Antisémitisme: Chassez le naturel… (Après De Gaulle et Mitterrand, Barre et Rocard rattrapés par le retour du refoulé?)

Secondhandsmoke
In Europe (…) What we are seeing is pent-up anti-Semitism, the release — with Israel as the trigger — of a millennium-old urge that powerfully infected and shaped European history. What is odd is not the anti-Semitism of today but its relative absence during the past half-century. That was the historical anomaly. Holocaust shame kept the demon corked for that half-century. But now the atonement is passed. The genie is out again. This time, however, it is more sophisticated. It is not a blanket hatred of Jews. Jews can be tolerated, even accepted, but they must know their place. Jews are fine so long as they are powerless, passive and picturesque. What is intolerable is Jewish assertiveness, the Jewish refusal to accept victimhood. And nothing so embodies that as the Jewish state. What so offends Europeans is the armed Jew, the Jew who refuses to sustain seven suicide bombings in the seven days of Passover and strikes back. That Jew has been demonized in the European press as never before since, well . . . since the ’30s. The liberal Italian daily La Stampa ran a cartoon of the baby Jesus, besieged by Israeli tanks, saying, « Don’t tell me they want to kill me again. » Again. And this time the Christ-killers come in tanks. Just when Europe had reconciled itself to tolerance for the passive Jew — the Holocaust survivor who could be pitied, lionized, perhaps awarded the occasional literary prize — along comes the Jewish state, crude and vital and above all unwilling to apologize for its own existence. The French were the vanguard of this modern anti-Semitism that can tolerate the Jew as victim but not as historical actor. It was 35 years ago at the outbreak of the Six Day War that Charles de Gaulle cut off French support for Israel, denouncing its audacity in fighting for its life over his objections. But he did not stop there. He later went on to famously denounce the Jews as « an elite people, sure of itself and domineering. » The rejection of docility — « sure of itself » — was Israel’s real crime 35 years ago. It remains Israel’s crime today. Israel’s recent three-week Operation Defensive Shield, the boldest and most justified Israeli military offensive since the Six Day War, provokes precisely the same reaction, though not always expressed with de Gaulle’s candor. Charles Krauthammer
Ecoutez, je rentre de Lyon plein d’indignation à l’égard de cet attentat odieux qui voulait frapper les israélites qui se rendaient à la synagogue et qui a frappé des Français innocents qui traversaient la rue Copernic. C’est un acte qui mérite d’être sévèrement sanctionné. Raymond Barre (le 3 octobre 1980, TFI, suite à l’attentat de la synagogue parisienne de la rue Copernic, 4 morts, 20 blessés)
J’ai tellement entendu les propos de M. Gollnisch à Lyon que cela finissait par ne plus m’émouvoir. Quand on entend à longueur de journée tout ce qui se dit à droite et à gauche, à la fin on n’y porte plus attention. Raymond Barre (01.03.2007)

Après Edgar Morin, Jean Baudrillard, l’abbé Pierre, le syndrome aurait-il encore frappé?

Ou, comme pour la tabagie du même nom, les effets de l’antisémitisme passif (ou ses variantes ou avatars antisioniste et antiaméricains avec lesquels ils coexistent souvent) finissent-ils par être aussi nocifs que ceux de l’antisémitisme actif?

Et nos dirigeants ou personnalités publiques sont-ils condamnés, l’âge aidant (quoiqu’à 54 ans, Villepin semble un tantinet précoce!), à l’inévitable retour du refoulé ?

Du moins c’est ce qu’on pourrait croire à entendre les dernières déclarations de deux politiciens français qui, connus jusqu’alors non pour leur antisémitisme mais plutôt pour leur modération et leur parler vrai, viennent de se faire rattraper, à la Mitterrand avec sa francisque et ses amitiés très particulières, par leur inconscient et de rajouter leurs voix aux fameux propos de De Gaulle (alors âgé de 77 ans) sur le “peuple dominateur” “provoquant ou suscitant les malveillances”.

Ainsi l’ancien Premier Ministre et ex-« meilleur économiste de France » Raymond Barre (qui dans sa jeunesse n’avait apparemment pas fumé que de l’opium!) vient, à l’approche de son très prochain 83e anniversaire et de la sortie d’un livre de mémoires politiques, de se rappeler aux bons souvenirs de ses petits camarades en enchainant coup sur coup dans la même semaine et sur deux radios différentes (France Culture et RTL), un tonitruant soutien à un notoire négationniste (Gollnisch, du moins jusqu’au… 7 novembre dernier!*) et à un zélé préfet vichyssois (Papon), tout en persistant et signant son tristement célèbre lapsus de 1980 sur les « Français innocents » victimes de l’attentat de la rue Copernic ainsi que ses attaques sur le « lobby juif ».

Quant à l’autre ancien premier Ministre de référence Rocard qui va lui (aussi) sur ses 77 ans, il vient, lors d’un récent voyage en Egypte, d’accorder un entretien à un journal arabe où il se déchaine sur le bellicisme et l’ivresse de puissance supposés ainsi que le manque de culture, le cynisme et la brutalité tant des Israéliens que des Américains.

Morceaux choisis:

“un État d’Israël guerrier et résolu à s’agrandir” et “un peuple d’élite, sûr de lui-même et dominateur” qui “en dépit du flot tantôt montant, tantôt descendant, des malveillances qu’ils provoquaient, qu’ils suscitaient plus exactement dans certains pays et à certaines époques” …

Charles De Gaulle (conférence de presse de nov. 67)

« Ah, Vichy, Ah Pétain (…) c’était un vieillard un peu dépassé mais… magnifique …

Une carrière ainsi brisée à trente-cinq ans, ce n’est pas supportable… Bousquet en souffrait cruellement. Imaginez cette cassure, cette carrière foudroyée …

François Mitterrand (sur Pétain et l’ancien secrétaire général de la police de Vichy René Bousquet)

Ce n’est pas une politique de tuer des enfants. Chirac (accueillant Barak à Paris, le 4 octobre 2000)

La situation est tragique mais les forces en présence au Moyen-Orient font qu’au long terme, Israël, comme autrefois les Royaumes francs, finira par disparaître. Cette région a toujours rejeté les corps étrangers.

Dominique de Villepin (Paris, automne 2001)

Pourquoi accepterions-nous une troisième guerre mondiale à cause de ces gens là?

Daniel Bernard (ambassadeur de France, après avoir qualifié Israël de « petit pays de merde », Londres, décembre 2001)

L’origine du problème palestinien est la promesse donnée par les Anglais aux Juifs de fonder un Etat-nation. Ce fut une erreur historique.

Michel Rocard

Les Israéliens se sont surarmés et en faisant cela, ils font la même faute que les Américains, celle de ne pas avoir compris les leçons de la deuxième guerre mondiale, car il n’y a jamais rien de bon à attendre d’une guerre. Et la force peut détruire, elle ne peut jamais rien construire, surtout pas la paix. Le fait d’être ivre de puissance et d’être seul à l’avoir, si vous n’êtes pas très cultivé, enfant d’une longue histoire et grande pratique, vous allez toujours croire que vous pouvez imposer votre vision. Israël vit encore cette illusion, les Israéliens sont probablement dans la période où ils sont en train de comprendre leurs limites. C’était Sharon le premier général qui s’est retiré de la bande de Gaza car il ne pouvait plus la tenir. Nous défendons absolument le droit à l’existence d’Israël et à sa sécurité, mais nous ne défendons pas son droit à se conduire en puissance occupante, cynique et brutale …

Michel Rocard (Al Ahram, 2006)

Cet attentat odieux a voulu frapper les israélites qui se rendaient à la synagogue, il a frappé des Français innocents qui traversaient la rue Copernic.

Raymond Barre (le 3 octobre 1980, TFI, suite à l’attentat de la synagogue parisienne de la rue Copernic, 4 morts, 20 blessés)

« C’était des Français qui circulaient dans la rue et qui se trouvent fauchés parce qu’on veut faire sauter une synagogue. Alors, ceux qui voulaient s’en prendre aux Juifs, ils auraient pu faire sauter la synagogue et les juifs. Mais pas du tout, ils font un attentat aveugle et y a 3 Français, non juifs, c’est une réalité, non juifs. Et cela ne veut pas dire que les Juifs, eux ne sont pas Français. »

C’est « une campagne » « faite par le lobby juif le plus lié à la gauche » (…) « je considère que le lobby juif – pas seulement en ce qui me concerne – est capable de monter des opérations qui sont indignes et je tiens à le dire publiquement. »

(le 20 février 2007 sur France Culture diffusée le 1er mars)

Il y a une clique qui depuis 1979 me poursuit pour me faire apparaître antisémite.

(le 6 mars 2007 sur RTL)

Est-ce que tous les fonctionnaires de l’Etat qui étaient en fonction à l’époque auraient dû abandonner leurs responsabilités? (…) Quand on a des responsabilités essentielles dans un département, une région ou à plus forte raison dans le pays on ne démissionne pas. On démissionne lorsqu’il s’agit vraiment d’un intérêt national majeur» (…)«car il fallait faire fonctionner la France» (…) «ils ont essayé tant bien que mal de limiter ce drame qu’a été la persécution des Juifs». «Et n’oublions pas quand même qu’en France, c’est le pays où le nombre de Juifs sauvés a été le plus élevé »

Raymond Barre

Voir aussi le commentaire de Jacques Lanzmann:

Que les terroristes massacrent des juifs à l’intérieur d’une synagogue n’a, pour M. Barre, rien de contraire à l’ordre du monde et au train des choses. Ce qu’il reproche aux auteurs de l’attentat, c’est de ne pas avoir assez «ciblé» l’assassinat, c’est la bavure qui a transformé l’explosion en «attentat aveugle» puisque trois «Français innocents», «pas du tout liés à cette affaire» (sic) y ont laissé leur vie. «Ce qui était la caractéristique de ceux qui faisaient l’attentat, c’était de châtier des juifs coupables» ( sic ), poursuit-il. Coupables de quoi ? Nul ne le sait, M. Barre ne le dit pas, mais on infère aisément : ontologiquement coupables. Tuer, comme ce fut le cas, mon amie l’Israélienne Aliza Shagrir, qui passait, elle aussi par hasard, rue Copernic, tuer des femmes juives, des enfants juifs, des vieillards juifs, comme cela arrive ailleurs dans les cafétérias et les autobus, ce n’est pas une action aveugle, mais ciblée et méditée au contraire, puisque, coupables, les juifs attirent un juste châtiment.

Le 1er mars, sur France Culture, l’ex-Premier ministre a défendu Papon et Gollnisch.
J’accuse Raymond Barre d’être un antisémite
Claude LANZMANN
Libération
6 mars 2007

Par Claude Lanzmann historien et cinéaste, directeur des Temps modernes.

Premier ministre, M. Raymond Barre était tout en rondeurs : on pouvait aisément le regarder comme le paradigme du Français innocent, il en avai les airs, les allures, l’onction, le patelin, le débonnaire, il exsudait le bon droit, la légitimité, la satisfaction et la sûreté de soi. Même si, aujourd’hui Raymond Barre a gagné en minceur, sa francité n’en a souffert nulle atteinte, on serait presque tenté d’ajouter «hélas». Ce qui fait problème s’agissant de lui, c’est la confluence des deux prédicats : «Français» et «innocent». M. Barre en effet récidive : interrogé sur France Culture, le 1e mars, dans une émission intitulée le Rendez-vous des politiques, l’ex- «meilleur économiste de France» tombe carrément le masque, remplace ses rondeurs anciennes par la hargne têtue, laisse libre carrière à une vindicte qui lui fait réitérer, le jabot gonflé des satisfecit qu’il s’octroie, les proférations sinistres d’il y a vingt-sept ans.

La différence, c’est qu’en 1980, quand, après l’attentat de la synagogue de la rue Copernic, Raymond Barre déplorait la mort de «Français innocents», il le faisait «innocemment» si l’on peut dire, parlant selon sa pente naturelle, ne comprenant rien au scandale et à la condamnation unanimes qu’allaient susciter ses propos. Aujourd’hui, il sait, il ne peut pas ne pas savoir, il n’a pas un mot de regret et, voulant mettre les points sur les i, il s’enferre d’une façon aussi révoltante que comique. Que les terroristes massacrent des juifs à l’intérieur d’une synagogue n’a, pour M. Barre, rien de contraire à l’ordre du monde et au train des choses. Ce qu’il reproche aux auteurs de l’attentat, c’est de ne pas avoir assez «ciblé» l’assassinat, c’est la bavure qui a transformé l’explosion en «attentat aveugle» puisque trois «Français innocents», «pas du tout liés à cette affaire» ( sic ) y ont laissé leur vie. «Ce qui était la caractéristique de ceux qui faisaient l’attentat, c’était de châtier des juifs coupables» ( sic ), poursuit-il. Coupables de quoi ? Nul ne le sait, M. Barre ne le dit pas, mais on infère aisément : ontologiquement coupables. Tuer, comme ce fut le cas, mon amie l’Israélienne Aliza Shagrir, qui passait, elle aussi par hasard, rue Copernic, tuer des femmes juives, des enfants juifs, des vieillards juifs, comme cela arrive ailleurs dans les cafétérias et les autobus, ce n’est pas une action aveugle, mais ciblée et méditée au contraire, puisque, coupables, les juifs attirent un juste châtiment.

Ayant dit, l’ex-Premier enfile les perles dans un très cohérent délire. Après avoir longuement exonéré Maurice Papon de toute faute (la déportation des Juifs n’était pas pour lui «d’un intérêt national majeur» ; son problème, c’était de «faire fonctionner la France» ), il reprend à son compte, en la portant à son acmé, l’antienne de la collaboration : Pétain et de Gaulle étaient l’avers et le revers de la médaille France, tous deux concouraient, chacun à sa façon, à maintenir la Nation en ordre de marche. La Nation, c’est-à-dire les «grands commis» à la Papon et la sacro-sainte administration. Une extraordinaire division du travail et un génie certain de la communication font, selon Barre, que de Gaulle, dès la Libération, maintient en place et en France les fonctionnaires de Vichy pas trop compromis, tandis qu’il expédie au contraire en Allemagne, pour administrer les vaincus, «ceux qui s’étaient trop manifestés dans les voies de la collaboration» (sic). On n’avait encore jamais entendu cela, le général Pierre Koenig, vainqueur de Bir-Hakeim et premier gouverneur militaire français en Allemagne occupée, doit frémir dans son sépulcre…

Après Papon, l’ex-Premier ministre exonère Bruno Gollnisch, son ancien collègue d’université et son conseiller municipal quand il était maire de Lyon, bien connu comme négateur obstiné et pinailleur de la Shoah : «Moi, je suis quelqu’un qui considère que les gens peuvent avoir leur opinion, c’est leur opinion», ( sic ). Raymond Barre, on le voit, est large d’esprit. A la fin des fins, conclusion de tout, il nous livre à deux reprises la clé universelle des attaques portées contre lui et des maux du monde : «le lobby juif» ! Le lobby juif est un fait de nature : de même que le soleil se lève et que l’eau bout à 100 °C, il y a un lobby juif, et c’est lui le responsable. «Je vous ai parlé très franchement, dit-il à Raphaël Enthoven, le présentateur de l’émission. Que vous me fassiez passer pour un antisémite, pour quelqu’un qui ne reconnaît pas la Shoah, j’ai entendu cela cent fois et cela m’est totalement égal.» Diantre ! Entre le «lobby juif», la «conspiration des sages de Sion», la «juiverie internationale», il faut un trébuchet ultrasensible pour déceler une différence de nature.

Même si cela lui est «totalement égal», j’accuse M. Raymond Barre d’être un antisémite. Plus encore : je l’accuse de se faire le héraut de cette passion immonde, de la propager, de s’en glorifier, délit qui tombe sous le coup de la loi.

Voir aussi:

« Le rendez-vous des politiques » avec Raymond Barre
Raphaël Enthoven reçoit Raymond Barre, pour une conversation autour de son dernier livre « L’expérience du pouvoir – conversations avec Jean Bothorel » (Fayard).
France Culture
1er mars 2007

Maurice Papon était le Ministre du Budget de Raymond Barre de 1978 à 1981. Est-ce qu’aujourd’hui vous ne regrettez pas ?

Raymond Barre : Premièrement, je ne le regrette pas, parce que je sais dans quelle condition, j’ai proposé au président de la République de nommer Papon, ministre du Budget.

C’était un grand Commis de l’Etat. Je savais qu’à Bordeaux, c’est le Général de Gaulle qui l’avait maintenu. Il avait été préfet, notamment en Algérie. Très courageux. Il avait été préfet de police à Paris pendant 10 ans. D’ailleurs il a payé surtout à cause de Charonne – entre nous. Le reste c’était un alibi. Moi je suis convaincu qu’il paye la remise en ordre qu’il fait, l’ordre qu’il maintient, au moment de Charonne.

Il est ensuite à l’Assemblée nationale où il est un parlementaire tout à fait raisonnable. Il est à la Commission des Finances, je le connais, il est rapporteur général à la Commission des finances. Et quand en 1978, je suis renommé premier ministre et que je veux diviser ce bastion qu’était le ministère de l’économie et des finances. Entre un ministère de l’économie et un ministère des finances, du Budget, je choisis M. Monory pour l’économie car je savais qu’il était comme moi, partisan de la libération des prix et je choisis M. Papon parce qu’il est un modéré de l’UDR – je ne sais pas encore si le RPR le supportait.

Que saviez-vous de son rôle à la préfecture de Gironde ?

RB : Mais personne n’en parlait. A aucun moment ! Cela n’a paru qu’en 1981. Certes, le jury d’honneur que M. Papon avait réuni a dit qu’il n’avait rien fait de contraire à sa responsabilité de grand Commis de l’Etat mais qu’il aurait pu, le cas échéant, abandonner ses fonctions. Alors nous nous trouvons devant un phénomène essentiel : est-ce que tous les fonctionnaires de l’Etat qui était en fonction à l’époque auraient dû abandonner leurs responsabilités ? Ou au contraire rester, pour essayer de limiter la casse – si vous me permettez cette expression- et de préparer l’avènement de la République qui suivrait.

Est-ce que vous comprenez, M. le Premier Ministre qu’on puisse être coupable de ne pas désobéir ?

RB : Personnellement j’ai plutôt le tempérament à la désobéissance. Mais quand on a des responsabilités essentielles dans un département, une région ou à plus forte raison dans le pays on ne démissionne pas. On démissionne lorsqu’il s’agit vraiment d’un intérêt national majeur.

Ce n’était pas le cas ?

RB : Ce n’était pas le cas car il fallait faire fonctionner la France.

Chirac a reconnu que la France devait se regarder en face, c’est considérer que l’Etat comme Etat avait participé à la Shoah et donc invoquer la close de conscience qui existe dans certaines professions. Est-ce qu’on ne devrait pas introduire une close de conscience dans l’Etat ?

RB : Mais vous avez toujours le droit de faire jouer la clause de conscience et à tout moment. Mais je reviens à ce qu’était la France en 1944-1945. Pensez au nombre de fonctionnaires qui étaient en place qui ont essayé tant bien que mal de limiter ce drame qu’a été la persécution des Juifs et n’oublions pas quand même qu’en France c’est le pays où le nombre de Juifs sauvés a été le plus élevé. Et qu’est-ce qui se passe à la Libération, ce pays ne peut pas s’effondrer, il faut bien que l’administration demeure, sauf ceux qui ont été manifestement des serviteurs de l’ennemi. Je pense à Bousquet et M. Mitterrand n’a pas été d’une sévérité extrême à l’égard de M. Bousquet.

Alors a surgi cette affaire et M. Papon est devenu un bouc émissaire. Je ne porte pas un jugement moral sur l’attitude que l’on devait avoir à l’égard des déportations de Juifs ou non. Mais je considère qu’il y a dans ce pays une hypocrisie fondamentale à chercher quelques boucs émissaires alors qu’il faut bien le reconnaître : si le pays a continué à fonctionner, c’est parce que le général de Gaulle a maintenu ceux qui étaient en place quand il le pouvait et ceux qui s’étaient trop manifestés dans les voies de la collaboration, il les a envoyés en Allemagne. N’oubliez pas cela, tout le personnel français qui est allé gérer la partie de l’Allemagne occupée par la France est composé en grande partie de fonctionnaires de grande qualité qu’il aurait peut-être été nécessaire d’éliminer sur le plan national mais qui devaient continuer à servir le pays au plan international.

Je m’excuse, je vous ai parlé très franchement. Que vous me fassiez passer pour un antisémite, pour quelqu’un qui ne reconnaît pas la Shoah, j’ai entendu cela cent fois et cela m’est totalement égal. Mais ce que je viens de dire, je le répète. Et comme M. Papon avait été un ministre parfait, quand il y a eu à Bordeaux son jugement, nous avons été deux hommes politiques à aller porter témoignage : Olivier Guichard qu’on ne peut pas soupçonner et moi-même comme ancien Premier Ministre. Alors je voudrais que cela soit clair.

Pourquoi Papon n’a-t-il pas exprimé des regrets ?

RB: M. Papon a pu expliquer qu’il s’est retrouvé dans beaucoup de cas dans l’obligation – soit du fait de Vichy soit du fait des autorités allemandes – de se livrer à des actes répréhensibles et qu’il était resté pour essayer de limiter la casse, mais il lui a manqué la phrase disant que ce qui avait été fait sous son autorité était quand même regrettable et qu’il l’avait fait parce qu’il pensait que c’était son devoir de le faire. Je crois que c’est cela et il n’a jamais rien dit ensuite, parce que M. Papon était un homme fier. C’est un homme qui exerçait de grandes responsabilités, ce n’était pas quelqu’un à dire : « je regrette ce que j’ai fait ».

Regrettez-vous d’avoir eu ce mot lors de l’attentat de la rue Copernic: « un attentats odieux qui voulait frapper les Juifs se trouvant dans cette synagogue et qui a frappé des Français innocents qui traversaient la rue Copernic ». ?

RB: Non, je me souviens très bien du climat dans lequel j’ai dit cela. N’oubliez pas que dans la même déclaration, je dis que la Communauté juive ne peut pas être séparée de la Communauté française. Quand on cite on cite en entier. Et la campagne qui a été faite par le lobby juif le plus lié à la gauche, venait du fait que nous étions en climat électoral et moi cela ne m’a pas impressionné et ils peuvent continuer à le répéter.

Mais pourquoi « Français innocents » ?

RB: Mais oui parce c’était des Français qui circulaient dans la rue et qui se trouvent fauchés parce qu’on veut faire sauter une synagogue. Alors, ceux qui voulaient s’en prendre aux Juifs, ils auraient pu faire sauter la synagogue et les juifs. Mais pas du tout, ils font un attentat aveugle et y a 3 Français, non juifs, c’est une réalité, non juifs. Et cela ne veut pas dire que les Juifs, eux ne sont pas Français.

Oui mais « Innocents » ?

RB: Parce que ce qui était la caractéristique de ceux qui faisaient l’attentat c’était de châtier des Juifs coupables.

A leurs yeux !

RB: A leurs yeux mais bien sûr. Aux miens, les Français n’étaient pas du tout liés à cette affaire. Non, je suis très clair sur ce point. D’ailleurs, aucun de mes amis juifs – et j’en compte – ne m’a fait grief là-dessus. Là, je tiens à vous dire que sur cette affaire, je considère que le lobby juif – pas seulement en ce qui me concerne – est capable de monter des opérations qui sont indignes et je tiens à le dire publiquement.

Bruno Gollnisch, conseiller municipal de R. Barre à Lyon pendant 6 ans. Après sa condamnation vous avez dit que c’était quelqu’un de bien alors qu’il venait d’être condamné pour propos négationnistes. Le regrettez-vous ?

RB: Voilà, vous revenez aujourd’hui avec toutes les petites critiques sordides que j’ai entendues. Et je vais mettre les choses au point. Gollnish était mon collègue à Caen, il est universitaire, je le connaissais, je ne le fréquentais pas pour la raison bien simple qu’il n’était pas de mon bord. Il est élu car il y avait à Lyon, au moins 15 à 20% de la population qui votait FN. Il est élu, il devient membre du conseil municipal. Il se conduit correctement. Toutes les fois où il veut introduire des considérations qui lui sont propres dans les débats du Conseil municipal, je lui demande de se taire et il le fait. Pour le reste, pour tout ce dont il est chargé, comme conseiller municipal, il fait les choses d’une manière tout à fait correcte. Moi je suis quelqu’un qui considère que les gens peuvent avoir leur opinion, c’est leur opinion et par ailleurs, quand je les ai vu fonctionner dans un climat particulier, je reconnais leurs qualités. Et ce que j’ai dit simplement c’est que certes, je blâmais les propos de M. Gollnisch, mais j’ai tellement entendu les propos de M. Gollnish à Lyon que cela finissait par ne plus m’émouvoir. Quand on entend à longueur de journée tout ce qui se dit à droite et à gauche, à la fin on n’y porte plus attention. Et j’ai dit en parlant de Gollnisch que je blâmais ce qu’il avait dit, mais que pour le reste je l’avais connu et que c’était un homme bien. C’était un bon conseiller municipal et que ceux qui ne sont pas satisfaits de cela pensent ce qu’ils veulent.

Raymond Barre le 1er mars 2007 sur France Culture, interrogé par Raphaël Enthoven.

Voir également:

Accusé d’antisémitisme, Barre réplique
GUILLAUME PERRAULT.
Le Figaro
le 07 mars 2007

Très critiqué par plusieurs associations et par François Bayrou pour avoir évoqué « un lobby juif », l’ancien premier ministre a maintenu hier ses propos sur RTL.

« Il Y A une clique qui, depuis 1979, me poursuit pour me faire passer pour antisémite, a déclaré hier Raymond Barre sur RTL. Les procédés sont très singuliers, mais cela me laisse indifférent. Et c’est cette indifférence qui les outrage », a poursuivi l’ancien premier ministre. Raymond Barre réagissait à l’accusation d’antisémitisme lancée contre lui le matin même dans Libération par le réalisateur Claude Lanzmann, auteur du documentaire Shoah. La polémique est née des déclarations de l’ancien chef du gouvernement sur France Culture le 1er mars. Évoquant les réactions aux propos qu’il avait tenus le 3 octobre 1980 après l’attentat de la rue Copernic, Raymond Barre a dénoncé une « campagne » qu’aurait déclenchée à l’époque contre lui « le lobby juif le plus lié à la gauche ». Il a ajouté : « Je considère que le lobby juif – pas seulement en ce qui me concerne – est capable de monter des opérations qui sont indignes et je tiens à le dire publiquement. »

L’ancien hôte de Matignon avait par ailleurs de nouveau défendu la mémoire de Maurice Papon, qui fut ministre du Budget dans son gouvernement. Il avait enfin critiqué la condamnation de Bruno Gollnisch pour propos négationnistes au nom de la liberté d’expression, tout en « blâmant » ses déclarations.

Bayrou : «Inacceptable»

Dès vendredi, le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) avait réagi et estimé que l’ancien premier ministre avait « rejoint l’extrême droite ». Plusieurs associations proches de l’extrême gauche – le Mrap, la Ligue des droits de l’homme – ont à leur tour évoqué hier « des déclarations déshonorantes ». Le porte-parole du PS, Julien Dray, a demandé « à la droite et en premier lieu à la famille politique d’origine de Raymond Barre une condamnation sans appel de ces propos ». Peu après, François Bayrou a déclaré qu’« il n’y a rien à commenter, rien à discuter, rien à expliquer » dans les propos de Raymond Barre, qui « sont purement et simplement inacceptables ».

Voir par ailleurs:

« Israël doit comprendre que la force ne construit pas la paix »
Interview de Michel Rocard

Les Israéliens se sont surarmés et en faisant cela, ils font la même faute que les Américains, celle de ne pas avoir compris les leçons de la deuxième guerre mondiale, car il n’y a jamais rien de bon à attendre d’une guerre. Et la force peut détruire, elle ne peut jamais rien construire, surtout pas la paix. Le fait d’être ivre de puissance et d’être seul à l’avoir, si vous n’êtes pas très cultivé, enfant d’une longue histoire et grande pratique, vous allez toujours croire que vous pouvez imposer votre vision.
Israël vit encore cette illusion, les Israéliens sont probablement dans la période où ils sont en train de comprendre leurs limites. C’était Sharon le premier général qui s’est retiré de la bande de Gaza car il ne pouvait plus la tenir. Nous défendons absolument le droit à l’existence d’Israël et à sa sécurité, mais nous ne défendons pas son droit à se conduire en puissance occupante, cynique et brutale …

Voir aussi:

cet intéressant commentaire d’un blogueur (Harry) sur Autheuil qui rappelle avec raison le « substrat idéologique maurrassiste qui subsiste dans une frange de la population française », même si j’ai du mal à voir quel « mérite » il peut bien y avoir à dire tout haut des « conneries » sur un sujet aussi grave …

il ose dire tout haut ce que pense une grande partie de la bonne bourgeoisie française bien-comme-il-faut. En toute innocence. Comme De Gaulle et le peuple sûr de lui et dominateur. Quand je sors dîner en ville, ça ne manque jamais : une fois sur le deux, la discussion débordera sur Israël, la double patrie des juifs, leur pouvoir, leur argent, leur contrôle de la politique américaine et des media,… quand on ne vous ressort pas carrément des extraits de l’Apocalypse « prouvant » que le projet sioniste provoquera la fin du monde, ou qu’en ’40 les Allemands se sont bien comportés (« contrairement à 14-18 »). Et ce dans la bouche de monsieurs propres-sur-eux ou de vieilles dames de 75 ans n’ayant aucun souci avec les juifs (j’en connais même qui apprécient beaucoup leurs bijouteries à Anvers). Tout ça pour rappeler que subsiste un substrat idéologique maurrassiste dans une frange de la population française, et qu’il n’est pas inutile de s’interroger sur le personnage de Raymond Barre compte tenu de ses propos et de son parcours. Après, je me garderais bien de proclamer que Barre a dit tout haut ce que beaucoup de gens de droite pensent tout bas…

– cet intéressant commentaire sur primo-Europe qui, derrière l’impression de minimisation par le gâtisme (« ces vieux qui pestent contre tout et rien, le temps qu’il fait, les programmes de télé et les lobbys ») me semble au contraire la dénoncer en insistant sur l’idée de choix (« il est des naufragés volontaires qui décident de déverser le plus mauvais »):

Même si, au-delà du fait qu’arriver au soir de sa vie peut agir comme facilitateur, il est effectivement important de ne pas réduire ça à une histoire de vieux, comme le montre la fameuse phrase de Villepin (50 ans à l’époque) sur la « parenthèse »:

Barre: le crépuscule des vieux
Jean-Paul de Belmont
Primo-Europe

«La vieillesse est un naufrage» aurait confié un jour le Général de Gaulle.

Rien n’est plus faux. Nous connaissons tous des «vieux» parfaitement épanouis qui sont loin d’être des vieillards et qui offrent les bienfaits de leur sagesse aux autres, conscients de ce que leur expérience, même s’ils ne sont pas toujours écoutés, reste néanmoins fort utile.

Mais il est des naufragés volontaires, ceux qui, se sachant au crépuscule de leur vie, décident de déverser ce qu’ils ont accumulé de plus mauvais en eux plutôt que de réorganiser leurs souvenirs dans une structure de pensée positive et bienfaisante aux plus jeunes générations.

C’est un bien mauvais exemple qu’a donné un de ces «vieux-là», ancien Premier ministre, à l’occasion d’une interview sur France-Culture : de la graine de violence lui sortait de la bouche, une haine pure drapée dans un semblant de droit à la liberté d’expression.

Ce n’est pas tant la défense de Maurice Papon, qu’il avait lui-même nommé Ministre du Budget, que l’on trouve choquante. Considérer que le Préfet de Gironde, sous Vichy, n’a fait que «faire fonctionner la France», est certes, plutôt suspect mais après tout, la Justice française a prouvé son désaccord avec cette façon de voir les choses en condamnant Papon à dix ans d’emprisonnement ; et c’est cela qui compte. Le fait que la peine n’ait pas été appliquée comme elle aurait dû l’être est relativement secondaire, tant l’impact pédagogique d’un tel procès compte davantage que la sentence proprement dite.

Ce ne sont pas non plus ses louanges à Bruno Gollnisch, «quelqu’un de bien» et «bon conseiller municipal» qui nécessitent que l’on prenne la peine de vous alerter, chers lecteurs. Là aussi, les propos négationnistes du triste sire ont été désignés indignes par notre justice. Et, encore une fois, l’essentiel a été assuré.

Non, c’est dans le reste de l’interview que le vieil ex-Premier ministre offre l’image la plus hideuse et la plus choquante qui soit, indigne de quelqu’un qui a représenté la République au plus haut sommet.

Rappel des faits :

Le 3 octobre 1980, se tenait, dans un arrondissement huppé de Paris, une réunion d’anciens Auvergnats dans une salle publique. Un illuminé vouant une haine irrationnelle aux Auvergnats avait placé une bombe réglée pour exploser à la sortie de la réunion, programmée pour tuer une centaine d’Auvergnats. En raison du retard de trente minutes pris par la réunion, l’explosion ne tuera finalement «que» quatre personnes dont trois non-Auvergnats qui passaient dans la rue.

Le Premier ministre de l’époque, Raymond Barre donc, avait déploré la mort de «Français innocents» en parlant des passants tués, déniant ce statut d’innocence à la seule victime auvergnate. On se rappelle que ses déclarations avaient choqué la communauté auvergnate, découvrant qu’elle était, dans l’esprit du Premier ministre, déconnectée de la nation française. Mais cette offuscation n’avait pas dépassé les limites du Puy-de-Dôme et de l’Allier.

Vingt-sept ans après, il persiste et signe. Au journaliste qui lui demande s’il regrettait ses propos, il choisit de dénoncer la machination du «lobby auvergnat [de l’époque] le plus lié à la gauche» en période préélectorale. Il confirme également la pertinence de la distinction entre «Français innocents» et Auvergnats coupables, au moins aux yeux de l’auteur de l’attentat, ce qui suffit, selon lui :
– à prouver une part de culpabilité des Auvergnats.
– à en faire des sous-Français moins estimables que les non-Auvergnats.

D’ailleurs, rappelle-t-il, «les Français n’étaient pas du tout liés à cette affaire… Aucun de mes amis auvergnats – et j’en compte – ne m’a fait grief là-dessus».

Et de rebondir sur «le lobby auvergnat capable de monter des opérations qui sont indignes et je tiens à le dire publiquement».

Cet homme politique presque oublié aurait pu profiter de cette interview pour panser une des vieilles blessures dont ont eu à souffrir les Auvergnats de France. Il choisit, au contraire, l’incitation au repli communautaire des Auvergnats, laissant à d’autres le soin de les accuser de ce communautarisme dont ils se seraient justement passé.

C’est à cela qu’on reconnaît les «bons vieux», ceux avec lesquels on passerait bien un après-midi ensoleillé, sur un banc à l’ombre d’un platane, de ceux qui pestent contre tout et rien, le temps qu’il fait, les programmes de télé et les lobbys.

Jean-Paul de Belmont © Primo-Europe, 3 mars 2007

PS. L’informatique a de ces mystères… Une erreur de logiciel a perturbé les touches de clavier de l’auteur de cet article. Il faut lire «Juif» en lieu et place de «Auvergnat». Normalement, cela ne devrait rien changer à l’impression ressentie par le lecteur.

– et l’étrange tribune d’Alain Duhamel dans Le Point sur le « courage » de Barre (sauf, ce qui est vraisemblable d’après les dates, s’il n’a pas encore eu le temps d’entendre l’entretien de Barre qu’il ne mentionne d’ailleurs même pas, auquel cas, il s’agirait d’une simple et malencontreuse coïncidence?), car s’il est important de rappeler qu’il a été un homme de courage et conviction dans sa carrière, il n’est pas sérieux de faire l’impasse sur le fait qu’en toutes ces années il n’a rien compris sur le fait historique le plus important du siècle, à savoir Auschwitz:

Les leçons de courage de Raymond Barre
Alain Duhamel
Le Point
01/03/2007

Raymond Barre n’a jamais été, n’a jamais voulu être un homme politique comme les autres. Avant tout grand universitaire de vocation et de tempérament, avec ce que cela suppose de tocs, de toges et d’épitoges à trois bandes d’hermine, il a placé au-dessus du reste l’indépendance d’esprit, la compétence et le courage, fût-ce électoralement sacrificiel, fût-ce exprimé avec un brin de provocation. L’ancien Premier ministre est un cas rare de sens de l’Etat quasi stoïque, mâtiné d’une liberté personnelle d’ordinaire introuvable à ce niveau-là du pouvoir. Ce sont ces caractéristiques atypiques que l’on retrouve tout au long du livre de conversations avec Jean Bothorel qu’il vient de publier sous un titre d’une sobriété toute barriste, « L’expérience du pouvoir » (1). Avec Raymond Barre, inutile d’espérer pénétrer dans un jardin secret ou d’ailleurs de franchir en quelque point que ce soit l’enceinte de la vie privée. Personne n’est moins « people » que lui, personne n’est cependant aussi direct, aussi clair et aussi probe sur les sujets qui comptent. Pour mieux comprendre les trente dernières années du destin politique et économique de la France, cette « expérience du pouvoir »-là vaut toutes les autres.

La nomination de Raymond Barre comme Premier ministre par Valéry Giscard d’Estaing en 1976 a sans doute été la plus surprenante de la Ve République. Elle a aussi été l’une des plus hardies et des plus judicieuses. Si l’éminent professeur d’économie politique (auteur du fameux manuel Barre sur lequel pâlirent plusieurs générations d’étudiants) n’était pas un inconnu dans les cercles du pouvoir, il était en revanche un débutant dans l’arène politique. En pleine double crise pétrolière, face à une inflation redoutable, à un taux de chômage grimpant comme jamais et à l’obstruction politique du RPR de Jacques Chirac, le professeur Barre manifeste une détermination, une résolution, une obstination sans pareilles. Cela ne l’empêche pas de bien juger les hommes et de dire ce qu’il en pense avec une franchise tranquille. Pour lui, Valéry Giscard d’Estaing est à la fois un authentique homme d’Etat et un homme privé narcissique, Jacques Chirac un homme privé chaleureux et sympathique mais le contraire d’un homme d’Etat, François Mitterrand un aventurier de très haut vol. Quant à lui-même, Raymond Barre le reconnaît, n’aimant pas les partis, bousculant les journalistes, jetant ses vérités au visage des Français sans condescendre à la moindre précaution, il n’a pas fait un bon candidat à la présidence en 1988. C’est d’autant plus dommage qu’à le lire on se persuade aisément qu’il aurait fait un excellent président, avec une vision de la France, de fortes convictions et plus de pragmatisme qu’on ne le croit. Ce centriste gaullien aura ainsi été une chance française qui est passée. A lire le nouveau petit livre d’Hubert Védrine, « Continuer l’Histoire » (2), impérieux, limpide et sarcastique, on se dit qu’il y a du Raymond Barre chez l’ancien ministre des Affaires étrangères, avec ce goût si caractéristique de démythifier, de baliser, de proposer, par sens du devoir beaucoup plus que par espérance…
1. « L’expérience du pouvoir. Conversations avec Jean Bothorel », de Raymond Barre (Fayard, 347 pages, 20 E).
2. « Continuer l’Histoire », d’Hubert Védrine, avec la collaboration d’Adrien Abécassis et Mohamed Bouabdallah (Fayard, 150 pages, 10 E).

* Sur le négationnisme de Gollnisch qui en fait a bluffé tout son monde en jouant sur les mots (chambres à gaz « homicides » ou pas, conclusions de Nuremberg incluant Katyn ou pas, nombre de victimes établi par les historiens ou pas) pendant toutes ces années pour finalement confirmer qu’il ne l’est pas… le 7 novembre dernier:

Bruno Gollnisch reconnaît que « l’extermination des Juifs d’Europe par le régime national-socialiste, pendant la Seconde Guerre mondiale, constitue un crime contre l’humanité incontestable, qui a été commis notamment par l’utilisation de chambres à gaz dans des camps d’extermination. », approuvant les termes du président de la LICRA, qui s’est alors désisté du procès, estimant que « c’est une frustration de quitter ce procès. Mais cela m’a paru plus important d’entendre le numéro 2 du Front national reconnaître publiquement l’holocauste et l’utilisation des chambres à gaz. Je considère qu’on a gagné ce procès. »

Gollnisch cède et «reconnaît» l’extermination
Le leader frontiste était jugé hier pour des propos sur les chambres à gaz.
Olivier BERTRAND
Libération
Le 8 novembre 2006
Lyon de notre correspondant

La voix de Bruno Gollnisch a résonné dans la salle d’audience, au moment de reconnaître «l’extermination des Juifs d’Europe par le régime national-socialiste» par «l’utilisation de chambres à gaz». Le leader frontiste n’a pas prononcé les mots, mais les a repris à son compte, hier en fin d’après-midi, devant le tribunal de Lyon. Il était jugé pour des propos tenus en 2004 au sujet des chambres à gaz. Le tribunal avait consacré la journée aux questions de procédure, puis à une interminable autojustification du prévenu. Le coup de théâtre est intervenu en toute fin d’après-midi, lorsque le président a cédé la parole aux parties civiles.
Alain Jakubowicz, avocat de la Licra, a commencé à interroger Bruno Gollnisch sur la Shoah, mais il n’a recueilli que des réponses vagues. Alors il l’a secoué : «Pourquoi ne pouvez-vous pas dire : « Oui, effectivement, on a éliminé des Juifs dans les camps, dans des chambres à gaz » ?» Bruno Gollnisch a d’abord refusé de répondre à cette question «inquisitoriale», puis il a lancé, comme un défi : «Si je le dis, vous vous désistez ?» L’avocat s’est rassis, a reproché à l’homme politique d’éluder la question. Puis s’est relevé brutalement pour dire que oui, il se désisterait, si le numéro 2 du Front national reprenait à son compte cette phrase : «L’extermination des Juifs d’Europe par le régime national-socialiste, pendant la Seconde Guerre mondiale, constitue un crime contre l’humanité incontestable, qui a été commis notamment par l’utilisation de chambres à gaz dans des camps d’extermination.» Quelques secondes de silence se sont étirées. Sur une mezzanine surplombant les débats, des crânes rasés qui souriaient quelques instants plus tôt au mot «Shoah» sont restés suspendus. Puis ils ont entendu Bruno Gollnisch prononcer très distinctement : «Ma réponse est affirmative.»
Alain Jakubowicz est sorti pour annoncer à la Licra la décision de se retirer. «C’est une frustration de quitter ce procès. Mais cela m’a paru plus important d’entendre le numéro 2 du Front national reconnaître publiquement l’holocauste et l’utilisation des chambres à gaz. Je considère qu’on a gagné ce procès.» Celui-ci se poursuit cependant aujourd’hui.

Voir par ailleurs:

Europe and ‘Those People’
Charles Krauthammer
The Washington Post
April 26, 2002

France can hardly contain its contempt for that muscle-bound naif, the American hyperpower, stomping around the world in search of « evildoers. » The French roll their eyes at such primitive moralism, so devoid of Gallic nuance.

How inconvenient, then, that the same French have just put on the presidential ballot Jean-Marie Le Pen, the modern incarnation of European fascism. Le Pen defeated the Socialist prime minister for second place, making him a runoff candidate for president of the Fifth Republic.

No matter. This will not restrain French intellectuals and foreign ministers from lecturing Americans on their simplisme — their preference for morality over realpolitik, their reliance on military power, their fantasies about an « axis of evil » and, perhaps most unbearable, their principled support for Israel.

Israel — that « sh—- little country, » as the French ambassador to Britain recently said at a London dinner party. « Why should we be in danger of World War III because of those people? » This contemptuous sneer at « those people » occasioned a minor scandal. No, the scandal was not the ambassador’s statement but the hostess’s indiscretion in revealing it — and then adding how utterly commonplace the ambassador’s sentiment had become in London’s better circles.

And not just among the cocktail set. The European « street » has lately been expressing itself on the subject of Jews as well. In France, synagogues have been burned to the ground and Jewish youths savagely attacked. In Belgium, two synagogues were firebombed, a third sprayed with bullets. A Berlin police official advised Jews, for reasons of safety, not to wear outward symbols of their religion.

In Europe, it is not very safe to be a Jew. How could this be?

The explanation is not that difficult to find. What we are seeing is pent-up anti-Semitism, the release — with Israel as the trigger — of a millennium-old urge that powerfully infected and shaped European history. What is odd is not the anti-Semitism of today but its relative absence during the past half-century. That was the historical anomaly. Holocaust shame kept the demon corked for that half-century. But now the atonement is passed. The genie is out again.

This time, however, it is more sophisticated. It is not a blanket hatred of Jews. Jews can be tolerated, even accepted, but they must know their place. Jews are fine so long as they are powerless, passive and picturesque. What is intolerable is Jewish assertiveness, the Jewish refusal to accept victimhood. And nothing so embodies that as the Jewish state.

What so offends Europeans is the armed Jew, the Jew who refuses to sustain seven suicide bombings in the seven days of Passover and strikes back. That Jew has been demonized in the European press as never before since, well . . . since the ’30s. The liberal Italian daily La Stampa ran a cartoon of the baby Jesus, besieged by Israeli tanks, saying, « Don’t tell me they want to kill me again. »

Again. And this time the Christ-killers come in tanks. Just when Europe had reconciled itself to tolerance for the passive Jew — the Holocaust survivor who could be pitied, lionized, perhaps awarded the occasional literary prize — along comes the Jewish state, crude and vital and above all unwilling to apologize for its own existence.

The French were the vanguard of this modern anti-Semitism that can tolerate the Jew as victim but not as historical actor. It was 35 years ago at the outbreak of the Six Day War that Charles de Gaulle cut off French support for Israel, denouncing its audacity in fighting for its life over his objections. But he did not stop there. He later went on to famously denounce the Jews as « an elite people, sure of itself and domineering. »

The rejection of docility — « sure of itself » — was Israel’s real crime 35 years ago. It remains Israel’s crime today. Israel’s recent three-week Operation Defensive Shield, the boldest and most justified Israeli military offensive since the Six Day War, provokes precisely the same reaction, though not always expressed with de Gaulle’s candor.

Three people have been chosen by the United Nations to judge Israel’s actions in Jenin. Two are sons of Europe, and one of those is Cornelio Sommaruga. As former head of the International Committee of the Red Cross, Sommaruga spent 12 years ensuring that the only nation on earth to be refused admission to the International Red Cross is Israel. The problem, he said, was its symbol: « If we’re going to have the Shield of David, why would we not have to accept the swastika? »

This man will sit in judgment of the Jews. Marx was wrong when he said that history repeats itself, the first time as tragedy, the second as farce. The second time is tragedy too.

11 Responses to Antisémitisme: Chassez le naturel… (Après De Gaulle et Mitterrand, Barre et Rocard rattrapés par le retour du refoulé?)

  1. […] Cet attentat odieux a voulu frapper les israélites qui se rendaient à la synagogue, il a frappé des Français innocents qui traversaient la rue Copernic. Raymond Barre (1980) […]

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  2. […] mais nous ne défendons pas son droit à se conduire en puissance occupante, cynique et brutale … Michel Rocard (Al Ahram, […]

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  3. […] Royaumes francs, finira par disparaître. Cette région a toujours rejeté les corps étrangers. Dominique de Villepin (Paris, automne […]

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  4. […] J’ai tellement entendu les propos de M. Gollnisch à Lyon que cela finissait par ne plus m’émouvoir. Quand on entend à longueur de journée tout ce qui se dit à droite et à gauche, à la fin on n’y porte plus attention. Raymond Barre […]

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  5. joda akbar dit :

    joda akbar

    Antisémitisme: Chassez le naturel… (Après De Gaulle et Mitterrand, Barre et Rocard rattrapés par le retour du refoulé?) | jcdurbant

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  6. jcdurbant dit :

    QUEL ANTISEMITISME FRANCAIS ? (Tous unis contre Israël: Mélenchon et le gouvernement Macron révèlent leurs vraies couleurs)

    « Quand le Quai d’Orsay a déclaré espérer la libération de Salah Hamouri, j’ai eu honte. Salah Hamouri est un terroriste, pas un prisonnier politique, un dirigeant du FPLP responsable de l’attentat de la rue Copernic (…) du carnage dans une synagogue à Jérusalem, cinq juifs égorgés en pleine prière comme le fut le père Hamel dans son église. »

    Meyer Habib

    http://www.bfmtv.com/mediaplayer/video/la-france-insoumise-quitte-l-assemblee-lorsque-le-depute-habib-parle-du-terroriste-franco-palestinien-salah-hamouri-1003107.html

    http://www.20minutes.fr/politique/2169823-20171115-israel-choques-propos-meyer-habib-deputes-insoumis-communistes-quittent-hemicycle-momentanement

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  7. jcdurbant dit :

    QUEL ANTISEMITISME FRANCAIS ?

    « Les terroristes tentent de saboter les fondements de notre société: hier des journalistes et des juifs, aujourd’hui des citoyens ordinaires dont le seul crime a été de vouloir profiter de la vie. »

    Gérard Araud (ancien amabassadeur français à Washington)

    « [Les Israéliens] ne feront pas d’eux des citoyens d’Israël. Donc ils vont devoir officialiser la situation qui est, nous le savons, une situation d’apartheid. Il y aura officiellement un Etat d’apartheid. C’est en réalité déjà le cas. Le problème est que la disproportion de pouvoir est telle entre les deux parties que la plus forte peut conclure qu’elle n’a aucun intérêt à faire des concessions (…). Le statu quo est extrêmement confortable pour Israël. »

    Gérard Araud

    https://www.theatlantic.com/politics/archive/2019/04/conversation-outgoing-french-ambassador-gerard-araud/587458/

    « Tous les problèmes du monde viennent actuellement de ce petit pays de merde Israël. Pourquoi accepterions-nous une troisième guerre mondiale à cause de ces gens là? »

    Daniel Bernard (ambassadeur de France, Londres, décembre 2001)

    Diplomatie: Vous avez dit pays de merde ? (It’s not shit holes, it’s shit shows, stupid !)

    Ce n’est pas une politique de tuer des enfants.

    Chirac (accueillant Barak à Paris, 2000)

    La situation est tragique mais les forces en présence au Moyen-Orient font qu’au long terme, Israël, comme autrefois les Royaumes francs, finira par disparaître. Cette région a toujours rejeté les corps étrangers.

    Villepin (Paris, 2001)

    Les Israéliens se sont surarmés et en faisant cela, ils font la même faute que les Américains, celle de ne pas avoir compris les leçons de la deuxième guerre mondiale, car il n’y a jamais rien de bon à attendre d’une guerre. Et la force peut détruire, elle ne peut jamais rien construire, surtout pas la paix. Le fait d’être ivre de puissance et d’être seul à l’avoir, si vous n’êtes pas très cultivé, enfant d’une longue histoire et grande pratique, vous allez toujours croire que vous pouvez imposer votre vision. Israël vit encore cette illusion, les Israéliens sont probablement dans la période où ils sont en train de comprendre leurs limites. C’était Sharon le premier général qui s’est retiré de la bande de Gaza car il ne pouvait plus la tenir. Nous défendons absolument le droit à l’existence d’Israël et à sa sécurité, mais nous ne défendons pas son droit à se conduire en puissance occupante, cynique et brutale …

    Michel Rocard (2006)

    Diplomatie: La voix de la France a disparu dans le monde (French diplomacy in disarray: How are you supposed to outdo America’s most anti-American president?)

    « Les diplomates, acteurs et souvent concepteurs de la politique étrangère de la France, ont perçu, compris et imaginé les juifs… selon une perception qui a conduit à l’élaboration d’une politique dont la ligne directrice n’a en fait pratiquement pas varié entre l’affaire Dreyfus et la fin de la présidence de Jacques Chirac. (…) Si “Israël est devenu pour la diplomatie française ‘le Juif des nations”, c’est parce que la politique française est largement déterminée par “un petit nombre ‘hommes hautement motivés… qui entretiennent à l’égard des Juifs des préjugés très anciens et très classiques. »

    David Pryce-Jones

    L’antisémitisme de la caste diplomatique (et d’autres élites anciennes) française est un élément constant, jamais démenti, et un facteur explicatif souvent occulté ou minimisé de la politique de la France vis-à-vis d’Israël. On en donnera pour illustration supplémentaire le cas de Jules Cambon, pourtant auteur de la déclaration pro-sioniste de 1917 qui porte son nom, qui considérait l’affaire Dreyfus comme un “complot sémite” et s’inquiétait de l’influence de la “finance juive” sur la politique américaine.

    Dans cette unanimité troublante, une rare exception mérite d’être mentionnée. Celle de l’ambassadeur de France Pierre-Eugène Gilbert, en poste en Israël entre 1953 et 1959 – époque de l’éphémère “lune de miel” franco-israélienne, qui fut un véritable admirateur d’Israël, parlant l’hébreu et ami de plusieurs dirigeants israéliens, et notamment de David Ben Gourion. Si Gilbert n’était pas anti-israélien, rapporte David Pryce-Jones, c’est pour la bonne raison qu’il n’avait pas, contrairement à la plupart de ses collègues, servi le gouvernement de Vichy. Au contraire, il avait été membre de la commission d’épuration du quai d’Orsay (dont le travail fut très restreint et peu efficace)…

    http://vudejerusalem.over-blog.com/2019/04/gerard-araud-dans-le-texte-aux-sources-de-l-antisemitisme-du-quai-d-orsay-et-de-la-politique-francaise-envers-israel-pierre-lurcat.h

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  8. jcdurbant dit :

    QUEL ANTISEMITISME ET ANTIAMERICANISME FRANCAIS ? (Do you believe there will be irreparable damage from the Trump presidency ? – Guess the outgoing French ambassador to the US’s response to the Atlantic’s leading question ?)

    « The problem is that the disproportion of power is such between the two sides that the strongest may conclude that they have no interest to make concessions. And also the fact that the status quo is extremely comfortable for Israel. Because they [can] have the cake and eat it. They have the West Bank, but at the same time they don’t have to make the painful decision about the Palestinians, really making them really, totally stateless or making them citizens of Israel. They won’t make them citizens of Israel. So they will have to make it official, which is we know the situation, which is an apartheid. There will be officially an apartheid state. They are in fact already. (…) [Kushner] is totally in real-estate mode. He is totally dry. He’s extremely smart, but he has no guts. He doesn’t know the history. And in a sense, it’s good—we are not here to say who is right, who is wrong; we are trying to find a way. So in a sense, I like it, but at the same time he is so rational, and he is so pro-Israeli also, that he may neglect the point that if you offer the Palestinians the choice between surrendering and committing suicide, they may decide the latter. Somebody like Kushner doesn’t understand that. (…) Let’s look at the dogma of the previous period. For instance, free trade. It’s over. Trump is doing it in his own way. Brutal, a bit primitive, but in a sense he’s right. What he’s doing with China should have been done, maybe in a different way, but should have been done before. Trump has felt Americans’ fatigue, but Obama also did. The role of the United States as a policeman of the world, it’s over. Obama started, Trump really pursued it. You saw it in Ukraine. You are seeing it every day in Syria. People here faint when you discuss NATO, but when he said, “Why should we defend Montenegro?,” it’s a genuine question. I know that people at Brookings or the Atlantic Council will faint again, but really yes, why, why should you? (…) These are the questions which are being put on the table in a brutal and a bit primitive way by Trump, but they are real questions. Where the shift is going to push us, I really don’t know. (…) You had of course the [financial] crisis of 2008, which was managed very well by President Obama in particular, but which has been devastating. We have underestimated the trauma of the crisis. (…) You know on the eighth of November, 2016, at 6 p.m., we were calling the people on the [Hillary] Clinton side, the Trump side. We were calling pollsters, and everybody was telling us, “She’s elected.” And we said, of course, “This guy can’t be elected.” It was so shocking to have Trump elected that basically [Democrats’] conclusion was either the Russians are responsible or she was a very bad candidate. (…) The case of Trump for me, it’s not so much Donald Trump, it’s not so much a person, but it’s a political phenomenon. (…) For me, the identity crisis is the symptom, but it’s not the disease. In France, we optimistically believed that Macron’s election meant that we had found the recipe against populism. He was a new leader, with new ideas, elected on a centrist platform. Apparently we were wrong. (…) The “yellow vest” demonstrations against Macron are basically the demonstrators who, more or less, voted for Trump here. It’s people coming from small cities, from rural areas, lower-middle-class, saying, “We have been left behind.” And, on the right, our conservative party is moving in the same direction as the Republicans are here. Suddenly this party which was traditionally conservative is becoming really protectionist, obsessed by immigration, and obsessed by questions of identity. You know: “France is a Judeo-Christian country,” which means basically anti-Muslim. There is a uniformity in the crisis, and you see it also in Brexit. It’s not by chance that your president has been elected by Pennsylvania, Wisconsin, and Michigan, while our Rust Belt, in the north of France, has elected five or six members of Parliament on the far-right. (…) There is a misconception about Trump which is American and French: saying Trump is an accident, and when Trump leaves power, everything will go back to business as usual. That’s the dream of Washington, D.C (…) My career had started with the election of [Ronald] Reagan, and my career is finishing with Trump. From Reagan to Trump you have, more or less, the neoliberal era—taxes were bad, borders were bad, and you have to trust the market. It’s also the period of the triumphant West … that the West was in a sense doomed to win. That sooner or later all the world will march triumphantly, to the triumph of the market. And suddenly the election of Trump and the populist wave everywhere in the Western world is for me, and I may be wrong, but for me means that this period is over. »

    Gérard Araud

    https://www.theatlantic.com/politics/archive/2019/04/conversation-outgoing-french-ambassador-gerard-araud/587458/

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