Rwanda: Qu’un sang impur…! (Was the French revolution a racial war?)

Clovis
Imagine-t-on des Français reprochant à d’autres leur ascendance romaine plutôt que gauloise ? Dominique Franche
Une nation ne se régénère que dans un bain de sang. Saint Just
L’arbre de la liberté doit être revivifié de temps en temps par le sang des patriotes et des tyrans. Jefferson
N’immolera-t-on pas à leurs mânes impatientes ces Galonné, ces Breteuil, ces Brienne, etc., dont le sang impur n’expiera jamais les larmes qu’ils nous ont fait verser…? 16 janvier 1790
En regrettant de n’avoir pu, auparavant, tremper leurs mains dans le sang impur des ennemis de la patrie … 6 mars 1792
Les Allemands s’en souviendront; leur sang impur fécondera peut-être cette terre ingrate qui en est abreuvée … 12 octobre 1792
Le sang impur des satellites d’un despote eût plutôt souillé l’éclat de vos armes, que d’ajouter à votre gloire … 21 novembre 1792
La nation française, toujours généreuse et magnanime, ne veut pas souiller son territoire du sang impur d’un roi … 7 janvier 1793
Le sang des patriotes se mêlera avec le sang impur des mauvais citoyens … 15 janvier 1793
Pourquoi le Tiers-Etat ne renverrait-il pas dans les forêts de Franconie toutes ces familles qui conservent la folle prétention d’être issues de la race des conquérants …? Abbé Sieyès
La Révolution (…) a affranchi les Gaulois de la conquête des Francs. Napoléon
Nous croyons être une nation, et nous sommes deux nations sur la même terre, deux nations ennemies dans leurs souvenirs, inconciliables dans leurs projets : l’une a autrefois conquis l’autre ; et ses desseins, ses vœux éternels sont le rajeunissement de cette vieille conquête énervée par le temps, par le courage des vaincus et par la raison humaine. (…) Tout ce qu’avait produit, dans l’ordre politique, la succession des événements arrivés en Gaule depuis la chute de l’empire romain, cessa d’exister par la révolution française. Augustin Thierry (1835)
On doit noter que le premier à prendre à son compte la coexistence en France de peuples différents, d’origines différentes, fut aussi le premier à élaborer une pensée raciale définie. Le comte de Boulainvilliers, noble français qui écrivit au début du XVIIIe siècle des oeuvres qui ne furent publiées qu’après sa mort, interprétait l’histoire de la France comme l’histoire de deux nations différentes dont l’une, d’origine germanique, avait conquis les premiers habitants, les « Gaulois », leur avait imposé sa loi, avait pris leurs terres et s’y était installée comme classe dirigeante, en « pairs » dont les droits suprêmes s’appuyaient sur le « droit de conquête » et sur la « nécessité » de l’obéissance toujours due au plus fort. Hannah Arendt (L’impérialisme)
Si les négriers sont glorifiés et si les racistes sont au Panthéon, ce n’est pas étonnant que les banlieues brûlent ! Claude Ribbe (Le Crime de Napoléon)
La traite n’avait pas pour but d’exterminer un peuple. (…) Le génocide juif et la traite négrière sont des processus différents. Olivier Pétré-Grenouilleau

S’il est vrai que les Hutu et Tutsi ne sont pas, et n’ont jamais été des ethnies, il n’en demeure pas moins qu’ils forment aujourd’hui deux communautés de la peur antagonistes dont l’existence ne peut être niée. Il faut du temps pour se déprendre d’un discours dominant, martelé d’unvulgarisateur à l’autre, il faut du temps pour faire passer auprès du public le fruitde longues recherches (…). Malheureusement, pareille rupture ne se produit, tropsouvent, qu’après un événement dramatique: la découverte des campsd’extermination a permis de disqualifier le racisme de l’anthropologie physique enEurope, sans pour autant parvenir à l’éradiquer. (…) Le drame rwandais etburundais devrait nous mettre en garde contre ce même racisme appliqué àl’Afrique. Il a fallu de la théorie pour que soit perpétré le génocide à la machette,et cette théorie venait d’Europe. C’est l’idée d’une noblesse conquérante d’ascendance franque, convertie avec Clovis au christianisme, régnant sur un peuple de gallo-romains, et créant à partir de l’Île-de-France, un royaume centralisé. La guerre entre les deux races produit la Révolution de 1789, révolution raciale voire «guerre ethnique» qui renverse et extermine la «race noble»: «La Révolution fut ainsi pensée comme la revanche de roturiers d’origine gallo-romaine contre les nobles d’ascendance franque, à l’époque et jusqu’aux événement de 1848, qui entraînèrent un déplacement de la grille d’intelligibilité de la société française vers l’explication par la lutte des classes». Chez certains Pères Blancs conservateurs ou réactionnaires, «Francs, noblesse, monarchie, christianisme et civilisation formaient un bloc discursif cohérent et résistant» Cette représentation de la société – qui connut une brève résurgence sous Vichy – esquissée chez Étienne Pasquier (1567) et François Hotman (1573), et qui se retrouve dans les écrits de Boulainvilliers, Siéyès ou Guizot, fait des conquêtes et des invasions raciales le «moteur de l’histoire». Aussi Desmoulins écrit-il dans La France libre(1790): «Ceux qui se prétendent nos conquérants seront conquis à leur tour. La nation sera purgée, et les étrangers, les mauvais citoyens, tous ceux qui préfèrent leur intérêt particulier au bien général, seront exterminés», faisant écho à Siéyès, dans Le Tiers État, «Pourquoi ne renverrait-il pas dans les forêts de la Franconie toutes ces familles qui conservent la folle prétention d’être issues de la race des conquérants et d’avoir succédé à leurs droits? La nation, alors épurée, pourra se consoler, je pense, d’être réduite à ne plus se croire composée des descendants des Gaulois et des Romains». La colonisation a changé la signification des mots « Hutu » et « Tutsi » avant de bouleverser la sociogenèse de l’État rwandais. Les deux catégories existaient, en un sens dont on ne saura jamais précisément ce qu’il était dans chaque région avant la colonisation. Mais le contenu de ces mots a changé du fait de la colonisation puis de l’incommensurable cynisme de politiciens rwandais et burundais, et c’est justement parce que les éléments du discours politique étaient anciens et familiers que leur nouvel assemblage a été si efficace. (…) les Rwandais éprouvent plus de difficulté que les « experts »européens à distinguer Hutu et Tutsi…. Il n’en demeure pas moins que certains Tutsi sont reconnaissables, surtout les membres de l’ancienne noblesse, parce qu’ils sont plus grands, ont la peau parfois plus claire et des traits plus fins. Mais la plupart des populations présentent pareils contrastes. L’anthropologue qui mesura des Rwandais au milieu du siècle obtint une moyenne de 1,67 mètre pour les Hutu, contre 1,79 pour les Tutsi. Douze centimètres de différence, la belle affaire! Sous le Premier Empire, Sénateurs et Pairs de France mesuraient en moyenne 1,74 mètre soit précisément… douze centimètres de plus que les conscrits de 1817. Oserait-t-on dire pour autant que bourgeois et nobles d’un côté, ouvriers et paysans de l’autre, formaient deux races ou ethnies différentes? Et cependant, nobles et bourgeois se distinguaient aussi par leur peau blanche et fine ainsi que par leurs mains soignées. La différence des régimes alimentaires,des activités, des critères de choix du conjoint, suffit à rendre compte de ces oppositions dans le cas français. Pourquoi pas au Rwanda? Plus exactement on réduit le conflit à la prétendue ancestrale haine ethnique, ce qui est une manière dedire que nous ne pouvons pas en comprendre les raisons, puisque nous les civilisés nous ne raisonnons pasen ces termes» (p. 94). Pour ceux qui doutent encore de l’actualité et de la prégnance de cesreprésentations, il suffit de se reporter aux compte-rendus d’auditions de certains responsables françaisdevant la Mission d’Information Parlementaire française sur le rôle de la France au Rwanda. Dominique Franche

La Révolution française fut-elle une guerre raciale ?

Entre une Taubira qui a fait voter sa loi sur l’esclavage comme crime contre l’humanité en 2001 (juste avant, accessoirement aux présidentielles de 2002, de faire perdre le chef de sa coalition Jospin pour nous amener Le Pen au 2e tour !) …

Un Bilé qui nous sort les noirs dans les camps nazis (jouant sur la confusion habituelle camps de prisonniers-camps d’extermination et accordant ainsi à nos Dieudonnés & co leur Shoah à eux !) …

Et maintenant un Ribbe qui nous fait le coup du Napoléon nazi (on n’est plus à 150 ans près !) …

On va finir, au rythme où les voitures brûlent, par… désespérer Billancourt!

Mais, plus sérieusement, s’il est bien sûr utile de faire sortir des travaux savants les derniers cadavres qui restent dans les placards de la République …

(il y a effectivement eu des noirs dans des camps de prisonniers allemands – dont le chanteur de gospel ivoiro-français de l’après-guerre John William pour sabotage et donc fait de résistance – qui ont donc droit à notre, il est vrai bien tardive, reconnaissance) …

Comme il est vrai et jusqu’à récemment connu des seuls spécialistes, qu’historiquement, le premier quasi-génocide de l’histoire moderne (dont on a discrètement évoqué le centenaire l’an dernier) …

Etait effectivement un camp colonial où, dans ce qui est aujourd’hui le Botswana, l’Armée coloniale allemande (un temps sous l’administration du père d’un certain… Goering!) a tenté d’écarter et d’exterminer, par l’association alors nouvelle de la déportation et du travail forcé, toute une population noire, les fameux Hereros.

Et s’il semble effectivement étrange que le rétablissement « musclé » de l’esclavage sous l’Empire ne soit pas enseigné dans les livres d’histoire de nos enfants …

Il est quand même dommage que cela soit laissé à des recherches dont la subtilité a souvent peu à envier à celle d’un… Dieudonné!

Il n’est bien sûr pas question ici de défendre le « génial stratège d’Austerlitz », premier « boucher européen » avant Hitler et Staline et grand héros du sieur Villepin (il a quand même bien dû faire, avec les Révolutionnaires qui l’ont précédé, un petit million et demi de victimes ?) …

Mais c’est sûr que, comme disait l’historien Pétré-Grenouilleau (et qui lui vaut son actuelle assignation en justice par un « Collectif Antillais, Guyanais, Réunionnais ») …

On saisit mal la logique qui pousserait l’esclavagiste à… gazer son outil de travail!

Pour autant, faut-il verser dans l’excès inverse et chanter le « comportement exemplaire » de la France …

Comme un Pierre Péan tout récemment pour le Rwanda (Noires fureurs, blancs menteurs) où, on le sait maintenant grâce à lui, c’est les… Toutsis qui ont génocidé les Houtous?

Faut-il, même s’il est naturellement important de rappeler les exactions de la soldatesque d’un Kagamé (au Rwanda mais peut-être surtout après au… Congo !) …

Et les dérives de la dictature des bons sentiments chez de nombreux droits-de-l’hommistes, aller jusqu’à absoudre les Houtous et défendre à toute force les erreurs manifestes de la Françafrique et du clan Mitterrand?

Pourtant, il est des cas où, s’ils ne sont pas sans risque (notamment celui de juger le passé à l’aune de la sensibilité d’aujourd’hui) …

Le « brassage des siècles » et la méthode comparatiste peuvent aussi avoir leurs vertus …

Comme le montrait un an après le génocide rwandais le chercheur français Dominique Franche dans un article particulièrement éclairant des Temps Modernes (« Généalogie du génocide rwandais », mai/juin 1995) …

Et que nous reprenions dans un petit texte de 98 …

QU’UN SANG IMPUR…!
La révolution française était-elle une guerre ethnique?

JC Durbant
Aller Simple
Avril 1998

Heureux qui saisira tes nourrissons pour les broyer sur le roc!
La Bible (Ps. 137:9)

Une nation ne se régénère que sur un monceau de cadavres.
Saint-Just

La passivité de la communauté internationale

Quatre ans déjà depuis l’incroyable déchaînement de violence qui a ravagé le Rwanda au printemps 94 et la communauté internationale ne semble toujours pas avoir emergé de l’état de stupeur qui avait été le sien à l’époque. Et ce ne sont ni le piteux mea culpa de M. Clinton lors de son escale-éclair à l’aéroport de Kigali au début du mois, ni la création plus que tardive d’une “mission d’information” par la France, qui feront oublier les yeux fermés de la communauté internationale au moment du drame. La vérité, c’est que, traumatisés par leur amère expérience somalienne de 93 (30 soldats tués) ou très sérieusement compromis par 20 ans de coopération et de soutien pour le moins inconsidérés d’un régime qui se révélera génocidaire1, ni les uns ni les autres n’ont respecté les engagements pris après la seconde guerre mondiale contre les crimes de génocide. Bien plus, les deux pays useront de toute leur influence pour retarder le plus possible la résolution des Nations-Unies en ce sens, et ce malgré les informations précises de leurs services secrets sur place au moins trois mois avant les événements.

Quant aux spécialistes, c’est d’une autre forme de paralysie qu’ils semblent avoir été pris, tétanisés qu’ils sont autour de leur interminable débat pour ou contre les explications traditionnelles de la tragédie (“fatalité du tribalisme africain”, “retour à des querelles ancestrales”, “férocité inhérente à ces sociétés”).

Prendre au sérieux notre incompréhension

Pourtant, avant de se résigner à l’incompréhension ambiante (ou à l’indifférence, fille de la première), il faut donner sa chance à une perspective – souvent refusée par les divers spécialistes2 – qui seule prend au sérieux cette incompréhension3 où nous sommes. Il s’agit tout simplement de la comparaison avec notre propre histoire qui a le mérite de nous faire toucher du doigt ce qui nous rend ces situations aussi étrangères. A savoir, pour une bonne part, le fait qu’elles font référence à des notions – la race, le sang – qui nous sont de moins en moins familières ou en tout cas ne subsistent guère plus chez nous qu’à l’état de vestiges un peu honteux.

La guerre des deux races: Gaulois contre Francs

Qui se souvient en effet que le “sang impur” de notre hymne national se réfère à celui des ennemis de la Révolution, c’est-à-dire à celui des aristocrates émigrés et de leurs alliés étrangers? Qui se rappelle de l’ironique suggestion de l’abbé Sieyés à la veille de la Révolution: “Pourquoi le Tiers-Etat ne renverrait-il pas dans les forêts de Franconie toutes ces familles qui conservent la folle prétention d’être issues de la race des conquérants …?”. Qui se souvient encore que jusqu’à la Révolution de 1848, l’opposition entre nobles et roturiers restera interprétée comme la guerre de deux races: la franque contre la gauloise ? (“La Révolution (…) a affranchi les Gaulois de la conquête des Francs”, écrira Napoléon dans ses mémoires de l’île d’Elbe). Vercingétorix contre Clovis! (on n’est plus à un anachronisme, ni à 500 ans près…). Mais on imagine la confusion de la génération des futurs Danton ou Robespierre s’ils avaient dû réciter sur les bancs des écoles des Frères – l’instruction publique était, on le sait, à la charge de l’Eglise – le credo républicain de Jules Ferry, “Nos ancêtres les Gaulois …”, dans un pays qui avait choisi de s’appeler “France”!

Toujours est-il que le mythe de l’origine franque de la noblesse, dont celle-ci s’était auparavant si abondamment servie, allait effectivement se retourner contre elle, la Révolution apparaissant alors comme la revanche de la race des Gaulois, roturiers fils de Gaulois, contre les nobles, descendants des conquérants francs, qui les avaient asservis pendant si longtemps. Mais ce qu’on oublie souvent, c’est que ces distinctions qui aujourd’hui nous semblent incompréhensibles, étaient prises très au sérieux à l’époque et surtout qu’elles avaient des effets bien réels sur les comportements des populations et peut-être même sur leurs caractéristiques physiques. Ainsi on sait que les nobles avaient tendance à être plus grands que la moyenne, probablement grâce à une alimentation plus riche mais aussi certainement par un processus d’auto-sélection (se mariant entre eux et avec les femmes les plus convoitées). De même, leur relative oisiveté leur assurait une peau plus blanche et des mains plus fines, contrairement aux roturiers voués eux aux travaux les plus durs dans les champs. Ainsi se trouvaient objectivement et subjectivement validées -“naturalisées” en quelque sorte – de simples différences de mode de vie et de reproduction.

Il était une fois deux groupes en présence…

Comparaison n’est pas raison, direz-vous. Pourtant, les ressemblances sont plus que frappantes. Imaginez, à quelques milliers de kilomètres et à un siècle de distance, deux groupes en présence. D’un côté, les Toutsis, minoritaires (peut-être 10% de la population totale) que les premiers colons européens semblent avoir très tôt associés à une aristocratie ou à une noblesse. Il est vrai qu’au centre du pays une partie d’entre eux sont organisés en royaume avec un système plus ou moins étendu de lignées royales (et sur lesquelles il est donc commode de s’appuyer pour contrôler le pays). Ils sont certes loin de former une catégorie homogène, mais ils concentrent souvent entre leurs mains à la fois le pouvoir économique (sous la forme de très grands troupeaux) et le pouvoir politique (selon leur proximité aux lignées royales).

Contrairement à ce qui se passe dans de nombreuses autres régions d’Afrique, ils partagent avec l’autre groupe langue, culture, religion et même le territoire (autrement dit, ils ne possèdent aucune des distinctions qui font normalement les ethnies). Mais, c’est vrai, ils semblent plus grands, élancés, le port altier, le teint un peu plus clair, les traits plus fins.4 Les colons ont alors vite fait de leur attribuer une origine mythique. Ils seront donc des “Hamites” – dans le langage mythico-biblique de l’époque – c’est-à-dire descendus par Cham, le fils maudit de Noé, de l’Ethiopie ou de l’Egypte, ayant asservi et régnant sur l’autre groupe.

L’autre groupe (on ne parlera pas de la toute petite minorité des Twas, méprisés par tous et apparemment descendants de pygmées), c’est les Houtous, que les mêmes Européens semblent avoir voués au rôle de roturiers car ils sont plutôt agriculteurs et surtout sous la dépendance des premiers (sauf au Nord où certains d’entre eux ont préservé des sortes de micro-royautés). Mais ces catégories ne sont pas parfaitement étanches et de temps en temps des fils de “roturiers” houtous riches peuvent épouser des femmes toutsies, et leurs descendants intégrer “l’aristocratie” tousie; inversement, il peut aussi arriver à des “nobles” toutsis appauvris de se retrouver déclassés au rang de “roturiers” houtous.

Une Révolution sous les tropiques

Un jour, les premiers colons (allemands) perdent une guerre dans la lointaine Europe, alors d’autres (plutôt belges, accompagnés de nombreux missionnaires) viennent prendre leur place. A un moment, le roi toutsi se montre un peu récalcitrant, alors on le dépose et le remplace par un fils plus docile qui, nouveau Clovis, se convertit et entraine tout son peuple dans le christianisme. On crée des écoles pour “le peuple” qui aboutissent à la création d’une deuxième élite, houtoue, concurrente de la première.

Puis, vient le temps des indépendances et le roi toutsi semble perdre patience, alors on va encourager la formation d’un parti houtou, plus conciliant car n’ayant rien à gagner au maintien du statu quo. L’indépendance voit la victoire du groupe majoritaire, les houtous, et – surprise ! – ces derniers interprètent celle-ci comme une nouvelle Révolution du “Tiers-Etat” houtou sur les “aristocrates” toutsis, cette race d’ ”envahisseurs » qui feraient mieux de s’en retourner dans leur maudite Ethiopie, etc. Les massacres vont alors commencer et se répéter à intervalles réguliers sur une trentaine d’années – comme l’Europe l’avait découvent auparavant, rien de tel que des pogroms périodiques (il faudrait parler ici d’”anti-hamitisme”) pour renforcer le pouvoir d”un régime défaillant! Surtout qu’à chaque fois, se renforce un peu plus “la menace extérieure” des réfugiés et émigrés toutsis dans les pays voisins, qui peu à peu s’organisent, s’arment et tentent à plusieurs reprises de reprendre le contrôle de “leur” pays.5 Heureusement, les alliés belges et français veillent et ils sont repoussés.

La “solution finale” plutôt que le partage du pouvoir

Jusqu’à ce fatidique printemps 94 où, soutenus par certains pays voisins comme l’Ouganda, les envahisseurs semblent sur le point de parvenir à leurs fins (plus grave encore, certains Houtous modérés envisageraient même de partager le pouvoir avec eux !) mais les extrémistes houtous ont tout prévu et, profitant de l’assassinat “providentiel” du président et du départ des casques bleus et diplomates occidentaux, vont pouvoir enfin appliquer leur version de la “solution finale”.

On avait d’ailleurs eu amplement le temps de “répéter” pendant toutes ces années et la sophistication administrative du pays léguée par les Européens va considérablement faciliter les choses (la mention ethnique, notamment, sur les cartes d’identité), sans compter l’entraînement généreusement fourni par les anciens colons, belges donc mais surtout français. Encadrée par des milices bien rodées et maintenue dans un climat de terreur permanente (entretenu par une radio déchaînée et facilité, il est vrai, par le fait que les troupes toutsies sont effectivement aux portes du pays), une bonne partie de la population va ainsi se mettre au “travail”, selon le terme utilisé alors.

On connaît le résultat: peut-être 10% de la population massacrée en quelques mois (soit quelque 850 000 Toutsis et opposants houtous pour une population originelle de huit millions (qu’on imagine l’équivalent de six millions de morts pour un pays comme la France ou peut-être la population totale de la Californie pour un pays comme les EU!)

Tout est construction

Naturellement, ce type de reconstitution et les filiations qu’elle fait apparaître peuvent sembler un peu forcées. Mais, contrairement aux disputes sans fin des spécialistes pour savoir si la guerre civile du Rwanda était ou non d’origine ethnique ou tribale, elles ont le mérite de faire apercevoir un certain nombre d’évidences. Tout d’abord, qu’il est futile de vouloir rendre responsables en bloc (ce qui n’empêche pas les responsabilités individuelles) les églises et leurs écoles, la même école (comme à Linz en Autriche, pour prendre un exemple plus près de nous) pouvant produire, on le sait, le plus grand “ boucher” (Hitler) aussi bien que le plus grand philosophe (Wittgenstein). Mais surtout, qu’un pouvoir bien décidé (de préférence totalitaire) peut (pourvu qu’on lui en donne le temps et les conditions tant soit peu critiques – surpopulation, extrême pénurie foncière, analphabétisme), faire de toute situation, même formellement non-tribale au départ, une situation tribale et préparer au génocide sa population, à force de propagande, manipulations raciste de l’histoire, incitations à la haine raciale, accoutumance aux massacres par une longue tradition d’impunité, installation de la peur de l’autre, etc.

Autrement dit, que tout est “construction”6 dans les sociétés humaines (l’Histoire comme toute forme de catégorisation des populations) et que les moins ”scientifiques” de celles-ci (la race, le sang) peuvent produire les effets les plus réels et les plus dévastateurs, à côté desquels les querelles savantes apparaissent souvent bien dérisoires.7

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Notes:

1) Par peur de voir “tomber la région dans le giron américain” (en fait, les EU ne soutiennent pas directement les rebelles toutsis mais plutôt l’Ouganda, dernier bastion contre l’expansionnisme islamiste soudanais), la France n’interrompra pas immédiatement ses livraisons d’armes au régime houtou et profitera même de ses opérations humanitaires pour évacuer discrètement certains dignitaires dont plusieurs artisans du génocide.

2) L’exception étant Dominique Franche, dont le lumineux article des Temps modernes (« Généalogie du génocide rwandais », mai/juin 1995) nous a largement inspiré ici.

3) Prendre au sérieux notre incompréhension, c’est aussi se demander ce qui fait notre étonnement devant des pratiques autrefois courantes aux EU (lynchages) ou dans nos campagnes (magie, sorcellerie, accusations systématiques de “mauvais oeil” ou d’empoisonnement, rumeurs “folles”), mais toujours actuelles dans certaines parties du monde – cf. la représentation des Toutsis lors du génocide comme “des diables venus d’un autre monde, avec des queues, des cornes, des sabots, des oreilles pointues et des yeux rouges qui brillent dans le noir”.

4) Une bonne et impressionnante illustration de cette représentation dans l’imaginaire occidental de l’époque est la très photogénique version des “Mines du Roi Salomon” de 1950, avec Stewart Granger et Deborah Kerr, où les chefs toutsis (crédités au générique et sans doute interprétés par des Tousis réfugiés au Kenya) apparaissent sous la forme de géants de légende (plus de 2 m de haut et une incroyable longilignité !).

5) Naturellement, trente ans plus tard, c’est surtout des enfants de ces premiers réfugiés qu’il s’agit ici, d’où d’ailleurs leur nostalgie quasi “sioniste” du retour (on pense à la célèbre chanson de Bob Marley tirée du psaume 137 de la Bible: “By the rivers of Babylon … we remember Zion …”).

6) Ou “reconstruction” à partir de différences objectives (sexe, pigmentation, forme du corps, etc.) plus ou moins valorisées.

7) Comme si un massacre “scientifiquement fondé” acquérait par là même on ne sait quel surcroît de justification! – cf. le temps qu’il a fallu à une certaine intelligentsia, plutôt parisienne, pour reconnaître l’étendue des “dégâts” provoqués par les terreurs successives de l’histoire récente: française (et ses 250 000 Vendéens, 1 sur 4!), bolchévique et staliniste, puis maoïste et khmère rouge, sans oublier la plus oubliée de toutes, celle de l’Indonésie en octobre 1965 (où s’appuyant sur les masses musulmanes fanatisées, le general Souharto – toujours en place aujourd’hui – se débarrassa à bon compte d’un demi-million de ses adversaires communistes !).

Voir encore:

Sommes-nous tous des Tutsis ?
Dominique Franche
Cahiers de l’IUED
1997

Plus de deux ans après le génocide rwandais, Hutus et Tutsis se déchirent encore, au Rwanda comme au Burundi. Les médias parlent de « haines ethniques » ou de « conflits tribaux », rejetant ainsi ces pays dans l’altérité radicale des peuplades préhistoriques. Comme si l’Afrique constituait une anomalie tribale, une sorte d’enclave de sauvagerie sur une planète que l’on nous dit pourtant en marche vers l’avenir radieux de la mondialisation et de la nouvelle croissance immanquablement engendrée par celle-ci.

2Anomalie ? Enclave ? A y regarder de plus près, Rwanda et Burundi ne semblent pas si exceptionnels. Les médias n’ont-ils pas réduit le conflit yougoslave à des oppositions « ethniques » ? Ne prévoient-ils pas des affrontements « ethniques » dans les banlieues françaises ? Bonnes gens, prenez garde : les sauvages sont parmi vous ! Demain, poussés par la haine « ethnique », ils courront vous fracasser les os comme les Hutus ont fracassé ceux des Tutsis… Nous serions tous des Tutsis en puissance.

3Laissons là ces discours caricaturaux : il suffit de lire les journaux pour en trouver de plus simplistes et de plus ridicules encore. Et revenons à l’exemple de l’histoire rwandaise, dont l’analyse peut permettre de comprendre les dangers du « tribalisme » tel qu’on le développe un peu partout.

Comment naquirent les Tutsis : du racisme colonial…

4L’histoire et les conditions socio-politiques ayant abouti au génocide d’avril 1994 ont été si brouillées par les discours médiatiques qu’il convient d’en rappeler brièvement quelques traits1.

5A la veille de la décolonisation, l’administration belge insistait sur la présence au Rwanda de trois composantes dans la population : Hutus (83,5 %), Tutsis (16 %), et Twas (0,5 %). Le fait de se dire hutu, tutsi ou twa ne constituait pourtant qu’un élément parmi plusieurs autres définissant l’identité sociale d’un Rwandais. Il faisait partie de son bwoko, terme difficile à traduire autrement que par « catégorie », « sorte » ou « espèce », employé en kinyarwanda pour les objets comme pour les hommes. Le bwoko d’un Rwandais était à la fois sa profession, sa région d’origine, son clan – voire son lignage, dans certaines régions – ou ce que l’on a malheureusement pris l’habitude d’appeler à l’époque coloniale sa « caste » ou sa « race » et, plus récemment, son « ethnie », terme « politiquement correct » tout aussi déplacé. Selon le contexte, dans une discussion, l’interlocuteur mettait en avant l’un ou l’autre de ces divers aspects de son identité sociale, dont la géométrie variait d’autant plus qu’existait aussi une mobilité entre les trois catégories hutue, tutsie ou twa – plus rarement pour cette dernière – et que le sens donné à ces mots changeait d’une région à l’autre2.

6Ainsi que l’ont montré les historiens Jean-Pierre Chrétien, Jean Rumiya, Catharine Newbury, ou la sociologue Claudine Vidal3, ce sont les administrations coloniales allemande, puis belge, aidées par les Pères Blancs, qui unifièrent et figèrent les notions de Hutu, Tutsi et Twa. Au début du siècle, lorsque les Allemands placèrent le Rwanda sous leur domination, ils y trouvèrent une monarchie chancelante dont l’autorité ne dépassait guère le centre et le sud du pays – la région généralement appelée « Nduga ». Pas assez nombreux pour occuper le territoire, les Allemands recoururent à un système d’administration indirecte, repris par les Belges, à qui la Société des Nations confia le mandat sur le « Ruanda-Urundi » après la Première Guerre mondiale. Les uns comme les autres choisirent de faire respecter dans l’ensemble du pays, y compris là où elle ne s’exerçait auparavant que peu ou pas du tout, l’autorité du souverain local et de ses chefs, des Tutsis issus de quelques puissants lignages du Nduga.

7Au début des années trente, l’administration belge bouleversa les structures de la société rwandaise. Le roi, qui ne se montrait pas assez ouvert à l’évangélisation, fut déposé et remplacé par un de ses fils, plus coopératif mais privé de tout pouvoir réel. Le territoire rwandais fut organisé en « chefferies », elles-mêmes divisées en « sous-chefferies », selon un modèle homogène et centralisateur dont la rationalité était importée de la métropole. A la tête de ces circonscriptions furent placés les seuls Tutsis des lignages apparentés à la monarchie du Ndouga, ceux que l’on appelait alors les « nobles » des grandes familles. Les autres, présentés comme d’extraction moins « noble », furent éliminés du pouvoir, désormais ordonné selon une stricte hiérarchie dite « féodale » alors qu’elle n’était que coloniale : les anciennes structures d’autorité étaient beaucoup plus complexes, variables selon les régions, et leur logique n’avait pas grand-chose à voir avec celle de la nouvelle « féodalité ». Au lieu d’un véritable régime d’administration indirecte, chefs et sous-chefs se virent confier les seules tâches d’exécution, assumant de ce fait la plus grande part de l’impopularité des transformations introduites par les colonisateurs, mais profitant du système pour commettre en outre de nombreux abus.

8Parallèlement à cette réorganisation du pays, était propagée une idéologie raciste justifiant la suprématie tutsie. Confrontés à une logique dont ils comprenaient mal la nature mouvante, les Européens privilégiaient en effet dans l’identité sociale rwandaise le seul élément d’appartenance aux catégories hutue, tutsie ou twa sur lequel ils pouvaient plaquer la grille d’intelligibilité raciologique, élément central et justificateur de la pensée coloniale4. Sans aucun autre élément de preuve, du seul fait que bon nombre de Tutsis, en particulier ceux qui servaient le roi du Rwanda, étaient plus grands et plus clairs de peau que les Hutus, explorateurs, universitaires, missionnaires et administrateurs déduisirent que les différents groupes appartenaient à des races différentes : les Tutsis furent présentés comme la race des « Hamites » – les descendants de Cham, fils maudit de Noé – venus d’Ethiopie ou d’Egypte, une race « supérieure » qui aurait conquis celle des Bantous hutus. Cette théorie « hamitique » héritée de Gobineau5fut diffusée en Europe mais aussi au séminaire et dans les écoles d’administration où les élites tutsies et hutues l’apprirent et l’intégrèrent parfaitement à leur mode de pensée. Lorsque les Belges créèrent un livret d’identité pour recenser les hommes imposables, ils y firent porter la mention : Hutu, Tutsi ou Twa. Ainsi, un seul élément de l’identité sociale rwandaise, éminemment variable et mouvante autrefois, fut isolé de son contexte, figé et choisi par les Européens comme facteur de discrimination, dans le cadre d’une pensée raciste confondant le biologique et le culturel.

9A la fin des années cinquante, sentant venir l’indépendance, une partie de l’élite tutsie, longtemps flattée d’appartenir à une race « supérieure », modifia son discours, en rappelant par exemple qu’existait avant la colonisation une mobilité sociale entre les catégories hutue et tutsie. Il était trop tard : l’élite hutue avait assimilé le racisme colonial à l’école, et, poussée par ceux qui l’avaient le plus propagé – les Pères Blancs – le retournait contre l’élite tutsie. Au lieu d’instruire le procès du colonialisme dans son ensemble, les hommes politiques hutus chassèrent les dirigeants tutsis, leur conseillant publiquement de retourner dans leur Ethiopie ou leur Egypte d’origine. La race des « seigneurs » devenait celle des boucs émissaires.

… aux communautés de la peur

10Le racisme restait alors limité aux seules élites acculturées. Somme toute, les dirigeants tutsis et leur entourage avaient peut-être mérité l’exil après leurs abus commis pendant la période coloniale – et auparavant dans de nombreux cas. Il n’en allait pas de même pour l’immense majorité des « petits Tutsis », pasteurs ou paysans non responsables des exactions perpétrées par les chefs.

11Mais à partir du moment où les dirigeants hutus de la nouvelle République rwandaise reprenaient à leur compte le discours raciste appris au séminaire ou à l’école d’administration, l’amalgame entre les anciens chefs et les « petits Tutsis », innocents des crimes des périodes coloniale et pré-coloniale, ne pouvait pas manquer de se produire. Incapables d’apporter une réponse aux énormes problèmes économiques créés par une démographie galopante, et désireux de masquer des règlements de comptes entre l’élite hutue originaire des régions septentrionales et celle des régions méridionales, les dirigeants eurent beau jeu de diaboliser les Tutsis dans leur ensemble. Les anciens chefs tutsis, réfugiés dans les pays voisins, cherchaient à reconquérir le pouvoir par des attaques aux frontières : ils formaient donc, incontestablement, un ennemi extérieur. Mieux encore : on pouvait dire que cet ennemi était aussi intérieur, puisque de très nombreux autres Tutsis vivaient toujours au Rwanda, mélangés avec les Hutus. Pour des politiciens sans scrupule ou en proie à un complexe obsidional, peu importait que ces Tutsis n’eussent que des liens superficiels avec les anciens maîtres du pays : politiquement, rien de tel qu’un ennemi à la fois extérieur et intérieur pour unir une nation derrière des dirigeants incapables de résoudre les problèmes de l’heure. On martela donc un « anti-hamitisme » semblable à l’antisémitisme européen, et un message simple : les Tutsis voulaient exterminer les Hutus. Résultat : en 1963-1964, quinze à vingt mille « petits Tutsis » furent massacrés au Rwanda après une attaque des monarchistes réfugiés à l’étranger.

12L’amalgame entre les anciens dirigeants et les autres Tutsis ne faisait que commencer. Un tel racisme était pourtant étranger à la pensée rwandaise. Certains hommes politiques n’hésitèrent pas à l’instrumentaliser, en le diffusant de plus en plus largement, et de plus en plus aisément à mesure que disparaissaient les vieillards, ces mémoires vivantes de la société rwandaise précoloniale. L’utilisation des médias, au premier rang desquels la radio – on se souvient peut-être du rôle joué par la sinistre RTLM, la Radio des Mille Collines, en 1994 – permit d’endoctriner la majorité de la population6. L’endoctrinement fut aussi facilité par le maintien d’élites tutsies au pouvoir dans le Burundi voisin, et par la dynamique qui se créa de la sorte entre les deux pays accueillant, qui des réfugiés hutus, qui des réfugiés tutsis, à chaque crise : après le massacre au Rwanda en 1963-1964, les Tutsis du Burundi tendirent ainsi à se comporter davantage, du moins en apparence, comme un groupe uni – ce qu’ils étaient encore moins qu’au Rwanda – alors qu’en réalité seule une fraction de l’élite tutsie s’appuyait sur la peur pour profiter du pouvoir ; parallèlement, une fraction de l’élite hutue utilisait la peur pour se maintenir au gouvernement au Rwanda. Le procédé était identique, et a été de nouveau utilisé en 1972-1973, en 1988 et depuis 1990 de part et d’autre de la frontière, au point que l’on a pu parler de « vase communicant » entre les deux pays.

13De la diffusion d’une idéologie raciste et de la dynamique créée par le voisinage des deux pays sont nées les communautés tutsies et hutues, qui sont des communautés de la peur, pas des ethnies, puisque Hutus et Tutsis ont partagé et partagent la même langue, la même culture, le même territoire, les mêmes croyances religieuses. En 1900, ces communautés n’existaient pas : au Rwanda, Tutsis du Sud et Tutsis du Nord refusaient d’être considérés comme appartenant à la même catégorie, et les Hutus du Nord ou de l’Ouest pouvaient appeler Tutsi tout Hutu, Tutsi ou Twa venu du Sud. En revanche, nier qu’une opposition existe réellement aujourd’hui entre les deux catégories de population n’aurait pas de sens : deux communautés, certes défensives, ont été formées. A chaque crise, Tutsis et Hutus « modérés », c’est-à-dire non racistes, sont éliminés, et les deux communautés se renforcent de plus en plus en tant que telles, chacune étant unie par la soif de vengeance et la peur de l’autre, et cette peur étant renforcée par l’exemple du pays voisin. Mais il s’agit bien de communautés de la peur, poussées l’une contre l’autre par des politiciens qui y trouvent leur compte ou qui s’aveuglent eux-mêmes. Des communautés récentes, pas des ethnies résultant d’une longue histoire culturelle comme on peut en trouver en Afrique et sur les autres continents, où existent des sociétés séparées par la langue, la culture, le territoire et/ou la religion – critères définissant les ethnies au sens anthropologique du terme. Des communautés de la peur, pas des communautés unies autour d’une identité positive : aujourd’hui, Hutus du Nord-Ouest et Hutus du Sud ne s’entendent pas plus entre eux que Tutsis ayant survécu au génocide et Tutsis venus ou revenus de l’étranger en vainqueurs après la guerre de 1990-1994.

Rassurant tribalisme : comment peut-on être Tutsi ?

14En ce cas, pourquoi journalistes, hommes politiques occidentaux, mais aussi certains universitaires s’obstinent-ils à parler d’ethnies, quand des chercheurs ont montré depuis plus de vingt ans ce qu’il fallait en penser ?

15De médiocres capacités intellectuelles, l’ignorance ou le manque de sérieux ne peuvent suffire à rendre compte d’un aveuglement aussi massif devant l’usage impropre des expressions « guerre ethnique » ou « guerre tribale », à propos non seulement de l’Afrique interlacustre, mais parfois aussi de pays beaucoup plus proches de nous, par exemple l’ex-Yougoslavie. On aurait tort de réduire ce point à une simple, et vaine, querelle de mots7. Ce sont précisément les mots employés qui peuvent nous guider pour comprendre ce qui est en jeu : les vocables « tribu » et « ethnie » sont en général appliqués aux peuples sans écriture, aux « primitifs » qu’étudiait naguère l’ethnologie coloniale et qui n’avaient pas atteint un niveau de civilisation suffisant pour avoir l’honneur d’entrer parmi les nations, mot réservé aux peuples des « races supérieures », comme disait le bon républicain Jules Ferry. L’ethnie, c’est l’autre, le sous-développé, le Tutsi.

16Si le concept d’ethnie, débarrassé de ses vieux oripeaux colonialistes, peut avoir un sens dans les sciences humaines pour désigner un groupe humain caractérisé par sa langue, sa culture, son territoire et/ou sa religion, il signifie trop souvent « race » aux yeux d’une opinion qui n’ose plus guère prononcer ce mot depuis quelques décennies. Le glissement s’observe facilement dans les journaux, et chez certains universitaires, à propos des Twas rwandais, que ceux-là disent appartenir à la « race pygmée ou pygmoïde » – d’ailleurs aussi pygmée que les Patagons appartenaient à la race des géants8– alors qu’ils parlent des « ethnies » hutues et tutsies : race d’un côté, ethnie de l’autre, mais c’est tout un. N’oublions pas non plus que le nom « ethnie » fut inventé par le théoricien raciste Vacher de Lapouge, propagé par l’anthropologue antisémite George Montandon, que l’adjectif « ethnique » signifiait autrefois « païen », et que les Grecs opposaient les ethnè à la polis, à la cité. Une guerre ethnique, une guerre tribale, c’est toujours une guerre de sauvages, une guerre de primitifs, pas une guerre de pays modernes : nous ne sommes pas des Tutsis.

17Il est alors bien commode de parler de guerres tribales ou de guerres ethniques à propos d’horreurs qui dérangent. Cela permet aux esprits paresseux de comprendre d’une façon simple des conflits qui dépassent leur entendement, mais, une nouvelle fois, cela ne paraît pas constituer l’explication profonde de l’usage fautif de ces expressions. On peut raisonnablement formuler l’hypothèse suivante : ce tribalisme déplacé viendrait plutôt d’un désir de ne pas chercher à comprendre les véritables enjeux de certains conflits, et ce, pour deux raisons. D’une part, si les ethnies sont le monopole de l’autre, Rwandais, Burundais ou Bosniaque, nous sommes rassurés pour le devenir de nos propres sociétés car cela ne peut pas se produire chez nous, « nations » civilisées qui aurions dépassé le stade de la sauvagerie depuis longtemps, et qui ne pensons pas pouvoir y retomber. Cette forme de pensée tribale aurait donc pour fonction première de nous rassurer en nous présentant les territoires sur lesquels se produisent de tels affrontements comme des exceptions à la règle générale du progrès. Comment peut-on être tutsi ? « Ces gens-là ne sont pas comme nous », et puisque nous ne saurions être des Tutsis, cela ne peut pas nous arriver, dormons en paix.

18D’autre part, la présentation tribale de certaines guerres autorise aussi à penser que nous n’avons pas à intervenir dans des affaires nous dépassant par leur altérité essentielle. Il est en tout cas incontestable que la fameuse et mythique « communauté internationale » – en fait les seuls pays industrialisés ayant les moyens d’intervenir, et qui ne s’en privent pas quand leurs intérêts pétroliers sont en jeu – se donne ainsi bonne conscience à moindre frais : la solution ne peut venir que des peuples concernés, puisqu’eux seuls peuvent comprendre des problèmes qui nous dépassent, qui ressortissent à une logique radicalement différente de la nôtre. Laissons Tutsis et Hutus régler leurs différends. Pourtant, on aurait pu éviter le génocide rwandais en 1994 – d’autant que l’on savait ce qui se tramait. Pourtant, on pourrait aujourd’hui éviter un nouveau génocide au Burundi sans grand déploiement de forces. Pourtant, l’expérience a montré qu’il n’était pas si difficile que cela de mettre fin, au moins provisoirement, à la « guerre ethnique » en Bosnie, cette guerre que les dirigeants européens nous disaient naguère inextricable et nécessitant d’énormes moyens pour la faire cesser. Intervenir pour rétablir la paix est avant tout question de volonté politique et de solidarité. Encore faudrait-il cesser d’être les dupes des discours tribalistes, quitte à nous inquiéter davantage et à dormir moins paisiblement.

Inquiétant tribalisme : nous sommes tous des Tutsis…

19Cessons d’être les dupes des discours tribalistes, d’abord à propos des autres. Les vocables « ethnie », « tribu », ou « race » – que Le Pen tente actuellement de réhabiliter en France – développent la haine à l’instigation de dirigeants qui trouvent un intérêt politique à les diffuser. Ce tribalisme nie l’unité de l’espèce humaine, avec la complicité plus ou moins involontaire de médias, voire d’universitaires qui donnent un fondement « scientifique » à des différences souvent récemment constituées. L’exemple de l’ex-Yougoslavie le prouve. Au début de la guerre, Serbes, Croates et Bosniaques n’y formaient pas des ethnies, au sens propre. L’amalgame des différents Serbes, de Serbie, de Croatie ou de Bosnie, en un seul groupe – ou des Croates ou des musulmans des différentes composantes de l’ancienne fédération yougoslave – est aussi abusif que celui des Tutsis, Hima et autres « Hamites », ou des Hutus et autres « Bantous », des différents pays d’Afrique interlacustre. Mais, comme au Rwanda et au Burundi, des politiciens ont martelé cette idée en s’appuyant sur une idéologie raciste de « purification ethnique », sur une propagande choisissant quelques faits historiques supposés justifier une politique injustifiable, pour asseoir leur puissance et prendre leur revanche sur le régime antérieur. Comme au Rwanda ou au Burundi, l’enchaînement des violences constitue des communautés unies par la peur de l’autre et la soif de vengeance : les massacres perpétrés par les « Oustachis » croates de 1941 à 1945 contre les Serbes ont d’abord servi d’excuse au « nettoyage ethnique » entrepris par ceux-ci à partir de 1991 ; puis, lorsque les Croates ont pris leur revanche en 1995 et envahi la Krajina, les Serbes ont aussitôt fui en masse, de peur d’être massacrés à leur tour. Comme au Rwanda et au Burundi, l’ennemi – serbe, croate ou musulman – a été diabolisé d’autant plus facilement qu’il était à la fois extérieur et intérieur. Comme au Rwanda et au Burundi, le monopole du pouvoir détenu par l’une ou l’autre des communautés dans des républiques nouvellement indépendantes et voisines facilite le mouvement de « vase communicant » de la haine, de même que les exodes successifs et le récit des atrocités commises auprès des populations d’accueil ou des descendants des exilés. Enfin, de même que se répand dans l’Afrique des Grands Lacs le rêve de la création d’un « Hutuland » distinct d’un « Tutsiland », c’est-à-dire d’une séparation territoriale des deux communautés pour éviter la répétition des massacres9, de même les plans de paix successifs ont prévu la constitution d’unités « ethniquement » homogènes dans l’ex- Yougoslavie : la haine, la peur et le traitement partial de l’histoire aboutissent à un résultat semblable.

20Au-delà d’évidentes différences liées à des contextes historiques et sociaux fort divergents, on pourrait montrer plus d’un autre point commun entre Rwanda, Burundi et Yougoslavie, par exemple les résultats de la prépondérance serbe dans les rangs de l’ancienne armée fédérale yougoslave, comparables à celle des Tutsis dans l’armée burundaise, ou l’ambiguïté de certaines interventions « humanitaires ». Ce ne sont pas des « guerres tribales » ou « ethniques » qui déchirent ces pays, mais bel et bien les manœuvres de politiciens criminels qui créent ce que j’appelle des communautés de la peur. Puisque les anciens Yougoslaves sont comparables aux Tutsis et Hutus du Rwanda, pourquoi pas nous ? Je laisse à mes amis suisses le soin de décider si une telle analogie s’applique ou non à la Confédération helvétique, et qui seraient les Tutsis parmi eux. Rappelons en tout cas qu’un pays comme la Belgique n’est pas exempt de cette forme de tribalisme. Certes, Flamands et Wallons s’opposent plus que jamais sur un terrain essentiellement politique ou économique, et non pas guerrier, mais l’on ne saurait mieux montrer à quel point le parallèle s’impose qu’en citant ce mot d’esprit d’un Rwandais, qui me parla de la Belgique comme d’« un petit pays déchiré par les guerres tribales »10 ! Dans notre monde de plus en plus « ethnicisé »11, on peut toujours devenir le Tutsi d’un autre.

21N’oublions pas que des schémas raciaux comparables à l’opposition Hutu/Tutsi furent appliqués à nos sociétés il n’y a pas si longtemps, en Espagne, en Angleterre ou en France12. Qui se souvient que la société française fut pensée, à partir du xvie siècle, comme l’ensemble de deux races : les nobles, descendants des Francs, et les roturiers, descendants des Gaulois ? Il n’y eut guère qu’un génie critique comme Voltaire pour railler ces sornettes, tandis que le comte de Boulainvilliers publiait un livre13dont l’influence s’exerça sur de nombreux auteurs jusqu’au xxe siècle, en particulier sur Gobineau. Pour Boulainvilliers, les seuls vrais Français étaient les descendants des Francs, les nobles, et l’histoire de France était celle de la guerre entre Francs et Gaulois. Ce schéma historique fut si bien répandu que les esprits les plus éminents interprétèrent la Révolution française, en son temps et pendant le xixe siècle, comme la revanche des Gaulois sur les Francs. Pourtant, jusqu’à ce que la commémoration de l’année Clovis vienne nous la rappeler récemment, seuls quelques spécialistes se souvenaient de l’explication de l’histoire de France par la guerre des Gaulois et des Francs. En revanche, c’est précisément la transposition en Afrique de ce schéma de pensée, via Gobineau et les historiens du xixe siècle, qui se trouve à l’origine directe de la vision historique du Rwanda et du Burundi comme de pays habités des Bantous hutus qu’auraient conquis les Hamites tutsis : de cette manière, les Tutsis sont des Francs.

22Sommes-nous pour autant des Tutsis menacés d’extermination ? Il est permis de se poser la question à l’audition de certains discours politiques. Le tribalisme, qui nous rassure lorsqu’il s’agit de pays étrangers, est inquiétant lorsqu’il se décline chez nous. Laissons de côté les paroles démagogiques et haineuses de certains autonomistes corses, ou celles d’un Le Pen, qui revendique aujourd’hui son racisme après l’avoir si longtemps nié : à l’entendre, les Français sont effectivement des Tutsis dont la dernière heure viendra bientôt s’ils ne boutent pas les étrangers hors de France. Beaucoup plus intéressants, et peut-être plus dangereux encore car moins simplistes, sont les discours tenus à droite comme à gauche à propos des banlieues. On nous dit, ce qui est vrai, qu’elles deviennent des ghettos : mais ce sont avant tout des ghettos de la pauvreté, pas des ghettos identitaires. Parallèlement, on affirme contre toute évidence14, à gauche comme à droite, que les immigrés ne s’intègrent plus à la société française. Pleine de bonnes intentions, la gauche a prôné le communautarisme, ou le différentialiste, ou le multiculturalisme à l’anglo-saxonne, contraires à la tradition républicaine d’assimilation progressive. Elle a d’ailleurs alimenté de cette façon le racisme en mettant en avant des différences culturelles qui ont toujours existé à la première génération d’immigrants, mais qui se sont toujours estompées par la suite, et qui continuent à le faire. C’est ainsi que l’on en est venu, surtout à droite, à prédire des affrontements « ethniques » comparables à ceux de Los Angeles ou de Londres.

23D’un côté comme de l’autre de l’éventail politique, ces discours ne peuvent pas être tolérés par les républicains, car ils reposent sur des idées de communautés qui ne sont pas celles de la République. La communauté nationale, tout d’abord interprétée dans le sens d’un organisme territorial excluant tout élément étranger : il n’est sans doute pas nécessaire de rappeler où cette conception organiciste a mené l’Allemagne nazie – et pourtant, l’idéologie géopolitique, qui associe territoire et communauté, revient en force. La communauté « ethnique » ensuite, notion empruntée aux États-Unis, et dont le moins que l’on puisse dire est qu’elle a débouché sur un échec, avec la constitution de ghettos bien réels, y compris là où les intentions de respect des cultures différentes étaient louables au départ. N’est-ce pas l’idée même de communauté dont il faut se défier si l’on ne veut pas se transformer un jour en Tutsi et en Hutu s’entr’égorgeant ? A cet égard, et bien qu’un parallèle avec les Tutsis fût loin de s’imposer au départ, le cas des homosexuels français a fini par attirer mon attention. Le président d’une association d’étudiants homosexuels ne m’a pas caché l’intérêt que lui semblaient présenter mes recherches, a priori fort exotiques, pour les débats agitant les milieux gays15 : les échanges sont en effet extrêmement vifs entre les partisans de la création d’une communauté à l’américaine, et ceux qui dénoncent de telles stratégies identitaires16, considérées comme menant au ghetto, avec tous les dangers que cela implique.

24De fait, les communautés reposent trop souvent sur une opposition à autrui, opposition ressentie à cause du comportement hostile des éléments extérieurs, mais aussi revendiquée par les éléments intérieurs, qui compensent ainsi les humiliations subies en assumant leur différence avec fierté. Peut-être marquée par le péché originel de son origine religieuse, la notion de communauté, qui est au départ la communauté ecclésiale de salut, apparaît en ce moment plus négative que positive. Car c’est dans les périodes de crise, lorsque se posent de graves problèmes d’identité, souvent accompagnés d’un désir de pureté17, qu’elle s’impose sous ses formes les plus dangereuses, les plus tribalistes. Devant ce danger, il faut en revenir à une conception plus démocratique de la communauté, fondée sur une citoyenneté active vécue en vue du bien commun, intégrant ce lien particulièrement fort et enrichissant qu’est le lien de la division18, parce qu’une communauté strictement homogène est une communauté qui devient facilement liberticide.

…et des Hutus

25Ne soyons donc pas dupes des discours tribalistes, ni à propos des autres, ni à propos de nous-mêmes, et ne formons pas des communautés qui voudraient nous transformer en Hutu ou en Tutsi des pays tempérés. Au moment même où l’on nous rebat les oreilles avec la mondialisation, racisme et ethnicisme – ou ethnisme – s’infiltrent partout, véhiculant des messages du type : « Attention, les sauvages sont parmi nous ! donc il faut voter Le Pen. » Mieux vaudrait dire que nous sommes tous des sauvages en puissance.

26Surtout ceux qui votent Le Pen ? Même pas ! Chacun d’entre nous peut basculer s’il ne se montre pas vigilant : non, nous ne sommes pas des Tutsis, nous sommes tous des Tutsis et des Hutus en puissance19.

27 Septembre 1996

Notes

1 On m’excusera de renvoyer à mon article : « Généalogie du génocide rwandais. Hutu et Tutsi : Gaulois et Francs ? », Les Temps Modernes, n° 582 (mai-juin 1995), pp. 1-58.

2 Un homme pouvait être vu comme un Tutsi dans les régions périphériques, parce qu’il venait du centre du pays, où il était cependant considéré comme un Hutu. D’autre part, les enfants d’un Hutu « riche » pouvaient devenir tutsis, tandis que ceux d’un Tutsi « appauvri » devenaient hutus — la notion de « richesse » devant être entendue dans un sens différent de celui que nous lui prêtons aujourd’hui : il s’agit du prestige social, reflété par le nombre de vaches, d’épouses, et par les prestations obtenues.

3 Parmi leurs nombreuses publications, citons : J.-P. Chrétien, « Hutu et Tutsi au Rwanda et au Burundi », et C. Vidal, « Situations ethniques au Rwanda », in : J.-L. Amselle, E. M’Bokolo, Au coeur de l’ethnie, La Découverte, Paris, 1985, pp. 129-165 et 167-184 ; C. Newbury, « Ethnicity in Rwanda : the Case of Kinyaga », Africa, 48 (1978), pp. 17-29 ; J. Rumiya, Le Rwanda sous le régime du mandat belge (1916-1931), L’Harmattan, Paris, 1992, 249 p.

4 Voir : H. Arendt, L’impérialisme, Le Seuil, Paris, 1984 [1951], en particulier pp. 69-169.

5 Auteur de l’Essai sur l’inégalité des races humaines (1853-1855), qui inspira Hitler.

6 Sur le rôle des médias, voir le remarquable ouvrage dirigé par J.-P. Chrétien, Rwanda. Les médias du génocide, Karthala, Paris, 1995, 397 p.

7 Je résume ici des idées développées dans mon article : « Rwanda : etnie, razzismo e buona coscienza », Africa e Mediterraneo, 2 (1995), pp. 43-47.

8 La place manque pour traiter du cas particulier des Twas, groupe de populations rejetées, méprisées ou craintes à la fois par les Hutus et les Tutsis. Le vocable « ethnie » ne saurait pas non plus leur être appliqué, puisqu’ils partagent langue, religion, culture et territoire avec les deux autres catégories, et qu’ils occupaient des conditions sociales fort variées (chasseurs nomades dans la forêt ou les marais du Nord, mais aussi potiers, ou encore exécuteurs des basses œuvres de la monarchie tutsie du Nduga).

9 Ce sont d’abord des hommes politiques américains, profondément ignorants des données du problème rwandais, qui ont proposé une telle solution.

10 Il n’est d’ailleurs pas indifférent de rappeler leur attitude vis-à-vis des problèmes rwandais : pendant la décolonisation, les Flamands s’identifièrent volontiers aux Hutus opprimés par les Tutsis/Wallons, et plaquèrent sur le Rwanda leurs propres problèmes, d’ailleurs, en un sens, plus authentiquement « ethniques » que ceux des Rwandais.

11 Voir les intéressantes analyses de : B. Badie, La fin des territoires, Fayard, Paris, 1995, 276 p.

12 Voir : L. Poliakov, Le mythe aryen, Pocket, Paris, 1994 (éd. o. : 1971), en part. pp. 29-84.

13 Essais sur la Noblesse de France contenant une dissertation sur son origine & abaissement, 1732.

14 De récentes études de I’INED, de l’Insee et du ministère de l’Education nationale prouvent que les immigrés continuent à s’intégrer à la société française, en particulier grâce à l’école, où les enfants d’origine étrangère obtiennent toujours de meilleurs résultats que les « Français de souche » (voir : Le Monde, 23 et 31 mars 1995, 23, 24 et 31 mars 1996 ; Insee Première, n° 458 ; Education et formation, n° 40).

15 Il m’a d’ailleurs appris que mon article consacré au génocide rwandais pouvait être consulté en hypertexte sur Internet à partir d’un serveur gay et lesbien !

16 Y. Roussel, « Le mouvement homosexuel français face aux stratégies identitaires », Les Temps Modernes, 582 (mai-juin 1995), pp. 85-108 ; Gageure, 65 (1996), p. 1.

17 Sur ce point : G. Laval, Malaise dans la pensée, Publisud, Paris, 1995, 303 p.

18 Voir le remarquable article : N. Loraux, « Le lien de la division », Le Cahier du Collège international de Philosophie, IV (1987), pp. 101-124. Sur les questions posées par le communautarisme, voir : Le Banquet, 7 (1995), « Le communautarisme au péril du contrat républicain ? », pp. 149-238.

19 L’attitude passée et présente des autorités tutsies au pouvoir à Kigali m’impose de préciser qu’en écrivant que nous sommes tous des Tutsis et des Hutus en puissance, je n’entends en aucune façon dire que tous les Tutsis sont de braves gens et que tous les Hutus sont d’affreux génocidaires : les réalités rwandaise et burundaise sont infiniment plus complexes.

52 Responses to Rwanda: Qu’un sang impur…! (Was the French revolution a racial war?)

  1. […] Corée du nord, Iran, Cuba ou Turquie et au son d’un hymne national appelant à l’épuration ethnique, un défilé militaire digne des pays totalitaires […]

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  2. […] Corée du nord, Iran, Cuba ou Turquie et au son d’un hymne national appelant à l’épuration ethnique, un défilé militaire digne des pays totalitaires […]

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  3. […] son propre code patriotique, nos cheres tetes blondes sifflent copieusement l’hymne au sang impur ou arrachent son drapeau du fronton de nos mairies quand on ne prime pas les courageux […]

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  4. Coach Factory dit :

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  5. jcdurbant dit :

    ATTENTION: UNE IGNORANCE PEUT EN CACHER UNE AUTRE !

    La question n’est pas de savoir si les Français sont ethniquement d’origine gauloise. Tout le monde sait que pour la plupart des Français ne sont pas d’origine gauloise, et qu’il y a eu dans l’Histoire des mélanges. De même, les Américains en sont pas tous descendants ethniquement des Pères pèlerins, cela ne les empêche pas de fêter Thanksgiving, pour remercier les Indiens de les avoir accueillis. De même, cela n’empêche pas les Italiens d’apprendre l’histoire de Romulus et Remus ou les Mexicains l’histoire des populations indiennes. La, nous créons un grand récit parce que nous en avons besoin. C’est le récit de l’Histoire de France qui correspond à notre nation civique qui justement n’est pas fondée sur le sang mais sur une histoire et des valeurs communes. Ces valeurs doivent être incarnées et intégrées dans cette histoire. Il ne peut y avoir de valeurs abstraites, c’est d’ailleurs un peu le problème de la gauche actuelle qui parle de république, de liberté et d’égalité mais n’accroche pas ces termes à une histoire. La question des Gaulois est absolument fondamentale. Elle signifie qu’on donne à notre nation une racine historique commune. Et une origine orientée, on ne parle pas de nos ancêtres anthropophages par exemple, pourtant c’est aussi la vérité, oui de nos ancêtres qui ont collaboré avec les nazis. Il faut que tout le monde participe à l’apprentissage de ces racines communes qui font sens. Tous ceux qui ne comprennent pas ça ne comprennent rien à la nation civique française, et je dirais même à la politique. Il est assez inquiétant de voir qu’une partie du personnel politique soit à ce point ignorante de la nécessité de construire un récit commun pour maintenir une unité nationale. La nation civique française a même besoin d’avoir un grand récit plus fort, qui remonte loin, justement parce qu’elle n’est pas fondée sur le sang, parce qu’elle n’est pas ethnique. C’est ce que pensait d’ailleurs Napoléon, qui n’hésitait pas à rappeler ces origines gauloises ou le général de Gaulle. En dérogeant à cette tradition qui avait le soutien de gens aussi différents que Clémenceau ou les révolutionnaires de 1789, François Mitterrand montrait seulement qu’il était la victime du politiquement correct laxiste et multi-culturaliste qui dominait en France au début des années 80, et qui a fait tant de mal au pays. Cet imaginaire que nous construisons par l’école, par le grand récit, par la fable, est d’ailleurs loin d’être arbitraire. Il est inscrit sur une réalité historique. Même dans notre langage, même dans les autres symboles, nous avons cette puissance de l’imaginaire gaulois. Par exemple, l’idée-même du coq, ce fameux coq que nous présentons comme le symbole de la France, vient en réalité de la Gaule et des Gaulois. Dans le vocabulaire ancien, les partenaires commerciaux des Gaulois les appelaient « Gau », ce qui signifie « coq ». Le coq se retrouve sur la monnaie, sur des médailles, des statues, des vases, dans la Gaule préromaine. On a donc une sorte de grande tradition. Le coq reste la représentation de la France, jusqu’au Saint-Empire romain germanique qui représente la France par ce « coq ») ce « gau », cette gauloiserie. L’idée donc qu’affirmer « nos ancêtres les Gaulois » serait la preuve d’une inculture est totalement sidérante. Cela prouve au contraire à quel point ceux qui critiquent ont peu de culture. Car ce grand récit est profondément républicain Il faut savoir que lorsque les Francs arrivent, ils inventèrent un autre grand récit pour maintenir l’unité du pays : « nos ancêtres les François ». Évidemment, on savait bien aussi alors qu’il y avait pléthore de Burgondes, de Gallo-Romains, d’Ostrogoths, de basques, de Wisigoths, etc. On savait bien que ce n’était pas vrai au sens ethnique du terme, mais au sens civique Clovis voulait absolument fondre cette nation dans une même unité. Ce récit des François est arrêté au XVIIIe siècle car les aristocrates d’alors inventèrent sous l’influence de l’aristocratie espagnole l’idée d’une « race française », qui aurait le sang bleu. Du coup, il y a eu une sorte d’opposition entre « François » et « Gaulois ». Quand la Révolution Française est arrivée, on a supprimé la référence aux « François et on a commencé à construire ce discours « gaulois », ce qui est devenu la référence de la IIIème République puis de la IVème. L’influence de la Gaule est d’ailleurs très forte dans l’esprit et l’imaginaire. Nous avons hérité d’eux la liberté et l’égalité. Leur esprit de liberté et d’égalité était tellement fort que le père de Vercingétorix, Celtillos, a été mis à mort par sa propre tribu parce qu’ils craignaient qu’ils veuillent devenir roi. Ce sentiment de liberté et d’égalité très puissant a d’ailleurs été noté par Suétone puis Jules César. De même, les banquets, la fabrication du vin, l’organisation de la structure du paysage français en pays sont tous un héritage gaulois. Dans les tribus, qui étaient elles-mêmes des mélanges ethniques, chacun était membre de la tribu à partir du moment où ils partageaient les valeurs de la tribu. Les Tardelli par exemple étaient ainsi un mélange de Basques et de Celtes, et étaient très fiers d’être des Tardelli, sans se préoccuper de l’origine d’untel ou d’untel. Nous avons hérité de ça. Et cet héritage, aucune autre nation du monde ne le possède même si nous trouvons chez les Gallois (le terme vient d’ailleurs de « gau » aussi) et les Ecossais des similitudes. Il est dommage que des politiques ne comprennent pas l’importance de construire un imaginaire, comme toutes les populations du monde le font. Et d’imposer une histoire commune. Nous sommes en crise et nous avons besoin de reconstruire le récit et de remettre du liant à l’intérieur de la société française. Je pense donc que c’est un mauvais procès fait à Nicolas Sarkozy. Et une preuve de l’incompétence de nos politiques à être des politiques.

    Yves Roucaute

    Comme souvent, le buzz masque la teneur exacte du propos, qui est pourtant dans le cas présent assez limpide. Nicolas Sarkozy fait référence à un cliché du « roman national » – lequel a pour vertu de « parler » à tout le monde – afin d’afficher un parti-pris en faveur de l’assimilation. Il s’inscrit dans un débat en effet nécessaire, qui n’est toutefois pas le débat « récit historique ou valeurs communes » mais celui qui oppose multiculturalisme et assimilationnisme. Si on veut donner sens aux termes du débat en circulation, il faut considérer que l’assimilation et le multiculturalisme sont les deux modèles d’intégration entre lesquels il faut nécessairement choisir. Ensuite, se pose évidemment la question des modalités et, dans le cas de l’assimilation, de la conception de l’identité nationale qui fonde le projet d’assimilation. On peut vouloir l’assimilation à une conception ethnique de la nation ou l’assimilation à une conception républicaine, qui associe identité nationale et principes universels. Je suis d’ordinaire plutôt « Sarkophobe », mais je dois avouer que je suis consterné par la malveillance et la bêtise des réactions que suscite un propos dont le seul tort est d’être impeccablement républicain. Nicolas Sarkozy est peut-être inculte, mais tout de même pas au point de penser qu’un néo-Français issue de l’immigration subsaharienne descend en ligne directe des Gaulois ! Son propos est parfaitement républicain et antiraciste puisqu’il signifie qu’être Français n’est pas une question de race, d’ethnie, de racines, de souche ou que sais-je, mais exclusivement une affaire d’engagement personnel par lequel on s’inscrit volontairement dans un nouveau destin collectif. Paradoxalement (mais le paradoxe n’est qu’apparent), ce sont les réactions critiques qui véhiculent une conception raciste ou ethnique de l’identité, en évoquant notamment la notion de « racines » ou en interprétant la formule toute faite « nos ancêtres les Gaulois » dans le sens d’une lignée génétique ou culturelle. Ces réactions témoignent d’une adhésion plus ou moins confuse à un modèle multiculturaliste qui conçoit la France comme une identité informe ou métissée composée de multiples souches, races ou ethnies. Il est intéressant d’observer, à travers les réactions provoquées par un propos pourtant clair et net, à quel point les esprits sont embrouillés sur cette question de l’identité. Que l’histoire de France (comment qu’on la conçoive) soit l’histoire de tous les Français, ou le devienne s’il s’agit de nouveaux arrivants, quoi de plus incontestable ! Bien entendu, les immigrés arrivent avec dans leur bagage une histoire, une culture, des traditions. On est cependant en droit de considérer que la volonté de vivre en France et de devenir Français vaut adhésion à l’identité collective de la France. Ou alors, mais il faut l’assumer clairement, c’est qu’on considère la France comme un territoire neutre, sans identité, une nation sans histoire ni destin, exclusivement destinée à accueillir une multiplicité de traditions, d’identités ethniques et de modes de vie venus d’ailleurs.

    Eric Deschavanne

    Il est très frappant de constater que cette question de l’apprentissage du grand récit ne posait aucun problème aux gens qui arrivaient en France avant les années 1960. Sous l’influence du tournant des années 1960-1970, au nom du respect de la différence, c’est devenu soudainement un problème. Et, dans les années 80, les « demi-habiles » se sont emparés du pays avec le politiquement correct.

    Nous avons alors vu des gens qui ont commencé à dire qu’il fallait accepter les différences de ces gens-là, qu’on ne pouvait pas imposer un modèle unique aux immigrés et qu’il fallait respecter au même titre toutes les civilisations. Je note en passant qu’aucun autre pays d’où venaient ces migrants ne tient ce discours-là ! Dans ces pays, on part du principe qu’il y a des histoires propres, et on demande à ces gens d’apprendre et d’assimiler l’histoire de ces pays pour devenir des citoyens. En France, nous avons eu ce courant déstabilisant depuis les années 1970, où l’on a demandé aux Français un effort pour accepter des cultures qui n’étaient pas assimilables. Qu’un Algérien musulman ne mange pas de porc ou qu’un Hindouiste ne mange pas de viande ne pose aucun problème aux Français. Ce qui pose problème aux Français, c’est qu’on veuille imposer son mode de vie sur le leur et que l’on viole les valeurs sur lesquelles est fondée leur civilisation, telle que l’égale dignité des hommes et des femmes. Les Français considèrent qu’on doit globalement vivre en français. Ils ne veulent pas qu’on leur impose des modes de vie qui ne sont pas les leurs. Et ils comprennent parfaitement que la femme qui porte un burkini, qui met un niqab, est dans une position cde provocation et d‘agression de la France. Aujourd’hui, nous confondons un peu tout. Il faut donc hiérarchiser. Il y a des choses fondamentales où l’on ne peut pas négocier : l’égalité homme-femme, le respect de la dignité humaine, les droits individuels, le mode d’organisation sociale, etc. Le problème du multiculturalisme, c’est qu’il ne différencie rien. il mélange tout, les différences acceptables de celles qui ne le sont pas et le fait qu’il existe un mode de vie français, avec ses obligations et ses sanctions. Nous avons eu ce phénomène pendant 40 ans, surtout à gauche, mais la droite, par peur de la gauche et d’être traitée de raciste ou d’islamophobe, a suivi un peu le mouvement – et on le voit aujourd’hui encore. Il est temps qu’on apprenne à un certain nombre de gens vivant en France qu’il y a des règles à respecter en France. Et, ceux qui n’aiment pas la France doivent soit partir, si c’est possible, soit se plier à nos règles, par la force si possible. Nous manquons d’un Clémenceau.

    Yves Roucaute

    Comme beaucoup de Français je pense, la question de l’intégration ne me paraît pas insoluble pour peu qu’on fasse preuve d’un peu de bon sens. En effet, l’intégration n’est possible que par un effort conjoint de la population qui intègre et de celle qui s’intègre. Le débat porte aujourd’hui principalement sur l’islam. Il est évident que si l’on s’arqueboute sur une conception ethnique de la nation en considérant l’islam comme une religion par essence incompatible avec les valeurs de la République ou définitivement étrangère, l’intégration des musulmans devient impensable et impossible. Il est également évident que les musulmans qui choisissent une interprétation de l’islam et un mode de vie en rupture avec les valeurs et les moeurs françaises peuvent difficilement espérer s’intégrer sans heurts. Être équitable consiste à mes yeux à refuser aussi bien la xénophobie des identitaires que la xénophilie débile de ceux qui vous expliquent que le burkini est un vêtement comme un autre. L’argument multiculturaliste le plus dangereux, fort bien exploité par les islamistes, est celui qui consiste, en récusant la problématique de l’intégration, à affirmer que c’est la carte d’identité qui fait le Français, de sorte que si on peut montrer que les salafistes sont des Français de troisième génération (parfois, on le sait, ce sont même des convertis), cela implique de considérer désormais le salafisme comme une tradition française ou une partie de la culture française. C’est là qu’on mesure l’importance et l’intérêt de défendre l’idée qu’il existe une identité culturelle de la France. Ce qui n’a rien à voir avec le racisme, lequel consiste à estimer que seuls les Français de souche sont aptes à assimiler cette identité.

    Eric Deschavanne

    Le mythe des Gaulois est en effet inventé par « la gauche », si on veut, ou, plus exactement, il est d’origine révolutionnaire : les aristocrates descendant des Francs, il fallait que le peuple eût une autre origine, ancrée dans un passé plus ancien, et donc une légitimité historique plus grande. La question n’est cependant pas là. On se trompe si on imagine que l’on réussira l’intégration en réactivant le roman national du 19e siècle ou en ressuscitant le service militaire. Ces billevesées polluent de débat. On peut être assimilationniste sans être bêtement réactionnaire. L’histoire de France doit être enseignée à tous, sous la forme d’un récit, certes, mais pas d’un « roman » – ni roman national, ni roman anti-national du reste. On peut et on doit faire – comme le suggère Mara Goyet dans la lignée des « Lieux de mémoire » de Pierre Nora – la pédagogie du « roman national » (lequel fait partie de l’histoire de France), afin par exemple de comprendre la place des « Gaulois » dans l’imaginaire national. Mais l’enseignement doit absolument faire prévaloir la vérité historique sur les considérations morales, idéologiques et politiques. Najat Vallaud-Belkacem, qui vient dire aujourd’hui à la télévision que l’histoire doit être véridique, avait au début du quinquennat co-signé avec Vincent Peillon un appel à rectifier les manuels d’histoire pour y faire figurer davantage de femmes – non pas par souci de vérité historique, mais pour faire progresser la cause de l’égalité hommes/femmes, pour donner aux petites filles davantage de supports d’identification. L’enseignement de l’histoire n’a pas à être progressiste ou réactionnaire, il doit se garder d’être édifiant, de prétendre cultiver l’amour de la patrie ou celui de l’égalité. Le culte de la science et de son idéal de vérité est un des marqueurs de l’identité française, héritage des Lumières, de Condorcet et du positivisme. Il faut y tenir car la vérité, par définition universelle, est une valeur commune, un Bien commun qui rassemble les hommes, tandis que l’idéologie divise. Où l’on voit que l’identité française est inséparable du culte de l’universel. Le gouvernement algérien vient de faire retirer des écoles un manuel de géographie au motif qu’il contenait non pas une erreur factuelle, mais au contraire un fait indéniable, une carte où figurait l’État d’Israël. Une telle conception idéologique du savoir scolaire s’inscrit dans un roman national, mais elle est en rupture avec l’idée d’humanité. Un tel modèle ne peut être ni multiculturaliste ni assimilationniste : il rend purement et simplement l’intégration de l’étranger impossible. L’assimilation, il ne faut pas l’oublier, est l’assimilation de l’autre, ce qui suppose l’ouverture et la reconnaissance du commun. On ne peut assimiler en opposant le particulier au particulier, en se coupant de l’universel. Nous assimilerons d’autant mieux si nous récusons la tentation du particularisme ethnique et de la partialité idéologique.

    Eric Deschavanne

    http://www.atlantico.fr/decryptage/nos-ancetres-gaulois-ou-redoutable-piege-tendu-nicolas-sarkozyx-adversaires-tout-poil-yves-roucaute-eric-deschavanne-2826534.html

    Antifrancisme: Le peuple français n’existe pas (How the French people was invented)

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  6. jcdurbant dit :

    ON VEUT PRIVER LES MUSULMANS DE LEUR MARSEILLAISE !

    « Tuez les associateurs où que vous les trouviez. Capturez-les, assiégez-les et guettez-les dans toute embuscade. »

    Coran (9, 36)

    Les passages du Coran de ce genre, qui parlent de combat, il ne faut pas les appréhender sans référence aucune au contexte dans lequel ces textes ont pris place. Le fait est que, contrairement par exemple à la question de manger du porc (lequel est interdit en tout temps et tout lieu), la question de demeurer en paix ou de devoir prendre les armes a été liée au contexte du déroulement de la mission du Prophète.

    Sinon un citoyen d’un pays d’Asie pourrait lui aussi prendre un passage d’un texte aussi essentiel pour la France que La Marseillaise, en extraire ces phrases :
    « Aux armes, citoyens !
    Formez vos bataillons !
    Marchons ! Marchons !
    Qu’un sang impur abreuve nos sillons »,
    et en conclure : « La France pousse les Français à prendre les armes, et à marcher contre tous ceux dont ils jugeraient qu’ils ont du sang impur ».

    Chacun sait que ces phrases de la Marseillaise ont été écrites par Rouget Delisle en 1792 dans un contexte précis (la guerre entre la France révolutionnaire et l’Autriche royale et catholique), et que tous les petits Français qui les apprennent à l’école, tous les athlètes Français qui les chantent dans les stades n’en deviennent pas pour autant des gens belliqueux, sanguinaires et prêts à verser le sang des Autrichiens ou autres !

    https://www.maison-islam.com/articles/?p=341

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  7. jcdurbant dit :

    « Qu’un sang impur abreuve nos sillons » à propos d’une mauvaise querelle
    Jean-Clément MARTIN

    Une interprétation aussi fausse que dangereuse, parce qu’elle nourrit la confusion des esprits, court à propos de l’expression « sang impur » dans la Marseillaise pour faire de ce sang impur celui des des « révolutionnaires », du « peuple » sacrifié pour la bonne cause. Les textes de l’époque démentent catégoriquement cette vision sacrificielle et a-historique. Il faut assumer son passé et éviter de le déformer, pour empêcher des dérives dramatiques.

    Voici quelques citations tirées des Archives parlementaires, dont le site est consultable à cette adresse

    http://frda.stanford.edu/fr/ap

    Diffusez largement et surtout refusez cette lecture qui court sur Internet

    « N’immolera-t-on pas à leurs mânes impatientes ces Galonné, ces Breteuil, ces Brienne, etc., dont le sang impur n’expiera jamais les larmes qu’ils nous ont fait verser…? »

    16 janvier 1790, Tome 11, p. 205

    « en regrettant de n’avoir pu, auparavant, tremper leurs mains dans le sang impur des ennemis de la patrie »

    6 mars 1792, Tome 39, p. 424

    « Les Allemands s’en souviendront (Applaudissements réitérés); leur sang impur fécondera peut-être cette terre ingrate qui en est abreuvée »

    12 octobre 1792, tome 52, page 472

    « Le sang impur des satellites d’un despote eût plutôt souillé l’éclat de vos armes, que d’ajouter à votre gloire »

    21 novembre 1792, tome 53, p. 538

    « la nation française, toujours généreuse et magnanime, ne veut pas souiller son territoire du sang impur d’un roi »

    7 janvier 1793, tome 56, p. 526

    « Le sang des patriotes se mêlera avec le sang impur des mauvais citoyens »

    15 janvier 1793, tome 57, p. 308

    https://blogs.mediapart.fr/jean-clement-martin/blog/100116/quun-sang-impur-abreuve-nos-sillons-propos-dune-mauvaise-querelle

    http://pourquinousprendton.blogspot.fr/2014/02/la-marseillaise-une-importante-precision.html

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