Economie: La vraie mondialisation, c’est le christianisme (René Girard)

Les mondes anciens étaient comparables entre eux, le nôtre est vraiment unique. Sa supériorité dans tous les domaines est tellement écrasante, tellement évidente que, paradoxalement, il est interdit d’en faire état. René Girard
Notre monde est de plus en plus imprégné par cette vérité évangélique de l’innocence des victimes. L’attention qu’on porte aux victimes a commencé au Moyen Age, avec l’invention de l’hôpital. L’Hôtel-Dieu, comme on disait, accueillait toutes les victimes, indépendamment de leur origine. Les sociétés primitives n’étaient pas inhumaines, mais elles n’avaient d’attention que pour leurs membres. Le monde moderne a inventé la « victime inconnue », comme on dirait aujourd’hui le « soldat inconnu ». Le christianisme peut maintenant continuer à s’étendre même sans la loi, car ses grandes percées intellectuelles et morales, notre souci des victimes et notre attention à ne pas nous fabriquer de boucs émissaires, ont fait de nous des chrétiens qui s’ignorent. René Girard
L’exigence chrétienne a produit une machine qui va fonctionner en dépit des hommes et de leurs désirs. Si aujourd’hui encore, après deux mille ans de christianisme, on reproche toujours, et à juste titre, à certains chrétiens de ne pas vivre selon les principes dont ils se réclament, c’est que le christianisme s’est universellement imposé, même parmi ceux qui se disent athées. Le système qui s’est enclenché il y a deux millénaires ne va pas s’arrêter, car les hommes s’en chargent eux-mêmes en dehors de toute adhésion au christianisme. Le tiers-monde non chrétien reproche aux pays riches d’être leur victime, car les Occidentaux ne suivent pas leurs propres principes. Chacun de par le vaste monde se réclame du système de valeurs chrétien, et, finalement, il n’y en a plus d’autres. Que signifient les droits de l’homme si ce n’est la défense de la victime innocente? Le christianisme, dans sa forme laïcisée, est devenu tellement dominant qu’on ne le voit plus en tant que tel. La vraie mondialisation, c’est le christianisme! René Girard

Suite à une petite discussion avec M. Dembré au sujet de l’idée de l’origine judéo-chrétienne de l’Occident qu’un de nos récents billets semblait faussement lui attribuer (avec effectivement un mauvais titre – depuis changé – et je le remercie d’ailleurs de me l’avoir confirmé), j’en profite pour préciser ma pensée avec ces quelques extraits d’un entretien de René Girard qui me semblent particulièrement clairs.

Sur cette conviction que je partage avec lui et quelques autres de la singularité toute particulière (désolé pour le pléonasme) du judéo-christianisme et de celle de l’Occident auquel il a donné naissance, à travers ce qui ne peut apparemment être décrit que comme … »une vérité qui vient d’ailleurs »:

« notre monde est de plus en plus imprégné par cette vérité évangélique de l’innocence des victimes. L’attention qu’on porte aux victimes a commencé au Moyen Age, avec l’invention de l’hôpital. L’Hôtel-Dieu, comme on disait, accueillait toutes les victimes, indépendamment de leur origine. Les sociétés primitives n’étaient pas inhumaines, mais elles n’avaient d’attention que pour leurs membres. Le monde moderne a inventé la «victime inconnue», comme on dirait aujourd’hui le «soldat inconnu».

le christianisme peut maintenant continuer à s’étendre même sans la loi, car ses grandes percées intellectuelles et morales, notre souci des victimes et notre attention à ne pas nous fabriquer de boucs émissaires, ont fait de nous des chrétiens qui s’ignorent.

On admet généralement que toutes les civilisations ou cultures devraient être traitées comme si elles étaient identiques. Dans le même sens, il s’agirait de nier des choses qui paraissent pourtant évidentes dans la supériorité du judaïque et du chrétien sur le plan de la victime. Mais c’est dans la loi juive qu’il est dit: tu accueilleras l’étranger car tu as été toi-même exilé, humilié, etc. Et ça, c’est unique.

Je pense qu’on n’en trouvera jamais l’équivalent mythique. On a donc le droit de dire qu’il apparaît là une attitude nouvelle qui est une réflexion sur soi. On est alors quand même très loin des peuples pour qui les limites de l’humanité s’arrêtent aux limites de la tribu.

il faut distinguer deux choses. Il y a d’abord le texte chrétien qui pénètre lentement dans la conscience des hommes. Et puis il y a la façon dont les hommes l’interprètent. De ce point de vue, il est évident que le Moyen Age n’interprétait pas le christianisme comme nous. Mais nous ne pouvons pas leur en faire le reproche. Pas plus que nous pouvons faire le reproche aux Polynésiens d’avoir été cannibales. Parce que cela fait partie d’un développement historique.

Il faut se souvenir que le nazisme s’est lui-même présenté comme une lutte contre la violence: c’est en se posant en victime du traité de Versailles que Hitler a gagné son pouvoir. Et le communisme lui aussi s’est présenté comme une défense des victimes. Désormais, c’est donc seulement au nom de la lutte contre la violence qu’on peut commettre la violence.

Autrement dit, la problématique judaïque et chrétienne est toujours incorporée à nos déviations. Et on s’aperçoit que l’homme est infiniment subtil dans sa façon d’utiliser pour la violence ce qui veut être contre la violence. Mais, s’il est très bien de compatir au sort des malheureux, il faut aussi reconnaître que nous vivons dans la meilleure société que le monde ait jamais connue. Nous connaissons une amélioration du social qui dure depuis le haut Moyen Age. Et notre souci des victimes, pris dans son ensemble comme réalité, n’a pas d’équivalent dans l’histoire des sociétés humaines.

On ne peut donc pas supprimer les possibilités positives de cet univers : nous sommes toujours plus libres, du bien et du mal. C’est ce qui fait que notre époque est loin d’être terne, ennuyeuse ou désenchantée. Elle est à mon avis extraordinairement mouvementée, tragique, émouvante et intéressante à vivre. C’est-à-dire toujours ouverte sur les extrêmes du bien et du mal. Aujourd’hui, l’avenir du monde s’ouvre.

Le souci des victimes a unifié le monde. C’est la même chose qui fait dire que les hommes sont de plus en plus libres et de moins en moins contraints par les frontières. Qu’est-ce qu’une frontière sinon un endroit où, si les gens traversent, on les accueille à coups de fusil. C’est donc un phénomène sacrificiel.

La seule chose que j’essaie de faire, c’est de restaurer la dignité intellectuelle du christianisme. Avoir la foi, cela consiste à dire que c’est une vérité qui vient d’ailleurs.

«La vraie mondialisation, c’est le christianisme»

Christian Makarian
L’Express
14/10/1999

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, fraîchement diplômé de l’Ecole des chartes, René Girard part en pionnier pour les Etats-Unis afin d’y enseigner le français. Là, obligé de «publier pour ne pas périr», il se penche sur la littérature et le roman, mais, non formé à ces disciplines, il s’inscrit d’emblée hors du courant formaliste et sort des sentiers battus. Il découvre, de fil en aiguille, des traits communs psychologiques, sociologiques, et développe la thèse du désir mimétique, c’est-à-dire une explication globale du conflit dans nos sociétés, fondée sur l’analyse du rôle central du bouc émissaire. L’aura qu’il acquiert ainsi lui permet depuis de s’imposer comme l’un des rares «anthropologues de la religion». Il publie aujourd’hui une suite à son travail, Je vois Satan tomber comme l’éclair (Grasset), qui apporte une réflexion très originale sur le bilan de deux millénaires de christianisme.

Vous avez pratiquement inventé une curieuse discipline: l’anthropologie de la religion. Pouvez-vous nous en donner une définition simple?
L’anthropologie que je cherche à développer est spécifique à la religion. Elle est fondée sur le meurtre fondateur et tout ce qui s’ensuit. A partir de là, je m’intéresse aux règles originelles de notre culture, qui essentiellement repose sur les rites et les interdits, ainsi qu’à nos institutions, qui sont le produit indirect du religieux. Mais si ma démarche traite des religions, elle n’a cependant rien de religieux dans son essence. Au contraire, puisque je fais du religieux archaïque le résultat d’une erreur d’interprétation de ce que j’appelle le «phénomène victimaire». Mon point de départ est le suivant: l’acte fondamental de la société primitive, à l’origine de la nôtre, c’est de désigner une victime, un bouc émissaire, et de cultiver l’illusion de sa culpabilité afin de permettre d’évacuer toutes sortes de tensions collectives. Cette illusion est ensuite fondatrice de rites, lesquels la perpétuent dans le temps et entretiennent des formes culturelles qui aboutissent à des institutions.

Comment cette théorie vous est-elle venue?
Certains de mes amis américains disent que je suis influencé par le contact personnel que j’ai eu dans ma jeunesse avec la violence raciale aux Etats-Unis. Toujours est-il qu’en établissant des rapprochements entre les mythes australiens, amérindiens, africains, européens, américains, j’ai découvert que le lynchage, c’est-à-dire la mise à mort d’une victime désignée, n’était pas un phénomène textuel ou légendaire. C’est une vraie entreprise de pacification par l’intermédiaire d’une victime qui, lorsqu’elle réunit contre elle un groupe tout entier, produit mimétiquement un apaisement, voire une réconciliation. Pour des raisons mystérieuses, les sociétés ont reproduit ce geste réconciliateur, sous forme de sacrifices ou de rites sacrés, et cette répétition est devenue en elle-même une institution. C’est le cas, typique, de la lapidation codifiée par le livre du Lévitique. De même, les ethnologues ont démontré, il y a longtemps déjà, qu’il existait une forme primitive de justice grecque à travers le meurtre collectif. Après quoi se livre une lutte pour le contrôle et la domination de ce rite essentiel. Vous voyez, en reliant victimes, rites et institutions, nous assistons à la naissance du pouvoir politique.

Cette théorie victimaire vous a tout naturellement conduit à vous intéresser au Christ, victime parmi les victimes puisqu’il donne sa vie pour l’ensemble du genre humain…
Effectivement, mais mes conclusions vont à l’inverse de celles habituellement retenues à ce sujet. Jusqu’ici, la plupart des anthropologues – et même un théologien comme Rudolf Bultmann – avaient insisté sur la ressemblance entre les Evangiles et d’autres récits pour démontrer que la mort et la résurrection de Jésus n’étaient qu’un mythe parmi d’autres. Tant et si bien que la cause est pour ainsi dire entendue. Aujourd’hui comme hier, la majorité de nos contemporains perçoit l’assimilation du christianisme à un mythe comme une évolution irrésistible et irrévocable, car elle se réclame du seul type de savoir que notre monde respecte encore, la science. Même si la nature mythique des Evangiles n’est pas démontrée scientifiquement, un jour ou l’autre, elle le sera. Tout cela est-il vraiment certain? Eh bien! je pense que non seulement cela n’est pas certain, mais qu’il est certain que cela ne l’est pas. L’assimilation des textes bibliques et chrétiens à des mythes est une erreur facile à réfuter.

Comment?
Dans les mythes, les victimes sont toujours coupables, car le récit est toujours écrit du point de vue de la tromperie, de l’illusion créée par le phénomène victimaire. C’est parce qu’elle est coupable que la victime éponge la violence et accède au statut mythique. Dans le judaïque et le chrétien, c’est l’inverse: la victime est innocente! Notez la différence entre Caïn et Abel d’un côté, et Romulus et Remus de l’autre. Remus est coupable, puisque Romulus est fondateur glorifié de Rome. Tandis que Dieu demande à Caïn: «Où est ton frère Abel? Qu’as-tu fait?» Certes, Dieu accepte de fonder le genre humain sur cette base du meurtre, mais, en même temps, il s’inquiète du sort d’Abel, victime innocente. C’est cela qui est unique. Pour «déviolentiser» le sacré, il n’y a que la Bible! Le christianisme contredit d’emblée les mythes.

Quelle est donc votre définition personnelle du christianisme?
La foi chrétienne consiste à penser qu’à la différence des fausses résurrections mythiques, qui sont réellement enracinées dans les meurtres collectifs, la résurrection du Christ ne doit rien à la violence des hommes. Elle se produit après la mort du Christ, inévitablement, mais pas tout de suite, le troisième jour seulement, et elle trouve son origine en Dieu lui-même.

En quoi est-ce que cela bouleverse l’ordre précédent?
Au commencement du christianisme se trouve un fait essentiel: les disciples trahissent tous. Ils sont entraînés dans l’emballement ordinaire qui se produit contre les victimes. Pierre représente le modèle de l’individu qui, dès lors qu’il est plongé dans une foule hostile à la victime, devient hostile lui-même… comme tout le monde. Et puis, tout change, la logique archaïque est inversée et les disciples finissent par se retrouver non pas contre la victime, mais en sa faveur. A l’opposé de ce que dit Nietzsche – «Le christianisme, c’est la foule» – la foi chrétienne exalte l’individu qui résiste à la contagion victimaire.

Pour ajouter encore à la différence entre mythe et christianisme, vous établissez un parallèle saisissant dans votre nouveau livre.
J’ai découvert un étonnant récit légendaire grec, qui met en scène Apollonius de Tyane, gourou célèbre du IIe siècle après J.-C. Pour mettre fin à une épidémie, Apollonius désigne à la vindicte populaire un mendiant repoussant, mais totalement innocent. Le malheureux est lapidé, et, une fois les pierres enlevées, on découvre à la place du miséreux un monstre effrayant qui représente le démon vaincu, la maladie éradiquée. La différence avec l’Evangile vient immédiatement à l’esprit. Certes, à l’inverse d’Apollonius, Jésus arrête net la lapidation de la femme adultère en disant: «Que celui qui n’a jamais péché jette la première pierre.» Mais, selon moi, la leçon principale est ailleurs: l’entraînement mimétique, voilà ce que Jésus veut combattre. Il est évident que celui qui fait démarrer le meurtre collectif a une responsabilité plus grande que les autres. C’est pourquoi le Lévitique obligeait deux témoins – ceux qui avaient précisément déposé à charge – à lancer les premières pierres afin de s’assurer qu’ils ne portaient pas de faux témoignage. Le dessein de Jésus est de transcender cette loi, ce qui va engendrer la remise en question du phénomène victimaire, donc semer le désordre dans le peuple et entraîner sa propre mise à mort. Pour finir de remettre le mythe à sa juste place, j’ajoute que Jésus ne se réclame là d’aucun pouvoir surnaturel: il ne fait pas de miracle, c’est le païen Apollonius qui en fait un!

L’entraînement mimétique serait donc à l’origine de la violence. Par quels mécanismes?
L’entraînement mimétique, au stade collectif, est l’aboutissement du désir mimétique, qui naît au stade individuel. Il existe dans la Bible une conception méconnue du désir et des conflits. Parmi les Dix Commandements («Tu ne tueras point, tu ne commettras point d’adultère, tu ne voleras point», etc.), le dixième tranche sur ceux qui le précèdent: «Tu ne convoiteras pas la maison de ton prochain. Tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain, ni son serviteur, ni sa servante, ni son boeuf, ni son âne, rien de ce qui est à lui» (Exode, XX, 17). Ce dernier commandement est souvent négligé, or il est extrêmement important dans la mesure où il vise justement le plus banal des désirs, le plus commun et, en apparence, le plus anodin. Puisque ce désir-là est le plus commun de tous, que se passerait-il si, au lieu d’être interdit, il était toléré et même encouragé? La réponse va de soi: la guerre serait perpétuelle au sein de tous les groupes humains. La porte serait grande ouverte au fameux cauchemar de Hobbes, la lutte de tous contre tous. Donc, pour oser penser que les interdits culturels sont inutiles, comme le répètent sans trop réfléchir les démagogues de la «modernité», il faut adhérer à l’individualisme le plus outrancier, celui qui présuppose l’autonomie totale des individus, c’est-à-dire l’autonomie de leurs désirs. Il faut penser, en d’autres termes, que les hommes sont naturellement enclins à ne pas désirer les biens du prochain. Or il suffit de regarder deux enfants ou deux adultes qui se disputent une babiole pour comprendre que ce postulat est faux et que c’est le postulat opposé, seul réaliste, qui sous-tend le dixième commandement. On croit que le désir est objectif ou subjectif, mais, en fait, il repose sur un autrui qui valorise les objets, le tiers le plus proche, le prochain. Pour maintenir la paix entre les hommes, il faut définir l’interdit en fonction de cette redoutable constatation: le prochain est le modèle de nos désirs. C’est ce que j’appelle le désir mimétique.

Explication implacable et terriblement sévère pour nous, pauvres humains…
Le christianisme n’a jamais prévu de réussir. C’est sa grande force! Les premiers chrétiens avaient même envisagé un échec très rapide, sinon ils n’auraient pas écrit l’Apocalypse ni cru fermement à la fin de ce monde. En relisant certaines paroles de Jésus, on s’aperçoit même que ce sont les rapports les plus intimes qui sont les plus menacés: «Je suis venu séparer le père du fils»; «Ne croyez pas que je suis venu apporter la paix, je suis venu apporter le glaive»; «Je suis venu apporter le feu sur la Terre, et comme je voudrais qu’il fût déjà allumé», etc. Le christianisme opère une révolution unique dans l’histoire universelle de l’humanité. En supprimant le rôle du bouc émissaire, en sauvant les lapidés, en proclamant la valeur de l’innocence, en tendant l’autre joue, la foi chrétienne prive brusquement les sociétés antiques de leurs victimes sacrificielles habituelles. On n’évacue plus le mal en se ruant sur un coupable désigné dont la mort ne procure qu’une paix fausse. Au contraire, on prend le parti de la victime en refusant la vengeance, en acceptant le pardon des offenses. Ce qui suppose que chacun surveille l’autre par rapport à des principes fondamentaux, et que chacun se surveille lui-même.

Pourtant, dans un premier temps, c’est un grand désordre. Comment expliquer que le système des valeurs chrétiennes ait pu triompher?
L’exigence chrétienne a produit une machine qui va fonctionner en dépit des hommes et de leurs désirs. Si aujourd’hui encore, après deux mille ans de christianisme, on reproche toujours, et à juste titre, à certains chrétiens de ne pas vivre selon les principes dont ils se réclament, c’est que le christianisme s’est universellement imposé, même parmi ceux qui se disent athées. Le système qui s’est enclenché il y a deux millénaires ne va pas s’arrêter, car les hommes s’en chargent eux-mêmes en dehors de toute adhésion au christianisme. Le tiers-monde non chrétien reproche aux pays riches d’être leur victime, car les Occidentaux ne suivent pas leurs propres principes. Chacun de par le vaste monde se réclame du système de valeurs chrétien, et, finalement, il n’y en a plus d’autres. Que signifient les droits de l’homme si ce n’est la défense de la victime innocente? Le christianisme, dans sa forme laïcisée, est devenu tellement dominant qu’on ne le voit plus en tant que tel. La vraie mondialisation, c’est le christianisme!

Le sage de Californie
Au coeur du campus paisible de Stanford, René Girard poursuit une oeuvre de réflexion commencée à l’université d’Indiana en 1947. Malgré plus de quatre décennies passées aux Etats-Unis, l’homme a conservé son accent provençal dû à sa naissance à Avignon, en 1923. Il ne laisse néanmoins pas paraître ses 76 ans, même si sa parole mesurée lui donne des airs de patriarche. Auteur de nombreux livres clefs, dont La Violence et le Sacré (1972) et Des choses cachées depuis la fondation du monde (1978) – objet d’études de plusieurs générations de potaches – il a reçu, notamment, le Grand Prix de philosophie de l’Académie française en 1996 et le prix Médicis essais en 1990.

Voir aussi:

La découverte du christianisme: le bouc émissaire était innocent ! 
Selon l’écrivain français, René Girard, l’intérêt que notre société porte aux victimes n’a pas d’équivalent dans l’histoire humaine.
Le Temps, nov 1999,
Propos recueillis par Joëlle Kuntz et Patricia Briel

Pour René Girard, qui ouvrait lundi les Rencontres internationales de Genève, les Evangiles sont une théorie de l’homme avant d’être une théorie de Dieu. A ce titre, ils nous renseignent sur les pratiques de la violence humaine. Le philosophe français explique comment, par la Passion, les chrétiens bouleversent complètement les valeurs. Le droit du vainqueur chez les Romains fait place au droit de la victime, qui devient «innocente». C’est une «révélation anthropologique»

Le Temps : Vous situez l’origine de la violence dans le désir de l’homme un désir inassouvissable, dites-vous de «ressembler» à des modèles, de les «imiter», de posséder les mêmes objets et donc de se mettre en rivalité avec eux pour les acquérir. Ii s’agirait d’un mécanisme déclencheur presque automatique. Comment en arrivez-vous à cette hypothèse ?

René Girard : L’analyse des récits mythologiques et bibliques m’a mis clairement sur cette piste. Dans les mythes fondateurs, tout commence, en règle générale, par une violence si extrême qu’elle décompose la communauté ou l’empêche de se fonder. D’où vient cette violence ? Il est souvent question de frères jumeaux : deux semblables qui désirent la même chose se battent pour l’avoir et finissent par se haïr parce qu’ils n’y arrivent pas. Un exemple : le pharaon et Moïse, «l’endurcissement du pharaon» contre Moïse car tous deux veulent pour eux le peuple juif. Ils ont un même désir, ils ne peuvent l’assouvir, il s’ensuit un immense chaos en Egypte. Ce désir de la même chose, pour imiter l’autre, devenir exactement comme .lui, que j’appelle «le désir mimétique», est la source de la rivalité, du chaos et du conflit, donc de la violence.

– Tous les hommes sont-ils pris dans cet engrenage du désir et de la haine ?

– C’est un cercle vicieux. D’abord limitée au cadre d’une relation interpersonnelle, la violence s’exacerbe et se se généralise par contagion, par transfert. Le désir du même se renforce au fur et à mesure qu’il rencontre des obstacles. Les Evangiles ont un mot pour désigner ce renforcement réciproque du désir et de son obstacle: le «scandale», que certains textes nomment aussi «pierre d’achoppement». Cet emballement se transforme en crise «mimétique» et conduit vers une violence toujours plus grande : la violence de tous contre tous. Le phénomène aboutirait à la destruction totale de la société si, à son paroxysme, il ne déclenchait son propre mécanisme d’arrêt : on voit en effet cette violence de tous contre tous se retourner, spectaculairement, contre un seul individu (ou un seul groupe d’individus).

Celui-ci va devenir l’objet commun de la haine, sur lequel vont se focaliser tous les scandales. C’est une victime qu’on va «lyncher» et dont le sacrifice permettra de recréer l’unité de la communauté. Le lynchage apparaît alors comme le moyen que la société met en œuvre pour retrouver la paix. Et la victime, de malfaitrice, devient bienfaitrice. Le mythe la fait accéder au divin. Aussi les dieux archaïques sont-ils à l’origine de la notion de victime.

– Dans les mythes, la violence collective a une valeur positive.

– Ils opèrent une transfiguration esthétique de la violence. Mais ils occultent l’horreur qui consiste à sacrifier un individu pour la paix de la communauté. C’est pourquoi, dans les mythes, la victime sacrifiée a toujours tort, c’est quelqu’un de coupable. Les persécuteurs se donnent raison de la prendre pour cible de leur haine et de la lyncher.

– Comment se fait-il que pour nous, au contraire, la victime soit en général innocente ?

– C’est que la Bible hébraïque et les Evangiles sont passés par là. Malgré leur ressemblance de structure, et le sujet qui les préoccupe, mort et résurrection, les récits mythiques et le récit chrétien sont différents. Dans les mythes, les acteurs ne sont pas conscients du mécanisme d’unanimité collective dans lequel ils sont englués. Ils croient réellement à la culpabilité de la victime qu’ils vont sacrifier. Le phénomène du «bouc émissaire» n’est donc jamais révélé en tant que tel. Tandis que la Bible hébraïque et les Evangiles non seulement le dévoilent, mais en dénoncent la cruauté.

Prenez Œdipe. L’oracle annonce qu’un jour il tuera son père et épousera sa mère. Les parents tentent de faire périr l’enfant, mais Œdipe échappe à la mort et se fait expulser par sa famille. Quelques années plus tard, alors qu’il est roi de Thèbes, les prédictions de l’oracle se réalisent. Apollon envoie une peste auxThébains, qui tiennent Œdipe pour coupable et l’expulsent afin de retrouver l’équilibre. Dans les mythes, l’expulsion du héros ou sa mort sont toujours justifiées au premier degré : c’est quelqu’un qui a fait du mal.

Les persécuteurs ne se savent responsables ni de léurs rivalités mimétiques ni du phénomène collectif qui les en délivre. ils rejettent sur leur victime la responsabilité de leurs malheurs. Mais en suite, l’ayant sacrifiée et s’en trouvant mieux, ils font d’elle le symbole de leur délivrance. Ainsi, après avoir démonisé leur victime, ils la divinisent.

Prenez maintenant le récit de Joseph dans la Genèse. Ses frères jaloux veulent d’abord le tuer, puis se décident à le vendre comme esclave à une caravane en partance pour l’Egypte. Là, Joseph sort de l’esclavage grâce à ses talents. Il réussit à prouver qu’il est innocent du crime d’adultère dont il est accusé et devient même premier ministre de pharaon. La Bible donne raison à Joseph, la victime, contre ses frères et les Egyptiens qui l’emprisonnent. Tout au long du récit, Joseph apparaît comme innocent.

Le gouffre qui sépare les mythes de la Bible est là : au lieu de répéter que la victime est coupable et les persécuteurs innocents, la Bible et les Evangiles proclament que la victime est innocente et les persécuteurs coupables. Qui plus est, les Evangiles révèlent la cause de l’illusion mythologique. C’est une rupture extraordinaire. Elle nous amènera à cette notion moderne de «bouc émissaire» qui met l’accent sur l’innocence de la victime et sur l’absurdité du mimétisme transférentiel.

– Comment survient-elle dans l’histoire des idées, et pourquoi ?

– Ah, ah! Si on le savait ! C’est ce que j’appelle pour ma part la révélation anthropologique du christianisme Elle survient dans la chrétienté au début de l’ère moderne, avec la notion «d’agneau de Dieu», Jésus-Christ, qui dit mieux encore que «bouc émissaire» l’innocence de la victime et l’injustice de son sacrifice.

La réhabilitation du bouc émissaire par le récit biblique commence avec le meurtre d’Abel, le premier de l’histoire humaine. «Caïn, qu’as-tu fait de ton frère ?» demande la Bible. La question est nouvelle. A la différence des Romains qui louent Romulus comme le fondateur irréprochable de la ville de Rome du simple fait qu’il a tué son frère Remus en premier, avant que l’inverse ne se produise, les chrétiens reprochent à Caïn d’avoir tué Abel. Les situations sont presque identiques, deux frères rivaux, les résultats aussi, l’un des frères tue l’autre, mais c’est le jugement qui diffère : tandis que Rome applaudit le vainqueur, le plus fort, Dieu condamne le meurtrier. La Bible discrédite la violence triomphante des plus forts – bien qu’elle leur pardonne «car ils ne savent pas ce qu’ils font».

– C’est dans cette évolution que nous devrions comprendre la Passion ?

– Oui. La foule se déchaîne contre Jésus, et les apôtres, eux aussi, sont happés par la violence mimétique. Même Pierre, le fidèle des fidèles, y succombe. Il renie Jésus, trois fois, avant de se rendre compte de ce qu’il a fait. La Bible signale ainsi qu’il est difficile d’échapper à l’unanimité contre Jésus. Le petit groupe des disciples est presque submergé par la contagion mimétique. Mais il parvient à y échapper, il décide de braver la colère de la foule au risque de perdre la vie pour proclamer l’innocence de Jésus et annoncer la Résurrection. Le christianisme, c’est cette petite minorité qui s’oppose à la foule trompée par son appétit de ressemblance. Nous arrivons ici au triomphe de la Croix, qui permet de démonter le mécanisme victimaire et de le refuser. Jésus nous invite à exercer notre désir mimétique de façon positive, en suivant le modèle qu’il offre au monde.

– Est-ce le début d’une expérience de la liberté ? Vous parlez peu de la liberté dans votre démonstration.

– Il ne faut pas croire que c’est à nous mêmes que nous devons nos différences d’avec le monde archaïque. Il s’agit plutôt de l’évolution de l’homme en tant qu’espèce. Sous l’effet du christianisme, l’homme est devenu plus capable de percevoir ses propres tendances à décharger sa violence sur des victimes innocentes.

Le christianisme élargit les possibilités humaines, il donne à l’homme la liberté de se perdre ou de se sauver à chaque instant. L’espoir du Royaume de Dieu est là pour l’inspirer mais il peut ne pas le vouloir. Cette double possibilité traverse d’ailleurs nos sociétés modernes. Avec les armes existantes, nous avons les moyens de nous détruire, avec toute la planète – nous sommes en état d’apocalypse objective-, mais nous n’allons pas le faire parce que, arrivés à ce stade de village global, nous n’avons plus de bouc émissaire. Et privés. de bouc émissaire, nous n’avons plus le moyen d’évacuer la violence. Lors de la crise des missiles à Cuba en 1964, Khrouchtchev a refusé l’escalade nucléaire qui aurait abouti à la guerre atomique. C’est comme s’il avait «tendu l’autre joue» ! Cette rationalité est celle des Evangiles.

– Pourtant, il n’y a jamais eu autant de violence dans le monde, dans ce monde christianisé à l’extrême !

– Je ne dis pas, loin de là, que la chasse au bouc émissaire a cessé. Nous cherchons toujours des coupables, nous trouvons toujours des victimes à sacrifier, ce n’est pas la fin de la violence, au contraire. Mais le mécanisme de l’illusion a été percé à jour et par conséquent il ne fonctionne plus, il n’y a plus que des embryons de boucs émissaires, auxquels nous ne croyons plus vraiment. La magie ne marche plus. Les vrais coupables sont démasqués.

Quant au christianisme, c’est un faux procès qu’on lui fait de ne pas nous avoir apporté la paix. II n’est pas une pénicilline contre la violence. Jésus n’a jamais promis la paix, tout au contraire. II dit : «Je suis venu apporter le feu sur la terre, et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé.» II y a une dimension apocalyptique dans la Bible qui est la révélation de la Violence humaine. Une violence toute crue débarrassée des protections symboliques que procurait le sacrifice du bouc émissaire. Les rivalités mimétiques qui ne se résolvent plus par le sacrifice sanglant d’une victime innocente ne disparaissent pas pour autant. On peut avoir la trêve des boucs émissaires mais ce n’est pas la paix du Royaume de Dieu, qui dépasse l’entendement et dont les hommes ne veulent pas.

– Si le Christ, comme vous le dites, est le premier à révéler le mécanisme victimaire et à le détrôner, on peine à voir les effets d’une telle révélation dans l’histoire, et au XXe siècle moins que jamais.

– Pourtant, notre monde est de plus en plus imprégné par cette vérité évangélique de l’innocence des victimes. L’attention qu’on porte aux victimes a commencé au Moyen Age, avec l’invention de l’hôpital.

L’Hôtel-Dieu, comme on disait, accueillait toutes les victimes, indépendamment de leur origine. Les sociétés primitives n’étaient pas inhumaines, mais elles n’avaient d’attention que pour leurs membres. Le monde moderne a inventé la «victime inconnue», comme on dirait aujourd’hui le «soldat inconnu».

La victime devient même objet de concurrence entre les bienfaisants, ce qui n’est pas une raison de se moquer du souci qu’on a d’elle. C’est d’ailleurs l’erreur de Nietzsche dans son jugement sur le christianisme : il a pris la caricature de la victimisation chrétienne pour la vérité du christianisme.

– Le christianisme ne s’est pas privé d’utiliser massivement la violence à son profit (Ndlr : exemple en 1632 à Genève) et s’est complu dans la chasse aux boucs émissaires à différentes époques de l’histoire.

– Oui, mais il ne faut pas confondre le message avec le messager. Si le messager a souvent corrompu et trahi le christianisme, le message chrétien ne s’est ja mais perdu. Quand Cluny s’oublie, les cisterciens apparaissent. Le processus de réforme est constant. On peut aussi voir l’histoire du christianisme comme une série de progrès qui n’ont pas de précédent dans l’histoire. Je songe notamment aux droits de l’homme.

– On ne cesse de parler aujourd’hui de la crise du religieux. Vous-même évoquez une société devenue massivement antichrétienne. Le christianisme est-il en train de quitter ce monde ?

– Non, le christianisme peut maintenant continuer à s’étendre même sans la loi, car ses grandes percées intellectuelles et morales, notre souci des victimes et notre attention à ne pas nous fabriquer de boucs émissaires, ont fait de nous des chrétiens qui s’ignorent.

Propos recueillis par Joëlle Kuntz et Patricia Briel

René Girard, «JE VOIS SATAN TOMBER COMME L’ÉCLAIR», Paris, Grasset, 1999,298 pages.

Voir également:

«Le souci des victimes a unifié le monde»

L’HEBDO, 18 novembre 1999
Culture – Mythes et religions

Dans un livre vertigineux, le penseur René Girard veut démontrer que les Évangiles
constituent avant tout une théorie de l’homme.

Selon l’écrivain français, René Girard, l’intérêt que notre société porte aux victimes
n’a pas d’équivalent dans l’histoire humaine.

Il y a une vingtaine d’années, vous aviez consacré un livre à l’analyse de la révélation chrétienne : «Des choses cachées depuis la fondation du monde». Aujourd’hui, vous publiez «Je vois Satan tomber comme l’éclair» où vous revenez sur le sujet.

Qu’est ce qui vous a conduit à remettre l’ouvrage sur le métier ?

J’ai d’abord voulu dégager une ligne plus directe qui, dans mon livre principal sur le christianisme, était un peu trop obscurcie par les détails. Comme dans un édifice baroque où il y a trop de décorations pour qu’on saisisse la figure d’ensemble. Ensuite, dans ce nouveau livre, j’ai voulu mieux distinguer théologie et anthropologie. Celle-ci n’a jamais réussi à déboucher sur des concepts fondamentaux acceptables pour tout le monde, c’est-à-dire à se constituer en véritable science.

J’entends donc montrer que ce que l’anthropologie n’a pas réussi, la Bible et les Evangiles permettent d’une certaine façon de le faire.

La lecture que vous en proposez défend donc l’idée que les Evangiles constituent avant tout une théorie de l’homme. A vous suivre, ils nous auraient apporté un véritable savoir sur la violence dans les communautés humaines, et ce savoir serait désormais incorporé à l’échelle de l’hu manité entière. Est-ce que nous serions tous chrétiens, même sans le savoir, même en refusant de l’être ?

Nous sommes en effet tous imprégnés de christianisme dans notre savoir de la violence. Lorsqu’on dit «bouc émissaire», dans la langue quotidienne, chacun sent désormais qu’une communauté est capable de se mobiliser tout entière, par contagion mimétique, contre une victime qui n’a rien à voir avec les raisons pour lesquelles on a persécute. Ce savoir-là, les communautés primitives ne le possèdent pas.

La religion archaïque, c’est l’époque où les hommes sont incapables de supprimer leur violence sans violence. Ils ont donc besoin de victimes dans la culpabilité desquelles ils croient. A l’opposé, je défends la thèse que nous sommes entrés, avec le judéo­christianisme, dans un univers qui a une vocation antisacrificielle, non violente. Le christianisme, ce n’est pas du sentiment. C’est une structure des rapports humains qui nous rend beaucoup plus libres parce qu’on n’y trouve pas ces évacuations sacrificielles et ces illusions nous empêchant de voir ce qui se joue sous les rapports humains. Il nous apporte ainsi un degré de conscience qui n’était pas là.

La pierre angulaire sur laquelle repose tout votre travail, depuis «Mensonge romantique et vérité romanesque» qui date de 1961, c’est la notion de «désir mimétique». Comment le définiriez-vous ?

On peut le définir en l’opposant à notre conception du désir individualiste : j’ai mon désir bien à moi et personne ne va m’empêcher de désirer ce que je veux. Ce désir-là, nous avons l’impression qu’il fait partie de notre être. Mais, si c’était vrai, cela voudrait dire que notre désir serait fixe. Qu’il serait donc comme un instinct. Comme un appétit ou un besoin. Par conséquent, il ne serait pas libre. Car la liberté du désir, c’est la liberté de changer d’objet. Et je pense que cette liberté est liée au changement de modèle. Si ce modèle est trop proche de nous, sur le plan culturel, désirer selon lui c’est désirer ses objets. Et vous tombez là sur le dixième commandement de Dieu qui interdit de convoiter la femme, la maison, le serviteur ou le bœuf de son prochain.

Tout ce qui appartient au prochain est, d’une certaine manière, supprimé comme objet du désir. On voit donc ici que le désir vient du prochain. Et on s’oriente vers la notion du désir comme imitation qui apparaît directement dans les Evangiles. Ce qui m’intéressait, c’était de faire le lien entre ces deux choses.

Dans ce nouveau livre, vous entendez démontrer la singularité et la supériorité du christianisme par rapport aux autres uni vers religieux. Vous vous exposez ainsi au reproche d’ethnocentrisme…

En effet. On admet généralement que toutes les civilisations ou cultures devraient être traitées comme si elles étaient identiques. Dans le même sens, il s’agirait de nier des choses qui paraissent pourtant évidentes dans la supériorité du judaïque et du chrétien sur le plan de la victime. Mais c’est dans la loi juive qu’il est dit: tu accueilleras l’étranger car tu as été toi-même exilé, humilié, etc. Et ça, c’est unique.

Je pense qu’on n’en trouvera jamais l’équivalent mythique. On a donc le droit de dire qu’il apparaît là une attitude nouvelle qui est une réflexion sur soi. On est alors quand même très loin des peuples pour qui les limites de l’humanité s’arrêtent aux limites de la tribu.

Historiquement, dans son rapport aux victimes, le monde chrétien s’est longtemps comporté comme une société archaïque …

Oui, c’est vrai, mais il faut distinguer deux choses. Il y a d’abord le texte chrétien qui pénètre lentement dans la conscience des hommes. Et puis il y a la façon dont les hommes l’interprètent. De ce point de vue, il est évident que le Moyen Age n’interprétait pas le christianisme comme nous. Mais nous ne pouvons pas leur en faire le reproche. Pas plus que nous pouvons faire le reproche aux Polynésiens d’avoir été cannibales. Parce que cela fait partie d’un développement historique.

Notre siècle est-il meilleur ? Comment expliquez-vous que le souci des victimes apporté par la révélation évangélique n’ait pas empêché les grands massacres du nazisme ou du communisme ?

Il faut commencer par se souvenir que le nazisme s’est lui-même présenté comme une lutte contre la violence: c’est en se posant en victime du traité de Versailles que Hitler a gagné son pouvoir. Et le communisme lui aussi s’est présenté comme une défense des victimes.

Désormais, c’est donc seulement au nom de la lutte contre la violence qu’on peut commettre la violence.

Autrement dit, la problématique judaïque et chrétienne est toujours incorporée à nos déviations. Et on s’aperçoit que l’homme est infiniment subtil dans sa façon d’utiliser pour la violence ce qui veut être contre la violence. Mais, s’il est très bien de compatir au sort des malheureux, il faut aussi reconnaître que nous vivons dans la meilleure société que le monde ait jamais connue. Nous connaissons une amélioration du social qui dure depuis le haut Moyen Age. Et notre souci des victimes, pris dans son ensemble comme réalité, n’a pas d’équivalent dans l’histoire des sociétés humaines.

On ne peut donc pas supprimer les possibilités positives de cet univers : nous sommes toujours plus libres, du bien et du mal. C’est ce qui fait que notre époque est loin d’être terne, ennuyeuse ou désenchantée. Elle est à mon avis extraordinairement mouvementée, tragique, émouvante et intéressante à vivre. C’est-à-dire toujours ouverte sur les extrêmes du bien et du mal. Aujourd’hui, l’avenir du monde s’ouvre.

Vous écrivez que l’avènement d’une culture planétaire serait lui-même une conséquence de ce souci des victimes. La mondialisation ne serait donc pas d’essence économique ?

Le souci des victimes a en effet unifié le monde. C’est la même chose qui fait dire que les hommes sont de plus en plus libres et de moins en moins contraints par les frontières. Qu’est-ce qu’une frontière sinon un endroit où, si les gens traversent, on les accueille à coups de fusil. C’est donc un phénomène sacrificiel.

En anthropologue, vous opérez une lecture désacralisante des textes sacrés. Est-­ce que vous n’escamotez pas l’essentiel, à savoir la foi ?

Non, pas du tout. La seule chose que j’essaie de faire, c’est de restaurer la dignité intellectuelle du christianisme. Avoir la foi, cela consiste à dire que c’est une vérité qui vient d’ailleurs. Moi, j’ai la foi et c’est ce que je dis. Mais il n’est pas question de le prouver en écrivant un livre comme celui-ci.

L’HEBDO, 18 novembre 1999, propos recueillis par Michel Audétat

«Je vois Satan tomber comme un éclair», de René Girard, Grasset, 297 pages

37 Responses to Economie: La vraie mondialisation, c’est le christianisme (René Girard)

  1. […] in town without a Christmas tree … Adam Sandler Hanoukah serait-il l’histoire d’une mondialisation qui aurait mal tourné? . Nom hellénisés, costumes grecs, construction d’un gymnase au cœur […]

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  2. […] Le christianisme peut maintenant continuer à s’étendre même sans la loi, car ses grandes percées intellectuelles et morales (…) ont fait de nous des chrétiens qui s’ignorent. René Girard […]

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  3. […] aussi comment ne pas repenser, comme le rappelle souvent René Girard,  aux pages prophétiques de Nietzsche contre “le crucifié” qui interdit les […]

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  4. […] Mais aussi pour nos valeureux médias qui, au-delà de la simple solidarité humaine, ont eux rivalisé d’ignorance par rapport aux « valeurs de liberté et de dignité que nous avons en partage », et plus précisément à toute notre tradition spécifiquement occidentale et judéo-chrétienne du souci de la victime … […]

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  5. […] Il faut se souvenir que le nazisme s’est lui-même présenté comme une lutte contre la violence: c’est en se posant en victime du traité de Versailles que Hitler a gagné son pouvoir. Et le communisme lui aussi s’est présenté comme une défense des victimes. Désormais, c’est donc seulement au nom de la lutte contre la violence qu’on peut commettre la violence. René Girard […]

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  8. […] que pointant les apports indéniablement libérateurs du christianisme mais aveugles à l’évidence d’une violence purement humaine et pour […]

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  9. […] Les mondes anciens étaient comparables entre eux, le nôtre est vraiment unique. Sa supériorité dans tous les domaines est tellement écrasante, tellement évidente que, paradoxalement, il est interdit d’en faire état. René Girard […]

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  32. […] Les mondes anciens étaient comparables entre eux, le nôtre est vraiment unique. Sa supériorité dans tous les domaines est tellement écrasante, tellement évidente que, paradoxalement, il est interdit d’en faire état. René Girard […]

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  33. […] Il faut se souvenir que le nazisme s’est lui-même présenté comme une lutte contre la violence: c’est en se posant en victime du traité de Versailles que Hitler a gagné son pouvoir. Et le communisme lui aussi s’est présenté comme une défense des victimes. Désormais, c’est donc seulement au nom de la lutte contre la violence qu’on peut commettre la violence. René Girard […]

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  34. jcdurbant dit :

    Vous avez dit valeurs (judéo)chrétiennes ?

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