannibalism.

    Having come to power on the promise to provide bread and end war, the Bolsheviks confronted the prospect of being swept away by hunger. Unable to feed their own people, the leaders of the proletarian revolution turned to the West for help. Maxim Gorky, a Bolshevik writer who had once demonised American capitalism, appealed to “all honest European and American people” to “give bread and medicine”.

    The appeal struck a chord with Herbert Hoover, founding chief of the American Relief Administration (ARA). The future president responded not out of sympathy for the “murderous tyranny” of the Bolshevik regime, but from faith in America’s mission—and ability—to improve the world. If children were starving, America was obliged to ease their suffering. “We must make some distinction between the Russian people and the group who have seized the government,” Hoover argued.

    The ARA’s insistence on complete autonomy made the Soviet government suspicious, as did its pledge to help without regard to “race, creed or social status”. After all, the regime had liquidated entire classes of citizens and nationalised not only private property but human life. Still, given a choice between losing face or losing the country, the Bolsheviks conceded the ARA’s conditions—while putting the operation under surveillance by the secret police.

    Mr Smith’s book is not a political history, however. It is principally a reconstruction of the lives of those ARA men, many from military backgrounds, who over two and a half years in effect took over the functions of civil government in Russia, feeding some 10m people. In the Volga region, where residents were driven by hunger to boil and eat human flesh, the ARA organised kitchens and transport, distributed food and rebuilt hospitals.

    The misery they encountered in Russia strained their nerves to the point of breakdown and despair, but also imbued their careers with meaning. “It is only by being of service that one can be happy,” an ARA officer wrote. “The help given by the Americans can never be forgotten, and the story of their glorious exploit will be told by grandfathers to their grandchildren,” grateful Russians told them.

    Yet the duplicity and paranoia of the Soviet government haunted the ARA’s operation to the very end. While publicly Bolshevik leaders showered the Americans with praise and thanks, the secret police instructed local officials: “Under no circumstances are there to be any large displays or expressions of gratitude made in the name of the people.” No sooner was the Russian job done than the authorities began to expunge all memory of America’s help.

    The edition of the Great Soviet Encyclopedia of 1950 described the ARA as a front “for spying and wrecking activities and for supporting counter-revolutionary elements”. Modern Russian textbooks barely mention the episode. But it is not just Russia that needs to be reminded of this story—so does America, which derived much of its 20th-century greatness from its values rather than military power. As Gorky told Hoover: “The generosity of the American people resuscitates the dream of fraternity among people at a time when humanity needs charity and compassion.”

    https://www.economist.com/books-and-arts/2019/11/09/a-century-ago-america-saved-millions-of-russians-from-starvation

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